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III. Différenciation mégacaryocytaire

2. Régulateurs de la mégacaryopoïèse

La mégacaryopoïèse nécessite une régulation fine et contrôlée. Celle-ci est opérée d’une part, par des cytokines et facteurs de croissance libérés dans l’environnement et d’autre part, par des facteurs de transcription spécifiques de la lignée mégacaryocytaire. Afin de maintenir constant le nombre de plaquettes dans la circulation sanguine, ces mécanismes vont agir tout au long de la différenciation mais également lors de la production plaquettaire.

2.1. Les cytokines et facteurs de croissance

Bien que jouant un rôle important dans le maintien en quiescence ou l’auto- renouvellement des CSH, de nombreuses cytokines et facteurs de croissance ont une fonction essentielle dans la différenciation mégacaryocytaire. Elles peuvent être produites par les CSH elles-mêmes, différents types cellulaires présents dans la moelle osseuse ou encore par des organes comme le foie, par exemple. Concernant la TPO, elle est produite par les cellules de Kupffer, cellules de la paroi des sinusoïdes hépatiques. Bien que de nombreuses cytokines (SCF, IL-3, IL-6, IL-11, Flt3-ligand) soient utilisées pour la prolifération et la différenciation des progéniteurs mégacaryocytaires in vitro [105-107], la TPO est définie comme agoniste majeur de la prolifération et de la différenciation mégacaryocytaire [108, 109]. Elle stimule l’expression de marqueurs spécifiques des progéniteurs et précurseurs mégacaryocytaire tels que le CD41, le CD61 ou encore le CD42b et favorise le processus d’endomitose à l’origine de la formation du système de membrane de démarcation [110- 113].

La fixation de la TPO sur son récepteur Mpl induit la dimérisation de celui-ci conduisant à une phosphorylation des protéines kinases (Jak, par exemple) qui vont à leur tour phosphoryler des protéines de signalisation activant les voies de signalisation Jak/STAT, PI3k/Akt ou encore ERK/MAPK (Figure 11). Ces voies de signalisation sont à l’origine de la transcription de gènes impliqués dans la régulation du cycle cellulaire, de la prolifération et de la différenciation cellulaire [114-116].

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Concernant la voie de signalisation Jak/STAT, les protéines STAT présentes dans le cytoplasme sous forme de monomères inactifs sont activées par phosphorylation via les kinases Jak puis se dimérisent pour migrer vers le noyau et réguler la transcription de nombreux gènes (Figure 11). D’un point de vue de la différenciation mégacaryocytaire, les principales protéines STAT activées par la TPO et impliquées dans la prolifération et la différenciation des cellules sont STAT3 et STAT5 (A et B) [117, 118]. Plus précisément, STAT3 bien que nécessaire à la prolifération n’apparaît pas comme essentiel à la mégacaryopoïèse [119]. A l’inverse, la régulation de STAT5 est primordiale dans le développement mégacaryocytaire. En effet, une diminution de STAT5A/5B dans les cellules CD34+entraîne la différenciation mégacaryocytaire. A l’inverse, une activation de ces protéines et notamment de STAT5A aboutit au processus d’érythropoïèse au détriment de la mégacaryopoïèse [120]. Parallèlement à cette voie de signalisation, la voie ERK/MAPK induit l’activation des protéines ERK 1/2 impliquées dans la différenciation et notamment dans le processus d’endomitose et de formation des proplaquettes [121]. A l’inverse, la p38 MAP kinase également activée par la voie ERK/MAPK, est nécessaire à la prolifération des progéniteurs mégacaryocytaires (Figure 11). De même, la PI3k contrôle le cycle cellulaire et le processus d’endomitose [116].

Figure 11: Voies de signalisation induites par la fixation de la TPO sur son récepteur Mpl

Les protéines Jak s’activent par phosphorylation lors de la dimérisation du récepteur induisant la phosphorylation de protéines telles que STAT ou SHC et ainsi, la cascade de la signalisation. Abréviations: Jak, janus kinase; STAT, transducteurs du signal et activateurs de la transcription; SHC, domaine d’homologie 2 de src contenant; RAS, sarcome de rat; PI3k, kinase phosphophatidylinositol 3; MAPK, protéine kinase activée par des mitogènes; ERK, kinase régulée par des signaux extracellulaires.

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La fixation de la TPO sur son récepteur Mpl à la surface des MK induit également une libération de facteur 4 plaquettaire (PF-4), facteur réprimant la différenciation mégacaryocytaire [122]. Ce facteur inhibe la maturation des cellules et la formation des proplaquettes soulignant un rétrocontrôle négatif du PF-4 sur l’action de la TPO au niveau des MK [123, 124].

