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Effet anticonvulsivant

Malgré son utilisation depuis une centaine d’années, les mécanismes antiépileptiques du régime cétogène ne sont pas à ce jour encore entièrement élucidés. Plusieurs

hypothèses ont été avancées et sont décrites dans la littérature.

Le premier mécanisme qui a été proposé concernait l’action directe des corps cétoniques produits, soit l’acétone, l’acétoacétate et le β-hydroxybutyrate (BHB). Bien que de

nombreuses études aient tenté d’établir un lien de causalité entre le niveau de BHB dans le sang et l’efficacité anticonvulsivante du régime cétogène, aucune corrélation

significative n’a pu être démontrée [Bough et Rho, 2007]. Cependant, il est connu que les corps cétoniques mènent à la production d’une plus grande quantité d’énergie par les mitochondries des cellules du cerveau que le glucose, et qu’en outre le régime cétogène provoque une forte augmentation du nombre de mitochondries dans le cerveau. Cette augmentation de la capacité énergétique permettrait de stabiliser la transmission synaptique en situation de crise et de rehausser le seuil épileptogène [Barzegar et al., 2019].

Un autre mécanisme considéré serait lié à la réduction de l’utilisation du glucose dans le cerveau, ce qui peut entraîner l’activation des canaux potassiques ATP-dépendants (canaux KATP). L’ouverture de ces canaux largement répandus dans le système nerveux central mène à l’hyperpolarisation de la membrane neurale, réduisant ainsi l’excitabilité électrique dans le cerveau et rehaussant le seuil épileptogène [Bough et Rho, 2007].

La modulation de différents systèmes de neurotransmission est par ailleurs suspectée de faire partie du mécanisme d’action du régime cétogène, notamment ceux des

monoamines, du glutamate et de l’acide γ-aminobutyrique (GABA). En effet, il a été observé que les concentrations de dopamine et de sérotonine sont abaissées dans le liquide céphalorachidien d’enfants épileptiques traités avec le régime cétogène [Dahlin, 2012]. Quant au glutamate, qui est le principal neurotransmetteur excitateur impliqué dans l’état d’hyperexcitabilité rencontré dans l’épilepsie, sa libération par les neurones serait diminuée par l’acétoacétate qui aurait un effet inhibiteur sur le transporteur vésiculaire VGLUT2 [Lutas et Yellen, 2013]. À l’inverse, la concentration extracellulaire de GABA, qui est le principal neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux, pourrait être augmentée par le régime cétogène grâce à une altération de l’activité d’enzymes de synthèse et de dégradation de GABA [Barzegar et al., 2019].

D’autres mécanismes, associés par exemple à une action neuroprotectrice du régime cétogène, sont également étudiés. Toutefois, comme une thérapie basée sur

l’alimentation est susceptible de provoquer un large éventail de changements

biochimiques, moléculaires et cellulaires, il est fort probable que les effets systémiques découlant d’un régime cétogène ne soient pas dus à un seul mécanisme [Simeone et al., 2018].

Variantes du régime cétogène

Les restrictions sévères en glucides et l’intolérance au régime cétogène constituent les principaux enjeux liés au bon déroulement et au maintien de cette thérapie nutritionnelle.

Pour faciliter l’introduction du régime, la préparation des repas ainsi que l’observance et la persistance du régime cétogène, différentes variantes se sont développées au cours des dernières années.

Le régime cétogène dit classique est principalement basé sur des triglycérides à chaînes longues et est le plus restrictif puisque toute nourriture ou boisson doit être calculée et pesée de façon précise, puis préparée selon des recettes préétablies avec un

nutritionniste. Il est prescrit à divers ratios de grammes de lipides par rapport aux grammes de protéines et glucides combinés, habituellement 4:1 ou 3:1, mais des ratios aussi bas que 2:1 et 1:1 sont utilisés [Roehl et Sewak, 2017]. En général, les lipides y représentent 70 à 90 % des apports énergétiques totaux alors que les protides et les glucides représentent plutôt 10 à 30 % de ceux-ci.

Pour pallier les difficultés de préparation des repas rencontrées par les familles, Huttenlocher a proposé en 1971 un régime modifié à base de triglycérides à chaînes moyennes (TCM). Ce type de triglycérides est rapidement absorbé au niveau gastro-intestinal et présente une haute valeur calorique par gramme. Dans ce régime, 60 % des apports énergétiques quotidiens sont apportés par les TCM, ce qui permet des apports en protéines et en glucides plus importants que dans le régime cétogène classique. Des quantités moindres de TCM sont plutôt incorporées dans d’autres variantes de régimes cétogènes pour améliorer la cétogenèse [Roehl et Sewak, 2017].

Le régime Atkins modifié a été créé à l’hôpital Johns Hopkins de Baltimore dans le but de développer un régime cétogène moins contraignant que le régime cétogène classique.

Ce régime consiste à apporter des lipides et des protéines sans restriction calorique tout en limitant l’apport journalier de glucides à 10 g par jour pour les enfants et entre 16 et 20 g par jour pour les adultes. De façon typique, le régime Atkins modifié procure un ratio approximatif de 1:1 ou 1,5:1, mais certaines personnes peuvent atteindre des ratios aussi élevés que 4:1 [Kossoff et al., 2018].

Enfin, le traitement à faible indice glycémique est un régime qui vise à réduire le glucose sanguin en modifiant la qualité et les types de glucides ingérés. Son principe reposerait sur le fait que les glucides à faible indice glycémique produisent une plus petite élévation du taux de glucose dans le sang, et donc une variabilité moindre de celui-ci au cours d’une journée, ce qui pourrait avoir un effet anticonvulsivant. En général, ce régime consiste en 60 à 70 % de lipides, 20 à 30 % de protéines et 10 % de glucides à faible indice glycémique, soit inférieur à 50 g. L’apport quotidien en glucides se situe

habituellement autour de 40 ou 60 g [Epilepsy Implementation Task Force, 2016].

Formules nutritionnelles cétogènes commerciales

Des formules nutritionnelles cétogènes sont disponibles pour les enfants en bas âge ou les enfants nourris par une sonde gastrique, mais elles peuvent être utilisées chez

l’adulte si nécessaire. Ces formules complètes se présentent sous forme de liquide prêt à l’emploi ou de poudres à reconstituer avec de l’eau, et sont aromatisées ou non. Elles peuvent être utilisées seules ou administrées en complément d’un régime solide. Au Canada, KetocalMD de Nutricia et KetovieMD de Ajinomoto Cambrooke sont des formules complètes qui sont disponibles entre autres avec des ratios de 4:1 et 3:1.