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Réponse collective Les transferts d’argent.

[Flore Gubert]

Les transferts ont-ils forcément un impact positif ?

Réponse collective

C’est en général positif ; mais comment peuvent-ils être négatifs ?

Nguyễn Thị Văn

Les transferts sont essentiellement positifs. On peut le voir par exemple dans l’amélioration de la vie de la famille, la construction ou la restauration de maisons, l’éducation des enfants, l’achat de matériel.

Lê Thu Hương

L’argent envoyé par les migrants contribue normalement à l’amélioration matérielle des conditions de vie des habitants du pays. Au début des années 1990, les migrants vietnamiens d’Europe de l’Est ont envoyé des sommes importantes d’argent. Ils ont investi et spéculé dans l’immobilier.

[Flore Gubert]

Concernant les effets désincitatifs, je tire les résultats de ma thèse consacrée il y a près de dix ans au Mali. Je suis toujours surprise lorsque je présente ce résultat devant des académiques ou des bailleurs de fonds, la Banque mondiale en particulier, car ils mettent en doute cette question des impacts désincitatifs des transferts. Pour eux, les transferts permettent de résoudre la pauvreté, les transferts pourraient peut-être

même se substituer à l’aide. Quand j’interroge d’autres publics sur cet impact, l’effet désincitatif est toujours mentionné.

Les migrations sont-elles un facteur de convergence entre les pays ? Est-ce un facteur de rattrapage pour les pays qui envoient des migrants ? Est-ce un facteur de divergence ?

! Au cours de l’histoire, les migrations ont constitué un puissant facteur de convergence et d’intégration pour les nations européennes entre elles et avec leurs anciennes colonies de peuplement d’Amérique du Nord ou d’Océanie.

" Quid des migrations contemporaines ? ! Différents canaux

- Transferts (transferts monétaires, transferts de normes, etc.); - Diffusion de connaissances lors du retour au pays;

- Brain drain/gain;

- Rôle des migrants qualifiés ou des diasporas dans la promotion du commerce et des flux internationaux de capitaux ; ! Différents niveaux d’analyse

- Macro

- Méso-économique - Micro-économique

Impact de la migration

Il existe d’autres canaux de transmission :

- l’acquisition de compétences (management) que les migrants mettent à contribution et en partage en rentrant au pays ;

- le rôle des diasporas dans la promotion du commerce ou dans les flux internationaux de capitaux ;

- l’apport de différents niveaux d’analyses pour mieux appréhender l’impact de la migrations : macro (ensemble du pays), méso (communauté d’origine et village) et micro (famille et proches du migrant).

Je vais synthétiser ici les résultats par niveau d’analyses présents dans la littérature. Je verrai aussi les questions que l’on peut quantifier plus facilement – transferts et fuite des cerveaux.

Ce graphique montre la formidable augmentation des transferts reçus entre 1995 et 2006. Quelle que soit la région considérée – à part peut-être le cas de l’Afrique sud- saharienne – les transferts ont crû. Nous sommes sur des montants très importants exprimés en milliards de dollars.

Impact de la migration

Ampleur des transferts reçus par région en développement, 1995-2006 (en milliards de dollars)

Impact de la migration

Envois de fonds et apports de capitaux dans les pays en développement

Cet autre graphique compare les envois de fonds des migrants (les remises) avec le flux d’autres capitaux à destination des pays en voie de développement. Si l’on compare le montant des envois de fonds privés des migrants avec l’Aide Publique au Développement (APD), on s’aperçoit que le rapport s’inverse en 1995. Aujourd’hui, les envois de fond des migrants représentent deux fois l’APD. Cela est d’autant plus impressionnant qu’il y a a priori peu d’intermédiaires, peu de détournement entre la personne qui envoie et celle qui reçoit (frais d’envoi, intermédiaires). Les envois de fonds des migrants paraissent être une ressource relativement stable comparé aux flux de capitaux privés sensibles aux opportunités économiques et d’investissement dans les pays. Les flux de capitaux privés peuvent fragiliser les économies des pays qui les reçoivent par leur instabilité alors que les transferts des migrants sont une source de financement plus stable et plus régulière.

Impact de la migration

Principaux pays récipiendaires de transferts en 2008 (en milliards de dollars)

Source: Ratha, Mohapatra and Silwal (2009)

Ces graphiques montrent les principaux pays récipiendaires de transferts en 2008. On retrouve les grands pays envoyant beaucoup de migrants à l’étranger comme la Chine, l’Inde, le Mexique et les Philippines ; on voit aussi le Việt Nam (7,2 milliards de dollars). Sur le graphique de droite, les transferts sont rapportés au PIB du pays, les plus petits pays sont davantage présents.

Il est difficile de chiffrer les montants des transferts car certains pays ne fournissent pas de chiffres mais aussi surtout car beaucoup de transferts sont informels. D’après une estimation pour l’Afrique, les transferts informels représenteraient de 45 à 65 % des transferts formels.

