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PARTIE 1 : MALADIES ALCOOLIQUES ET NON ALCOOLIQUES DU FOIE

3. Rôle de l’ostéopontine dans l’inflammation

3.1. Régulation de l’expression d’OPN lors de l’inflammation

Il a été rapporté que les cytokines inflammatoires (IL-2, IL-3,TNFα, IL-1β, IFNγ et IL-6) et d’autres facteurs comme le LPS, l’angiotensine II ou le NO induisent la production d’OPN par les macrophages (Ogawa, Stone et al. 2005) (Denhardt, Mistretta et al. 2003; Gao, Guo et al. 2004). Plus récemment, il a été décrit que les toll like receptors (TLR) pourraient induire l’expression d’OPNi dans les macrophages suite à une stimulation au LPS, via l’activation de PI3K, JNK (c-Jun N-terminal kinases), ERK (Extracellular signal-regulated kinases), AP-1 (activator protein 1) et NF-κB (Zhao, Wang et al. 2010; Zhao, Wang et al. 2011). Lors de l’obésité et de l’insulino-résistance, l’utilisation d’anticorps ciblés contre IL-18 diminuait l’expression d’OPN, suggérant que IL-18 régulerait positivement OPN (Ahmad, Al-Mass et al. 2013). Une glycémie élevée augmenterait aussi l’expression d’OPN lors de l’inflammation (Samuvel, Sundararaj et al. 2010).

A l’inverse, l’expression d’OPN serait inhibée dans les macrophages par les agonistes des récepteurs nucléaires PPARα (peroxisome proliferator-activated receptor), PPARγ (Oyama, Kurabayashi et al. 2000; Oyama, Akuzawa et al. 2002; Nakamachi, Nomiyama et al. 2007) et LXR (liver X receptor). Cette inhibition serait médiée par l’inhibition d’AP-1 (Ogawa, Stone et al. 2005). Lors de l’inflammation due à l’obésité, il a été rapporté que l’hormone de croissance (GH) inhiberait l’expression d’OPN (Lu, Kumar et al. 2013).

3.2. Rôle chimioattractant

Durant la phase aigüe de l’inflammation, l’OPN agit comme une molécule chimioattractive. L’OPN va être capable d’induire la migration des macrophages (Giachelli, Lombardi et al. 1998), des polynucléaires neutrophiles (Koh, da Silva et al. 2007), des lymphocytes (Cao, Dai et al. 2008), et des cellules dendritiques (Weiss, Renkl et al. 2001).

Cette fonction se fait via les récepteurs aux intégrines et à CD44. La migration cellulaire serait facilitée par l’expression de protéinase de la matrice (MMP2 et 9) (Philip, Bulbule et al. 2001; Bruemmer, Collins et al. 2003).

Chez la souris, une injection sous cutanée d’OPN induit une accumulation de macrophages au niveau du site d’injection, et l’utilisation d’anticorps anti-OPN inhibe la migration des macrophages en réponse à d’autres agents chimioattractants. L’expression de CD44, essentielle pour la migration des macrophages, est augmentée en réponse à l’OPN. Le rôle de l’OPN sur le potentiel migrateur des macrophages pourrait être dû à CD44 (Giachelli,

Lombardi et al. 1998; Marroquin, Downey et al. 2004; Zhu, Suzuki et al. 2004). De plus, l’OPNi, qui fait partie du complexe d’attachement CD44-ERM est impliquée dans la migration cellulaire (Zohar, Suzuki et al. 2000).

Chez les souris déficientes en OPN, l’infiltration intrapéritonéale de polynucléaires neutrophiles après traitement au sodium de périodate est diminuée par rapport aux souris contrôles. L’injection d’OPN exogène restaure l’infiltration. In vitro, ce rôle chimioattractant de l’OPN exogène est démontré par la restauration de la vitesse de migration et la polarisation des polynucléaires après traitement à l’OPN de cellules invalidées pour l’OPN. Le rôle chimioattractant de l’OPN sur les lymphocytes et les cellules dendritiques a été démontré dans plusieurs études, in vivo et in vitro, où l’invalidation de l’OPN diminue la migration de ces cellules (Weiss, Renkl et al. 2001; Cao, Dai et al. 2008; Schulz, Renkl et al. 2008).

