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Réorganisation de l’industrie du cinéma indien dans les années 1990

Chapitre I. Construction hégémonique du Cinéma hindi : Bollywood

II. Réorganisation de l’industrie du cinéma indien dans les années 1990

L’hégémonie de Bollywood s’inscrit dans un projet national beaucoup plus vaste  qui est celui

d’intégrer l’économie-monde (Martín-Barbero, 2003). L’indépendance de l’Inde en 1947 initia un

projet de développement et de modernisation du pays par le gouvernement de Nehru. La période

qui nous intéresse pour notre étude est toutefois plus récente puisqu’elle débute en 1991, date à

laquelle le gouvernement indien amorça une politique de libéralisation économique. Comme Adrian

Athique, nous considérons cette période comme la troisième phase de globalisation que rencontre

l’Inde. Plusieurs points de vue s’opposent cependant sur les caractéristiques des phénomènes de

globalisation contemporains. Certains y voient une continuité d’un « imaginaire impérial » du

monde colonial » (Athique, 2012, p. 10). D’autres considèrent qu’il y a eu une rupture avec les

processus historiques de globalisation qui ont précédé. C’est le cas par exemple d’Arjun Appadurai,

pour qui les migrations et les médias se retrouvent au cœur de ce monde contemporain changeant

1

(ibid., p. 11). Enfin, pour d’autres, la globalisation contemporaine, marquée par une « convergence

des technologies médiatiques, des capitaux financiers internationaux, de la géopolitique, et des

interchanges culturels

2

» (ibid.), est plus une intensification des phénomènes antérieurs qu’un

moment de rupture. À l’instar d’Adrian Athique, nous nous situons plutôt dans cette perspective

alternative. Si notre étude se focalise sur une approche des médias indiens durant les vingt-cinq

dernières années, nous considérons cette période comme une nouvelle phase d’internationalisation

des médias qui fait suite à des processus historiques. Nous reprenons ainsi les trois différentes phases

de globalisation de l’Inde que présente Adrian Athique : la période coloniale au début du XX

e

 siècle

au moment où l’Inde était intégrée « à un système impérial global et était en train de se constituer en

nation

3

» (ibid., p. 12) ; suivie par « les décennies de décolonisation internationale et d’un socialisme

de développement » avant 1991 ; et enfin la période qui nous concerne, celle débutant en 1991 avec

les nouvelles politiques de libéralisation économique.

Dès l’indépendance de l’Inde, l’État s’appuya sur les médias et technologies d’information et

communication pour développer et moderniser le pays. Il pouvait par ailleurs s’appuyer sur des

industries médiatiques bien implantées puisque les médias (presse écrite, radio, cinéma, et par la

suite l’informatique et Internet) sont apparus en Inde plus ou moins en même temps que dans les

pays occidentaux

4

. L’Inde fait en outre partie des pays qui ont contribué au développement des

1. “Accordingly, Appadurai puts the electronic visual media at the heart of globalization, locating transnational media practices as both catalyst and primary evidence of a changing world.”

2. “Taking the alternative view, Antony Hopkins, among others, has described the contemporary convergence of media technologies, international finance capital, geopolitics and cultural interchange as simply a continuation of related processes at play over several centuries.” 3. “[…] the period when India was fitfully integrated into an imperial global system, and was in the processof taking shape as a nation.” 4. “…the most critical developments in modern media technologies have been deployed in the [Indian] subcontinent at more or less the same time that they have been deployed in industrialized societies. In India, the introduction of railways, cinema, telegraphy and

technologies de l’information et de la communication, notamment dans le secteur des satellites et

de l’informatique

1

. Le rôle attribué aux médias par l’État indien se distingue toutefois de celui des

pays occidentaux, et il évolua en fonction des stratégies adoptées par les gouvernements successifs.

Deux principales périodes peuvent être repérées : la première durant une politique principalement

socialiste nehruvienne des années 1950 jusqu’aux années 1980, et une deuxième débutant dans les

années 1990 avec le passage à une économie néolibérale.

