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1. Neuroanatomie de la mémoire spatiale

1.2. La région hippocampique

1.2.2. La formation hippocampique

1.2.2.1. Organisation et connectivité

L’hippocampe est constitué par plusieurs types cellulaires : les cellules pyramidales (cellules de lieu), les interneurones et les cellules en panier, dont le corps cellulaire se trouve dans la même couche que celui des cellules pyramidales.

Les interneurones, sont situés dans des couches majoritairement occupées par des fibres nerveuses (stratus oriens). Ces interneurones encore peu connus sont essentiellement caractérisées par des immunomarquages spécifiques de neurotransmetteurs, en particulier du GABA (Ribak et al., 1978 ; Seress et Ribak, 1983) et auraient une fonction dans des circuits locaux.

1 Les structures concernées par la terminologie ‘région hippocampique’ varient souvent selon les auteurs. La définition adoptée ici est celle d’Amaral et Witter, 2004, revue qui regroupe les données anatomiques les plus récentes.

2 CA est l’abréviation de Champs Amoniens, en référence au terme de Corne d’Amon qui est l’ancien nom de l’hippocampe. Amon était un dieu de l’Egypte pharaonique souvent représenté comme une chimère tête de bélier sur un corps d’homme.

3Le subiculum, le présubiculum (PrS) et parasubiculum (PaS) sont parfois regroupés sous le terme de complexe subiculaire. Une des raisons pour laquelle Witter et Amaral n’utilisent pas cette dénomination réside dans le fait que le subiculum possède trois couches cellulaires alors que le PrS et le PaS possèdent plus de trois couches ; une autre raison consiste à dire que le subiculum est une structure de sortie de la formation hippocampique, tandis que les deux autres structures constitueraient une voie d’entrée du thalamus antérieur vers la formation hippocampique. Pour une discussion complète de ce point particulier, voir la section Should the subiculum, presubiculum and parasubiculum be grouped together as the “subicular complex ?” de Witter et Amaral (2004).

Figure 1.2. Coupe de l’hippocampe de rat montrant l’organisation architectonique et la connectivité intrinsèque (circuit tri-synaptique : vp pour voie perforante, fm pour fibres moussues, Sch pour collatérale de Schaffer). CE: cortex entorhinal, DG: gyrus dentelé, SL: septum latéral, CM: corps mammilaires, S: subiculum, CR: cortex rétrosplénial (d’aprés Amaral et Witter, 1989).

Le flux d'informations à travers l'hippocampe est unidirectionnel, ce qui le distingue encore une fois des zones néocorticales pour lesquelles la réciprocité des connexions constitue la norme. Le circuit le plus simple et le plus souvent décrit est constitué d'une voie principale excitatrice tri-synaptique mettant en jeu 4 groupes de neurones : les cellules de la couche II (superficielle) du cortex entorhinal envoient leurs axones, formant la voie perforante (voir 1 de la figure 1.3), vers le gyrus dentelé pour contacter les dendrites des cellules granulaires.

Les axones des cellules granulaires, les fibres moussues (2), contactent les cellules pyramidales du CA3 qui, à leur tour, envoient des axones, appelés collatérales de Schaffer (3), vers l'aire du CA1 (figure 1.3). Le champ CA1 et le subiculum sont directement interconnectés avec le cortex entorhinal, ce qui permet une réentrée des informations dans l’hippocampe, formant ainsi une boucle anatomique (Naber et al., 2001) (figure 1.2).

En réalité, la connectivité intrinsèque est beaucoup plus complexe que cela et combine une connectivité ‘sérielle’ (circuit tri-synaptique) avec une connectivité

‘parallèle’. Ainsi, les couches II et III du cortex entorhinal envoient directement des axones aux régions CA3 (par la voie perforante (1’)) et CA1 (par la voie temporo-ammonique (1’’)) respectivement. Par ailleurs, il existe, à plusieurs niveaux (en particulier pour CA3), un réseau de connexions intrinsèques qui élargissent la transmission de l’information. Ainsi, les cellules pyramidales de

C E SL/CM

S CR

CA3 sont interconnectées entre elles du côté ipsilatéral grâce aux collatérales récurrentes (3’), mais également avec le CA3 controlatéral4 (figure 1.3).

