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1 – Opérations de lavage et de collage

Le matériel ostéoarchéologique, issu du site de Saint-Estève le Pont, a subi les opérations de lavage et de collage à la suite de chaque campagne de fouille. Cette activité particulièrement chronophage a été réalisée durant plusieurs mois sur l’ensemble des pièces exhumées (individus en connexion anatomique et ossements en vrac). La mauvaise conservation de certains os (parties anatomiques fragiles telles que les vertèbres ou des squelettes de jeunes immatures mal conservés) a parfois exigé une attention particulière rendant le lavage de ces pièces. De même, l’importante fragmentation de certains os nécessaires à la diagnose sexuelle (coxaux, crâne) a demandé de nombreuses heures de remontage. Le collage a été effectué au moyen de la colle néoprène Patex®.

Le matériel issu des amas secondaires n’a pas fait l’objet d’un collage systématique. Seuls quelques crânes, coxaux ou os longs entiers ont été collés afin de retirer des informations d’ordre paléodémographique et biométrique.

2 – Etude de la conservation du matériel

Plusieurs travaux (Walker et al., 1988 ; Waldron, 1987 ; Bello, 2001 ; Bello et al. 2002, 2003c, 2004 ; Ardagna, 2001) ont montré que la connaissance de l’état de conservation du matériel ostéoarchéologique est essentielle aux travaux visant à évaluer le NMI d’une série comme aux études mettant en évidence le profil paléodémographique ou les prévalences paléopathologiques d’une collection. De même, il a été démontré que deux collections ostéoarchéologiques ne peuvent être comparées que si leur état de conservation est équivalent (Bello, 2001).

L’observation des problèmes taphonomiques sur le terrain (absence de squelette, perturbation du matériel, etc., cf. p. 39) nous a incité, dès les opérations de terrain, à étudier l’état de conservation des restes osseux provenant des sépultures.

mauvais état de conservation ne touche pas de manière égale tous les individus d’une même zone. D’autre part, de nombreuses perturbations de sépultures, à l’intérieur et autour du bâtiment funéraire, ont eu pour conséquence la disparition de nombreux éléments osseux d’une même sépulture.

Selon le contexte archéologique, le calcul du NMI peut être simple - une fosse correspondant à un individu - ou complexe - la perturbation de la fosse peut avoir pour effet l’absence d’une partie du squelette qui se retrouve en état d’ossements déconnectés dans une réduction ou une couche remblayée. Ainsi, dans certaines zones perturbées, l’étude de la conservation des ossements permettra d’ajuster le NMI

Les études paléodémographiques sont fondées sur la théorie que la distribution par sexe et âge de l’échantillon ostéoarchéologique reflète la constitution de la population inhumée d’origine. Néanmoins, le type et la quantité d’informations qui proviennent d’une collection ostéoarchéologique sont directement liés à l’état de conservation des restes osseux (Bello et al, 2004). Ce dernier représente un préalable indispensable à toute étude anthropologique puisqu’il est le bilan de la conservation et de la destruction de la fraction minérale des os qui déterminent la qualité et l’existence même d’un échantillon ostéoarchéologique.

En outre, l’état de conservation a une incidence dans les études paléopathologiques. En effet, la fragmentation et l’altération des surfaces corticales rendent difficile l’interprétation des anomalies osseuses observées (Wells, 1967 ; Bello et al., 2003c). D’une part, le processus taphonomique peut être interprété comme une réelle atteinte pathologique, ce qui augmente la valeur dans les calculs de prévalence ; d’autre part, une forte fragmentation osseuse et/ou une mauvaise conservation des surfaces corticales ne permettent pas d’effectuer une diagnose exhaustive, ce qui diminue la valeur dans les calculs de prévalence (Waldron, 1987 ; Bello, 2001).

