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Monsieur l’Inspecteur,

Monsieur le Conservateur du Musée des Sciences Naturelles, M esdames les Directrices,

Mesdames, Messieurs, Mes chers Collègues, Chers Elèves,

Les chevaliers d’autrefois se préparaient à leur adoubement par une veillée d’armes, des pénitences et des m acérations diverses.

Je ne vous dirai pas que j’en ai fait autant, vous ne me croiriez pas. Mais, sachant ce qui se préparait, devinant l’ampleur que pouvait prendre cette m anifestation, je vous assure que je me suis demandé, un certain nombre de fois, ce que j’avais pu faire pour m e trouver dans la situation où vous me voyez aujourd’hui.

La présence de Monsieur l’Inspecteur d ’Académle, les paroles élogieuses de Madame la Directrice, celles, tout am icales de m on ém inent am i Monsieur JUTTET..., malgré vos m ines encourageantes, com m ent ne pas être accablée par ta n t d ’honneurs en un seul jour ? Cette distinction pour laquelle m es supérieurs m ’ont proposée, je ne puis m ’en sentir digne que si vous en acceptez l ’hommage, vous, mes chers Collègues, ainsi que notre Lycée. Que l’honneur n e soit pas seulem ent pour moi, m ais pour toute la collectivité qui contribue, jour après jour, à faire de cette maison un Etablissem ent solide et réputé, auquel bon nombre d’entre nous ont consacré, avec plaisir, une grande partie de leur carrière.

C’est à vous aussi que je dois de me trouver ici, vous en êtes un peu responsables. Voilà sept ans que vous m ’avez m ise en évidence, à la tête de l’A m icale — et vous avez jugé bon de m y laisser. Il est p eut-être démodé d ’être si solidem ent am icaliste. M on­ sieur JU'TTET vous a appris que je le suis depuis longtemps, sur le plan national, à 1 E.N.S.E.T. et chez les professeurs d ’éducation artistique. J ’en ai toujours retiré beau­ coup de satisfactions et de réconfort. C’est un lien avec les années de jeunesse, un lien entre les am is dispersés, entre les générations. U ne vraie Amicale m aintient le flambeau de 1 amitié, et c’est une grande vertu à une époque où les valeurs m atérielles, utilitaires sem blent l’emporter sur les valeurs affectives.

Si vous avez, comme moi, rencontré dans votre jeunesse des professeurs remarqua- bles je pense à ceux de m on Ecole Normale d ’Arras — vous savez qu’on en reste marqué pour toute son existence. C’étaien t de ces fem m es de l’ancienne génération, toutes semblables encore à celles qu’avait connu ma mère avant 1900, de cette génération’ d’édu­ cateurs qui a donné une âm e à l’enseignem ent public. En un tem ps où on n e choisissait d enseigner que par vocation, elles alliaient à la compétence, un© droiture inflexible et une sévère bonté — le style de l’époque n ’était pas à la facilité —. Elles ne nous passaient rien. D ans la mesure où elles étaien t exigeantes, elles nous ont beaucoup appris.

D ans tout enseignem ent, ceci est vital.

C est à elles, sans nul doute, que je dois d ’avoir toujours aim é notre m étier d’y avoir cru, et de l’avoir pratiqué avec foi et enthousiasm e.

Si les conditions actuelles de l’enseignem ent, surtout dans certaines disciplines, nous donnent parfois l’impression que le sol se dérobe sous nos pieds, faisons cependant confiance aux tem ps nouveaux. Tout évolue si vite que nous avons du m al à suivre, à nous adapter, m ais gardons notre foi en i'avenir de l’un des plus beaux m étiers du monde le notre.

Je remercie Monsieur 1 Inspecteur d Académie de nous avoir fa it le grand honneur de nous consacrer une partie de son tem ps cet après-m idi, marquant ainsi toute l’estime qu’il porte à notre maison.

Ma vive gratitude à Madame la Directrice, qui a voulu associer tout le Lycée à la cérémonie d’aujourd’hui et à Madame l’Intendante qui a bien fa it les choses.

Je remercierai particulièrem ent Monsieur JUTTET. Il est à la fois le m eilleur des am is et la personnalité qui convenait à cette cérémonie officielle : ingénieur, professeur, technicien, conférencier, il y a peu de carrières aussi remplies que la sienne et peu de retraites aussi actives.

^ Il représente aussi parmi nous la génération qui a connu les deux guerres : brillant officier d ’artillerie de la Première Guerre Mondiale, volontaire à celle de 1939.

C’est un honneur pour moi que de l’avoir pour parrain.

Si vous avez senti passer ici l’esprit chaudem ent amical, plutôt que le souffle solennel des pompes officielles, j’espère que cette am biance aura obtenu vos suffrages.

M esdam es et Messieurs les R eprésentants des Parents, Chers Elèves, et vous, mes chers Collègues, pardonnez-m oi d ’avoir entam é sérieusem ent votre après-m idi du jeudi Votre présence m ’assure de votre estim e et de votre am itié — j’y tiens énorm ém ent — et comme on dit en Avignon : je suis infinim ent sensible « à vos bonnes m anières ».

