• Aucun résultat trouvé

Réorganisations du travail et flexibilité interne

Encadré 8 : La sous-traitance

3. Réorganisations du travail et flexibilité interne

Les enquêtes de terrain ont permis d'identifier une panoplie d'ajustements par le travail allant au- delà de ceux qui ressortaient de l'enquête REPONSE. Outre les ajustements ayant porté sur les rémunérations, via la modération salariale et la réduction des primes notamment, les ajustements sur l'emploi peuvent toucher aux mouvements d'entrées-sorties (gel des embauches, licenciements), à la flexibilité externe (intérim, contrats aidés), mais aussi à la flexibilité interne quantitative (chômage partiel ou aménagement du temps de travail via la modulation et le compte épargne temps par exemple) ou qualitative (polyvalence, mobilité interne).

Dans ce dernier cas, les modalités de flexibilité interne s'accompagnent de changements d'organisation du travail et de la production.

Les modalités d'ajustements sont en quelque sorte mutuellement dépendantes au sens où, dans les établissements ayant effectué des ajustements affectant le volume d'emploi permanent et d'emploi temporaire, des réorganisations du travail ont lieu pour faire face à ces départs. Tous les établissements sont ainsi touchés par des exigences de flexibilité impliquant polyvalence et mobilité interne, accompagnée souvent de la mise en place d'accords sur la modulation du temps de travail motivés par la volonté d'acquérir plus de souplesse pour s’adapter à de nouveaux postes de travail, à des commandes en baisse ou plus fluctuantes.

Les conséquences pour les travailleurs telles qu'elles ressortent des entretiens, ne leur sont jamais favorables. Les représentants du personnel ont souvent mentionné l'intensification du travail consécutive aux ajustements, parfois l'apparition d'un sentiment de déqualification, et de problèmes de qualité liés à ce qui s'avère relever plus d'une "désorganisation" qu'une réorganisation misant sur la baisse des coûts, impliquant aussi de nouvelles charges de travail.

Au-delà de l'emploi, la crise et/ou le contexte de crise ont renforcé la précarité dans le travail et dégradé les conditions de travail. Dans le cadre d'un contexte macroéconomique dominé par la montée du chômage, les entretiens montrent que les représentants du personnel disposent rarement de moyens d'actions collectives permettant d'échapper à l'imposition d'ajustements souvent décidés hors du périmètre de leur établissement ou de leur entreprise, ou même de lutter, lorsque les ajustements sont négociés, contre des formes de compromis voire de chantage, certains ajustements pouvant être remis en cause pour en accepter d'autres. De ce point de vue, les mesures de flexibilité interne liées aux exigences de mobilité ou d'aménagement du temps de travail ont été fréquemment acceptées dans des arrangements visant à préserver le volume d'emplois permanents. Enfin, si la question salariale est plutôt restée au second plan dans nos enquêtes, la crise rend toutefois visible la manière dont les transformations de la structure des rémunérations engendrent leur plus forte variabilité. Les salaires semblent avoir été épargnés par les ajustements dans la mesure où il a été rarement décidé de procéder à des gels ou à des baisses de rémunération dans les établissements enquêtés. Même la modération salariale apparaît comme un ajustement secondaire là où d’autres leviers, potentiellement moins conflictuels, sont possibles. Les salaires relevant des

thèmes de la négociation annuelle obligatoire (NAO), qui se déroule le plus souvent au niveau de l'entreprise ou du groupe, l'établissement n'apparaît pas, de toutes façons, comme un lieu pertinent de prise de décision. Les acteurs de l'établissement disposent de marges de négociations réduites face au poids des directives du siège de l'entreprise ou du groupe. Pour autant, au niveau des établissements, compte tenu des mesures prises en matière de flexibilité interne, les salaires de certaines catégories de personnel ont pu être affectés de manière importante bien qu'indirecte par les ajustements, et enregistrer une progression plus faible, voire une baisse, lorsque les établissements ont eu recours au chômage partiel ou ont limité le volume des heures supplémentaires. Ces décisions de flexibilité interne touchant davantage le personnel ouvrier, ce sont les rémunérations les plus faibles qui se sont trouvées le plus souvent les plus affectées.

Les mobilités et les aménagements du temps de travail achèvent ainsi de bouleverser les structures de la relation de travail. Elles donnent à voir une relation de travail malléable, y compris dans son contenu le plus intrinsèque (le poste et l’horaire de travail).

Bibliographie

Amar A. Dalibard E. Debauche E. (2011) « La crise de 2008-2009 et ses suites : recul marqué de l’emploi et ralentissement des salaires puis reprise en 2010 » Insee Emploi et Salaires.

Amar E., Pauron A., (2013), « Participation, intéressement et plans d’épargne salariale : quelles différences d’accès et de répartition entre les salariés », Insee, Emploi et salaires.

