• Aucun résultat trouvé

Régime applicable aux "sites étrangers"

Il faut reconnaître que le titre de cette section peut porter à confusion voire être trompeur: en soi, il n'existe pas des sites suisses, d'une part, et des sites étrangers, d'autre part. Ce que nous visons essentiellement par cette der-nière expression ce sont les sites d'intermédiaires financiers n'ayant aucune présence en Suisse. Ce groupe s'oppose donc aux négociants suisses pro-prement dit90 - à savoir des sociétés de droit suisse, qu'elles soient contrô-lées par des actionnaires suisses ou étrangers - et aux succursales et repré-sentations suisses de négociants étrangers91

On y ajoutera les parts de fonds de placement étrangers faisant l'objet d'une publicité sur Je site d'un intermédiaire financier suisse. Les dévelop-pements dans ce second domaine ont également un impact sur le statut d'instruments helvético-suisses: les portefeuiUes internes collectifs des ban-ques. Les particularités de ce type de produit financier nous contraignent à bouleverser quelque peu la systématique de l'exposé.

Avant de présenter les mesures que peut prendre l'autorité de sur-veillance suisse pour maintenir le respect de la loi, il faut distinguer entre le régime applicable aux fonds de placement (ci-après 1) et celui dese-brokers ayant leur établissement hors de Suisse (ci-après 2). Les organisations ana-logues aux bourses forment une troisième catégorie utilisant les communi-cations électroniques pour Jeurs activités (ci-après 3).

89 À ce propos, voir supra les notes 29-32.

90 Supra section II.A.! . 9t Idem.

·:· ..

: =

NÉGOCE ÉLECTRONIQUE: UNE PERSPECTIVE SUISSE 39

Les fonds de placement

Les fonds de placement offrent un terrain patticulier au développement de la pratique de la CFB en matière de négoce électronique: d'abord, parce

qu'il s'agit d'une réglementation axée sur le produit plus que sur ceux qui

le distribuent ou le promeuvent; ensuite, parce que, par nature, cet instru-ment financier fait l'objet d'une large diffusion vers le public.

Une première prise de position de l'autorité de surveillance, en 1996, est intéressante dans la mesure où elle confronte papier et communication électronique92. Dans cette affaire, la direction d'un fonds de placement étran-ger souhaitait publier chaque jour les cours de ce fonds dans Telekurs ainsi que dans un quotidien suisse. Elle soutenait qu'aucune autorisation spécifi-que de distribution (art. 45 LFP) n'était nécessaire puisque, à son avis, aucune publicité n'était faite en Suisse. Toujours selon elle, la publication des cours aurait servi uniquement comme information pour le cercle de professionnels intéressés en Suisse, lesquels auraient de toute façon la pos-sibilité de souscrire des parts de ce fonds directement à l'étranger. Les con-clusions de la CFB méritent d'être rappelées:

a) La parution des cours sur papier fut considérée sans autre comme un acte de publicité et donc entièrement interdite93.

b) En revanche, 1 'utilisation de moyens électroniques fut admise sans auto-risation spéciale, mais moyennant un certain nombre d'aménagements destinés à ne rendre cette information accessible qu'à un type bien particulier de destinataires ("un cercle restreint d'investisseurs profes-sionnels"). Concrètement, seuls les services Reuters et Telekurs pou-vaient héberger ces pages de cours et uniquement à des emplacements soumis à l'approbation préalable de la CFB94. Moyennant le respect de ces conditions, la direction du fonds étranger pouvait procéder sans autorisation.

Même si, à première vue et quant au principe, la distinction entre les informations publiées dans un journal et celles figurant dans des médias électroniques paraît aujourd'hui quelque peu anachronique9

5,

on soulignera

92 Rapport CFB 1996, p. 202 s.

93 Ibidem.

94 Ibidem.

95 En particulier, il faut rappeler que cette détermination date de I 996, une période où l'Internet n'avait pas atteint Je degré d'utilisation de l'année 2000. À ce propos, voir les statistiques figurant sur Je site de l'OCDE sous www.oecd.org/dstifsti/it/. En outre, l'art. 2

40 CHRISTIAN BOVET

que cette détermination de la CFB préfigurait sa dernière prise de position très claire dans ce domaine.

