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CHAPITRE I Rénovation urbaine et développement durable, la solution contre les maux de

6. Rénovation urbaine et développement durable, objectifs communs mais un difficile

De l’analyse que l’on vient d’effectuer dans ces premières pages, il émerge que le développement durable urbain et la rénovation urbaine ont plusieurs points en commun, notamment grâce aux préoccupations de fond qui les animent. Afin de déterminer quelle est la valeur ajoutée par la mise en place de la démarche EcoQuartier en rénovation urbaine, il semble opportun d’explorer toutes les relations qui peuvent relier les deux concepts.

La vision critique des politiques urbaines des décennies de croissance de l’après-guerre est le principal moteur et élément fédérateur de deux notions de rénovation urbaine et de développement durable qui émergent dans le panorama des politiques publiques françaises proposées comme prioritaires à la fin des années 90.

D’un même point de vue, on peut même considérer les politiques de renouvellement urbain comme précurseurs de celles portées par le développement durable, puisque l’exigence de refaire la ville sur la ville et la lutte contre la ségrégation spatiale et la promotion de la mixité sociale constituent une préconisation d’importance du développement durable (Hamman, Blanc, & Henniger, 2008, p. 241), ou de moins du volet environnemental et social que le compose.

Le lien entre les deux termes vient consacré dans la loi Borloo, qui, comme nous avons vu, a institué le PNRU et lui donne comme objectif, au-delà de la mixité sociale, le développement durable des quartiers classés en zone urbaine sensible.

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À partir de ce moment, on peut très bien considérer que la rénovation urbaine « est du développement durable et qu’elle s’inscrit dans cette philosophie d’action » comme l’affirmait Gérard Hamel, ex-président d’administration de l’ANRU (à travers Epstein, 2011). Cette position semble être celle prédominante à l’intérieur de l’Agence, comme les propos de Valérie Lasek 17le montrent : « nous pouvons même dire que le renouvellement urbain participe à la production de la ville durable. Dès lors qu’à travers les projets, on cherche à renouveler la ville sur elle-même, c’est à dire à requalifier la ville, à la densifier, on participe à éviter l’extension urbaine » (ANRU, 2015a).

L’ANRU promeut, en effet, plusieurs actions qui peuvent être associées au développement durable, telles qu’on les a vues dans les sections précédentes. Par exemple, la diversification de l’habitat et des fonctions au sein du quartier et le rééquilibrage à travers le relogement des ménages contribuent ainsi à une ville plus mixte, plus équilibrée et donc à la construction de la ville durable (ANRU, 2015a).

Le PNRU peut alors être considéré comme un moyen, un outil au service du développement durable urbain qui contribue à donner forme à la ville durable de demain. C’est ainsi que : « les porteurs de projet locaux se saisissent de la rénovation urbaine comme d’une opportunité exceptionnelle de concrétiser leur aspiration au développement durable » (Gérard Hamel, à travers Epstein, 2011). Au-delà de leur objectif primaire commun, la politique de la ville et celles inspirées par le développement durable ont aussi des principes et modes opératoires similaires. Par exemple, l’importance donnée à la démarche de projet, la transversalité, articulation des échelles, la participation des habitants.

Même s’il faut noter que, selon Epstein (2011 ; 2012), l’introduction de la rénovation urbaine comme élément de pointe de la politique de la ville a réduit ses caractéristiques, et qu’il propose donc de considérer la rénovation urbaine comme un pas en arrière pour ce que concerne le chemin vers la ville durable.

Malgré ce départ commun et ces similitudes, les quartiers d’habitat social ont été longuement – et d’une certaine façon le sont encore - délaissés par souci de développement durable.

Cette remarque est faite aussi par les acteurs sur les terrains, comme le chargé de mission rénovation urbaine à la Direction Départementale des Territoires et de la Mer 13 que constate : « On avait une démarche de rénovation urbaine qui s’est lancée en 2003 qui pouvait en partie recouvrir les objectifs EcoQuartier, mais en générale on a deux démarches ANRU et EcoQuartier qui ont vécu très longue temps à côté » (22/08/2016)

De ce fait, les quartiers de banlieue construits en habitat collectif continuent à présenter un cadre de vie plus dégradé que les autres : ils ont quatre chances sur cinq d’être traversés par une voie rapide et trois chances sur dix d’être côtoyés ou traversés par une autoroute. Les habitants des grands ensembles ont aussi une probabilité quatre fois plus grande qu’ailleurs de subir un niveau de bruit très gênant (Emelianoff, 2008).

Comme bien résumé par Emilianoff (2007) : « les quartiers de logements sociaux n’offrent pas la ‘haute qualité de vie ‘ promise aux quartiers durables et les projets d’éco-construction s’intéressent encore peu aux banlieues difficiles. En France, il reste difficile de convaincre les bailleurs sociaux, en dépit des bénéfices pour les locataires, de s’engager dans des réhabilitations écologiques » (p.62).

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On aurait pu penser que les grands ensembles deviennent la cible privilégiée, non seulement de la rénovation urbaine, mais aussi des politiques inspirées par le développement durable, vu qu’ils sont le symbole par excellence d’une forme urbaine non durable.

La raison de ce désintéressement est à rechercher dans l’incompatibilité perçue entre développement durable et habitat social. La qualité environnementale est en effet appréhendée comme une priorité uniquement par les classes plus aisées, alors que les classes populaires « n’auront rien à faire d’entendre parler de développement durable » (Dumont, 2006).

Cette situation se relie au fait que la qualité de l’environnement a toujours été un facteur de ségrégation sociale car il s’associe aussi à un prix du foncier plus élevé. Ce qui explique, sans doute, que sa protection ait été perçue comme l’expression de valeurs ‘bourgeoises’ – ou comme un luxe de classe moyenne (Theys & Emelianoff, 2001).

En conséquence, même si la politique de la ville et l’ANRU ont comme objectif le développement durable comme toutes les politiques publiques françaises, et même si dans leurs cas, il y a de fortes affinités, il a été très difficile jusqu’à maintenant de mettre en œuvre le principe du DD, surtout pour son pilier environnemental, dans le contexte des grands ensembles. Les quartiers d’habitat social continuent à être perçus comme des contextes particuliers, éloignés des normes de qualité environnementale, habités par une population en prise avec des difficultés économiques et qui ne serait pas trop inquiétée de subir de «plein fouet l’ ‘inégalité écologique’» et la dégradation de son milieu de vie (Dumont, 2006).

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