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Chapitre 7 : La grande vogue des ballets populaires


8.2 Un répertoire de Haute et Basse-Bretagne

Contrairement aux autres ensembles de notre étude, la conservation des archives de Tugdual Kalvez et de la famille Landreau a largement contribué à l’étude du répertoire et de l’écriture des Namnediz. Le carnet de Tugdual Kalvez est notamment une source de premier plan, car son classement est fait dans l’ordre chronologique de constitution du répertoire . L’organisation de la table des matières indique quarante 365

morceaux, chansons ou instrumentaux, dont les cinq premiers numéros présentent les morceaux du premier disque, et les quatre suivants ceux du deuxième disque. Le mélange des répertoires traditionnels de Haute et de Basse-Bretagne est une volonté manifeste du groupe dès les premiers titres du carnet. Mais après les dix premiers morceaux, on voit apparaître dans le répertoire des chansons engagées composées par Tugdual Kalvez en breton comme en français, ce qui indique une orientation progressive du groupe vers la protest song. C’est la raison pour laquelle nous choisirons de nous pencher spécifiquement sur le répertoire des deux premiers disques, plus représentatifs de la démarche initiale des Namnediz.

• Chansons et musique de Haute-Bretagne

Le premier 45 tours s’ouvre sur Les Petits Oignons, un thème instrumental dansé en Rond de Saint-Julien-de-Concelles et indiqué comme étant à l’origine une chanson collectée à Renac (35). Sur la même face, Le Beau Messager est une chanson traditionnelle du pays de Guérande, décrite sur le disque comme un bal rond de Guérande et que l’on nomme aujourd’hui bal paludier. On trouve en clôture de ce disque la chanson Voici fleurir les roses, qui est l’une des très nombreuses versions des

Métamorphoses que nous avons mentionnées au chapitre 5. La version des Namnediz

Cf. Carnet de Tugdual Kalvez, annexe 4, p. 107-109. 365

fut recueillie par l’abbé Abel Soreau (1845-1909) à la fin du XIXe siècle et avait été

harmonisée au piano dans l’édition de 1903 de ses collectes . 366

L’instrumental Derrière de chez mon père, gravé sur le deuxième 45 tours, est un incipit de chanson que l’on retrouve dans de nombreux textes. Ici, la mélodie est un

pilé-menu, collecté dans la région de Redon et joué en instrumental. La Caille est une

autre chanson du pays guérandais, dansée en rond de Saillé et traditionnellement chantée sur un air différent . Le timbre chanté sur cet enregistrement a été composé 367

par Tugdual Kalvez sur le modèle de la chanson d’origine en la remaniant légèrement et en transformant la phrase B à sept temps au lieu de cinq. Le groupe justifie sa démarche artistique au verso de la pochette :

« Sur les paroles traditionnelles, Tugdual Kalvez a composé cette musique plus allante que l’air ancestral. La tradition bretonne n’interdit pas la création, au contraire, elle offre une voie dans laquelle, aussi, Henri Landreau était déjà entré en écrivant la musique du Cheval Mallet. » 368

Le répertoire francophone sera présent dans une moindre mesure dans le dernier disque ainsi que dans la cassette publiée tardivement : Nous étions trois marins, une chanson de marins nantais ; C’est en 10 ans, un pilé-menu du pays de Redon ; Dessous

un laurier vert, hanter-dro du pays de Vannes, ce qui montre que le répertoire du pays

gallo reste une constante dans les choix opérés par Namnediz.

• Répertoire bretonnant et pièces instrumentales

Figurant sur le premier disque, le Cheval Mallet est une composition instrumentale d’Henri Landreau « ayant servi de thème à la reconstitution chorégraphique du jeu féodal de Saint-Lumine-de-Coutais ». Il est visiblement très 369

inspiré de la célèbre chanson du Barzaz Breiz, An Alarc’h, qui avait été enregistrée par les Kabalerien en 1964. C’est donc une mélodie à mi-chemin entre un timbre de Basse- Bretagne et une esthétique médiévale. La seule chanson en breton présente sur le premier disque est une reprise d’An Tantad de Fañch Danno, qui avait été popularisée par Dunvel ar Benn et les Kabalerien en 1961. War bont an Naoned est une chanson

Abel Soreau, Jacques Pohier, Vieilles Chansons du pays nantais - 3e fascicule, Nantes : Dugas, 1903.

366

Cf. version chantée par M. A. Tobie, Dastumedia, [www.dastumedia.bzh/dyn/portal/index.seam? 367 page=alo&aloId=182374&fonds=&cid=677], (consulté le 25/05/2017). Cf. annexe 1, p. 24. 368 Cf. annexe 1, p. 23. 369

dont la mélodie est une dañs a-dal et qui connaît de nombreuses versions tant en 370

français qu’en breton. L’une de ces versions francophones avait été chantée par Les Cadettes quelques années plus tôt . Enfin, si Tri Martolod est devenue l’une des 371

chansons les plus connues du répertoire breton grâce à Alan Stivell, la chanson avait été transmise aux Namnediz par un ami du Pays Bigouden, et ils l’avaient enregistrée deux ans auparavant.

An Namnediz avait également développé quelques danses et mélodies instrumentales sur les derniers enregistrements, prétexte à des expérimentations musicales diverses dont un An Dro psikedelik pour trois flûtes et Ar Soner Bihan, un air écossais adapté pour deux guimbardes et accompagnement. Sur la cassette, on pouvait trouver Notre âge de 20 ans, une chanson nantaise jouée au banjo, au violon et à la flûte, ainsi que plusieurs danses, dont une Gavottenn Plinn et un An Dro giz Baod (an dro à la mode de Baud), mais il s’agit essentiellement d’un témoignage du répertoire que pouvait jouer le groupe sur scène.

• Chansons et textes de Tugdual Kalvez

Le carnet de Tugdual Kalvez regroupe également tout un ensemble de chansons et de textes écrits pour An Namnediz dans la veine de la protest song en breton, chansons militantes et engagées politiquement. De cette dizaine de chansons en breton et en français, seule Lavarit din, chantée par Tugdual Kalvez, fut gravée sur le dernier disque. Elle est accompagnée à deux guitares et une basse dans un style folk-song américain. Le carnet précise « (Chanson de Tugdual Kalvez, dédiée à Yffig Poho, bassiste des “Namnediz”, membre du F.L.B. incarcéré à la Santé) ». Les dernières chansons du carnet ne comportent pas d’arrangements, ce qui laisse penser qu’elles n’avaient pas été jouées par le groupe.