En 1999, l'autorité de surveillance a en effet considéré que la présenta-tion par certaines banques, sur Internet, de leurs portefeuilles collectifs in-ternes constituait un acte de publicité et contrevenait à l'art. 4 al. 2 LFP. Il faut en effet rappeler que "la notion d'appel au public englobe toute sollici-tation qui, indépendamment de sa forme, ne s'adresse pas uniquement à un cercle restreint de personnes entretenant des rapports particuliers avec la banque"96. Doivent ainsi être considérés comme des actes de publicité: "une simple allusion à l'existence de ces portefeuilles collectifs internes,[ ... ] un exposé de la méthode de sélection de ces produits en fonction des besoins des clients ou encore [ ... ] une description plus ou moins détaillée de la politique d'investissement de chacun des portefeuilles de la banque"97.

En réalité, les décisions de 1996 et de 1999 ne sont pas incompatibles.

Au contraire, comme pour les pages Telekurs, Reuters ou Bloomberg, il est possible de restreindre techniquement-par exemple, au moyen de mots de passe- l'accès aux informations figurant sur un site et réservées à des per-sonnes déterminées (typiquement une clientèle préexistante). À notre avis, ces précautions permettent de respecter les prescriptions de la loi relative à l'appel au public.

2. Négociants étrangers non soumis à autorisation

L'ait. 10 al. 4 LBVM a confié au Conseil fédéral le soin de fixer les condi-tions d'autorisation des négociants sans siège ni succursale en Suisse. Le gouvernement n'a fait qu'un usage très limité de cette délégation de com-pétence, puisque - outre les succursales déjà mentionnées dans la loi - il s'est contenté de soumettre à autorisation uniquement les représentations de négociants étrangers et les membres étrangers de la Bourse suisse (art.

39 OBVM)98 .

al. 4 OFP-qui exempte d'autorisation de distribution les démarches de promotion à l'égard d'investisseurs institutionnels, pour autant qu'aucun appel au public ne soit fait- n'était pas encore en vigueur à cette époque (Modification du 6 octobre 1997, en vigueur depuis le 1 cr novembre 1997 [RO 1997 2255]). Enfin, comme on l'a vu, la Circulaire CFB 98/2 sur les négociants, également subséquente au rapport de 1996, invite à une certaine pru-dence lors de l'utilisation de tels moyens (supra note 55).

96 Rapport de gestion CFB 1999, p. 216.

97 Ibidem.

98 Voir ég. supra section II.A. l.

NÊGOCE ÉLECTRONIQUE: UNE PERSPECTIVE SUISSE 41

Dans notre domaine, il en résulte que les e-brokers étrangers n'ayant aucune présence en Suisse ne tombent pas dans le champ d'application de la loi sur les bourses et qu'ils n'ont besoin d'aucune autorisation de la CFB pour contacter des résidents de notre pays par l'Internet et conclure en ligne avec ces derniers99. La règle et ses conséquences sont rais9nnables100: il serait certainement illusoire de vouloir soumettre à une autorisation suisse la publicité universelle faite par des négociants étrangers au travers du web.

Il convient toutefois de faire deux réserves:

a) L'art. 39 al. 2 OBVM rappelle que la CFB peut informer des autorités de surveillance étrangères et, surtout, leur demander d'intervenir, lors-qu'elle constate des activités transfrontalières qui violent la loi. Cette règle est un prolongement des dispositions légales sur 1 'entraide admi-nistrative, en particulier de l'art. 38 al. 1 LBVM101.

b) Les règles de conduite des négociants (art. 11 LBVM) tombent à notre avis sous le coup des art. 17 ("réserve de l'ordre public suisse") ou 18 LDIP ("application de dispositions impératives du droit suisse")102.

Sans vouloir empiéter sur l'exposé de la Professeure C. KEssEDJIAN

99 Il faut toutefois rappeler que cette présence en Suisse peut être assumée par un tiers, typiquement par un "introducing broker" qui servirait p"rincipalement de bureau de trans-mission d'ordres (Circulaire CFB 98/2; supra note 55).

lOO Pour reprendre! 'expression de G. HERTIG / U. SCHUPP!SSER, inN.P. VOGT IR. W ATTER, Kommentar zum schweizerischen Kapitalmarktrecht, Bâle/Genève/Munich (Helbing &

Lichtenhahn) 1999, art. 10 LBVM n° 11 ("U. E. ist eine solche Lôsung allerdings vemünftig"). Voir aussi les références citées par ces auteurs.

