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Combinaison, complémentarité et substitutions des ajustements

Partie 2. Les apports des monographies

1. Le contexte macroéconomique : les ajustements au niveau agrégé ?

1.3. Combinaison, complémentarité et substitutions des ajustements

La perspective macroéconomique adoptée ici est peu adaptée à l’analyse des ajustements du marché du travail en termes de processus. A part la séquence ‘baisse de l’intérim-gel des embauches- licenciements’ qui articule les différents flux d’emplois, il n’est pas simple de saisir la manière dont les ajustements en termes d’heures, d’effectifs et de rémunération s’agencent. En agrégeant jusqu’aux secteurs, on écrase les possibles séquences de réactions. En effet, la crise a touché le

secteur de la construction avant celui de l’industrie. Mais, même en désagrégeant par secteur, on peine à faire apparaître ces séquences.

Le chômage partiel est considéré comme emblématique de la volonté des pouvoir publics d’encourager les entreprises à substituer à la réduction du volume de l’emploi, celui du volume des heures travaillées, mais aussi de la cristallisation de l’effort consenti sur la préservation de l’emploi permanent. Gilles et Nikolai (2012) font du chômage partiel le cœur d’un arbitrage entre plusieurs risques. Ils s’interrogent : pour limiter la persistance du chômage, doit-on maintenir les salariés en emplois, ce qui permet d’éviter leur déqualification, ou bien laisser le processus de destruction créatrice déterminer la réallocation de l’emploi entre secteurs et favoriser ainsi le déversement vers les secteurs les plus productifs ? Les critères centraux d’évaluation du marché du travail sont alors, pour eux, celui de la productivité et de l’emploi de long terme. Le chômage partiel ne fait-il que prolonger les emplois de la durée de son usage, ou peut-il réellement prévenir les destructions d’emplois ? Cette question débouche sur celle de l’impact du chômage partiel sur les licenciements économiques.

Les résultats issus de l’estimation des corrélations entre le recours au chômage partiel et le taux de licenciement économique menée par Calavrezo et Etouatti (2014) semblent signifier que les modalités mêmes de son usage sont parties prenante de la capacité du chômage partiel à prévenir les licenciements. Ils invitent à entrer dans les établissements pour découvrir la manière dont il se décide, se met en œuvre, se vit.

Au-delà, la question de l’instrumentalisation du chômage partiel se pose depuis longtemps. Dès 1995, Lallement et Lefèvre mettaient en évidence la manière dont certaines entreprises en faisaient un usage structurel, comme un outil de flexibilisation des horaires de travail, avant que les instruments d’aménagement des horaires de travail, plus simples et plus avantageux, ne le repositionnent dans l’objectif qui lui était initialement imparti, celui de la protection de l’emploi. Majoritairement industriel, comme l’usage de l’intérim, on peut alors formuler l’hypothèse d’un recours au chômage partiel qui serait une étape intermédiaire de l’ajustement du volume de travail entre deux modes de contraction des effectifs : la fin des missions d’intérim et le licenciement. Au niveau le plus agrégé, une telle séquence ne peut être mise en évidence. C’est au contraire leur forte synchronisation qui ressort comme le fait apparaître le graphique 4.

Graphique 4 : Evolutions conjointes du chômage partiel, des PSE et de l’intérim (2007-2012)

Sources : DGEFP, Silex (Chômage partiel); Dares Pôle-emploi (nombre d’intérimaires, équivalent emploi à temps plein, CVS), Direccte-UT (Nombre de PSE notifiés de plus de 50 salariés).

La littérature sur la crise s’est finalement posé trois types de questions presque successivement. Il s’est agi d’abord de caractériser la réaction du marché du travail. Dans une perspective de comparaison internationale, la résistance de l’emploi sur le marché du travail français est sans doute le résultat central. Cette résistance a d’abord été perçue comme un succès. Dans un second temps, ce sont les facteurs explicatifs de l’hétérogénéité des réactions qui ont été discutés. Outre les dimensions sectorielles qui conditionnent les possibilités de recours à certains instruments (comme l’intérim et le chômage partiel), le rôle joué par les groupes a été mis en avant. Cabane et alii (2013) ont ainsi mis en évidence que les unités légales appartenant à un groupe ont réalisé un ajustement plus fort de l’activité et de l’emploi que celles qui sont indépendantes. Une partie seulement de cette différence pourrait s’expliquer par leur plus forte exposition à la concurrence étrangère. Nous le relevons ici tant la question des groupes paraît essentielle à la compréhension des ajustements. Enfin, le troisième type de questionnement au centre des publications qui émergent en 2012 alors que la crise perdure, renvoie aux conséquences de ces ajustements en termes de productivité (Gilles et Nikolai, 2012 ; COE, 2012) ou de rentabilité (Artus, 2013) comme ressorts de l'évolution de l'emploi à long terme.

Productivité et rentabilité dépendent de la manière dont le travail est organisé, valorisé et mobilisé dans l'entreprise. C'est en entrant dans les établissements que l'on peut saisir la façon dont la crise vient renouveler et/ou mettre à mal les relations de travail. Les ajustements mis en œuvre par les entreprises affectent l'organisation du travail. Ainsi, la crise est porteuse de mutations du travail qui conditionnent en retour l'évolution de l'emploi à long terme, en niveau mais aussi en structure. L'un des premiers apports des monographies a été de montrer que la crise subie par les établissements enquêtés a pu prendre des formes variées, tant dans sa nature et son ampleur que dans sa dynamique, ou bien encore dans ses manifestations. Ce constat nous a conduit à commencer par identifier les différentes variantes de la crise (ou des crises) apparues ou telles que perçues dans les établissements enquêtés.