L’état de conservation de la collection de Saint-Estève a donc été étudié grâce à l’utilisation de deux indices de conservation :

L’indice de conservation anatomique (I.C.A. ; API, anatomical preservation

index) donne une idée de la quantité de matériel osseux présent. Cet index a été élaboré à partir de l’indice de conservation anatomique proposé par O. Dutour (1989). Il s’agit du rapport entre le score de conservation de chaque os et le nombre total d’os au sein du squelette (Bello et al., 2004). Ces scores de conservation se présentent sous la forme de six stades :

- Stade 2: 1-24 % d’os conservé; - Stade 3: 25-49% d’os conservé; - Stade 4: 50-74% d’os conservé; - Stade 5: 75-99% d’os conservé;

- Stade 6: os complet (100% d’os conservé).

Sont considérés comme bien conservés les os qui présentent un score de conservation supérieur à 50 % (stades 4, 5 et 6).

L’erreur inter observateur et l’erreur intra observateur ont été testées sur une partie de la collection et ne présentent pas de différence statistiquement significative (Bello et al., 2004)

L’état de conservation des surfaces corticales a été évalué par l’utilisation de

l’indice de qualité osseuse (IQO ; QBI, qualitative bone index) proposé par S. Bello

(Bello, 2001 ; Bello et al, 2003a ; Bello et al, 2003c). Cet indice traduit le rapport entre la surface corticale saine et la surface corticale altérée de chaque os sous la forme de six stades :

- Stade 1: 0 % de surface corticale saine; - Stade 2: 1-24 % de surface corticale saine; - Stade 3: 25-49% de surface corticale saine; - Stade 4: 50-74% de surface corticale saine; - Stade 5: 75-99% de surface corticale saine; - Stade 6: surface corticale totalement saine.

Sont considérés qualitativement bien conservés les os qui présentent plus de 50 % de surface corticale saine (stades 4, 5 et 6 ; Bello et al, 2004).

Cet indice permet l’appréciation des altérations physiques, chimiques et biotiques qui ont joué un rôle sur l’état de la surface corticale des éléments osseux présents en fouille. De plus, L’IQO permet également d’indiquer les différents agents taphonomiques intervenus dans ces altérations, comme les traces de dissolution procurées par les racines, l’abrasion exercée par le sédiment et la formation des fêlures due à l’action de l’eau, de l’érosion ou de la glace. Cependant, il est d’application difficile sur le terrain car son étude nécessite des opérations de plus fin nettoyage (Bello, 2001).

Le nombre minimum d’individus a été défini comme la valeur qui « représente le plus petit nombre d’animaux nécessaires pour produire l’échantillon d’os observé » (Hesse, 1982), ou comme le nombre d’individus nécessaires pour rendre compte de tous les éléments du squelette d’une espèce particulière trouvés sur le site (Shotwell in Grayson, 1984 : 76).

L’estimation du NMI est étroitement liée au contexte archéologique, ainsi qu’au mode de constitution de l’assemblage osseux. Sur le site de Saint-Estève, le choix dans la méthode d’estimation du NMI a été dicté par les observations archéologiques et taphonomiques.

3.1 – La zone Sud

En raison des nombreuses perturbations survenues dans la zone Sud, le matériel issu des sépultures et des amas secondaires a fait l’objet d’un décompte par type d’os et non par individu, même dans le cas de dépôts primaires.

Le matériel issu de l’étude individuelle (à savoir les dépôts primaires, le dépôt secondaire placé dans la croisée du transept du bâtiment funéraire et l’individu perturbé dans le sarcophage SP 5053 bien représenté au niveau osseux) a fait l’objet d’un décompte par os (mandibule, sacrum, sternum, os longs des membres supérieurs et inférieurs, tali et calcanéi droits et gauches) ou région anatomique (crâne, rachis, gril thoracique, mains et pieds).