Henri GUITTON : A LA RECHERCHE DU TEMPS ECONOMIQUE (Fayard, Paris 1970). Mon ém inent collègue et néanm oins ami Henri G uitton s ’est depuis de nombreuses années attaché à des recherches de ciném atique économique et de dynamique économique. L’une des plus anciennes est peut-être dans le Traité d’Economie Politique de G aétan Pirou, l’im posant et toujours actuel volum e paru chez Sirey en 1951 (648 pages) sous le titre : Les Fluctuations Economiques. La table analytique de cet ouvrage contenait déjà la distinction auparavant .signalée :

Première partie - Etude ciném atique des fluctuations, D euxièm e partie - Etude dynamique des fluctuations.

Depuis une vingtaine d’années, Henri G uitton n ’a pas cessé de remâcher ce sujet : il est vrai que depuis Léon Walras, la statique, c’est-à-d ire l’absence de tem ps est un peu délaissée en dépit des travaux fort intéressants sur la form ation des prix. Par a il­ leurs, l’économ ie a partiellem ent renoncé aux travaux abstraits qui se croyaient valables pour tous les tem ps et tous les lieux pour s’intéresser aux phénom ènes datés, comme par exem ple les systèm es et structures et ta n t d ’autres sujets. Les faits eux-m êm es, qu’il s ’agisse de l ’inflation perm anente ou de ce qu’on à nom m é l’impulsion K eynesienne (je vise par là les problèmes de l’emploi, de l’investissem ent, etc.) ou encore de la répartition des revenus, appellent des études dynamiques.

Il est donc normal que Henri G uitton ait voulu dans une fresque très synthétique s ’élever au-dessus des problèmes particuliers et nous présenter le fruit de ses réflexions. Il nous présente cette œuvre comme une sorte de prototype sim plifié de ce que sera un ouvrage plus approfondi en cours d’élaboration. Tel qu’il est, ce p etit volum e de m oins de 200 pages est un ouvrage im portant.

U n bon livre est un livre qui fa it penser ; celui là suggère au lecteur, mêm e non spécialiste, bon nombre de questions ; je voudrais en signaler quelques-unes. La m onnaie est le premier sujet évoqué. R enversant le slogan si souvent cité, Henri G uitton nous dit : « m oney is tim e ». Cela m e fa it penser à tous les auteurs qui, au cours de l’histoire, ont partagé « l’illusion de la m onnaie stable » et à tous les efforts déployés pour échapper aux dangers de l’inflation. L’inflation est aussi un phénom ène daté et contagieux ; elle n ’attein t pas sim ultaném ent tous les groupes sociaux et sur Téchiquier international, mêm e si elle fa it naître de graves problèmes, sa transm ission d’une nation à une autre n ’est ni autom atique n i arithm étiquem ent chiffrable. Toutes les anticipations m onétaires qu’on a pu faire sont, par construction, inflationnistes, ce qui ne signifie pas qu’elles le soient définitivem ent, surtout si certaines « ressources », en m ain d’œuvre notam m ent, sont encore « libres » au m om ent considéré.

J ’aurais encore beaucoup à dire sur ce que Henri G uitton appelle le tem ps monétaire. Le deuxièm e chapitre (le tem ps financier) appelle au m oins autant de questions et de réflexions. Le budget de l ’E tat que Colbert avait tâché de créer comme réalité in stitu ­ tionnelle a été une conquête du capitalism e libéral et définitivem ent doté de ses « règles » seulem ent sous le second empire ; m ais comme M. Le ’Trouadec, le budget com m et des incartades, il a des gains de fortune et des « hasards » m oins avantageux. G onflé d’im ­ portance, il peut, suivant la conjoncture, être fier de ses déficits ou honteux de ses déséquilibres.

A insi apparaissent ces déséquilibres qui sont la loi de l’économie réelle et peut-être la raison du progrès. Je passe donc sur ce que G uitton appelle les tem ps économiques réels et sur les tem ps sociaux pour arriver à ce qu’il nomm e le tem ps profond de la personne, autrem ent dit sa philosophie.

Je suis particulièrem ent heureux de voir présentée ici la notion de doctrine qui est, elle aussi, fille du temps, ce que je crois vrai de toute pensée économique, mêm e aussi théorique qu’on le voudra. Ce n ’est pas par hasard qu’on sent au passage des effluves m ercantilistes et que la notion d’homo œ conom icus est évoquée, que les notions difficiles d ’oisiveté, de droit de grève dans le systèm e, peut-être plus encore, de liberté, de com m u­ nauté et de sociétés, s ’im posent fû t-ce rapidem ent à la pensée de l’auteur. A travers la chronique, le tem ps conduit à l’histoire et tout spécialem ent à l’histoire de la pensée économique.

A jouterai-je que G uitton a un souci incessant de la forme, de l’exactitude du verbe et de Tétymologie, un art pédagogique exceptionnel ? Sa petite brochure est un ouvrage essentiel à garder et à relire par tous ceux qui s’intéressent à la Science économique.

Auguste MURAT,

ancien Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Lyon

Ancien Elève de TENSET (D 25-27)

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