Amossé T., Kalugina E., (2012), « More and better jobs in Europe. Really ? A Micro-statistical Analysis of Links between Work Quality and Job Dynamics in Ten European Countries (1995–2005) », Document de travail, Centre d'études de l'emploi, n°162.

Amossé T., Kalugina E., (2013), « Qualité du travail et dynamique de l’emploi en Europe pendant la crise », in Spieser C. (dir.), L’emploi en crise et l’emploi de la crise, Liaisons Sociales, p. 101-123. Ananian S., Debauche E., Prost C. (2012), « L'ajustement du marché du travail français pendant la crise de 2008-2009 », Dares Analyses, No. 040, juin.

Artus P., (2013), « Le rendement du capital est-il trop élevé ? », Flash-Economie, Natexis n°656, septembre.

Askenazy, P., (2012), « Un choc de compétitivité en baissant le coût du travail ? – Un scénario bancal qui évince des pistes alternatives », CEPREMAP Working Papers, 1208, CEPREMAP, revised Feb 2013. Bardaji J., (2011), « Impact de la crise sur l'emploi et les salaires en France » Trésor-Eco, n°83, Janvier 2011, DGT.

Beauvoir R., Calavrezo O., (2012), « Le chômage partiel en 2011 : stabilisation du recours au dispositif », Dares Analyses, N°097, Décembre.

Béthoux E., Jobert A., Surubaru A., (2011), « Quel renouvellement de l’action syndicale sur l’emploi ? », Rapport réalisé pour la CFDT, avec le soutien financier de l’IRES dans le cadre de l’Agence d’objectifs.

Bonnet A., (2011), « Entrants au chômage en décembre 2010. Le passé professionnel : un élément déterminant pour le retour à l’emploi », Repères et analyses, Pôle Emploi, n°32, octobre.

Bourguignon R., Garaudel P., (2012), « Du contrôle du motif économique au contrôle des conditions de départ », in (dir). José Allouche, Encyclopédie des Ressources Humaines (3eme ed) Vuibert. Brender A., Pisani F., Gagna E., (2013), La crise des dettes souveraines, La découverte, Collection Repères, n°601, novembre.

Brender A., Pisani F., Gagna E., (2013), La crise des dettes souveraines, La découverte, Collection Repères, n°601, novembre.

Cabannes P-Y., Cottet V., Dubois Y., Lelarge C., Sicsic M., (2013), " Les ajustements des entreprises françaises pendant la crise de 2008/2009", in "L'économie Française", Insee référence, édition 2013. Calavrezo O., Duhautois R., Walkowiak E. (2009) « Chômage partiel et licenciement économique »,

Calavrezo O. et Etouatti S., (2014), « Mouvements de main d’œuvre et recours au chômage partiel entre 2009 et 2011 », Dares Analyses, n°2014-008, 30 janvier.

Castel N., Delahaie N., Petit H. (2013), « L’articulation des négociations de branche et d’entreprise dans la détermination des salaires », Travail et Emploi, n°134, p. 21-58, avril-juin.

Charoze C., (2014), Les dispositifs d’accompagnement des restructurations en 2012, Dares Analyses, n°2014-19, mars.

Clément M., Dalibard E. et Debauche E. (2010), « Répercussions de la crise sur l’emploi, les salaires et les revenus », France Portrait Social.

Cochard M., Cornilleau G. et Heyer E. (2010), « Les marchés du travail dans la crise », Economie et

Statistiques, n°438-440, p. 181-204.

Commission Européenne (2010), Employment in Europe, ERM report.

Conseil d’Analyse Stratégique (2009), « Analyse : l’ajustement de l’emploi dans la crise : la flexibilité sans la mobilité ? », Note de veille, n°156.

Conseil d’Orientation pour l’Emploi, (2012), « L’emploi et les politiques de l’emploi depuis la crise », Rapport du COE, mai.

Cour des comptes, (2013), « Marché du travail : face à un chômage élevé, mieux cibler les politiques », rapport de la Cour des comptes, janvier.

Domens J. (2010), « L’intérim en 2009 : repli sans précédent du travail temporaire », Dares Analyses, n°034.

Duménil G., et Levy D., (2012), « Dettes souveraines : limites du traitement keynésien d’une crise structurelle », Actuel Marx, 2012-1, n°51, pp.27-43.

Erhel C. (2010), « Les politiques de l’emploi en Europe : quelles réactions face à la crise », Document

de travail du CEE, n°129.

Finot J. (2013), « L'emploi intérimaire au 4ème trimestre 2012 », Dares indicateurs, n°019, mars.

Freyssinet J. (2011), « L’impact de la crise économique sur les modes de production des normes de la relation d’emploi : l’exemple de six pays d’Europe occidentale », Economies et Sociétés, Série « Socio- Economie du travail », AB, n°33, 8/2011, p. 1227-1264.