L’ensemble du matériel ostéoarchéologique déconnecté (provenant des réductions, des fosses attenantes aux sarcophages, des amas secondaires, des couches de remblai ou du matériel surnuméraire dans les tombes) a fait l’objet d’une étude du NMI en utilisant la reconnaissance de portions anatomiques. La portion représente une partie d’un élément osseux (Boulestin, 1998). En raison du caractère fragmentaire d’une partie de la collection, l’utilisation de caractères discriminants a été nécessaire pour individualiser certaines portions afin de ne pas créer de doublons. Par exemple, le rocher - connu pour ses bons scores de représentation dans plusieurs études (Waldron, 1987 ; Duday, 1989), de même que dans un de nos travaux universitaires précédents (Thomann, 20003 ; Thomann et al., soumis) - a été choisi pour représenter l’os temporal. De même, pour les os longs, les portions épiphysaires ont été choisies pour individualiser un os et, si le matériel se révélait fragmentaire, chacune des portions a été individualisée par un

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Thomann A. (2000) – Problèmes méthodologiques de quantification des individus d’une sépulture collective : exemple du dolmen I des Cudières à Jouques (Bouches-du-Rhône). Mémoire de D.E.A,

caractère discriminant (col fémoral et petit trochanter pour l’épiphyse proximale du fémur, plateau tibial pour l’épiphyse proximale du tibia, V deltoïdien pour l’épiphyse distale de l’humérus, etc.). Le décompte des éléments osseux a été effectué par type d’US ou d’isolat et par secteurs. Les trois secteurs principaux sont le secteur Nord, le secteur Central (la nef principale) et le secteur Sud. Ce dernier secteur a été subdivisé en trois sous-secteurs : le collatéral Sud, la pièce du Tau et l’extérieur sud de l’église. Ces subdivisions ont permis de connaître le NMI de plusieurs secteurs autour et dans le bâtiment.

Pour chacun des cinq secteurs ainsi créés, les scores de représentation des os issus de l’étude individuelle et ceux des ensembles déconnectés ont par la suite été rassemblés dans le fichier utilisé pour l’étude individuelle. Une attention particulière a été portée lorsque le meilleur score de représentation des amas déconnectés provenait d’un os de la main ou du pied. Puisque le décompte de chacun des os de ces régions n’est pas précisé dans l’étude individuelle, et pour éviter les doublons, la présence de l’os offrant le meilleur score a été vérifiée sur les fiches de conservation des individus en connexion situés dans le secteur.

Pour obtenir un nombre minimum d’individus sur l’ensemble de la zone, deux choix se sont posés à nous. Le premier a été d’additionner les meilleurs scores des individus immatures et adultes de chaque secteur. Ce choix se base sur l’hypothèse que les perturbations des sépultures ont été effectuées dans un espace relativement restreint, c’est-à-dire à l’intérieur des secteurs délimités par les murs. Par exemple, il est peu vraisemblable qu’un individu dont la tombe a été perturbée à l’extérieur sud du bâtiment ait ses os transportés dans le secteur Nord. Les ossements perturbés seront soit déposés avec plus ou moins de soin aux abords proches de la nouvelle tombe, soit laissés dans la fosse initiale. Cette hypothèse peut être retenue en ce qui concerne l’activité sépulcrale médiévale. Néanmoins, elle ne prend pas en compte la grande phase de récupération des murs de l’édifice et de la création de fosses telle que l’US 4023 au XVIIème ou XVIIIème siècle. Le matériel provenant de cette fosse à une origine géographique inconnue. Il peut provenir du collatéral Sud, de la nef principale, du transept, de la partie sud du secteur Nord ou de plusieurs de ces zones. Le matériel retrouvé hors stratigraphie se trouve dans le même cas de figure. Ces raisons ont conduit au second choix, celui de regrouper les informations de chaque secteur, ainsi que celles du matériel de provenance inconnue et d’effectuer le décompte à partir des données primaires.

L’addition des meilleurs scores osseux de chaque secteur donne un NMI plus important que le décompte de chaque élément sur la totalité de la zone ; néanmoins, en raison de la provenance inconnue des os de certains amas secondaires, le premier choix est plus sujet à erreur.

3.2 – La zone Nord

La zone Nord est un cimetière constitué de tombes individuelles creusées dans le substrat géologique. Aucune réoccupation de tombe n’a été observée et chaque fosse contient un seul individu, avec comme seule exception la tombe d’une femme morte en couche et la présence du fœtus dans son bassin. Ainsi, le décompte du nombre minimum d’individu est particulièrement aisé dans cette partie du site. Même si de nombreux squelettes sont mal conservés, la mise au jour d’au moins un os témoigne de la présence d’un individu. De ce fait, le nombre de tombes fouillées correspond au nombre d’individus plus un individu (le fœtus). Néanmoins, certaines fosses étaient vides d’ossements humains à la fouille. Cette absence pose le problème de leur utilisation au décompte du NMI. L’étude de la conservation du matériel ostéologique sur cette partie du site montrera que ces fosses ont très probablement renfermé les restes d’individus très jeunes qui ne se sont pas conservés et donnera la possibilité d’inclure ces fosses dans le NMI de la zone.

