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Réfrigération des viandes

Dans le document Traitement par l’air et aéraulique (Page 34-40)

Au cours des opérations d’abattage et de préparation des carcasses (dépouille, éviscération, échaudage, épilage, plumage…) une contamination bactérienne de la surface du produit est inévitable. En pratique, on peut admettre qu’une contamination microbienne totale de 100 à 1000 bact.cm-2 en fin de ligne d’abattage témoigne d’une bonne maîtrise de l’hygiène. Du fait de sa composition, la viande est un milieu extrêmement favorable à la croissance bactérienne. La présence possible de bactéries pathogènes (Clostridium perfrigens, Staphylococcus aureus, Salmonella spp., etc.) au sein de la contamination initiale a conduit le législateur à rendre obligatoire une étape de réfrigération, avant tout transport ou découpe de la carcasse. L’objectif est de réduire la température du ‘point le plus chaud’ à une valeur inférieure à la température limite de croissance de ces bactéries pathogènes qui peuvent varier selon l’espèce animale. En Europe, cette température est fixée à 7°C pour les ovins, porcins et bovins et à 4°C, pour les volailles et les abats. Il faut noter que ce refroidissement précoce, couplé au respect de la chaîne du froid, permet d’augmenter la durée de commercialisation, puisque la croissance des bactéries d’altérations qui provoquent des changements d’aspect et d’odeur est aussi fortement ralentie.

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Les volumes impliqués sont très importants ; par exemple, en France 5,8 millions de tonnes sont traitées annuellement. Si le refroidissement des volailles est parfois réalisé par immersion, notamment aux USA, la quasi-totalité des appareils de première réfrigération, ou ressuages, fonctionnent en faisant circuler de l’air froid autour des carcasses. La diffusivité thermique de la viande étant proche de celle d’un isolant tel que le bois, les temps de refroidissement sont très longs (Tab. 4.4) et par conséquent, les appareils sont vastes.

Produit Temps de réfrigération Référence

Bœuf 24h à 60h JAM 90

Porc 9h à 17h DAU 96a

Agneau et Mouton 6h à 15h MCG 98 Poulet et Lapin 1h à 3h JAM 06 et KUI 95 Tableau 4.4. Temps de refroidissement de quelques types de carcasses

Imposée pour des raisons de sécurité alimentaire la première réfrigération a de nombreuses conséquences [SAV 05]. La première est d’ordre économique. Au contact de l’air froid, la surface chaude et humide du produit s’assèche. La perte d’eau qui en résulte représente l’essentiel du coût de l’opération. Elle est typiquement en fin de réfrigération de 2% du poids du produit, mais elle peut être sensiblement modulée en jouant sur les propriétés de l’air (vitesse, température et humidité relative) qui interviennent indirectement sur les variables de l’équation 4.9 ; en effet, la perte d’eau est égale à l’intégrale sur le temps de ce flux d’évaporation. Les autres conséquences concernent les qualités du produit : tendreté, jutosité, couleur, capacité de rétention d’eau… Il serait trop long d’expliciter ici les mécanismes sous-jacents dans le détail ; le lecteur intéressé consultera utilement la série de synthèses éditées par Lawrie [LAW 88]. Citons toutefois deux cas importants : (1) un refroidissement trop rapide provoque une altération marquée et irréversible de la tendreté, quand la température est abaissée au-dessous de 10°C avant l’installation de la rigor mortis et (2) la cinétique de chute du pH, due à la glycolyse, conjuguée à celle de la température détermine en grande partie la capacité de rétention d’eau.

L’aéraulique des appareils est déterminante autant pour évacuer la chaleur extraite des carcasses avec des pertes de poids acceptables que pour garantir un traitement des carcasses assurant l’évolution qualitative recherchée.

4.3.2.1. Ecoulement d’air dans les installations de réfrigération

Les installations de réfrigération sont de deux types :

 statique/batch : les carcasses ne bougeant pas, l’hétérogénéité spatiale de la vitesse de l’air est un facteur essentiel dans la variation des temps de

réfrigération. Une étude réalisée dans un ressuage de bœuf a montré que la position de la carcasse, donc l’hétérogénéité de la ventilation, était autant responsable de cette variation que le poids [WOO 86].

 continu : dans ces appareils où les carcasses sont convoyées sur des rails, plusieurs études ont mis en évidence de fortes hétérogénéités de ventilation, notamment dans les ressuages constitués d’une zone de soufflage, où sont placés les ventilateurs, et d’une zone d’aspiration, où l’air circule avant d’être aspiré par les batteries froides ; ces deux zones étant séparées par une paroi ne descendant pas jusqu’au sol. Dans ce type de ressuage, plusieurs études expérimentales [DAU 92a], [MIR 96], [MIR 98b] ont révélé que la vitesse moyenne de l’air autour des carcasses était deux fois plus élevée dans la zone de soufflage, et qu’un défaut flagrant de ventilation existait dans la zone d’aspiration, où les vitesses d’air maximales se concentraient sous la paroi de séparation, au niveau du sol, et contre la paroi opposée au mur de séparation.

