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II. B.3. Régulation de la traduction par TOR

Comme nous l’avons vu précédemment, la traduction protéique est un mécanisme qui requiert beaucoup d’énergie et une organisation coordonnée, néanmoins, pour se diviser et croitre, la cellule a besoin de produire des protéines et, donc, de réaliser cette traduction protéique. Etant donnée la grande importance de la voie de signalisation de TOR dans la croissance, l’idée d’un contrôle de la traduction par cette voie de signalisation a donc émergé rapidement. Ainsi, Barbet et al. (1996) ont montré que, chez S. cerevisiae, l’inactivation de TOR conduit à une diminution de l’initiation de la traduction des ARN messagers. Depuis cette découverte, de nombreuses études ont été menées et permettent maintenant de mieux comprendre le rôle que joue la kinase TOR dans ces régulations.

Cette régulation se fait à plusieurs niveaux : (i) TOR régule la traduction en elle-même, et notamment les étapes d’initiation et d’élongation ; (ii) TOR contrôle la biogenèse du ribosome, notamment en régulant la transcription des gènes impliqués dans la machinerie de traduction ; (iii) TOR contrôle la traduction des protéines impliquées dans la machinerie de traduction.

II.B.3.a. TOR et le contrôle de la traduction

La traduction des ARN messagers en protéines est un processus qui s’articule en trois étapes (initiation, élongation, terminaison) et qui fait intervenir de nombreux facteurs protéiques (voir partie II.B.1, page 30). Les étapes d’initiation et d’élongation de la traduction sont régulées par TOR par des mécanismes qui sont maintenant bien décrits.

Cette voie de régulation fait intervenir deux cibles directement phosphorylées par le complexe mTORC1, le facteur 4E-BP (eukaryotic initiation factor 4E Binding Protein) et la S6 Kinase (catalysant la phosphorylation de la protéine ribosomale RPS6).

La S6 Kinase (ou S6K) a d’abord été décrite par son rôle dans la phosphorylation de la protéine ribosomale RPS6 qui est un constituant de la petite sous-unité du ribosome (d’où son nom) sur plusieurs sites (Fingar and Blenis, 2004). Toutefois, l’impact biologique de ces phosphorylations reste encore un peu flou (Ruvinsky and Meyuhas, 2006).

La S6K phosphoryle également le facteur d’initiation de la traduction eIF4B sur la Ser422 ce qui entraine son activation (Raught et al., 2004; Proud, 2007) et elle phosphoryle également eEF2K (elongation factor 2 kinase) sur la Ser366 ce qui l’inactive (figure 29). Dès lors, la protéine eEF2 n’est plus phosphorylée, devient active et induit l’élongation de la traduction (Wang et al., 2001). Enfin, la S6 kinase, activée par la phosphorylation par TOR grâce à son motif TOS (TOR signaling) (Nojima et al., 2003), phosphoryle le facteur suppresseur de tumeur PDCD4 entrainant sa dégradation, ce qui augmente l’activité hélicase du facteur d’initiation de la traduction eIF4A et facilite le passage de la sous-unité ribosomale 40S jusqu’au codon d’initiation de la traduction (Dorrello et al., 2006) (concernant l’initiation de la traduction et les facteurs qui y sont associés, voir la partie II.B.1, page 30).

En ce qui concerne le lien entre TOR et la traduction, par l’intermédiaire de 4E-BP, la protéine eIF4E-Binding Protein (ou 4E-BP) est phosphorylée par TOR et, de ce fait, inactivée. Elle peut alors libérer le facteur d’initiation de la traduction eIF4E qu’elle séquestrait. eIF4E peut alors se fixer sur eIF4A et modifier la conformation secondaire de l’extrémité 5’ de l’ARN messager afin de faciliter le passage de la petite sous-unité ribosomale. Il est à noter que la protéine 4E-BP n’a pas d’homologue clair chez les plantes.

La traduction est également contrôlée par d’autres voies et d’autres AGC kinases notamment , comme Akt et PKC, qui jouent également un rôle dans la traduction. Mais le mécanisme par lequel ils interviennent reste flou (Grosso et al., 2008). Il est également à noter que l’inactivation de eEF2K se fait par phosphorylation sur trois sites inhibiteurs différents, Ser78, Ser359 et Ser366 (Proud, 2007). On sait maintenant la S6 kinase phosphoryle la Ser366 et Smith et Proud (2008) ont montré que la phosphorylation de la Ser359 est due à

l’activité kinase du cdc2/cyclin B (cdc2 parfois appelé CDK1). Cependant, le rôle de cdc2 dans la voie de signalisation de TOR reste peu clair, étant donné qu’un traitement à la rapamycine ne modifie pas grandement l’activité cdc2 alors que la privation d’acide aminé et l’ablation du TSC2 (respectivement inactivant et activant le complexe mTORC1) ont un effet sur l’activité kinase de cdc2 (Smith and Proud, 2008).

