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Répartition du temps de travail et vie personnelle

SECTION II – Approche élargie de la vie personnelle pendant l’exécution du contrat de travail

B. Répartition du temps de travail et vie personnelle

149. – Conventions de forfait annuel en jours. – Les dispositions d’aménagement et de

répartition du temps de travail sont également porteuses d’une réflexion sur la vie personnelle. Dispositif notable et décrié d’aménagement du temps de travail, la convention de forfait en jours sur l’année en est une bonne illustration. L’employeur doit mener un entretien individuel avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Cet entretien devra, en outre, porter sur « l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle

et familiale »323 du salarié. Par ailleurs, la conclusion d’une convention de forfait en jours sur l’année ne peut avoir pour effet de priver le salarié du bénéfice des durées maximales du travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires324. L’idée-force de ces dispositions est la suivante : la mise en place d’un aménagement du temps de travail ne peut avoir pour effet de porter une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale. Ce principe a été expressément formulé par la Chambre sociale à l’occasion d’un contentieux portant sur le changement des horaires.

150. – Répartition des horaires. – La répartition des horaires sur une période supérieure à la

semaine et au plus égale à l’année est un dispositif unique instauré par la loi du 20 Août 2008325 pour remplacer les anciens systèmes d’aménagement du temps de travail qu’étaient la

321 C. trav. art. L.3121-5 322 Ecclésiaste, III, 1 323 C. trav. art. L. 3121-46 324

V. en ce sens Cass. soc. 29 Juin 2011 n° 09-71.107

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modulation, les cycles ou les jours de réduction du temps de travail. Une modification substantielle de la répartition des horaires de travail du salarié étant susceptible d’engendrer, par réaction, un bouleversement du rythme de la vie personnelle du salarié, la Chambre sociale avait verrouillé l’utilisation de ces dispositifs en affirmant que l’instauration d’une modulation du temps de travail constituait une modification du contrat de travail exigeant l’accord du salarié326. La loi Warsmann a brisé cette exigence en disposant que « la mise en place d'une

répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail »327. La mise en place d’un dispositif d’aménagement du temps de travail constitue donc un simple changement des conditions de travail qui relève du pouvoir de direction de l’employeur. Tout contrôle n’est cependant pas à exclure puisque l’exercice du pouvoir de direction est soumis, par la loi et par le juge, à des bornes générales : il ne peut avoir pour effet de porter, aux droits et libertés des personnes, une restriction qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. C’est en ce sens que la Chambre sociale a décidé, au visa de l’article L. 1121-1 du Code du travail, que « sauf atteinte excessive au droit du

salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l'employeur »328. Cet arrêt majeur est, à notre sens, révélateur d’une tendance jurisprudentielle de fond consistant à contrôler la validité d’une mesure, quelle que soit sa source, au regard de l’atteinte qu’elle porte au droit du salarié au respect de sa vie personnelle.

151. – Aménagement des horaires. – L’employeur n’est pas le seul à bénéficier d’une

certaine flexibilité dans l’aménagement du temps nécessaire à l’exercice de son activité. Il peut également accorder une flexibilité dans les horaires du salarié qui en fait la demande pour des raisons qui peuvent être personnelles via les mécanismes d’horaires individualisées329 et des horaires aménagées pour la pratique régulière et contrôlée d’un sport330

.

152. – Travail de nuit. – Dernier exemple de la prise en compte de la vie personnelle du

salarié dans les dispositifs d’aménagement du temps de travail, le travail de nuit est une modalité particulière d’exécution du contrat de travail. La société humaine étant majoritairement diurne, l’exécution nocturne du travail peut être nuisible à l’intimité du salarié.

326

Cass. soc. 28 septembre 2010 n° 08-43.161

327 L. n° 2012-387 du 22 Mars 2012 – art. 40 328

Cass. soc. 3 novembre 2011 n° 10-14.702

329

C. trav. art. L. 3122-23 s.

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Ainsi, par le bouleversement qu’il entraine, le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord du salarié331

. Le refus de ce dernier ne peut être constitutif d’une faute ou d’un motif de licenciement « lorsque le travail

de nuit est incompatible avec des obligations familiales impérieuses, notamment avec la garde d'un enfant ou la prise en charge d'une personne dépendante »332. Pour les mêmes raisons, l’accord collectif qui met en place le travail de nuit dans l’entreprise devra prévoir des mesures destinées à faciliter « l’articulation de l’activité nocturne avec l’exercice des responsabilités

sociales et familiales »333 des travailleurs de nuit. Enfin, le travailleur de nuit pourra demander sa réaffectation en travail de jour lorsque des obligations familiales impérieuses la justifient334. La loi comme le juge ont donc pleinement conscience de la proximité qui existe entre le temps de travail et la vie personnelle du salarié ; nous verrons qu’une telle proximité existe également entre les lieux du travail et la vie personnelle.

II. Lieu de travail et vie personnelle

153. – L’interpénétration entre la vie personnelle et la vie professionnelle se traduit parfois par

une permutabilité des lieux : un lieu de vie devient un lieu de travail (A) ; un lieu de travail devient un lieu de vie (B).