1. Le tournant néolibéral des années 1990

Un des principaux objectifs de l’État indien dès les années 1950 fut de développer et moderniser

le pays. Sur le plan économique, cela se traduisit par une stratégie protectionniste visant à protéger

les industries locales et nationales. Les médias et technologies de communication (principalement

la télévision et la radio) furent quant à eux mobilisés afin d’informer et de mobiliser la population

indienne autour de la construction d’une identité culturelle nationale

2

. Si personne ne s’opposa à

ce projet, « les stratégies les plus adaptées pour l’usage des communications […] ont été contestées »

car la plupart de « ces programmes de communication pour le développement » furent conçus,

financés, et conseillés par des professionnels venant des États-Unis ou d’Europe

3

(Singhal et Rogers,

2001, p. 34). Or, le rôle que l’État indien souhaitait attribuer aux médias se distinguait des objectifs

des médias occidentaux. Tandis que « les médias de masse en Europe et en Amérique du Nord

sont principalement utilisés pour divertir », en Inde « les médias étaient [à cette époque] supposés

encourager le développement en remplissant une fonction éducative

4

» (ibid.). C’est dans ce contexte

par exemple, que le gouvernement central garda le monopole sur les services audio-visuels établis par

les Britanniques pendant la période coloniale, dont la All India Radio (Athique, 2012, p. 34). Ce

fut également le cas avec la Film Division (anciennement appelée Information Films of India) qui

eut pendant longtemps le monopole sur la production des films documentaires. Le service public de

télévision Doordarshan, lancé en 1959, fut lui aussi un monopole de l’État jusque dans les années

1990. Le gouvernement central pouvait ainsi s’assurer que le secteur audio-visuel, produisant des

broadcasting was contemporaneous with their introduction in the dominant Western world […] ”. (Athique, 2012, p. 4) Pour une histoire du développement de l’industrie cinématographique en Inde : Grimaud, 2006.

1. ““It is equally important to note that India has not only been a receiver of imported and fully formed technologies. Significant Indian contributions have been made in such fields as satellite broadcasting and computing.”

2. Sur le rôle de la communication dans le développement des pays les pays émergents : Rogers (1976) ; Melkote (2001 [1991]) ; Servaes (2002).

3. “ However, the most appropriate strategies for utilizing communication for development have been contentious. Europeans and North Americans were often involved as designers, funders, advisors, or evaluators of these development communication programs.”

4. “ In Europe and North America the mass media are used mainly for entertainment. Government policies generally encourage this entertainment function of the media, or at least do not discourage it. […] But in India and many other developing nations, the mass media were expecting to encourage development by serving an education function.”

objets culturels populaires, soit conforme aux objectifs sociaux de la politique de développement du

pays (Rodrigues, 2010, p. 192).

Les industries médiatiques étaient par ailleurs divisées en trois secteurs différents. Les monopoles

d’État se retrouvaient ainsi confrontés au secteur dit « organisé ». Ce dernier était composé de

sociétés commerciales privées (nationales et multinationales), et concernait principalement les

domaines de l’édition et de la presse, ainsi que les fabricants de produits électroniques (Athique,

2012, p. 135). Enfin, le troisième secteur dit « non organisé » ou « désorganisé » correspondait aux

petites sociétés privées et aux entrepreneurs. L’industrie cinématographique faisait partie de cette

dernière catégorie, et était ainsi reléguée aux marges de l’économie informelle

1

(ibid.). Cette période

précédant le tournant néolibéral se caractérisa donc par un protectionnisme économique à partir

duquel l’État protégeait et soutenait les grandes entreprises privées indiennes face à la concurrence

des entreprises étrangères ainsi que les petites entreprises contre les multinationales. Seul le secteur

« désorganisé » « était ciblé de manière sporadique pour renforcer la régulation et les taxes

2

» (Athique,

2012, p. 136). L’industrie cinématographique avait ainsi été principalement considérée par l’État,

dès l’indépendance de l’Inde, comme une source de revenus (Grimaud, 2006 ; Micciollo, 1995).

Durant cette première période postcoloniale, les médias encadrés par l’État devaient à la fois aider à

fonder un État-nation légitime en contribuant à développer un « nationalisme « officiel » (Athique,

2012, p. 33), et à proposer des programmes éducatifs afin de faire participer la population indienne

au développement du pays. L’État se retrouvait cependant face à un défi de taille puisque que

la population indienne était fortement analphabète. Il s’appuya alors sur les médias audiovisuels,

qui n’exigeaient pas de savoir lire ou écrire, pour « injecter » une conscience moderne et accélérer

le processus de développement

3

» (ibid., p. 36). Pourtant, cette dimension éducative rencontra

rapidement des résistances du côté de la population qui jugea ces programmes insipides et ennuyeux

