• Aucun résultat trouvé

1. Neuroanatomie de la mémoire spatiale

1.2. La région hippocampique

1.2.3. Région parahippocampique

1.2.3.1. Le cortex entorhinal

Au cours de ma thèse, un événement marquant pour la communauté des neurosciences fut la découverte des ‘cellules grille’ du cortex entorhinal (Fyhn et al., 2004 ; Hafting et al., 2005). Cette découverte, une des plus importantes après celle des cellules de lieu il y a une trentaine d’années, corrobore l’hypothèse d’une représentation spatiale en amont de l’hippocampe. Cet événement a soulevé un intérêt accru pour cette structure et une meilleure compréhension de son anatomie.

Figure 1.4. Anatomie du cortex entorhinal du cerveau de rat. A. Vue latérale : POR, cortex postrhinal ; PR (=PER) le cortex périrhinal inclut les aires de Brodmann 35 et 36 ; rs, scissure rhinale ; MEA, cortex entorhinal médian ; LEA, cortex entorhinal latéral ; B. Vue dépliée de la carte de la surface corticale montrant le POR, le PR, MEA et LEA. C, caudal ; d, dorsal ; r, rostral ; v, ventral (d’après Burwell et Amaral, 1998). C. Vue ventro-caudale. MEC, cortex entorhinal médian ; LEC, cortex entorhinal. dr, droite ; ga, gauche (d’après McNaughton et al., 2006).

Le cortex entorhinal se trouve à l’interface de l’hippocampe et du cortex parahippocampique (Burwell, 2000 ; Witter et al., 1989 ; Lavenex et Amaral, 2000). Les vues latérale et ventro-caudale du cerveau de rat nous montrent que le cortex entorhinal est situé plutôt ventro-médialement par rapport à la scissure rhinale (ligne verte), et sous les cortex postrhinal et périrhinal (figure 1.4).

Sur le plan de son organisation, le cortex entorhinal peut être décrit selon trois grands schémas d’organisation: un premier qui fait la distinction entre les couches superficielles et profondes (1), un second qui fait la distinction entre le cortex entorhinal médian (CEM) et le cortex entorhinal latéral (CEL) (2) et un troisième qui fait la distinction entre les bandes dorsolatérales et les ventromédianes (3).

1) couches superficielles vs couches profondes

Les couches superficielles du cortex entorhinal envoient des axones en direction de chaque sous région de l’hippocampe. Il reçoit en retour dans ses couches profondes des projections du CA1 et du subiculum.

2) CEL vs CEM

Selon des critères de connectivité et cytoarchitectoniques, le cortex entorhinal est subdivisé en deux sous-régions, à savoir une région latérale (CEL) et une région

D

V dr ga

rs C

dorsolatéral intermédiaire ventromédian

1 mm

médiane (CEM) (figure 1.4.). En effet, les afférences de ces deux sous-structures sont différentes. Le CEM reçoit 3 à 4 fois plus d’axones des cortex occipital, rétrosplénial, et pariétal (informations visuo-spatiales) que le CEL. Ces projections sont soit directes, soit indirectes par l’intermédiaire du cortex postrhinal (POR). De son côté, le CEL a des connexions plus importantes avec le cortex périrhinal (PER) et directement ou indirectement avec les cortex frontal, piriforme, insulaire, olfactif, et temporal (Burwell, 1998, 2000 ; Witter et Amaral, 2004) (figure 1.5).

Figure 1.5. Afférences corticales des deux sous-régions du cortex entorhinal (LEA=CEL ; MEA=CEM). La méthode consiste à injecter dans les régions étudiées (ici cortex entorhinal) un marqueur rétrograde qui est véhiculé par le flux retro-axonal jusqu’aux corps cellulaires des différentes structures qui innervent le cortex entorhinal. On peut alors évaluer la densité de cellules marquées et en déduire quelles structures envoient des afférences vers les structures étudiées. A, proportion de l’ensemble des entrées corticales vers les régions cible MEA et LEA. B, proportion de l’ensemble des entrées unimodales vers les régions cible MEA et LEA. C, proportion des entrées polymodales vers les MEA et LEA du cortex entorhinal. D’après Burwell et Amaral, 1998.

La séparation entre les régions CEM et CEL réside aussi dans leurs efférences.

Les axones de la couche superficielle II de CEM et CEL innervent différents segments dendritiques d’une même cellule dans le gyrus dentelé et dans l’aire CA3. Au contraire, les axones de la couche III superficielle de CEM et CEL ségréguent indépendamment dans le subiculum et dans CA1 (figure 1.6). Cette propriété renforce aussi la différence anatomique entre CA1 et CA3.

A B C

Figure 1.6. Projections vers les aires médiane et latérale du cortex entorhinal. Les efférences des deux structures du cortex entorhinal (LEA et MEA) se mélangent au niveau de DG et CA3, mais restent ségréguées au niveau de CA1 et du subiculum. Modifié d’après Burwell (2000).

Sur le plan fonctionnel, Fyhn, Molden, Witter, Moser et Moser ont montré en 2004, que les couches superficielles (celles qui innervent l’hippocampe) du CEM contiennent des cellules qui déchargent à certains endroits de l’espace. Ces cellules ont été ensuite aussi découvertes dans les couches profondes du CEM (Sargolini et al., 2006). Ces cellules sont présentes dans le cortex entorhinal médian mais pas dans le cortex entorhinal latéral.