IOl L'art. 38 al. 1 LBVM autorise la CFB à demander à des autorités de surveillance étran-gères de lui transmettre des informations et des documents. L'art. 39 al. 2 OBVM fait un pas de plus en l'autorisant à solliciter l'intervention de ces autorités. H.-P. SCHAAD, in N.P. VOGT / R. WATTER, Kommentar zum schweizerischen Kapitalmarktrecht, Bâle/Ge-nève/Munich {Helbing & Lichtenhahn) 1999, art. 38 LBVM n° 57, considère pour sa part que l'art. 39 al. 2 OBVM tombe sans autre dans le champ d'application de l'art. 38 al. 1 LBVM. Il ne donne toutefois pas d'explication particulière à cc propos. Il s'agit à tout le moins d'une interprétation extensive de cette dernière règle. Voir en général la présenta-tion historique de R. SANSONETTI, L'entraide administrative internationale dans la sur-veillance des marchés financiers - Standards internationaux et réception du droit suisse, Zurich (Schulthess) 1998, p. 499 ss. Quoi qu'il en soit, l'assistance de! 'autorité étrangère dépendra de son bon vouloir (principe de la courtoisie active entre États ["positive comity"]

et de l'application de ses propres règles sur l'entraide).

!02 À ce propos, cf. p.ex. A. BUCHER, Droit international privé suisse, Partie générale -Droit applicable, Tome I/2, Bâle/Francfort sur le Main (Helbing & Lichtenhahn) 1995, p. 163 ss, qui relève notamment que "les deux approches, propres aux art. 17 et 18 respec-tivement, sont interchangeables".

42 CHRISTIAN BOVET

dans le présent ouvrage103, on rappellera que le Tribunal fédéral a en particulier souligné qu'au regard des objectifs de la loi sur les bourses, il se justifie de contrôler l'application de l'art. 11 LBVM avec une sévérité particulière104. Pour sa part, la CFB a considéré que cette rè-gle s'appliquait immédiatement, sans égard aux dispositions transitoi-res qui accordaient un délai de deux ans aux négociants pour obtenir

une autorisation105 .

-3. Organisations analogues à une bourse

En 1999, nous avions déjà eu l'occasion de traiter en détail des organisa-tions analogues à une bourse et de l'application des art. 3 al. 4 LBVM et 16 OBVM par la CFB 106, dans le cadre des décisions ISMA 107, Bloomberg10S et Berner Bdrsenverein109_ Il n'est donc pas nécessaire de revenir ici sur ces questions. On se bornera à rappeler que:

d'une part, ces organismes font généralement fortement appel dans leurs activités aux moyens électroniques, en particulier à l'Internet. Typi-quement, le système de négoce TRAX, de l 'ISMA, permet la confir-mation électronique de transactions en valeurs mobilières effectuées entre membres de l'association110. À l'évidence, Bloomberg corres-pond également à ce critère.

103 Dans la contribution qui suit, G. THIEFFRY semble aussi vouloir sortir, pour quelques instants, des frontières de la "réglementation" et partage notre opinion quant à la nature de ces normes. Il est vrai toutefois que, dans ce domaine, les frontières sont très perméables;

les droits privé et public se confondent et s'interpénètrent à plusieurs reprises. Voir ég.

U.P. ROTH, in G. HERTIG I C. ME!ER·SCHATZ I P. ROTH I U.P. ROTH, D. ZOBL, Kommentar zum Bundesgesetz über die Borsen und den Ejfelaenhandel, Zurich (Schulthess) 2000, art.

11 LBVM n° 54.

104 ATF 126 II 84 s., Sprenger.

105 Bull. CFB 35/1998 p. 22, Capital Management Group SA.

106 BOVET/ BRETTON-CHEVALLIER (n. 19), p. 195 ss. Ég. H. HENCKEL-DONNERSMARCK,

"'Electronic Communication Networks' und 'Alternative Trading Systems' -Herausforderung fur die Aufsichtsbehi:irden", in R.H. WEBER (édit.), Neuere Entwicklungen im Kapitalmarktrecht, Zurich (Schulthess) 2000, p. 259.

107 Rapports CFB 1998, p. 193 et 1999, p. 231 s.

108 Rapport CFB 1998, p. 194.

109 Voi_r les références citées par BOVET I BRETTON· CHEVALLIER (n. 19), p. 198 notes 68 et 69. Eg. Rapport CFB 1999, p. 230 s.

110 Pour plus de détails, idem, p. 196 s.

NEGOCE ÉLECTRONIQUE: UNE PERSPECTIVE SUISSE 43

d'autre part, la CFB a appliqué des régimes relativement souples à ces organismes, en adaptant les règles ordinaires aux conditions particu-lières de ces entités. C'est ainsi qu'elle a toléré les activités de Bloomberg dans notre pays111 et qu'elle a imposé à ISMA des condi-tions d'exercice ne reprenant pas toutes les exigences fixées par les art. 3 ss LBVM et 6 ss OBVM112.

Documents relatifs