Figure 1.3. Connexions dans le réseau cortico-hippocampique. Les informations sensorielles provenant du néocortex arrivent dans les couches superficielles du cortex entorhinal (EC) via le gyrus parahippocampique (PHG) et/ou via le cortex périrhinal (PR). Depuis le cortex entorhinal, l’information est acheminée à l’hippocampe. Les principales sous-régions de l’hippocampe et la connectivité intrinsèque entre les sous-régions et ses relations avec les couches superficielles (II et III) du cortex entorhinal sont décrites dans le texte (1 voie perforante indirecte ; 2 fibres moussues ; 3 collatérale de Schaffer ; 1’ voie perforante directe ; 1’’ voie temporo-ammonique ; 3’

collatérale récurrente de CA3). CA1 envoie ensuite des axones à la fois vers les régions sous-corticales, mais aussi vers les couches profondes du cortex entorhinal (V et VI), soit directement, soit indirectement par l’intermédiaire du subiculum (Sub). Le réseau cortico-hippocampique est bouclé quand l’information provenant de CA1 est acheminée par le cortex entorhinal vers les aires corticales associatives (PHG et PR), qui à leur tour peuvent envoyer l’information aux aires néocorticales. En terme de connectivité, le cortex postrhinal (POR) est l’équivalent chez le rat du gyrus parahippocampique du singe.

Les traits épais représentent les dendrites ; à leur extrémité, les triangles représentent les corps cellulaires. Les flèches représentent les axones, donnant la directionnalité de la connexion. Les traits en pointillés rouges délimitent la formation hippocampique, les pointillés bleus délimitent la région parahippocampique. L’ensemble des deux forme la région hippocampique. DG, Gyrus Dentelé. D’après Nakazawa et al., 2004.

4 les hippocampes de chaque hémisphère sont connectés entre eux par les fibres commissurales du corps calleux (200 millions de fibres chez l’homme).

1

1’

1’’

2 3 3’

1.2.2.2. Différences CA1/CA3

Parmi les trois types d’afférences excitatrices que reçoivent les neurones de la région CA3, les fibres provenant des collatérales récurrentes (3’) sont les plus nombreuses, représentant chez le rat, 12.000 fibres par cellule pyramidale. La voie perforante directe provenant du CE (1’) représente quant à elle 4.000 fibres (soit 3 fois moins que les récurrentes) et la voie perforante indirecte acheminée par les fibres moussues (2) ne représente que 50 fibres (soit 250 fois moins que les récurrentes) (figure 1.3). En raison de ces collatérales récurrentes, la connectivité entre cellules pyramidales de CA3 est très robuste ; ainsi, une cellule donnée est directement connectée avec au moins 2% des autres cellules de CA3 (Miles et Wong, 1986 ; MacVicar et Dudek, 1980).

Contrairement à CA3, CA1 ne possède pas de collatérales récurrentes directes (il existe uniquement quelques collatérales d’axones de CA1 à destination des cellules du subiculum qui projettent à leur tour sur les dendrites d’autres cellules CA1). Un autre aspect de la connectivité de CA1 qui contraste avec celle de CA3 est la faible projection controlatérale à travers les fibres commissurales.

L’ensemble de ces différences de connectivité entre CA3 et CA1 permet d’envisager que ces deux types de régions présentent des caractéristiques fonctionnelles complètement différentes, un point sur lequel je reviendrai en détail dans la partie portant sur les processus de ‘pattern separation’ et de ‘pattern completion’ (chapitre 3.2).

On peut toutefois d’ores et déjà formuler une des conséquences fonctionnelles de la récurrence (et de la connectivité ‘parallèle’ en général) : chaque région hippocampique ne serait donc pas entièrement tributaire de la région qui la précède, comme le laisse supposer la connectivité de type sériel. Chaque région pourrait donc aussi bien agir indépendamment des autres régions, que de concert avec elles.