L’implication de l’OPN dans les processus auto-immun serait due à cette propriété chimioattractive. Une expression excessive ou non régulée d’OPN a été rapportée dans différentes maladies auto immunes. L’OPN promeut l’inflammation en favorisant la migration et la rétention des cellules inflammatoires. Par exemple, l’expression d’OPN est associée à l’infiltration des lymphocytes T dans la sarcoïdose (O'Regan, Chupp et al. 1999). L’OPN est un bio marqueur dans la sclérose en plaque (Wen, Liu et al. 2012; Szalardy, Zadori et al. 2013), et dans le lupus (Briggs 2013; Quaglia, Chiocchetti et al. 2014).Dans l’arthrite rhumatoïde, l’OPN reflète la sévérité de l’inflammation et la destruction osseuse (Shio, Kobayashi et al. 2010; Iwadate, Kobayashi et al. 2014).

3.3. Rôle sur la prolifération et la survie cellulaire

L’OPN favorise la survie et la prolifération cellulaire, permettant la réparation tissulaire. L’OPN est un facteur de survie pour les cellules immunes. En effet, les macrophages n’exprimant pas l’OPN sont plus sensibles à l’apoptose. Cet effet est dû à la différentiation des monocytes en macrophages. Les monocytes sont connus pour être plus sensibles à l’apoptose que les macrophages. De plus, l’OPN favorise la production de protéines anti- apoptotiques, via la voie Akt (Nystrom, Duner et al. 2007). L’activation de cette voie pourrait réguler la survie cellulaire via Mcl-1 (Induced myeloid leukemia, appartenant à la famille Bcl- 2 et inhibant l’apoptose), indépendamment des caspases et de NF-κB (Liu, Perlman et al. 2001).

Pour les lymphocytes T, l’OPN prévient leur mort en inhibant la synthèse de protéines pro- apoptotiques et induit la survie en activant la voie NF-κB (Hur, Youssef et al. 2007; Fan, Dai et al. 2008).

Enfin, l’apoptose des cellules dendritiques augmente en présence d’anticorps anti-OPN (Kawamura, Iyonaga et al. 2005).

3.4. Rôle sur la modulation de la réponse inflammatoire

Durant la phase chronique de l’inflammation, l’OPN induit une réponse de type Th1, pro- inflammatoire, via la régulation de cytokines: elle induit la production d’IL-12, de TNFα et d’IFNγ, cytokine pro-inflammatoires, et bloque la production d’IL-10, anti-inflammatoire par les macrophages et les lymphocytes T (Ashkar, Weber et al. 2000). L’OPN, aussi nommée «eta-1» (early T cell activation factor gene 1), est exprimée à la phase précoce de l’activation des lymphocytes T (Patarca, Freeman et al. 1989). L’expression du gène Opn dans les lymphocytes T est dépendante du facteur de transcription T-bet et induit une réponse de type Th1, pro-inflammatoire (Shinohara, Jansson et al. 2005).

Dans les cellules dendritiques l’OPN induit la sécrétion du TNFα et de l’IL-12 (Renkl, Wussler et al. 2005). De plus, OPNi dans les cellules dendritiques prévient la production et la sécrétion d’IL-17, qui inhibe la polarisation de lymphocytes T en Th17 (Uede 2011).

En revanche, l’OPN exogène n’aurait pas de fonction quant à la capacité de génération de ROS et de production de cytokines pro-inflammatoire par les polynucléaires (Koh, da Silva et al. 2007).

3.5. Rôle sur la différenciation des cellules inflammatoires

L’OPN n’est pas exprimée par les monocytes circulants mais son expression est fortement induite au cours de leur différenciation en macrophages (Krause, Rehli et al. 1996). L’OPN joue un rôle dans la différentiation des macrophages via CD44 (Atkins, Berry et al. 1998). OPN active la voie Akt, primordiale dans la différentiation macrophagique et constitutivement active dans les macrophages différenciés chez l’homme, via son interaction avec CD44 (Nystrom, Duner et al. 2007; Liu, Zheng et al. 2012).

Au cours de la différenciation des cellules dendritiques myéloïdes (Kawamura, Iyonaga et al. 2005; Schulz, Renkl et al. 2008), et de l’activation des cellules T naïves (Shinohara, Jansson et al. 2005), l’expression de l’OPN est fortement augmentée.

