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PARTIE 1 : MALADIES ALCOOLIQUES ET NON ALCOOLIQUES DU FOIE

3. Rôle de l’ostéopontine dans l’inflammation

4.3. Maladies non alcooliques du foie

5.2.2. Fibrose hépatique

Il a été montré que l’OPN est augmentée dans les cellules étoilées isolées de foie de patients cirrhotiques (Sancho-Bru, Bataller et al. 2005). Dans cette étude réalisée sur 10 patients, 2 présentaient une cirrhose d’origine alcoolique, 8 avaient une cirrhose secondaire à une infection par le virus C.

A partir de modèles murins de fibrose hépatique, l’implication de l’OPN dans ce processus a été approfondie. Un traitement au long cours par du CCl4 ou une ligature des voies biliaires sont des modèles de fibrose hépatique chez les souris et les rats.

La protéine OPN, identifiée par immunohistochimie, est plus exprimée dans les cellules étoilées des foies de rats traités au CCl4 que dans les foies de rats contrôles (Kawashima, Mochida et al. 1999). L’expression génique de l’OPN dans les cellules étoilées isolées à partir de foie de souris est augmentée chez les souris ayant eu un traitement pro-fibrosant (De Minicis, Seki et al. 2007). Chez des souris invalidées pour l’OPN, la nécrose et la fibrose sont moins importantes que chez les souris sauvages après traitement pro-fibrosant (Lorena, Darby et al. 2006). Inversement, des souris transgéniques surexprimant l’OPN au niveau des hépatocytes et traitées au CCl4 pendant 4 semaines présentaient une fibrose plus

importante que les souris sauvages. La nécrose et l’inflammation n’étaient pas différentes entre les deux groupes. Au bout d’un an, les souris transgéniques surexprimant l’OPN présentaient une fibrose péricentrolobulaire, périportale et sinusoïdale spontanée, sans traitement pro-fibrosant (Urtasun, Lopategi et al. 2012).

Les mécanismes par lesquels l’OPN pourrait favoriser la fibrose ont été étudiés.

Le traitement de fibroblastes par la cytokine TGFβ induit leur différentiation en myofibroblastes, comme en témoignent l’augmentation du marqueur myofibroblastique actine muscle lisse et la production de fibronectine. Les cellules invalidées pour l’OPN ne se différencient pas après traitement au TGFβ, suggérant que l’OPN est nécessaire à la différentiation des myofibroblastes (Lenga, Koh et al. 2008). Une autre approche in vitro suggère que le LPS augmenterait l’expression de l’OPN dans les cellules étoilées, et favoriserait leur action fibrosante (Morales-Ibanez, Dominguez et al. 2013).

Il a été rapporté que l’OPN induirait une augmentation de la production de collagène 1 par les cellules étoilées hépatiques. Cette activation des cellules étoilées se ferait via l’intégrine α5β3 et par la voie PI3K/AKT/NF-κB, d’après l’étude in vitro réalisée par Urtasun et coll. De même, les cellules étoilées isolées de foie de souris invalidées pour l’OPN auraient des capacités fibrogéniques moindres que cellules des souris sauvages (Urtasun, Lopategi et al. 2012).

Plus récemment, le rôle et les mécanismes d’actions de l’OPN lors de la fibrose hépatique due à l’alcool ont été mis en évidence. Les auteurs rapportent que l’OPN hépatique (génique et protéique, forme totale et clivée) était augmentée après une alcoolisation aigüe unique des souris, et que l’expression génique et protéique de l’OPN était augmentée dans une lignée de cellules étoilées traitées à l’alcool pendant 4 heures. Cette augmentation était associée à l’augmentation des récepteurs de l’OPN, CD44 et l’intégrine α5β3, et à l’augmentation de la phosphorylation des protéines Akt et Erk. Cette augmentation était associée à une régulation de gènes impliqués dans la fibrogenèse (TGFβ, PAI-1, collagènes) et dans le remodelage de la matrice extracellulaire (plasmine, uPA, MMP) et à une augmentation de la migration des cellules étoilées. L’inhibition de l’OPN (souris invalidées pour l’OPN et utilisation d’anticorps anti-OPN dans les cellules étoilées) inhibait partiellement la phosphorylation des protéines Akt et Erk, l’activation et la migration des cellules étoilées. L’expression de gènes impliqués dans la fibrogenèse et le remodelage de la matrice extracellulaire était modifiée en l’absence d’OPN. L’ensemble de ces résultats

suggèrent que l’OPN, augmentée lors d’une alcoolisation aigüe, serait un acteur clé dans le rôle pro-fibrogénique des cellules étoilées en réponse à l’alcool. L’OPN régulerait l’expression de gènes impliqués dans le développement de la fibrose. Cette régulation complexe favoriserait le développement de la fibrose (Seth, Duly et al. 2014).