1.2.2.3. Afférences et efférences

Les afférences

La formation hippocampique reçoit des afférences des régions sous-corticales (Amygdale, noyaux supra mamillaires, hypothalamus latéral, thalamus antérieur, aires tegmentales ventrales, noyau du raphé, locus coeruleus…) (Amaral et Witter, 1995) et corticales (cortex entorhinal, septum médian) (Risold et Swanson, 1997). Les informations provenant des diverses aires corticales transitent en majorité par le cortex entorhinal qui constitue ainsi une véritable porte d’entrée

pour l’hippocampe (je décrirai dans une section suivante les afférences principales du cortex entorhinal).

Les efférences

Le subiculum (avec la fimbria/fornix) est l’une des sorties majeures de l’hippocampe vers des structures corticales et sous-corticales. Les régions corticales les plus innervées par le subiculum sont le cortex préfrontal médian, le cortex rétrosplénial, le cortex périrhinal et les pré- et parasubiculum. Dans une moindre proportion, le subiculum envoie des projections à destination des cortex entorhinal et postrhinal. Les principales cibles sous-corticales sont le septum et les noyaux mamillaires. On trouve également des projections vers le thalamus, le

Les neurones du subiculum n’ont pas été étudiés autant que les cellules de CA1 et CA3 (Sharp et Green, 1994 ; Deadwyler et Hampson, 2004). Ils montrent cependant une sélectivité spatiale assez claire, même si elle n’est pas aussi précise que celle des neurones de CA1 et CA3 (voir chapitre 2).

Le présubiculum et le parasubiculum recevant des fibres du subiculum ont été longtemps considérés comme des structures de sortie de l’hippocampe. Cependant Witter et Amaral (2004) soulignent que, étant donné leurs connexions anatomiques, ces structures devraient plutôt être considérées comme des structures d’entrée de l’hippocampe. En effet, le parasubiculum projette sur la couche II du cortex entorhinal, (qui elle-même projette sur le gyrus dentelé et le CA3 hippocampique), et le présubiculum projette sur la couche III superficielle (qui elle-même projette sur CA1 et le Subiculum) et la couche V profonde de l’entorhinal. Le présubiculum dorsal5 (ou postsubiculum) est la région dans laquelle on a découvert pour la première fois les cellules de direction de la tête (Ranck, 1984 ; Taube et al., 1990). De même, dans le post et parasubiculum, des expériences ont révélé des neurones dont l’activité dépend du lieu de l’animal,

5 Certains chercheurs soutiennent que la partie dorsale du présubiculum est différente de la partie ventrale du présubiculum (van Groen et Wyss, 1990) sur un plan cytoarchitectonique et connectivité. Ils préfèrent donc utiliser un nom différent pour la portion dorsale, et se réfèrent au nom ‘postsubiculum’. En utilisant cette convention, quand ils utilisent le nom ‘présubiculum’, ils ne parlent donc que de la partie ventrale.

avec des modulations en fonction de la direction de la tête (Taube, 1995 ; Sharp, 1996 ; Cacucci et al., 2004 ; Hargreaves et al., 2005). D’autres cellules sont modulées par la vitesse de l’animal, ou par la vitesse angulaire de la tête (Sharp, 1996).

Il est intéressant de noter qu’il semble y avoir une augmentation du nombre de cibles extrahippocampiques quand on va du gyrus dentelé vers le subiculum. En effet, le gyrus dentelé ne possède aucune projection extrahippocampique, la région CA3 ne possédant quant à elle qu’une seule projection vers le septum latéral. En revanche, le champ CA1 projette aussi bien vers le septum latéral que vers le cortex entorhinal et le subiculum mais encore vers diverses autres structures corticales et sous-corticales. En ce qui concerne le subiculum, il distribue des fibres aux mêmes cibles que CA1, et possède en plus d’autres cibles cérébrales (cortex préfrontal, cortex rétrosplénial, cortex périrhinal, septum, thalamus...)

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