4. Ostéopontine et obésité

L’implication de l’OPN dans l’obésité a été rapportée, notamment au niveau du tissu adipeux et du foie. Les modèles murins d’obésité les plus utilisés sont les souris génétiquement modifiées présentant une déficience en leptine (ob/ob) ou en récepteur de la leptine (db/db) et les souris sauvages soumises à un régime riche en graisse (HFD). Ces souris développent une obésité, une inflammation de bas grade, une résistance à l’insuline et une stéatose hépatique. Un modèle murin de complications hépatiques aussi utilisé, consiste à nourrir les souris sauvages avec un régime déficient en méthionine et choline (MCD). Un régime MCD entraine une stéatose (par défaut d’export des triglycérides hépatiques), une stéatohépatite (NASH) due à un afflux de macrophages et une augmentation des cytokines inflammatoires hépatiques, et une fibrose. Ce modèle n’est cependant pas associé à une obésité ou une insulino-résistance.

4.1. Taux plasmatiques 4.1.1. Homme

Chez l’homme, le taux d’OPN circulant est plus élevé chez les patients obèses ou en surpoids que chez les patients minces. Cette augmentation est corrélée à la masse grasse (Gomez- Ambrosi, Catalan et al. 2007; Bertola, Deveaux et al. 2009).

Dans l’obésité morbide, le taux circulant d’OPN est augmenté par rapport au taux observé chez des sujets minces ou en surpoids (Kiefer, Zeyda et al. 2008).

Après perte de poids suite à un régime restrictif, il a été rapporté que le taux d’OPN diminuait (Gomez-Ambrosi, Catalan et al. 2007). Après perte de poids suite à une prise en charge chirurgicale, le taux circulant d’OPN ne diminue pas, mais augmente (Bertola, Deveaux et al. 2009; Lancha, Moncada et al. 2014). Il a été proposé que l'os soit à l'origine des concentrations plasmatiques élevées de l'OPN après chirurgie bariatrique. En effet, l'OPN est sécrétée par les ostéoblastes et les ostéoclastes et joue un rôle essentiel dans le remodelage osseux (Denhardt and Noda 1998). En effet, il a été montré que la chirurgie bariatrique est associée à une carence, une augmentation des marqueurs du renouvellement osseux et à une diminution de la masse osseuse (Coates, Fernstrom et al. 2004; Gomez-Ambrosi, Catalan et al. 2007).

4.1.2. Souris

Une faible augmentation de l’OPN plasmatique chez les souris rendues obèses par un régime HFD a également été rapportée (Nomiyama, Perez-Tilve et al. 2007; Bertola, Deveaux et al. 2009). Cependant, une autre étude rapporte que l’OPN plasmatique n’était pas modifiée chez les souris génétiquement obèses et diabétiques (db/db) (Kiefer, Zeyda et al. 2008). Il est cependant important de souligner que la production locale d'OPN (foie et tissu adipeux) est fortement augmentée dans ces modèles murins. De plus, ces souris ne présentent pas de complications hépatiques sévères (fibrose) qui pourraient expliquer cette faible augmentation d'OPN circulant (Ceci sera discuté plus tard).

4.2. Tissu adipeux 4.2.1. Homme

Notre équipe a montré que l’expression génique de l’OPN était augmentée dans le tissu adipeux sous-cutané de patients obèses. Cette augmentation était corrélée à l’infiltration macrophagique. Lors de la perte de poids, l’expression de l’OPN et l’infiltration macrophagique du tissu adipeux diminuait (Bertola, Deveaux et al. 2009). Dans cette étude l’augmentation de l’OPN était indépendante de l’insulino-résistance.

Cependant, le lien avec l’insulino-résistance reste à clarifier. Il a été rapporté que l’expression génique et protéique de l’OPN est augmentée dans le tissu adipeux viscéral chez les obèses et se majore lorsqu’un diabète est associé à l’obésité (Gomez-Ambrosi, Catalan et al. 2007). Dans l’étude de Chapmann et coll., l’augmentation de l’OPN observée chez des patients insulino-résistants diminue après traitement médicamenteux améliorant l’insulino- sensibilité (TZD-Thiazolidinedione, agonistes de PPARγ utilisés comme antidiabétique oraux) (Chapman, Miles et al. 2010).

4.2.2. Modèles murins

Il a été rapporté que l’expression génique de l’OPN était augmentée dans le tissu adipeux épididymaire et sous-cutané de rats rendus obèses et insulino-résistants par un régime riche en graisse (Chapman, Miles et al. 2010), et dans le tissu adipeux épididymaire de souris obèses (génétiquement obèses et soumises à un régime riche en graisse) (Kiefer, Zeyda et al. 2008).