2.2. Les facteurs de transcription

En parallèle de l’action extrinsèque des cytokines, plusieurs facteurs de transcription internes aux cellules régulent l’expression des gènes impliqués dans la régulation de la différenciation mégacaryocytaire. Tous ces facteurs de transcription ont un rôle précis à chaque étape de la mégacaryopoïèse [125-127] (Figure 12).

Figure 12: Facteurs de transcription impliqués dans la mégacaryopoïèse

Le facteur de transcription essentiel à l’engagement des cellules vers le lignage mégacaryocytaire et impliqué à toutes les étapes est GATA-1 (globin transcription factor-1; [128]). En effet, une augmentation de l’expression de GATA-1 au détriment de PU-1 (engagement granulocytes/monocytes) favorise le développement des MEP [129, 130]. FOG- 1 (Friend of GATA-1) est nécessaire à GATA-1 pour le rendre fonctionnellement actif dans le lignage érythro-mégacaryocytaire [130-132]. L’association de ces deux facteurs permet notamment d’augmenter l’expression du gène codant pour CD41 [133]. Néanmoins, bien qu’il soit rapporté que GATA-1 forme des complexes activateurs ou inhibiteurs avec d’autres facteurs dans les MK, son mode de régulation est encore mal connu [134].

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Une association de GATA-1 et FOG-1 avec FLI-1 (Friend leukemia integration-1) permet d’activer la transcription de gènes impliqués tardivement dans la différenciation mégacaryocytaire tels que CD42b ou PF-4 [135]. Ce facteur FLI-1 non détecté dans le lignage érythrocytaire agit en tandem avec EKLF (erythroid Krüppel-like factor) pour prévenir l’engagement des MEP soit dans le lignage érythrocytaire (EKLF), soit dans le lignage mégacaryocytaire (FLI-1; [136, 137]).

Différents travaux ont également rapporté une action du facteur de transcription RUNX-1 (appelé aussi AML-1, acute myeloid leukemia-1) en association avec GATA-1 dans la différenciation mégacaryocytaire [138, 139]. Des études sur des souris mutées pour RUNX-1 montrent une diminution de la polyploïdisation et du développement cytoplasmique comme cela avait été démontré pour GATA-1. De même, comme expliqué précédemment, une diminution de MYH10 induite par RUNX-1 contribue au processus d’endomitose soulignant l’implication de RUNX-1 dans l’étape tardif de la mégacaryopoïèse [98].

De même que les facteurs de transcription précédemment décrits, c-myb peut réguler la mégacaryopoïèse en agissant de pair avec GATA-1. Il a été montré qu’une diminution de l’activité de c-myb augmente l’engagement des MPP dans le lignage mégacaryocytaire. Cela améliore également la réponse de la TPO dans les cellules mégacaryocytaires [140].

Un facteur de transcription bien connu pour être impliqué tardivement dans la mégacaryopoïèse est NF (nuclear factor)-E2. Ce facteur est exprimé par différentes cellules hématopoïétiques telles que les cellules myéloïdes, érythrocytaires et bien évidemment, les MK [141]. NF-E2 agit comme un régulateur de la formation des proplaquettes en favorisant la maturation finale des MK. En effet, des souris mutées pour ce facteur sont incapables de produire des plaquettes circulantes [142]. De même, la culture in vitro de cellules mégacaryocytaires déficientes en NF-E2 engendrent des MK avec une démarcation membranaire désorganisée et de rares granulations [143]. D’autre part, le rôle de NF-E2 dans la maturation finale des MK et la formation des proplaquettes peut s’expliquer par la fonction de certains de ces gènes cibles telle que la tubuline β1 [144]. De même que RUNX- 1, FLI-1 ou c-myb, NF-E2 peut interagir avec GATA-1 [145, 146]. Il est toutefois intéressant de souligner que le niveau des facteurs de transcription impliqués dans la phase tardive de la mégacaryopoïèse (RUNX-1, FLI-1, NF-E2, GATA-1, FOG-1) n’augmente pas avec la polyploïdisation. A l’inverse, la transcription de leurs gènes cibles est augmentée [93].

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Par ailleurs, une étude récente basée sur du séquençage d’ARN a mis en évidence l’implication du facteur de transcription NFIB (nuclear factor I/B) dans les étapes tardives de différenciation mégacaryocytaire. En effet, l’isoforme NFIB-S contenant des domaines de transactivation et de répression, favorise la maturation des MK à partir de cellules CD34+ [147]. Ainsi, ce facteur de transcription semble intervenir au cours de la différenciation mégacaryocytaire aux mêmes stades que GATA-1, FOG-1 ou encore FLI-1 (Figure 12). La mégacaryopoïèse représente donc un système complexe et coordonné impliquant de nombreux facteurs extrinsèques du microenvironnement de la moelle osseuse tels que des cytokines (TPO), des facteurs de croissance (SCF) ou encore des hormones ainsi que des facteurs intrinsèques que sont les facteurs de transcription.

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