3) Bandes dorsolatérales vs bandes ventromédianes

De façon parallèle à la dichotomie Médial/Latéral, le cortex entorhinal présente des différences de connectivité extrinsèques et intrinsèques selon un gradient allant de la bande dorso-latérale jusqu’à la bande ventro-médiane (Burwell, 2000 ; Witter et al., 1989 ; Dolorfo et Amaral, 1998 ; Dolorfo et Amaral, 1998a) (figure 1.4, à droite). La bande dorsolatérale (bande rouge sur la figure 1.4), qui jouxte les cortex postrhinaux et périrhinaux, est celle qui reçoit le plus d’entrées visuospatiales. A mesure que l’on s’éloigne de la scissure rhinale (quand le rouge devient bleu), le cortex entorhinal reçoit progressivement de moins en moins d’entrées des cortex associatifs sensoriels (dont les cortex POR et PER), mais de plus en plus de différentes aires sous-corticales, telles que l’hypothalamus et l’amygdale.

Ce gradient anatomique a des conséquences fonctionnelles pour l’hippocampe : la bande la plus dorsolatérale est la région qui fournit le plus d’entrées à la partie dorsale de l’hippocampe (Witter et al., 1989 ; Dolorfo et Amaral, 1998) dans laquelle on trouve les champs d’activité les plus précis et les plus riches en

information spatiale (Jung et al., 1994 ; Poucet et al., 1994). Les bandes intermédiaire et ventromédiane du cortex entorhinal ont de fortes connexions réciproques avec les régions intermédiaire et ventrale de l’hippocampe, qui ont des champs d’activité plus pauvres en information spatiale. L’hippocampe dorsal est donc mieux ‘armé’ que l’hippocampe ventral pour traiter les informations spatiales.

Si la représentation spatiale de l’animal est déjà présente au niveau du cortex entorhinal, on peut alors se demander quel peut être le rôle à jouer par l’hippocampe. Nous étudieront les spécificités de chaque type de représentation dans le chapitres 2.2 pour l’hippocampe et le chapitre 2.5 pour le cortex entorhinal.

1.2.3.2. Les Cortex Postrhinal (POR) et Périrhinal (PER)

Les PER et POR sont, comme leur nom l’indique, situés à proximité de la scissure rhinale. A l’origine, ces deux aires corticales étaient vues comme appartenant à la même structure. La frontière entre ces deux structures, longtemps sujette à controverse, ne fut clairement définie que très récemment (Burwell et al., 1995 ; Burwell, 2000 ; Burwell et Amaral, 1998).

Les efférences

Il est clairement établi aujourd’hui que, ni le PER, ni le POR ne projettent vers CA3 ou le gyrus dentelé (Canning et Leung, 1997; Naber et al., 1999). En revanche, ces deux structures donnent naissance à des projections à destination de la région CA1 et du subiculum (Naber et al., 2001a, b), et réciproquement (Kloosterman et al., 2003).

Le cortex entorhinal médian (MEC) reçoit en majorité des projections du POR, alors que le cortex entorhinal latéral (LEC) en reçoit plutôt du PER. Les PER et POR sont également connectés entre eux. A noter aussi, les connexions entre le PER et le cortex entorhinal sont beaucoup plus importantes que les connexions entre le POR et le cortex entorhinal (Burwell et Amaral, 1998).

Les afférences

Les entrées corticales des PER et POR n’ont été étudiées de manière systématique que très récemment (Burwell et Amaral, 1998).

Le PER est divisé en deux car les aires 35 et 36 reçoivent des informations corticales de nature complètement différente. L’aire 36 reçoit surtout des

informations en provenance du cortex temporal, alors que l’aire 35 reçoit surtout des connexions en provenance des cortex piriforme, entorhinal latéral et insulaire.

Concernant le POR, les principales entrées, par ordre décroissant d’importance, proviennent des cortex visuel occipital, temporal, pariétal, rétrosplénial (figure 1.8). De même que pour le PER, les connexions du POR sont très largement réciproques. Les connexions sous-corticales des PER et POR sont moins bien documentées que les connexions corticales. Néanmoins, on sait que ces deux structures possèdent des connexions réciproques avec l’amygdale ainsi qu’avec les structures thalamiques.

Figure 1.8. Afférences du cortex postrhinal et périrhinal (composé des aire 35 et 36). D’après Burwell et Amaral, 1998.

Résumé : voie dorsale/ voie ventrale

De façon assez schématique, le POR envoie principalement des informations vers le MEC. Le POR reçoit lui-même des projections provenant des cortex pariétal et rétrosplénial traitant les informations visuospatiales. L’axe POR-MEC s’intègre donc à la voie ‘dorsale’ appelée aussi voie pariétale (voie du ‘où’ chez les primates) (Mishkin et Ungerleider, 1982).

Le PER, quant à lui, envoie principalement des informations au LEC. Le PER reçoit lui même des informations provenant du cortex temporal qui serait plutôt impliqué dans l’identification des objets ou des scènes visuelles (Barker et al., 2007 ; Devlin et Price, 2007). L’axe PER-LEC s’intègre donc à la voie ‘ventrale’

ou voie temporale (voie du ‘quoi’ chez les primates) (Mishkin et Ungerleider, 1982).

Le MEC et le LEC, qui font partie de ces deux voies relativement indépendantes vont ensuite acheminer les deux types d’informations jusqu’à l’hippocampe, structure d’intégration (Burwell, 2000 ; Witter et al., 2000).

Existe-t-il déjà une représentation spatiale au niveau des PER et POR? Jusqu’à maintenant quelques neurones avec des activités corrélées à la position de l’animal ont été mis en évidence dans ces régions, surtout dans le POR. Ces

corrélats spatiaux ne seraient pas stables au cours de sessions successives d’enregistrement (Burwell et Hafeman, 2003). En revanche, d’autres expériences contredisent ces résultats et ne fournissent pas de preuve en faveur de l’existence de corrélats spatiaux dans le postrhinal (Fynh et al., 2004).

Documents relatifs