Afin de définir le rôle de l’OPN, plusieurs études ont rapporté les effets de l’invalidation de l’OPN lors de l’obésité.

• L’OPN régulerait les fonctions des adipocytes

Des souris invalidées pour l’OPN ont été soumises à un régime riche en graisse (de 20 à 25 semaines). Aucune différence de prise de poids n'a pas été observée par rapport aux souris contrôles par différentes équipes (Nomiyama, Perez-Tilve et al. 2007; Kiefer, Neschen et al. 2011). Cependant, Lancha et coll. ont récemment rapporté que les souris invalidées présentaient un poids inférieur par rapport aux souris sauvages, avec des adipocytes de plus petite taille. L’extension du tissu adipeux, reflétée par l’activité des protéinases de la matrice MMP2 et MMP9 était moins importante chez les souris invalidées pour l’OPN (Lancha, Rodriguez et al. 2014).

Il semblerait que l'OPN pourrait directement réguler les fonctions des adipocytes à des étapes précoces.

Lorsque des souris ont été soumises à un régime HFD pendant seulement 2 à 4 semaines, elles ne présentaient pas d’obésité, mais une hypertrophie des adipocytes. Chez les souris invalidées pour l’OPN les adipocytes étaient de taille normale (Chapman, Miles et al. 2010). OPN pourrait inhiber in vitro la différentiation adipocytaire mise en évidence par une faible diminution de l'expression de peroxysome proliferator-activated receptor γ (PPARγ) et de l'adiponectine (Zeyda, Gollinger et al. 2011). Dans cette même étude, les auteurs ont mis en évidence que l'OPN exogène inhibe aussi le transport de glucose induit par l'insuline (Zeyda, Gollinger et al. 2011). Mais il semblerait que l'OPN régule de préférence les fonctions des adipocytes indirectement en favorisant l'inflammation du tissu adipeux.

• L’OPN favoriserait l’inflammation du tissu adipeux

L’invalidation de l’OPN des souris soumises à un régime riche en graisse diminue l’inflammation systémique et du tissu adipeux, avec notamment une diminution de l’infiltration macrophagique (Nomiyama, Perez-Tilve et al. 2007).

Réciproquement, chez les souris obèses (HFD), l’injection d’un anticorps dirigé contre l’OPN, favorise une diminution de l’infiltration des macrophages et une diminution de l’expression des gènes de l’inflammation dans le foie et le tissu adipeux épididymaire (Kiefer, Zeyda et al. 2010).

L’OPN interviendrait précocement dans l’inflammation du tissu adipeux. En effet, chez des souris soumises à un régime riche en graisse de courte durée (2 semaines), l’invalidation de l’OPN prévient la mise en place d’une inflammation du tissu adipeux épididymaire (Chapman, Miles et al. 2010).

• L’OPN favoriserait la résistance à l’insuline

Suite à un régime riche en graisse, les souris obèses développent une insulino-résistance. L’invalidation génique de l’OPN ou la neutralisation de l’OPN rendent ces souris plus sensibles à l’insuline (Nomiyama, Perez-Tilve et al. 2007; Chapman, Miles et al. 2010; Kiefer, Zeyda et al. 2010). Les auteurs suggèrent que l’OPN interviendrait très précocement dans le développement de l’insulino-résistance. En effet, des souris soumises à un régime riche en graisse pendant une courte durée (2 semaines) développent une insulino-résistance du tissu adipeux et hépatique, une inflammation du tissu adipeux mais sans prise de poids par rapport aux souris avec un régime normal. L’invalidation de l’OPN chez les souris rendues obèses améliore la sensibilité à l’insuline, diminue l’inflammation du tissu adipeux, soulignant le lien entre OPN, inflammation du tissu adipeux et insulino-résistance à des stades précoces (Chapman, Miles et al. 2010).

• L’OPN favoriserait la fibrose du tissu adipeux

Récemment, Lancha et coll. ont mis en évidence que l’invalidation de l’OPN pourrait prévenir la fibrose du tissu adipeux épididymaire chez des souris misent sous régime riche en graisse pendant 20 semaines. Cependant, cette fibrose est peu marquée et il est difficile de déterminer si c’est un effet direct de l’OPN. En effet, les souris invalidées pour l’OPN présentent une prise de poids plus faible que les souris contrôles (Lancha, Rodriguez et al. 2014).

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