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Chapitre V. Discussion et perspectives

1. Impact des travaux

1.1. La région C4 a une fonction structurelle

La caractérisation de la région C4 de la S11-RNase de Solanum chacoense, présentée au

chapitre II de ce travail, constitue la première analyse formelle de la fonction d‟une région conservée des S-RNases non impliquée dans leur activité catalytique. Les régions C1 et C5 étant en effet fortement hydrophobes et non exposées en surface de ces protéines, leur rôle dans la détermination de la structure tridimensionnelle des S-RNases n‟a jamais été mis en doute. Toutefois, attribuer une fonction similaire à la région C4 en absence de validation expérimentale semble moins évident, considérant que la moitié des résidus constituant cette région sont chargés et exposés en surface de la protéine (Ida et al., 2001a; Ioerger et al., 1991; Matsuura et al., 2001). De plus, les régions RC4 des S-RNases de Rosaceae ne montrent pas de similarité avec la région C4 des S-RNases chez les autres familles (Ioerger et al., 1991; Ma and Oliveira, 2002; Ushijima et al., 1998), bien que les régions RC4 et C4 soient fortement conservée à l‟intérieur de ces groupes respectifs. L‟AI chez les Rosaceae présentant par ailleurs des caractéristiques distinctes des autres familles (voir section 3.4.5), ces caractéristiques intrigantes justifiaient donc une investigation expérimentale du rôle exact de la région C4 des S-RNases.

Les expériences présentées dans cette étude ont testé l‟implication de la région C4 dans d‟éventuelles interactions avec des ligands protéiques comme un récepteur spécifique ou un inhibiteur général des S-RNases ainsi que dans la dégradation ubiquitine-dépendante des S- RNases. Les résultats obtenus n‟ont permis de mettre en évidence aucune implication de la région C4 dans de tels mécanismes, suggérant plutôt un rôle structurel (Qin et al., 2005). En particulier, l‟altération du résidu lysine conservé en région C4 ne prévient pas la dégradation de cette S-RNase, indiquant que ce résidu ne constitue pas un site exclusif d‟ubiquitination des S-RNases. Une analyse in vitro rapportée par la suite a mis en évidence le rôle potentiel de six résidus lysine en région C-terminale des S-RNases chez Petunia inflata (Hua and Kao, 2008).

Toutefois, étant donné qu‟aucun des mutants présentés dans cette étude ne prévient totalement la dégradation des S-RNases in vitro, il est probable qu‟aucun résidu lysine ne constitue individuellement un site exclusif d‟ubiquitination. Le fait qu‟aucun mutant constitutivement incompatible en raison d‟une impossibilité à dégrader une S-RNase modifiée n‟ait encore été rapporté supporte une telle hypothèse. Les constructions analysées chez Petunia n‟ont cependant jamais été évaluées in vivo, et le système in vitro (voir section I.3.4.3.7.1) utilisé pour détecter leur dégradation présente la particularité de ne pas être en mesure de dégrader les S-RNases glycosylées (Hua and Kao, 2006), ce qui permet de s‟interroger sur la représentativité d‟un tel système par rapport à la situation in planta (voir aussi plus bas). Aussi est-il possible que ce dernier ne puisse répliquer la totalité des mécanismes d‟AI et que l‟impact in vivo des mutations testées soit différent de celui observé in vitro. Le mode d‟ubiquitination des S-RNases n‟a toutefois pas été exploré de manière plus approfondie à ce jour, pas plus que l‟éventualité que l‟ubiquitination des S-RNases puisse accomplir des rôles additionnels en dehors de leur dégradation. L‟analyse par spectrométrie de masse de S-RNases ubiquitinées in vivo, purifiées à partir d‟extraits stylaires pollinisés, ou de S-RNases après leur traitement in vitro avec des extraits polliniques (voir section I.3.5.7.1) permettrait sans doute de déterminer précisemment les profils et modes d‟ubiquitination de ces protéines. Par ailleurs, la substitution par des résidus arginine de tous les résidus lysine d‟une S-RNase, si ceci n‟affecte pas la stabilité de la protéine, serait un bon moyen de tester la possibilité de générer une S-RNase d‟incompatibilité « universelle » car dépourvue de mode de dégradation. La région C4 ne semble pas non plus être impliquée dans la pénétration des S-RNases à l‟intérieur des tubes polliniques, ce processus n‟étant pas altéré dans les constructions analysées exprimant la protéine à un niveau détectable. Aucune mutation au niveau des S- RNases ou d‟autres protéines impliquées dans l‟AI n‟a d‟ailleurs à ce jour permis d‟observer une déficience à ce niveau, suggérant un mode d‟entrée non spécifique à ces protéines, le plus probable étant par endocytose. Par contre, si nos expériences n‟ont pas permis de mettre en évidence l‟implication de la région C4 dans de possibles interactions avec un ligand, cette hypothèse ne peut toutefois pas être pour autant totalement rejetée. D‟abord, sur un plan théorique, parce que C4 est la seule région conservée des S-RNases exposée en surface de la protéine et constitue donc la seule région qui peut identifier les S-RNases comme telles auprès

d‟un éventuel ligand protéique. Ainsi, chez les Prunoideae, la région RC4 serait une cible logique pour un inhibiteur général des S-RNases même si chez les Solanaceae, un tel inhibiteur général ne semble pas nécessaire au fonctionnement de l‟AI. Nous avions prédit que la mutation que nous avons introduite au niveau d‟un résidu chargé modifierait significativement les affinités de liaison dans cette région, et elle aurait donc dû révéler une telle fonction en limitant de telles interactions. Il est toutefois possible que le résidu modifié ne participe pas aux interactions dans cette région, ce qui aurait limité les modifications phénotypiques observables. Dans ce cas, des modifications simples ou doubles au niveau des résidus chargés (moins drastiques qu‟une mutation de tous ces résidus, tel que testé) auraient possiblement produit des résultats différents. Par ailleurs, le choix de l‟acide aminé glycine, utilisé pour la substitution des résidus chargés dans la région C4 des mutants présentés dans cette étude, pourrait potentiellement avoir influencé négativement les résultats obtenus. Il reste donc possible que d‟éventuelles substitutions avec un autre acide aminé puissent générer un phénotype différent. Ceci est surtout vrai pour le premier mutant présenté, dépourvu totalement de résidus chargés en région C4, qui avec des substitutions différentes pourrait potentiellement être exprimé au niveau protéique, contrairement à ce que nous avons observé. La région C4 est néanmoins capable d‟accommoder au moins un résidu glycine sans être affectée, le second mutant présenté étant parfaitement fonctionnel en dépit d‟une telle substitution au niveau d‟un de ses résidus chargés.

1.2. Le rôle de la glycosylation des S-RNases reste incertain