Une analyse expérimentale de l’aéraulique de six installations de ressuage, choisies pour leur représentativité de fonctionnement, a permis de caractériser le fonctionnement global des appareils de ressuage de gros bovins rencontrés en France [PIC 99]. Force est de constater que l’aéraulique est souvent le dernier paramètre pris en compte. Les cahiers des charges pour réhabiliter les installations anciennes ou concevoir les nouveaux appareils n’imposent que des cinétiques de descente en température, des températures finales à cœur et des temps de séjour ; la position des batteries froides et le choix des dispositifs de soufflage ne sont que trop rarement définis.

Il n’existe pas d’installation de ressuage idéale. Chaque configuration présente des inconvénients et induit des hétérogénéités inhérentes aux types de dispositifs de soufflage et d’aspiration, ainsi qu’à la disposition des rails par rapport à ces dispositifs. En pratique, les paramètres influençant fortement l’aéraulique d’un ressuyage peuvent être identifiés pour des cas particuliers. Par exemple, pour des configurations à soufflage latéral, la largeur du local, la distance entre les rails, la hauteur du soufflage par rapport aux rails, ainsi que l’espace entre les rails et le plafond sont autant de paramètres à ne pas négliger. Dans le cas d’un soufflage de type plafonnier, un soufflage vertical avec reprise latérale semble préférable à un soufflage latéral avec reprise verticale [MIR 01]. Les premiers calculs effectués avec l’outil Mécanique des Fluides Numérique ont montré la potentialité de cet outil en matière d’amélioration du fonctionnement ou de conception des installations de réfrigération de carcasses de viande. Une comparaison des structures d’écoulement d’air simulées et mesurées au sein d’un ressuage de carcasses de porc, portant sur 28400 points, a révélé un très bon accord qualitatif et un accord quantitatif tout à fait acceptable, de l’ordre de 30%. Ces premières simulations [MIR 98b] avaient été faites avec

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des formes d’objets très simplifiées (les carcasses étaient représentées par des parallélépipèdes – Fig. 4.8a).

Plus récemment, une modélisation numérique bidimensionnelle basée sur un maillage non structuré de 32000 cellules tétraédriques incluant une forme de carcasse simple mais non parallélépipédique (Fig. 4.8b) a montré que la Mécanique des Fluides Numérique permettait de tester à moindre coût différentes solutions techniques susceptibles d’augmenter les vitesses d’air autour des carcasses. Dans un ressuage continu où le système de conditionnement d’air était situé en partie haute d’une des parois latérales, il a été montré que la mise en place d’un déflecteur devant les ventilateurs constituait un excellent compromis entre « efficacité sur l’aéraulique » et « coût d’investissement » [PIC 99].

Dernièrement, dans cette même installation, une modélisation numérique tridimensionnelle basée sur un maillage non structuré de plus de 937000 cellules tétraédriques a confirmé les résultats de l’approche bidimensionnelle précédente et a montré qu’une augmentation de débit associée à l’augmentation de l’angle du flux d’air au soufflage permettait d’accroître de 0,17 à 0,39 m.s-1 la vitesse d’air moyenne autour des carcasses [MIR 02]. Le second intérêt de cette modélisation était de représenter complètement le chargement du ressuage avec 290 carcasses de forme très réaliste (Fig. 4.8c).

140 170 30 60 210 160 30 70 60 40 (en cm) 60 200 Points caractéristiques (a) (b) (c) 140 170 30 60 210 160 30 70 60 40 (en cm) 60 200 Points caractéristiques 140 170 30 60 140 170 30 60 210 160 30 70 60 40 (en cm) 210 160 30 70 60 40 (en cm) 60 200 Points caractéristiques (a) (b) (c)

Figure 4.8. Evolution de la forme des carcasses de viande intégrée dans les

modélisations numériques : (a) Calcul tridimensionnel en 1994 [MIR 96], (b) Calcul bidimensionnel en 1998 [PIC99] et (c) Calcul tridimensionnel en 2001 [MIR 02].