Gautié J., (2011), « France: Protecting the insiders in the crisis and forgetting the outsiders? » in

Work inequalities in the crisis : evidence from Europe, Elgar [u.a.], p. 198-242.

Gilles C., Nikolai J.P., (2012), « L’ajustement de l’emploi pendant la crise. Une comparaison internationale et sectorielle », Document de travail, Centre d’Analyse Stratégique, n°2012.02, mars. Gilson A., (2010), « Les conseillers financiers de La Banque Postale : entre les besoins du client et les intérêts de l’employeur », SociologieS [En ligne], Dossiers, L’essor des métiers du conseil : dynamiques et tensions, mis en ligne le 03 février 2010, consulté le 30 mars 2014. URL :

http://sociologies.revues.org/3051

Heyer E., Cochard M., Ducoudré B., Péléraux H., Plane M. (2013), « France : tenue de rigueur imposée. Perspectives économiques 2013-2014 pour l'économie française », in Timbeau X. (dir), « Le

commencement de la déflation. Perspectives 2013-2014 », Revue de l'OFCE / Analyse et prévisions, N°129, pp. 101-169.

Horny G., Montornès J., Saunier-Leroy J.-B. et Tarrieu S. (2010), « Les politiques salariales durant la crise : résultats d’enquêtes », Bulletin de la Banque de France, n°179.

Husson M., (2012), « France : baisse de régime. Les salaires sur longue période », La Revue de l'Ires, 2, n° 73, p. 237-269.

Lallement M. et Lefèvre G., (1995), « Le chômage partiel en France et en Allemagne », Premières

synthèses, Dares, n°118.5, décembre.

Lefresne F., Sauviat C. (2007), « Modes de gouvernance, pratiques d’anticipation et régimes de restructuration : une approche comparative », Rapport à la DARES, août.

Lefresne F. et Sauviat C. (2011), « Les modèles sociaux européens et américains confrontés à la crise », Economies et Sociétés, Série « Socio-Economie du travail », AB, n°33, 8/2011, p.1265-1300. Minni C. (coord) (2011), "Emploi, chômage, population active, bilan de l'année 2010", Dares

Analyses, n°65, Août.

Naboulet A., (2011), « Que recouvre la négociation collective d’entreprise en France ? » Document d’études DARES, n°163, Août.

Pauron A., (2013), « Participation, intéressement et épargne salariale en 2011 », Dares Analyses, n°068, Novembre.

Pena-Casas R., Pochet P., (2009), Convergence and divergence of working conditions in Europe: 1990- 2005, European Foundation for the Improvement of Working and Living Conditions, Dublin.

Pernot, J-M. (2013), « Démocratie sociale ou nouveau corporatisme ? » dans La démocratie sociale à

l’épreuve de la crise, Un essai de comparaison internationale, Document de travail IRES, N°4.

Perraudin C., Petit H., Thèvenot N., Rebérioux A. et Valentin J. (2008), « Une gestion de l’emploi qui dépasse le cadre de l’entreprise », in Amossé T., Bloch-Lordon C., Wolff L. (Eds), Les relations sociales

en entreprise, un portrait à partir d'enquêtes "Relations professionnelles et négociations d'entreprise", Paris : La Découverte, Collection Recherches, p. 277-297.

Pignoni M.T., Reynaud E., (2013), « Les relations professionnelles au début des années 2010 : entre

changements institutionnels, crise et évolutions sectorielles », Dares Analyses, n°026, avril.

Pôle Emploi, (2013), « L'intérim et la durée des missions en 2011 », Repères et analyses statistiques, n°55, mai.

Rémila N., Tallet F., (2013), « Depuis mi-2011, une nouvelle dégradation du marché du travail, moins marquée que celle de 2008-2009 », « Emploi et salaires », Insee Références-Édition 2013, mars. Sanzeri O., (2014), « Les mouvements de main-d'œuvre au 3e trimestre 2013 : hausse des embauches, diminution des sorties », Dares Indicateurs, n°009, février.

Sauze D., Thèvenot N. et Valentin J. (2008), « L’éclatement de la relation de travail en France : CDD et sous-traitance », in CEE (dir.) Le contrat de travail, Collection Repères, Edition La découverte, Paris, p. 57-68.

Signoretto C., (2013), « Rupture conventionnelle, destructions d’emplois et licenciements : une analyse empirique sur données d’entreprises (2006-2009) », Document de travail du Centre

d’Economie de la Sorbonne, n°2013.69, octobre.

Spieser C. (dir.), L’emploi en crise et l’emploi de la crise, Liaisons Sociales.

Timbaud X., (2013), « La crise sur un plateau : perspective 2013-2014 pour l'économie Mondiale », Revue de l'OFCE N°130.