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Une répartition en fonction de l’âge peut être observée, notamment en ce qui concerne les individus immatures. En effet, selon le secteur, on note une présence plus ou moins importante des enfants.

Dans la nef principale, aucune tombe d’individu immature n’a été retrouvée. Ce

constat est à relativiser en raison de l’importante destruction des niveaux datant de l’occupation sépulcrale du Moyen Âge. L’étude du nombre minimum d’individus de cette zone a permis néanmoins de noter la présence d’au moins 4 individus immatures contre 21 adultes (toute période confondue). Ainsi, les restes de quelques individus immatures ont été retrouvés dans les couches perturbées mais cette présence est relativement faible. Parmi ces immatures, on note la présence de très jeunes : un enfant d’environ 1 an (longueur du tibia), un périnatal ou fœtus (tibia : 53 mm ; 242 jours) et un périnatal (tibias homologues : 68 mm ; 303 jours). La localisation initiale des sépultures ne pouvant être obtenue précisément, les niveaux comportant ces ossements d’immatures sont situés à l’est de la nef, à l’intérieur ou proche du transept.

Ainsi, même si quelques très jeunes immatures ont sans doute été inhumés à l’intérieur de la nef principale, il semble que la présence d’enfants à cet endroit soit limitée.

En revanche, dans le secteur Sud, la présence des immatures est beaucoup plus importante comme en témoigne la figure 69. Parmi l’effectif des 72 immatures de la zone Sud, 34 enfants sont inhumés au sud de la nef principale. En tenant compte de l’ensemble des ossements retrouvés (cf. figure 62), le secteur Sud comprend les restes d’au moins 50 immatures (cet effectif prend en compte les sépultures et les ossements déconnectés de l’US 4023, du collatéral Sud, du Tau et de l’extérieur Sud du bâtiment).

Le décompte des individus selon l’inhumation à l’intérieur ou à l’extérieur du bâtiment indique une part égale des inhumations d’immatures, avec au moins 23 immatures inhumés à l’intérieur des murs et 23 immatures à l’extérieur (l’US 4023 n’étant pas prise en compte puisqu’elle se trouve à cheval entre l’espace externe et l’espace interne).

Dans ce secteur, la présence d’une zone préférentielle réservée en majeure partie aux enfants de moins de un an (22 cas sur 32 immatures) est néanmoins clairement attestée.

Aucune différence d’âge entre les individus n’a été observée entre l’extérieur et l’intérieur du bâtiment. En effet, les deux espaces accueillent des périnataux, des nourrissons et des immatures âgés d’un an et plus. Ainsi, les sept inhumations

d’immatures du collatéral Sud comportent trois nourrissons et quatre immatures de plus d’un an. Les douze sépultures d’immatures de la pièce du Tau comportent quatre périnataux, cinq nourrissons et trois individus âgés de plus de deux ans. Enfin, les treize sépultures immatures à l’extérieur Sud de l’édifice comportent quatre périnataux, six nourrissons et trois individus de plus d’un an.

L’âge n’est donc pas un facteur discriminant pour l’emplacement de la sépulture et l’espace interne ne semble pas être plus recherché que l’espace externe. L’organisation des sépultures dans ces secteurs semble être plutôt liée à une volonté d’être inhumé à proximité des murs plus qu’à la possibilité d’être inhumé à l’intérieur du bâtiment funéraire.

Cette attraction des murs de ce secteur est un fait attesté en archéologie et elle autorise la formulation de plusieurs hypothèses. L’emplacement de sépultures de très jeunes enfants contre les murs d’un édifice religieux est attesté dès l’époque mérovingienne. Sur le site de Dassargues (Garnotel, Fabre, 1997), des sépultures de périnataux ont été découvertes en grand nombre contre les murs du chevet. Le même phénomène a été observé à Rouen, le long du mur sud de l’église Saint-Etienne (Niel, 1997). Dans les deux cas, la recherche de l’écoulement des eaux lustrales a été évoquée. En effet, les sépultures accolées à l’édifice religieux, sous la gouttière (sub stillicidio) bénéficieraient du bienfait des eaux lustrales qui ont coulé sur le toit de l’édifice (Ariès, 1977 ; Alexandre-Bidon, Lett, 1997). A Saint-Estève le Pont, la configuration du secteur du Tau rappelle les exemples de Dassargues et de Rouen. Le chevet n’a malheureusement pu être fouillé car il se trouvait à l’extérieur de la zone archéologiquement exploitable et il aurait été intéressant d’observer l’organisation des inhumations à cet endroit puisqu’il s’agit d’un emplacement privilégié pour les sépultures de nouveau-nés dans certains sites (Bizot, Serralongue, 1988). Néanmoins, le phénomène semble identique contre les murs du transept sud.