(Rodrigues, 2010, p. 4). Ces deux points de vue sur le rôle des médias s’opposèrent jusqu’aux

années 1990. Pour tenter de concilier ces deux tendances, le gouvernement indien tenta de trouver

un compromis en développant une stratégie intermédiaire  qu’Arvind Singhal et Everett Rogers

nomment « stratégie de divertissement éducatif » (strategy of entertainment-education) et qu’ils

définissent comme suit :

1. “ Prior to the liberalization era, there was a longstanding tripartite division in the Indian media. The primary division within the formal economy was between the state-owned industries and the privately owned business houses. In India, these are collectively referred to as the ‘organized’ sector. The counterpart to both is the ‘unorganized’ sector, made up of small businesses and traders reaching deep into the unregulated informal economy. Prior to the 1990s, broadcasting, telecoms and documentary films were all state preserves. Publishing and the press, along with the manufacturing of consumer electronics, were located in the ‘organized’ sector of the economy. Commercial films operated in the ‘unorganized’ sector, and therefore at the margins of the informal economy.”

2. “ In that sense, the state protected government industries through formal monopolies, and protected India’s larger private businesses from foreign competition and smaller private businesses from the bigger ones. The ‘disorganized’ sector, when it was considered, was sporadically targeted for enforcement of regulations and taxation.”

3. “ This is where mass media technologies were seen to provide a ready means of ‘ injecting’ a modern consciousness and accelerating the process of development.”

un processus concevant et mettant intentionnellement en œuvre des messages médiatiques

à la fois pour éduquer et divertir, afin que le public puisse acquérir plus de connaissances

sur les problèmes d’éducation, pour créer des attitudes favorables, et changer leurs

comportements.

1

(Singhal et Rogers, 2001, p. 34)

Toutefois, le changement rapide du paysage médiatique vers la fin des années 1990, avec notamment

« la rapide expansion des systèmes télévisuels privés […], particulièrement dans les régions urbaines »,

joua en faveur d’activités médiatiques de plus en plus tournées vers le divertissement

2

(ibid., p. 35).

Cette évolution du rôle des médias au sein de la société indienne résulte aussi en partie des réformes

économiques que le gouvernement indien adopta au cours des années 1990

3

. La deuxième phase

que nous pouvons repérer dans le rôle stratégique accordé aux médias par l’État indien débute

avec l’adoption d’une New Economic Policy (nouvelle politique économique) qui fut mise en

place entre 1991 et 1995

4

. L’objectif du gouvernement continuait d’être le développement et la

modernisation du pays, mais il fut rejoint par une volonté d’intégration à l’économie-monde. De ce

fait, si la politique nehruvienne avait contribué à la construction d’une société industrielle, l’objectif

à partir des années 1990 fut de la transformer en une société post-industrielle. Le pays devait donc

s’adapter à une nouvelle hégémonie du marché (Martín-Barbero, 2008), et cette nouvelle politique

économique s’articula autour de trois mots d’ordre : libéralisation, privatisation et globalisation.

Plusieurs facteurs nationaux (une profonde crise économique, diverses revendications sociales et

ethniques) et internationaux (comme la chute de l’URSS) amenèrent le gouvernement du Premier

Ministre Narasimha Rao à mettre en œuvre ce tournant néolibéral. Celui-ci résulta également d’« un

esprit nouveau » des nouvelles générations d’Indiens travaillant « dans l’industrie, le commerce,

l’agriculture, dans l’administration et même au sein d’un parti de la classe politique » et qui étaient

désormais « ouverts au changement, désireux de donner à leur pays une place plus importante

dans le monde » (Etienne, 2006, p. 132). Cette réforme économique « requit une politique de

globalisation reposant sur une approche adaptée au marché sous des politiques de recommandation

de libéralisation et de privatisation » (Singh, 1995, p. 321). Il s’agissait, entre autres, d’optimiser

l’efficacité de l’économie et de la compétitivité des industries indiennes (ibid.). Autrement dit, loin

de signifier le retrait de l’État pour laisser toute la place au libre marché, la dérégulation économique

témoigna d’une volonté du gouvernement central de s’impliquer dans ce secteur pour favoriser le

changement (Athique, 2012). Cela profita aux industries culturelles et médiatiques qui connurent

1. “ One solution, in which India has played a pioneering role, is the strategy of entertainment-education, the process of purposely designing and implementing media messages to both entertain and educate, in order to increase audiences’ knowledge about educational issues, create favorable attitudes, and change over behavior”.