En plus du contrôle de la traduction par TOR, il est également à noter que TOR pourrait jouer un rôle dans la réinitiation de la traduction après un micro ORF. En effet, certains ARN messagers possèdent, en 5’, plusieurs ORF (Open Reading Frame) de courte taille appelés µORF, uORF (upstream ORF) ou sORF (small ORF). Ces µORF permettent une régulation de la traduction puisqu’ils nécessitent une réinitiation de la traduction sur le même ARN messager juste après un site de terminaison. Chez les mammifères, il a été mis en évidence que plusieurs eIF (eIF3, eIF4F et eIF4A) sont importants pour promouvoir la réinitiation de la traduction après ces sORF (Pöyry et al., 2004). Toutefois le mécanisme de réinitiation permettant la traduction des ARN messagers polycistronique est encore mal connu. Schepetilnikov et al. (2011) montrent que, chez Arabidopsis, TOR et S6K1 jouent un rôle crucial dans la formation des complexes ribosomaux de réinitiation après un site de terminaison. En effet, ces auteurs ont montré que la protéine virale TAV du CaMV (Cauliflower Mosaic Virus) est nécessaire à la réinitiation traductionnelle sur l’ARN viral polycistronique par son rôle de recrutement et d’activation de TOR. Cette protéine induit également un enrichissement de TOR dans la fraction polysomale.

II.B.3.b. TOR contrôle la biogenèse du ribosome

Une croissance rapide nécessite une synthèse protéique abondante. Une telle synthèse implique la production abondante de ribosomes et d’ARN de transfert, ce qui requiert la synthèse d’un certain nombre de facteurs impliqué dans la biogenèse et l’assemblage du ribosome. Ces facteurs sont appelés RiBi. Une croissance rapide nécessite donc une synthèse bien régulée et coordonnée des protéines ribosomales, des ARN ribosomaux, des ARN de transfert et des RiBi.

La transcription des gènes codant ces différents facteurs fait intervenir les trois ARN polymérases nucléaires : l’ARN polymérase I régule la transcription des ARN ribosomaux ; l’ARN polymérase II régule la transcription des gènes codant des protéines, c'est-à-dire les

protéines ribosomales et les RiBi ; l’ARN polymérase III régule la transcription de l’ARN ribosomal 5S et des ARN de transfert. Etant donné que ces mécanismes consomment une grande quantité d’énergie, la cellule a développé des mécanismes de contrôle afin de réguler étroitement et de coordonner l’expression de ces gènes (Warner, 1999; Lempiäinen and Shore, 2009). Un grand nombre de ces régulations se fait par l’intermédiaire de signaux dépendant du complexe TORC1.

II.B.3.b.iContrôle de l’expression des ARN ribosomaux (ARN

polymérase I)

L’expression des gènes ribosomaux codant les ARN ribosomaux se fait par la mise en place d’un complexe d’initiation de la transcription faisant intervenir plusieurs facteurs de transcriptions, parmi lesquels on peut citer RRN3/TIF1A (RRN3 chez la levure, TIF1A chez les mammifères), SL1 et UBF (Upstream Binding Factor). Ce complexe peut ensuite recruter l’ARN polymérase I qui commence à transcrire l’ADN ribosomal en ARN ribosomal.

Lorsque TOR est actif, il inhibe PP2A qui, lorsqu’elle est active, déphosphoryle TIF1A, ce qui empêche sa fixation au complexe d’initiation de la transcription par translocation du noyau vers le cytoplasme (Claypool et al., 2004; Mayer et al., 2004). TOR contrôle également l’activité de l’ARN polymérase I en régulant l’état de phosphorylation du facteur UBF, par l’intermédiaire de la S6 kinase (Hannan et al., 2003). Enfin, TOR pourrait également agir sur la localisation de l’ARN polymérase I en modifiant la chromatine et la structure du nucléole (Tsang et al., 2003). Huber et al. (2011) ont également mis en évidence une voie de régulation de l’activité des ARN polymérases I et III dans une voie indépendante de RRN3 et qui fait intervenir les facteurs de transcription STB3, DOT6 et TOD6. En effet, SCH9 phosphoryle directement ces facteurs qui sont, alors, inactivés. Tout comme ils sont parvenus à faire un lien entre SCH9, ces facteurs de transcription, le complexe d’histone déactétylase RPD3 et l’activité de l’ARN polymérase II, ils ont montré qu’une mutation dans STB3, DOT6, TOD6 et/ou RPD3 permet d’abolir la diminution d’activité des ARN polymérases I et III en réponse à l’inactivation de SCH9 (figure 30). Une partie de cette voie pourrait être conservée chez les plantes puisque Ren et al. (Ren et al., 2011) ont mis en évidence un lien entre TOR et l’ARN polymérase I chez Arabidopsis.

II.B.3.b.iiContrôle de l’expression de l’ARN ribosomal 5S et