Le contact avec l’eau dans le choix de l’emplacement de la sépulture est connu dès les premiers temps chrétiens (Treffort, 1993). Pour les enfants morts sans baptême, l’écoulement des eaux lustrales sur la sépulture aurait une fonction analogue au rite baptismal. Toutefois, le pédobaptême, déjà préconisé par Saint-Augustin au Vème siècle pour laver le péché originel (Riché, Alexandre-Bidon, 1994) se développe rapidement au IXème siècle en raison d’une angoisse croissante des parents face à la mort des enfants non baptisés (Alexandre-Bidon, Lett, 1997), même s’il n’est pas généralisé avant le XIIème siècle, notamment dans les zones rurales. Il est donc difficile de se prononcer quant à une sectorisation des enfants non baptisés dans ce secteur (d’autant que plusieurs individus

ont plus d’un an) et l’hypothèse d’un secteur « à répit » doit être évoquée avec prudence. Néanmoins, il s’agit peut-être plus d’une tendance préconisée par l’Eglise à un moment de l’histoire de l’occupation du bâtiment.

En outre, les tombes placées à l’intérieur de l’édifice ne bénéficiant pas des eaux lustrales, il est possible que le contact avec les murs de l’édifice consacré soit également d’une grande importance pour le salut des âmes de ces jeunes enfants. Le développement du culte des reliques dans des églises funéraires est une des caractéristiques majeures des premiers temps chrétiens. Aucune relique n’étant réellement attestée sur le site, il est néanmoins possible qu’elles aient existé à une période donnée.

La présence de périnataux n’étant pas exclusive à ce secteur, le regroupement de ces sépultures peut également avoir une origine sociale, à savoir que les parents aisés aient pu avoir la possibilité de faire inhumer leurs enfants morts en bas âge contre les murs de l’édifice. Cette hypothèse ne peut néanmoins pas être confirmée par d’autres indications en raison de l’absence d’offrande dans les tombes. De plus, la mortalité infantile touche tous les niveaux de la société.

Une autre raison qui peut être évoquée est celle de la datation. En effet, la typologie homogène des tombes plaide en faveur d’une occupation relativement courte dans ce secteur. Il est donc possible que cette organisation soit le reflet d’un engouement pour certaines pratiques funéraires et que, par la suite, ce secteur ait été abandonné au profit d’autres zones et peut-être par manque d’espace.

Enfin, la concentration et l’emplacement de ces tombes peuvent également être liés à la dédicace du bâtiment funéraire. Saint Estève semble être un dérivé de Saint Etienne. Saint Augustin cite Saint Etienne dans la liste des saints protecteurs des enfants morts-nés et auteur de miracles favorisant la résurrection d’enfants (Saintyves, 1930 ; cité par Niel, 1997). Le vocable médiéval de Saint Estève n’est pas prouvé ; néanmoins, si tel est le cas, ce vocable pourrait être au moins partiellement à l’origine de l’importante présence de jeunes enfants, et notamment de périnataux autour et dans l’édifice funéraire.

Dans le secteur Nord, aucune organisation claire n’a pu être observée. La présence

de jeunes enfants est également attestée : parmi les 37 individus immatures inhumés dans ce secteur, 11 immatures sont âgés de moins de un an (dont cinq périnataux et six nourrissons). Même si la part des plus jeunes reste inférieure à celle du secteur Sud, les immatures sont en revanche majoritaires par rapport aux adultes (41 immatures et 25 adultes) dans ce secteur, alors que dans le secteur Sud (sans prendre en compte l’US

4023), les immatures sont légèrement en moins grand nombre que les adultes (46 immatures contre 52 adultes).

L’ensemble des sépultures d’immatures ne présente pas de zone de regroupement. L’absence de structure murale peut en être une des causes. En effet, il semble qu’un collatéral Nord n’ait jamais existé. Seuls les restes sporadiques d’un transept sud sont encore présents. La gestion des sépultures en fonction de l’âge n’est toutefois pas mise en évidence au nord de l’édifice.