Enfin, le rôle des cellules canaliculaires biliaires a été étudié. Il existe une relation entre la prolifération ductulaire et le développement de la fibrose hépatique. Dans le foie des souris invalidées pour l’OPN traitées au thioacétamide (hépatotoxique), la prolifération des cellules canaliculaires et la fibrose étaient diminuées par rapport aux souris sauvages. Pour étudier le lien entre OPN, prolifération ductulaire et fibrose, des co-cultures ont été réalisées avec des cellules étoilées. Ce seraient les cellules biliaires qui favoriseraient l’activation et l’action fibrogénique des cellules étoilées via OPN et TGFβ (Wang, Lopategi et al. 2014).

5.3. Rôle protecteur de l’OPN dans l’alcoolisme chronique

D’après de nombreuses données de la littérature, l’OPN favoriserait les complications hépatiques lors de l’obésité et de l’alcoolisme. Mais l’OPN est une protéine complexe qui peut avoir un rôle anti-inflammatoire dans certaines conditions. Deux études suggèrent un rôle protecteur de l’OPN dans les lésions hépatiques induites par l’alcool. Comme nous l’avons vu dans la première partie, l’alcool est responsable d’une perte de l’intégrité de la muqueuse intestinale, permettant une translocation de LPS favorisant l’inflammation hépatique. L’OPN pourrait agir au niveau du tube digestif et du foie.

L’OPN est détectée dans le lait, et serait absorbée et localisée dans la muqueuse intestinale. L’administration par voie orale de l’OPN purifiée à partir du lait diminue les lésions hépatiques induites par l’alcool chez la souris. L’OPN aurait, dans la muqueuse digestive un rôle anti-inflammatoire et préserverait l’intégrité de la muqueuse intestinale (Ge, Lu et al. 2013).

Au niveau hépatique, la surproduction d’OPN pourrait se lier au LPS, bloquant alors l’activation des macrophages, la production de ROS et de TNFα. De plus, l’excrétion d’OPN par les canaux biliaires ciblerait l’intestin, source du LPS. Cette capacité à prévenir l’inflammation et l’endotoxinémie est mise en évidence dans un modèle murin surexprimant l’OPN dans les hépatocytes, chez qui la stéatose, l’infiltration de macrophages et l’expression du TNFα étaient diminuées lors de la prise d’alcool (Ge, Leung et al. 2014).

Il avait déjà été rapporté un rôle anti-inflammatoire de l’OPN au niveau digestif, dans les colites aigües. Dans un modèle murin de colite aigüe, l’invalidation de l’OPN est associée à 68

des lésions digestives plus marquées que chez les souris sauvages. L’administration per os de l’OPN du lait lors d’une colite aigüe s’accompagne d’une diminution de l’infiltrat inflammatoire (macrophages et polynucléaires neutrophiles) du tube digestif, d’une diminution de la production de médiateurs pro-inflammatoires, et d’une diminution de la perte de poids.

Il semblerait que l’activation par l’OPN de l’immunité acquise préviennent les lésions de colites aigües et favorise la réparation tissulaire. Au stade chronique, l’OPN favoriserait une réponse inflammatoire de type Th1 (da Silva, Ellen et al. 2009; Heilmann, Hoffmann et al. 2009).

Il semblerait que l’OPN puisse aussi avoir dans certaines conditions un rôle anti- inflammatoire dans les macrophages. Le mécanisme impliqué serait dû à la capacité de l’OPN à inhiber la production de NO (Rollo, Laskin et al. 1996; Rittling and Denhardt 1999). iNOS induit la production de NO, une molécule de défense contre les agents pathogènes, mais qui est toxique. iNOS est systématiquement exprimée dans plusieurs types cellulaires, dont les macrophages, durant l’inflammation. Il a été montré que le NO effectue un rétro control négatif sur sa propre synthèse en augmentant l’expression d’OPN. L’OPN inhiberait iNOS, en augmentant l’ubiquitination et la dégradation de STAT-1, nécessaire à la production d’iNOS (Guo, Cai et al. 2001; Gao, Guo et al. 2007; Guo, Wai et al. 2008).

Comme nous venons de le voir, l’OPN peut avoir un rôle protecteur. Le développement de la stéatose et de l’inflammation au cours des maladies non alcooliques du foie, ainsi que le développement de la fibrose au cours de l’alcoolisme sont des processus chroniques.

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