Si le NMI se base sur des observations anthropologiques, le résultat prend en compte le nombre de restes osseux représentant un individu. Dans ce cas, le résultat correspond au nombre réel d’individus (NRI) considéré comme le nombre de sujets dont au moins un reste se retrouve dans l’échantillon (Poplin, 1976). Si le NMI se base sur des observations archéologiques, le résultat prend en compte le nombre de squelettes et le nombre de fosses vides. Dans ce cas, le résultat est plus proche du nombre initial d’individus (NII) considéré comme le nombre de sujets qui ont contribué à l’échantillon, même si certains n’ont plus de restes (Poplin, 1976).

4 – Méthodes de détermination du sexe

Actuellement, la diagnose sexuelle à partir de l’observation des ossements n’est possible que sur les individus adultes et sub-adultes (classe des 15-19 ans).

Nous avons utilisé la méthode de détermination du sexe fondée sur l’étude de l’os coxal, l’élément le plus discriminant du squelette, contenant la quasi-totalité des

informations liées au dimorphisme sexuel puisqu’il est directement impliqué dans le processus de reproduction (Iscan, 1989 ; Bruzek, 1992, 2002).

Nous avons pratiqué une détermination basée sur les éléments morphologiques de la grande échancrure sacro-sciatique et de la face sacro-pelvienne du pubis, qui sont une partie solide et généralement bien conservée de l’os coxal. Sur la face sacro-pelvienne, de nombreux caractères sexuels peuvent être distingués, nous avons retenu trois caractères d’évaluation utilisés par Bruzek (Bruzek et al., 1996) :

- la forme de la surface auriculaire (Genovés, 1959 ; Hoyme, 1984) : elle peut être évaluée “morphologie féminine” lorsqu’elle est en forme de “C” (angle des axes des cornes > 90°) ou “morphologie masculine” lorsqu’elle est en forme de “J” ou “V” (angle des axes < 90°) ;

- le développement de la gouttière rétro-auriculaire (Hoyme, 1984 ; Stewart, 1979 ; Iscan, 1989) : il peut être visible, en forme d’empreinte de doigt (morphologie féminine) ou absent (morphologie masculine) ;

- l’élévation de la surface auriculaire (Stewart, 1979) : elle a une élévation distincte pour le sexe féminin, alors que pour le sexe masculin elle ne laisse apparaître aucune différence de niveau entre la surface auriculaire et la tubérosité iliaque.

Lorsque les os coxaux étaient mal conservés ou totalement absents, la détermination du sexe a été faite à partir de la gracilité ou de la robustesse des autres éléments du squelette.

Enfin, quand le seul élément présent était le crâne, nous avons étendu à celui-ci l’étude de la diagnose sexuelle. Nous avons utilisé une liste de paramètres morphologiques établie à partir des descriptions classiques – tels que la proéminence de la glabelle, l’épaisseur du rebord supra-orbitaire, la morphologie orbitaire, la saillie de l’éminence mentonnière, les dimensions de l’apophyse mastoïde, les reliefs des crêtes nucales et la saillie de l’inion (Ferembach et al., 1979 ; Buikstra et Ubelaker, 1989).

En cas de détermination sur les paramètres de robustesse ou sur le crâne, la diagnose sexuelle n’est donnée que de façon indicative.

La même méthode a été utilisée dans le cas des os coxaux et des éléments crâniens isolés pour les individus qui n’ont pas été retrouvés en connexion anatomique.

5 – Méthodes d’estimation de l’âge

5.1 – Méthodes d’estimation d’âge individuel

En l’absence de données sur l’âge civil (registres paroissiaux, inscription