• Aucun résultat trouvé

Chapitre I. Systèmes d‟auto-incompatibilité et auto-incompatibilité basée sur les S-

3. Les systèmes d‟auto-incompatibilité

3.4. L‟auto-incompatibilité gamétophytique de type Solanaceae

3.4.7. Un modèle d‟auto-incompatibilité basé sur la séquestration des S-RNases.

Suite à l‟observation de la présence des S-RNases à l‟intérieur d‟un compartiment vacuolaire dans les tubes polliniques lors des étapes initiales des réactions d‟AI, et à la démonstration de la dégradation de la protéine HT lors des croisements compatibles chez

Nicotiana alata (Goldraij et al., 2006), un autre modèle d‟AI a été proposé. Ce modèle, dit de

la séquestration des S-RNases (Fig. I.9), tente d‟intégrer dans ses mécanismes plusieurs molécules ayant un rôle démontré dans l‟AI, contrairement au modèle de dégradation qui se base uniquement sur les interactions différentielles entre les S-RNases et les SLF/SFB. Le rôle de ces interactions reste par contre incertain dans le modèle de séquestration (McClure et al., 2011).

Ce modèle est basé sur l‟observation de la séquestration des S-RNases dans un compartiment, apparemment vacuolaire et délimité par la protéine 120 kDa, suite à leur pénétration dans les tubes polliniques jusqu‟à 16h après pollinisation (Goldraij et al., 2006), et ce dans tous les types de croisements. Cependant, 36h après pollinisation des différences entre types de croisements sont visibles : dans les croisements compatibles, les S-RNases restent séquestrées, tandis que dans les croisements incompatibles les S-RNases sont présentes au niveau du cytosol et le compartiment vacuolaire est absent (Goldraij et al., 2006). Cette

Figure I.9 : Modèle de séquestration des S-RNases.

Dans le modèle de séquestration des S-RNases, les S-RNases qui pénètrent les tubes polliniques s‟accumulent au niveau d‟un compartiment vacuolaire délimité par la protéine 120 kDa et sont donc isolées de leur substrat. Dans un croisement incompatible (A), il est proposé que l‟interaction entre une petite fraction cytoplasmique de S-RNases et SLF prévienne, par un mécanisme encore indéterminé, le processus normal de dégradation de la protéine HT, qui pourra alors déstabiliser le compartiment vacuolaire, entrainant la libération des S-RNases au cytoplasme. Dans un croisement compatible (B), l‟interaction entre les S-RNases cytoplasmiques et SLF ne peut prévenir la dégradation de HT, et les S-RNases restent séquestrées. Ce modèle prédit que la perte de fonction SLF (C) entrainerait une incompatibilité constitutive du pollen muté alors que le pollen hétéroallélique (D) serait constitutivement compatible. La protéine NaSTEP, qui contrôle potentiellement la stabilité de HT, n‟est pas représentée dans cette figure et les mécanismes qui contrôlent l‟activité de ces deux protéines dans le cadre de l‟auto-incompatibilité ne sont pas connus.

disparition du compartiment vacuolaire semble liée à la présence de HT, une forte diminution des niveaux de cette protéine étant au contraire observée dans les croisements compatibles. Ces observations suggèrent ainsi un rôle pour HT dans la déstabilisation du compartiment dans lequel les S-RNases sont séquestrées (Goldraij et al., 2006). Cette hypothèse est appuyée par la perte de l‟AI observée chez des mutants partiellement dépourvus d‟expression HT chez lesquels on observe une séquestration vacuolaire continue des S-RNases à l‟intérieur des tubes polliniques, et ce dans tous les types de croisements (Goldraij et al., 2006).

En contraste avec les prédictions du modèle de dégradation, ces expériences ne prédisent ou ne démontrent aucune décroissance des quantités de S-RNases dans les tubes polliniques compatibles (Goldraij et al., 2006). Par ailleurs, HT semblerait être l‟effecteur principal dans le déclenchement de la réaction d‟AI, puisqu‟il contrôlerait la relâche des S- RNases vers le cytosol dans les croisements incompatibles (Goldraij et al., 2006). La stabilité de HT semble elle-même être liée à la présence d‟une autre protéine, NaStEP (Jimenez-Duran

et al., 2013).

Le modèle de séquestration propose donc que dans un premier temps, les S-RNases pénètrent les tubes polliniques et sont ciblées vers un compartiment vacuolaire, délimité par la protéine stylaire 120 kDa, où elles sont isolées de leur substrat et donc inaptes à exercer leur effet cytotoxique. Une partie de la charge en S-RNase est toutefois mobilisée vers le cytoplasme où prend place leur interaction avec SLF/SFB, qui va déterminer le phénotype de rejet. Dans un croisement incompatible, ces interactions mènent à une stabilisation des niveaux de la protéine HT, dont la fonction suggérée est l‟altération du compartiment séquestrant les S-RNases, leur libération au cytoplasme causant le rejet pollinique (Fig. I.9.A). Dans un croisement compatible, il est proposé que ces interactions mènent à la dégradation de HT et ainsi préviennent la déstabilisation du compartiment dans lequel les S-RNases sont séquestrées, permettant ainsi une croissance ininterrompue du tube pollinique (Fig. I.9.B). Ce modèle prédit aussi que la perte de fonction SLF/SFB entrainerait une incompatibilité constitutive du pollen muté (Fig. I.9.C) alors que le pollen hétéroallélique serait constitutivement compatible (Fig. I.9.D). Or, les mécanismes à la base de ces phénomènes sont encore indéterminés, la fonction biochimique de la plupart des protéines impliquées dans ce modèle restant incertaine. Bien que la nature des signaux menant à la dégradation ou la

