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Partie III- Le rythme au service de la structuration psychocorporelle

I. Soutien du développement psychomoteur

5. Régulation tonique et schéma corporel

Nous demandons à tour de rôle, à chacun des enfants, de proposer un tempo sur le tambourin qui sera repris ensuite par le groupe en frappant des mains.

Yann propose un rythme lent ce qui semble influencer directement sa posture : il paraît avachi, enroulé et ses gestes sont lourds et nonchalants. Il peut même regarder en l'air et se laisser distraire par les bruits environnants. A l'inverse, lorsque le tempo est rapide, il passe immédiatement en extension dorsale. Ses mouvements deviennent rigides et il frappe avec force.

Lorsque l'on s'intéresse aux nuances et à la mise en place d'accents dans une phrase rythmique, on remarque que Yann est en grande difficulté pour les percevoir et donc pour les reproduire. Quand il est le chef d'orchestre et que c'est à lui d'en inventer une, il ne différencie pas ses frappes et les tape toutes fortes avec une posture très tonique.

On peut observer, ici, des difficultés de régulation tonique avec une confusion entre force et vitesse. Les percussions simples permettent de travailler sur le tonus et d’intégrer qu’il ne faut pas taper plus fort pour aller plus vite. L’intérêt de la médiation rythme est de mettre en évidence les possibilités de variations, d’alternances et différenciations perceptives du tonus et ainsi de créer des intermédiaires. C’est ce que S. ROBERT-OUVRAY (2002) a nommé « l’ambivalence tonique ». Dans sa théorie sur le TSAR elle insiste sur les liens d’étayage entre le tonus, le sensoriel, les affects et les représentations qui sont autant de « portes d’entrée » dans l’accompagnement du patient. Dans la vignette clinique suivante, nous avons souhaité utiliser les émotions et les états pour leur faire éprouver les mises en formes du corps qui en résultent et donc en reliant les états toniques et émotionnels.

Nous proposons que chacun des enfants tape une émotion ou un état (être fatigué, s'ennuyer, être calme …) à l'aide du tambourin afin de la faire deviner au groupe. Celle-ci doit être répétée, avec régularité, et suffisamment longtemps pour que le groupe puisse la déceler.

Yann propose des émotions assez cohérentes en accord avec sa posture. Toutefois, il peut se laisser envahir par son impulsivité et se mettre à frapper plus fort et plus vite. De ce fait, le rythme s'éloigne de l'émotion ou de l'état initial. Il avait notamment choisit « d'être calme ».

Lucien est nettement plus confiant dans des exercices comme celui-ci n'impliquant pas de reproduction et mettant en jeu, au contraire, l'imaginaire et les représentations.

Louis n'était pas disponible car très angoissé durant cette séance. Il a peu interagit mais il est parvenu à intégrer le groupe pour proposer « l'amour » en reproduisant les battements du cœur.

On peut observer que l’abord du rythme par le biais des émotions est un appui facilitant la modulation tonique peu exploitée jusqu’alors. Les capacités de représentation des émotions et leurs répercutions corporelles semblent assez évidentes et spontanées. Néanmoins, cette intégration reste ponctuelle et fragile puisque dans le restant de la séance et

de l’année, nous constatons des variations brusques de l’état tonique. Chacun des enfants se relève par exemple très brutalement et rapidement à la fin du temps calme et se précipite pour ranger le matériel. Poursuivre ce projet de régulation tonique soutiendrait une fluidité dans l’expression des émotions.

Le rythme comme nous l’avons vu, est un cycle tonique caractérisé par une alternance entre tension, rétention et détente. Pour des enfants TDA/H figés dans cette « tension », il s’agit de leur faire éprouver par le rythme cette autre polarité afin de développer des intermédiaires permettant une régulation tonique plus fine au service du mouvement et en adéquation avec leur état émotionnel.

Chaque enfant devait proposer une partie du corps, non déjà utilisée, pour marquer le rythme repris, ensuite, par le groupe. Cela pouvait être les pieds, les mains, les genoux, les coudes mais aussi des bruits de bouche.

Yann est le dernier à choisir une partie du corps et à inventer un rythme avec celle-ci. Il ne doit donc plus utiliser les mains, les pieds et les genoux. Pourtant, il propose un déplacement avec les pieds et les mains. Nous le corrigeons et il se met alors sur les talons, puis sur les genoux. Yann persévère dans ses propositions. Il finit par se mettre sur le dos recroquevillé et se balance.

Cette vignette clinique témoigne de la complexité pour Yann de s’organiser corporellement pour répondre à une consigne. Cela est à mettre probablement en relation avec un manque de conscience corporelle, un manque de repère au niveau du corps propre (intégration de l’axe corporel) altérant l’adaptation spatiale et générant, entre autres, un trouble du schéma corporel. Cela se manifeste chez Yann par des incoordinations motrices et de la maladresse. On peut penser que ce manque de sécurité lié au défaut de repères, majore ses perturbations affectives et ses difficultés dans la relation aux autres.

Le schéma corporel regroupe la connaissance des différentes parties du corps, la conscience des volumes du corps ainsi que de leur emplacement dans l’espace à partir de données tactiles, visuelles, kinesthésiques et labyrinthiques. Il fournit donc le cadre spatial où l’ensemble de nos actes et de nos perceptions prennent leur signification. Le rythme nécessite un engagement corporel favorisant des expériences sensorielles variées et notamment proprioceptives permettant d’enrichir le schéma corporel. En effet, les jeux rythmiques font appel au corps et aux notions spatiales ce qui aboutit à une meilleure connaissance du corps dans le mouvement et donc enrichit la proprioception. Ainsi, l’enfant va pouvoir passer d’un corps vécu à un corps perçu et enfin connu, influençant donc les rapports qu’il entretient avec son corps propre, l’environnement et les autres.

II. Soutien du développement psychoaffectif