2. “ However, the rapid spread of private television systems in India in the 1990s, especially in urban areas, represents a move toward emphasizing the entertainment function of the media.”

3. Ces réformes économiques furent amorcées dans les années 1980 (Singh et Saluja, 2005) alors que l’Inde connaissait une profonde crise économique et sociale depuis les années 1970, mais le véritable tournant néolibéral ne fut adopté qu’à partir de 1991. 4. L’économiste Manmohan Singh était alors le Ministre des Finances du gouvernement dirigé par le Parti du Congrès. Il fut chargé de mettre en application ces réformes économiques. Il devait également faire comprendre que l’Inde avait « changé » (Athique, 2012, p. 138). Il fut par la suite élu Premier Ministre de l’Inde et le resta pendant dix ans (2004‑2014).

une rapide croissance depuis les années 1990

1

, peut-être même plus que tous les autres secteurs

industriels (ibid., p. 134).

2. Changements structurels des industries

médiatiques indiennes

Le rôle attribué aux médias par l’État au sein de leurs stratégies de développement et de

modernisation du pays évolua également. Ce tournant néolibéral fut ainsi accompagné d’un

processus d’informatisation de la société indienne (Singhal et Rogers, 2001). Il s’agit d’ « un

processus au travers duquel les technologies de communication sont utilisées comme des stratégies

pour approfondir le développement socio-économique

2

» (ibid., p.38). Il s’agissait notamment

« d’encourager l’industrie informatique indienne, de créer de nouvelles richesses et des emplois,

d’exploiter les opportunités occasionnées par la convergence des technologies de la communication

(tels que le câble, la télévision et Internet)

3

» (ibid., p. 46). Le gouvernement indien créa pour cela

le Ministère des Technologies de l’Information (Ministry of Information Technology) en 1999.

Celui-ci eut pour mission d’encourager le développement de ce secteur industriel, et d’aider les

différentes technopoles qui émergeaient, à l’instar de celle d’Hyderabad ou de Bangalore dans le sud

de l’Inde (Nagala, 2005). Le mouvement d’informatisation de la société indienne fut important

pour le processus plus général de modernisation du pays et contribua à « une rapide croissance des

entreprises de hautes technologies

4

» (Singhal et Rogers, 2001, p. 48).

La politique de libéralisation économique engendra également une série de privatisation de

différentes industries qui étaient jusque-là sous le contrôle de l’État. La société de radiodiffusion

nationale All India Radio et la chaîne de télévision nationale Doordarshan restèrent cependant

dépendantes, pendant un certain temps, du ministère de l’information et de la radiodiffusion

(Ministry of Information and Broadcasting). Tandis qu’elles ne constituaient qu’une seule

1. Les rapports annuels sur les industries culturelles et médiatiques attestent de la croissance presque constante de chaque secteur, presse écrite y compris (FICCI‑PWC, « The Indian Entertainment & Media Industry. Sustaining Growth», Report 2008, 2008), et malgré des ralentissements certaines années comme en 2008 et 2009 (FICCI‑KPMG, « In the inverval, but ready for the next act », FICCI-KPMG Indian Media and Entertainment Industry Report, 2009 ; « Back in the Spotlight », FICCI-KPMG Indian Media and Entertainment Industry Report, 2010) ou encore en 2012 (FICCI‑KPMG, « The power of a billion. Realizing the Indian dream », FICCI-KPMG Indian Media and Entertainment Industry Report, 2013).

2. “ Informatization is the process through which new communication technologies are used as strategies for furthering socio-economic development.”

3. “ The mission of the new ministry is to boost India’s IT industry, create new wealth and jobs, harness opportunities provided by converging communication technologies (such as cable television and the Internet), enact and implement cyber laws, and facilitate the use of IT in electronic governance, public service, and distance education.”