stabilisation de HT soient non connus, il est intéressant de noter que ce modèle postule que la compatibilité du pollen est la condition passive, l‟AI étant considérée comme un mécanisme actif de rejet (McClure et al., 2011). Par opposition, le modèle de dégradation postule que le rejet pollinique est la condition passive et que ce sont les interactions différentielles entre S- RNases et SLF/SFB qui mènent à leur détoxification dans les tubes polliniques compatibles

Plusieurs questions demeurent quant à la validation du modèle de séquestration, en particulier le mécanisme par lequel une partie des S-RNases a accès au cytoplasme, car l‟interaction des S-RNases avec un SLF/SFB cytoplasmique est essentielle pour la détermination de la spécificité de la réaction d‟AI. Un transport rétrograde du réticulum endoplasmique vers le cytoplasme a été suggéré (McClure, 2006) mais n‟a jamais été confirmé. Par ailleurs, les mécanismes contrôlant la stabilité de HT, ainsi que le rôle des complexes S-RNases/SLF/SFB dans ces derniers n‟ont pas été caractérisés. Toutefois, plusieurs protéines semblables à HT, désignées HTL (HT Like) (Sassa and Hirano, 2006) ou HT-M (HT-Mijikai) (Kondo and McClure, 2008) et dépourvues de fonction dans l‟AI, semblent être systématiquement dégradées lors de la pollinisation pour tout type de croisement, compatible et incompatible. Ces observations suggèrent que la dégradation de HT dans les croisements compatibles constitue un aspect normal de la croissance pollinique, et c‟est plutôt sa stabilisation dans les croisements incompatibles que l‟on doit chercher à comprendre (McClure et al., 2011). Il a été suggéré que l‟activité de la fraction cytoplasmique des S-RNases pouvait altérer suffisamment le métabolisme pollinique pour empêcher la dégradation de HT et ainsi permettre la libération du reste des S-RNases. L‟AI dans ce cas serait considérée comme auto-renforcée (McClure et al., 2011). La protéine NaStEP semble être impliquée dans la stabilisation de HT dans les croisements incompatibles car la dégradation de HT est observée dans tout type de croisement dans les styles d‟une plante dépourvue de NaStEP. (Jimenez-Duran et al., 2013). Un lien direct entre ces deux protéines devra toutefois être confirmé. Par ailleurs, considérant que HT ne semble pas elle-même localisée au niveau du compartiment vacuolaire séquestrant les S-RNases, un lien direct entre cette protéine et la déstabilisation endomembranaire reste à établir, d‟autant plus que HT ne comporte pas de domaine intra-membranaire. S‟il a été suggéré qu‟une possible interaction entre les membranes intracellulaires et HT repose sur des modifications post-traductionnelles

de cette dernière, considérant les différences entre sa taille théorique et la taille observée sur gel SDS-PAGE (Kondo and McClure, 2008; McClure et al., 1999), cette hypothèse n‟a jamais été confirmée expérimentalement. De plus, s‟il semble que les protéines HT et HT-M soient présentes dans la fraction microsomiale d‟extraits protéiques stylaires de Nicotiana alata soumis à une ultracentrifugation, la protéine HT elle-même semble être en majorité présente sous une forme soluble alors que les protéines HT-M sont exclusivement présentes dans le culot (Kondo and McClure, 2008). Toutefois, ces résultats ne permettent pas d‟extrapoler quant à la localisation de HT une fois ce dernier intégré aux tubes polliniques. La fonction de HT dans l‟AI reste donc encore largement indéterminée. Enfin, étant donné que la dégradation haplotype-spécifique des S-RNases compatibles n‟est pas requise dans ce modèle, le rôle des protéines F-box dans l‟AI resterait encore à déterminer. Une intégration des deux modèles de dégradation et de séquestration reste toutefois possible. Si on admet que les mécanismes prônés par le modèle de dégradation constituent l‟étape initiale de reconnaissance entre la fraction cytoplasmique des S-RNases et SLF/SFB avant la libération éventuelle du reste de la charge des S-RNases, les interactions spécifiques entre ces protéines mènent à la dégradation des S-RNases compatibles et à la non-dégradation des S-RNases incompatibles. Dans les croisements compatibles, la dégradation de toutes les S-RNases cytoplasmiques permettraient la dégradation normale de HT et la séquestration du reste des S-RNases. Dans les croisements incompatibles, les S-RNases non-dégradées seraient en mesure d‟altérer suffisamment le métabolisme pollinique pour empêcher la dégradation de HT et ainsi permettre la libération du reste des S-RNases dans un processus-auto renforcé. A ce jour, aucune évidence d‟un tel mécanisme n‟a toutefois été rapportée.