La prise en compte d’une forme de carcasse de plus en plus proche de la réalité dans les calculs tridimensionnels prouve la formidable évolution des moyens informatiques (matériel et logiciel) survenue cette dernière décennie. Une fois résolu le problème du couplage entre l’aéraulique et les transferts de chaleur et de matière, la Mécanique des Fluides Numérique se révèlera être un outil précieux pour mieux concevoir les appareils de réfrigération de carcasses. 4.3.2.2. Modélisation de la réfrigération du produit

Une carcasse a une forme particulièrement complexe et résulte de l’assemblage de trois composants – os, tissu adipeux et tissu musculaire dont les propriétés vis-à-vis des transferts thermique et hydrique sont très différentes et dont la distribution spatiale est hétérogène. Le contact avec l’air froid dans les appareils entraîne des transferts couplés de chaleur et d’eau. De plus, les conditions limites gouvernant l’opération thermique (Eq. 4.8 et 4.9) sont variables dans le temps pour deux raisons : (1) la température, la vitesse et la turbulence de l’air varient dans les appareils et (2) le coefficient de transfert de chaleur effectif heff varie avec la température de la surface, du fait de l’évaporation de l’eau. Ce dernier se déduit du coefficient de transfert convectif h par la relation suivante dans laquelle Ps et Pe sont respectivement les pressions de vapeur d’eau saturantes aux températures de surface Ts et du bulbe humide Te

:

 

  





e s e s eff

T

T

h

P

P

kL

1

h

h

[4.18]

La modélisation de la réfrigération des carcasses qui suppose la résolution de l’équation générale du transfert de chaleur (Eq. 4.1), en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques du système énumérées ci-dessus est donc particulièrement difficile. De ce fait, ce problème a été abordé en faisant des simplifications compatibles avec les outils de calculs (logiciels et matériels) disponibles à une période donnée [CLE 90], [DAU 96b]. L’amélioration progressive de ces outils a permis de répondre à des questions de complexité croissante. Trois approches peuvent être dégagées :

1. La réalisation de diagrammes expérimentaux représentant sur une échelle logarithmique la cinétique de la température au point « le plus chaud » d’une carcasse, situé au milieu de la plus grande épaisseur d’une cuisse, et éventuellement de quelques autres endroits. L’utilisation des solutions analytiques de l’équation 4.1 sert alors de support d’interpolation, en admettant une condition limite moyenne constante pour le transfert de chaleur. Le but est essentiellement de cerner l’impact des variables technologiques sur le temps nécessaire pour atteindre la température

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imposée par la législation et la perte de poids associée : poids des carcasses qui peut être relié empiriquement à l’épaisseur et aux propriétés de l’air, notamment, vitesse et température. Des données sur le bœuf, le porc et l’agneau ont été publiées [JAM 02]. La transposition des résultats obtenus dans des installations pilotes, avec des écoulements faiblement turbulents, vers des situations industrielles nécessite une correction de l’effet de la turbulence sur la valeur du coefficient de transfert convectif. Négliger cette correction peut, par exemple, conduire à surestimer de 100 minutes la durée de la réfrigération d’un quartier arrière de bœuf [KON 97b].

2. L’utilisation des solutions analytiques permet, en fait, de calculer le profil de température et donc d’estimer le flux de chaleur échangé entre l’air et la carcasse. En suivant la même démarche et en admettant que la surface reste à une activité de l’eau égale à 1, le flux d’eau échangé peut être calculé à partir de l’équation 4.9 [KUI 96a, b]. L’estimation de ces deux flux combinée au modèle de l’aéraulique d’un appareil permet d’apprécier l’impact de sa conception et de ses options de fonctionnement sur le traitement du produit. Cette modélisation du refroidissement des carcasses nécessite toutefois d’établir d’une part, un « facteur de forme » reliant la forme réelle à celle correspondant à la solution analytique utilisée (plaque ou cylindre), et d’autre part, « une surface d’échange équivalente » ; ces deux facteurs de transposition sont ajustés grâce à une série d’expériences qui en délimite le domaine de validité [KUI 95] [DAU 96a]. De nombreux travaux similaires ont été réalisés en considérant des formes géométriques élémentaires, mais en utilisant la méthode des différences finies qui permet de prendre en compte la variation des conditions limites d’échange plus facilement.

3. La troisième approche repose sur l’utilisation des méthodes aux éléments finis ou des volumes finis. La forme et la distribution spatiale des trois composants peuvent alors être prises en compte et les calculs peuvent être effectués selon les trois dimensions de l’espace. C’est seulement à ce niveau de sophistication que l’évolution temporelle du champ de température peut être couplée aux réactions biochimiques qui déterminent l’évolution qualitative du produit ; citons, par exemple, la glycolyse qui fixe l’évolution du pH. La part de la variabilité de la qualité des viandes réfrigérées réellement due à la variabilité biologique et celle relevant des conditions de réfrigération pourraient ainsi être appréciées. Par exemple, les interrogations sur les limites des traitements applicables à des carcasses de porc [SAV 05] pour limiter l’exsudation postérieure au refroidissement et qui résulte de l’évolution conjointe de la température et du pH pendant celui-ci, pourraient trouver des réponses. Les outils de relevés morphologiques en 3D tels que l’imagerie par Résonance Magnétique

Nucléaire et les outils de calculs, commercialisées dans des boîtes à outils, sont maintenant disponibles.

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