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2.1 Les réformes de l’allocation au marché des droits d’usage du sol

Chapitre V Réformes et localisation des activités : de l’allocation administrative au marché

V. 2.1 Les réformes de l’allocation au marché des droits d’usage du sol

Les réformes concernant l’utilisation des sols ont été lancées au milieu des années 1980 pour permettre le développement économique, alors que l’Etat conservait toujours la propriété du sol. La réforme a statué sur la taxation du sol urbain, la concession et le transfert des droits d’utilisation. Cette réforme commença dans certaines villes côtières avant d’être progressivement étendue au reste du pays.

Shenzhen a été en 1982 la première ville à expérimenter la taxation de l’usage du sol. Elle était destinée aux entreprises à capitaux étrangers qui n’avaient aucune raison de bénéficier de la gratuité du sol, tandis que beaucoup d’investisseurs publics en étaient exemptés. En 1984, l’introduction d’un droit foncier a été étendue à 118 autres villes du pays (Liu W. & Yang D., 1990). Cette première réforme rompait avec le principe de la gratuité d’usage du sol urbain et instaurait l’idée d’une différence de prix du sol en fonction de la situation au sein de l’agglomération urbaine. Elle représentait ainsi les prémices de la mise en place d’un marché urbain et permettait également de lever des fonds pour la construction d’infrastructures. En 1987, une taxe d’occupation des terres arables a été mise en place pour les investisseurs domestiques installés sur des terres arables pour des activités non agricoles. Les investisseurs étrangers et les investisseurs d’Hong Kong, de Macao et de Taiwan n’étaient alors pas assujettis au paiement de cette taxe qui pouvait avoir un montant différent selon les régions en fonction de la disponibilité de terres arables par habitant (Xie Q. et al., 2002). Cette nouvelle taxe a commencé à limiter

l’expansion urbaine sur les terrains ruraux. La taxation du sol a de fait permis une meilleure utilisation du sol. Certaines entreprises d’Etat ayant une surface importante inutilisée s’en sont détachées du fait du coût engendré par la taxation de l’usage du sol. Ainsi à Fushun, 250 km2 de terrains inutilisés ont été restitués à la municipalité (Ding C., 2003).

L’établissement d’un fondement légal pour le marché foncier se fit à partir de 1988 en établissant la concession de droits d’usage du sol. En avril 1988, l’article 10 de la Constitution stipulant qu’« aucune organisation ou individu ne peut s’emparer, acheter, céder, louer le sol ou

réaliser un quelconque transfert illégal du sol » a été amendé. La clause « les droits d’usage du sol peuvent être transférés conformément à la loi » a été ajoutée. La loi de l’administration du sol

a également été amendée dans ce sens. Shenzhen était encore précurseur puisqu’elle avait déjà réalisé la première vente de droits d’usage du sol en 1987. L’instauration de cette loi marque réellement la fin de l’usage gratuit du sol en Chine (Liu W. & Yang D., 1990). Cette modification de la constitution et de la loi de l’administration du sol a fourni une base légale à la mise en place d’un marché foncier en accord avec l’idéologie socialiste (Xie Q. et al., 2002). La cession de la propriété de l’Etat aurait pu être une source d’agitation politique, mais la cession de l’usufruit des terrains permet de concilier le socialisme et le marché (Zhu J., 1994 ; Tang Y., 1989).

Un système foncier dual se mit donc en place avec d’un côté des mécanismes de marché où les transactions se faisaient par négociations, appels d’offre ou ventes aux enchères, et de l’autre un système fonctionnant par allocation administrative. Le système de marché assujettissait les investisseurs domestiques pour des usages industriels, commerciaux ou résidentiels à une taxe foncière. Le système d’allocation administrative était destiné aux institutions gouvernementales, aux activités non lucratives et aux investisseurs étrangers d’Hong Kong, de Macao et de Taiwan. Ils devaient toujours s’acquitter d’un droit foncier. Certains gouvernements locaux ont commencé la cession de droits d’usage du sol et ont offert un terrain d’expérience pour les réformes au niveau national.

Jusqu’en 1990, le transfert de droits d’usage du sol était uniquement destiné à la production pour éviter toute spéculation foncière et les terrains inutilisés. En mai 1990, le Conseil d’Etat publia l’ordonnance de concession et transfert des droits d’usage des sols de propriété d’Etat39. Cette ordonnance stipule que les droits d’usage des sols peuvent être concédés ou

collectivités. Les collectivités rurales ne peuvent vendre des terres qu’aux gouvernements locaux qui concèdent ensuite les droits d’utilisation. À partir de 1990, les investisseurs étrangers ont eu le droit d’acheter des droits d’usage à la municipalité. Les baux étaient définis à 70 ans pour le résidentiel, 40 ans pour le commercial, le tourisme et les loisirs, et 50 ans pour tous les autres usages. Cet assouplissement du marché foncier, les réformes du financement du marché du logement et l’ouverture de Zones de Développement Technologique et Economique (ZDTE) ont entraîné une très rapide urbanisation de terrains en périphérie des villes.

Avant 1990, la réforme s’intéressait surtout à l’apport de nouveaux terrains urbains. L’allocation administrative avait permis l’obtention de terrains pour certains en proportion bien plus importante que leurs besoins réels tandis que d’autres n’avaient pas même réalisé leur projet. L’inefficacité dans l’utilisation du sol demeurait du fait de la prédominance du système administratif. En 1990, les terrains alloués non utilisés représentaient plus de la moitié de l’offre de terrain (Zhu J., 1994). L’offre foncière s’est donc surtout développée aux alentours des villes. La différence de coût de réquisition entre les terres rurales et les terres urbaines ne permettait pas de soutenir le renouvellement urbain. Le coût du terrain agricole converti représentait à Beijing 30 à 40 % du coût total de développement du terrain. En milieu urbain, il représentait environ 60 %. De nombreux terrains restaient donc en friche dans les centres-ville et beaucoup d’usines conservaient une implantation centrale injustifiée selon le nouveau système foncier. Ainsi à Shanghai, 96 % des terrains développés dans la décennie 1980 se situaient aux alentours de la ville. Seulement 103 usines sur 5 600 situées dans le centre de Shanghai ont été transférées en périphérie avant 1990 (Zhu J., 2004). Pour permettre une meilleure utilisation du sol urbain et éviter une perte trop importante de terres agricoles, les institutions centrales et locales se sont donc intéressées à partir des années 1990 au re-développement des zones urbanisées.

En 1992, des réglementations concernant les droits d’usage des sols alloués administrativement ont vu le jour40. Elles permettaient aux bailleurs de ces sols administrativement de transférer leurs droits d’usage en payant une prime à l’Etat. Ce système a entraîné la convoitise des promoteurs sur des terrains centraux. Les prix ont alors fortement augmenté. En 1994, la première loi d’administration de l’immobilier urbain41 a consolidé les réglementations en vigueur. La prime payée correspondait à un « prix standard de terrain » qui était inférieur au prix du marché pour inciter financièrement les bailleurs de sol non utilisé à mettre leur surplus sur le marché (Xie Q. et al., 2002).

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Administratively Allocated Land-use Rights : AALURs 1992

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Ces mesures ont permis le redéveloppement urbain en réintégrant les terrains inutilisés ou « mal utilisés » des centres-ville sur le marché foncier. Cela permettait de rééquilibrer la demande de terrain et d’éviter une urbanisation trop massive des terres arables.