4. “The growing importance of the informatization route to development is reflected in the rapid rise of high-tech companies such as Wipro and Infosys Technologies in India and Microsoft and Oracle in the U.S.”

entreprise lors de la création de Doordarshan en 1959, elles sont devenues deux entités distinctes

en 1976, avant d’être finalement de nouveau réunies en 1997. La Cour Suprême avait en effet jugé

le monopole de Doordarshan comme inconstitutionnel. L’autonomie de ces deux médias d’État

avait été votée en 1990 (par la Prasar Bharati Act), mais elle fut finalement décrétée en 1997

avec la création du Prasar Bharati (Broadcasting Authority of India), une compagnie publique

indépendante regroupant All India Radio et Doordarshan (Athique, 2012, p. 56). L’autonomie

donnée aux industries culturelles et médiatiques contribua toutefois à l’arrivée progressive de

multinationales et d’investisseurs étrangers (Ranganathan, 2010, p. 29). Cela entraîna une rapide

croissance de la concurrence avec la présence de plus en plus importante des programmes de

divertissement étrangers (Athique, 2012). Comme plusieurs chercheurs l’ont montré, la culture et

la communication sont structurelles dans la société indienne et ont contribué au développement du

pays

1

. Les industries médiatiques ont donc dû se réorganiser face à l’internationalisation des médias

(Deprez, 2011 ; Athique, 2012). Afin de devenir compétitives sur le marché global, elles ont connu

de multiples transformations, d’ordre technologique (convergence numérique, satellites, réseaux

câblés) ou d’ordre structural (professionnalisation, rationalisation et regroupements en corporations

des modes de production).

Face à cette internationalisation grandissante des médias, il est possible d’expliquer les transformations

des industries médiatiques indiennes par deux mouvements convergents que Jesús

Martín-Barbero (2003) met en évidence dans son observation de l’évolution des entreprises culturelles et

médiatiques nationales en oligopoles transnationales. Il s’agit d’un côté, de l’importance stratégique

des télécommunications dans la modernisation et l’ouverture économique néolibérale et, d’un

autre côté, de la pression des transformations technologiques dans la dérégulation de l’organisation

entrepreneuriale des médias (ibid., p. 22). Il remarque deux tendances distinctes dans ces évolutions.

La première concerne le développement de conglomérats médiatiques grâce à la convergence

numérique des télécommunications et des secteurs médiatiques. Star-TV a été par exemple la

première chaîne télévisuelle par satellite en Inde, mais elle a été rapidement suivie par d’autres

chaînes indiennes comme Zee-TV (qui appartient au groupe Zee Group) ou étrangères, à l’instar de la

multinationale japonaise SONY (Singhal et Rogers, 2001, p. 108). La deuxième tendance repose sur

la relocalisation et la reconfiguration de la propriété faisant du secteur de la communication l’un des

plus flexibles en ce qui concerne les propriétés privées, tout particulièrement quand « les compagnies

médiatiques opèrent de plus en plus dans des arènes transnationales que des arènes nationales

2

»

(Thussu, 2007, p. 12). Naviguant entre des flux nationaux et transnationaux, les technologies de la

communication jouent alors un rôle stratégique « dans le processus de configuration des nouveaux

modèles sociétaux et leurs relations avec le nouveau lancement de la modernisation (par satellite,

1. Singhal (2001) ; Assayag (2005) ; Ranganathan (2010) ; Deprez (2011) ; Athique (2012).

2. “ The proliferation of satellite and cable television, made possible by digital technology, and the growing use and online communication, partly as a result of the deregulation and privatisation of broadcasting and telecommunication networks, have enabled media companies to operate in an increasingly transnational rather than national arenas, seeking and creating new consumers worldwide.”

communication informatique, vidéo processeurs) et l’expérience de plus en plus ploutocratique de

la modernité contemporaine » (Martín-Barbero, 2006, p. 280). De plus, les différents travaux dans

le champ des études sur la globalisation

1

, particulièrement ceux s’intéressant à la culture, nous ont

montré que, non seulement les économies, mais aussi les cultures deviennent globales. Or, « ce qui

est en jeu n’est pas une meilleure diffusion de produits mais une réarticulation des relations entre

les pays à travers la décentralisation qui concentre le pouvoir économique et la dislocation qui

hybride les cultures » (ibid., p.  36). Si Jesús Martín-Barbero discute essentiellement des médias et

des cultures en Amérique latine, ses propos s’appliquent également aux transformations du paysage

culturel et médiatique indien. En ce sens, les médiations technologiques et mercantiles déclenchent

« le tournant de la société en un marché » (ibid., p. 285). Les processus de globalisation nous obligent

ainsi à réfléchir à « l’hégémonie de la raison communicationnelle » dans nos sociétés où les industries