Passons maintenant en revue la littérature économique relative aux transferts en distinguant les trois niveaux d’analyse – macro, méso et micro.

Au niveau macro-économique, de nombreux travaux se sont demandés si les transferts contribuaient à la croissance des pays. Ces travaux utilisent des techniques économétriques qui analysent le taux de croissance en fonction de diverses variables dont les transferts des migrants. Les barrières méthodologiques sont nombreuses – notamment la mauvaise qualité des données. Les estimations sont très approximatives. Les conclusions ne sont pas convergentes, il y a même une très grande diversité de résultats – impacts positifs, neutres ou négatifs.

Prenons un exemple. Imaginez que les transferts jouent un rôle d’assurance pour les familles, autrement dit les transferts augmentent en fonction des difficultés endurées. Une famille, un village ou une région va pouvoir recevoir plus de transferts parce que les récoltes n’ont pas été bonnes. Si on a un pays exclusivement agricole et que la pluie est très mauvaise sur tout le pays, cela produira un impact sur le revenu national ; si toutes ces familles de paysans ont des migrants, on observera alors une augmentation massive de transferts. Inversement, au cours d’une très bonne année, on constatera une réduction des transferts. Dans cette perspective et sur une série longue, les transferts augmenteront pendant les périodes de récession et diminueront pendant les périodes de croissance : la corrélation sera alors négative entre transferts et croissance – effet contracyclique.

D’autres travaux se sont intéressés au lien entre transfert et pauvreté en se demandant si les transferts contribuaient à réduire la pauvreté. Les résultats sont plus convergents et concluent à un impact positif des transferts sur la réduction de la pauvreté.

Un consensus se dégage à la lecture de la littérature micro-économique : - les transferts sont une source de revenus importante pour les familles ;

- les transferts sont un instrument efficace de lutte contre la pauvreté transitoire ; - les transferts jouent un rôle d’assurance.

Prenons l’exemple d’un résultat assez récurrent en économie du développement : les familles qui subissent des chocs de revenus ont tendance à ne plus scolariser les enfants pour assurer un revenu complémentaire. Grâce au transfert des migrants, les familles sont assurées contre ce type de choc. Autre implication indirecte : lors de famines ou sècheresses dans une région essentiellement agricole, les femmes et les enfants sont les premiers touchés (malnutrition, répercussions sur les capacités d’apprentissage). Ce mécanisme d’assurance implique indirectement moins d’épisodes de malnutrition ; l’impact sur le long terme est positif.

Il est vrai cependant que le transfert peut être désincitatif. Quand on interroge les migrants, on s’aperçoit qu’ils ne sont pas dupes, ils connaissent les effets pervers. Mais ils savent que si les transferts sont arrêtés, des familles auront à nouveau à faire face à des chocs.

Je finis rapidement sur l’impact méso-économique, les implications au niveau villageois ou de la communauté d’origine. Dans les pays où la migration a une histoire longue, les migrants ont tendance à se regrouper en associations et à mener des actions à destination de ces communautés (creusement de puits, digues, hydraulique, construction de dispensaires, hygiène, soins, etc.).

Enfin, sur la question de la fuite des cerveaux (brain drain), un changement de perception s’est opéré vis-à-vis du départ des qualifiés. Pendant très longtemps, on a pensé que le départ était néfaste pour les pays d’origine : les pays considéraient le financement de l’éducation comme un investissement, le retour sur investissement était finalement nul. Assez récemment, d’autres arguments ont été avancés pour altérer cette vision : la migration n’est pas définitive et le migrant continue d’acquérir des compétences. Il n’est donc pas sûr que cela soit une perte pour le pays d’origine. Par ailleurs, en cas de non-départ, les migrants auraient été au chômage, leur compétence acquise aurait été gaspillée.

Finalement, de façon très théorique, la possibilité de migrer est une incitation à s’instruire, la possibilité de voir les rendements de l’éducation accrue à travers la migration. Cette idée a germé à travers des exemples précis, en particulier celui des infirmières philippines : beaucoup de femmes se formaient avec l’idée du départ ; mais peu sont parties, l’incitation a été telle qu’il y a plus d’infirmières aux Philippines qu’il n’y en aurait eu en l’absence de migration (!) Personnellement, je suis sceptique même si dans certains créneaux, il peut y avoir effet d’incitation. Cet argument est apparu au moment où s’est mise en place la migration sélective dans les pays d’accueil. Je trouve cela suspect.

[Jacques Ould Aoudia]

Je voudrais faire une remarque de méthode sous-jacente à cette séance. La relation entre deux phénomènes peut être positive ou négative. On cherche à avoir une relation simple alors que souvent la réalité est plus compliquée. La notion de seuil est essentielle. En économétrie, une relation peut fonctionner au niveau macro et ne pas être pertinente à l’échelle micro.

Journée 2, matinée du mardi 22