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2.2.2.2 Emergence de pôles et réduction des distances de déplacement ?

Chapitre III Les dimensions de la forme urbaine pour une mobilité soutenable

III. 2.2.2.2 Emergence de pôles et réduction des distances de déplacement ?

Théoriquement, l’émergence de pôles périphériques peut se traduire par une réduction des distances de déplacement et une plus grande utilisation des modes de déplacement doux ou des transports en commun (Aguliera & Mignot, 2003). Si l’émergence de pôles urbains secondaires entraîne une mobilité durable, la ville compacte n’est plus le seul moyen de réduire les distances de déplacement pour permettre une mobilité urbaine soutenable. Il est donc important de comprendre comment l’émergence de pôles secondaires modifie la mobilité dans la ville.

La Figure 15 propose la représentation de quatre types de modèles urbains différents. Le schéma (a) est un simple modèle monocentrique. Le schéma (b) représente « la ville polycentrique durable » où les distances sont réduites du fait de la polarisation des activités locales sur les pôles secondaires. Le schéma (c) correspond quant à lui à un polycentrisme qui ne se traduit pas par une diminution de la mobilité. Les flux y sont aléatoires entre les centres secondaires. Enfin le schéma (d) correspond à une addition des modèles (a) et (c). À la lumière de cette représentation, on peut s’interroger sur la dynamique de mobilité qui accompagne le polycentrisme. Les pôles secondaires engendrent-ils réellement une diminution de la mobilité en réduisant les distances de déplacement et un report modal vers des modes doux (scénario b) ? Sont-ils responsables d’une augmentation de la mobilité et notamment des déplacements inter-pôles ou banlieue-banlieue (scénario c) ?

Figure 15: Représentation schématique des modèles de déplacement au sein d’une aire urbaine

Source : Bertaud (2003).

On retiendra les conclusions de Schwanen et al. (2001) qui comparent des systèmes monocentriques et polycentriques. Ils considèrent que les déplacements domicile-travail sont les seuls à varier avec la forme urbaine. La nature du polycentrisme leur paraît primordiale pour répondre aux questions posées précédemment. Si les marchés du travail du centre et de la périphérie sont relativement indépendants, la distance moyenne des déplacements est moindre par rapport à une ville monocentrique. Ces résultats suivent la typologie établie par Van der Laan (1998) qui distingue trois types de polycentrisme :

i. les agglomérations où la périphérie capte la majorité des actifs, même ceux situés au centre ;

ii. les agglomérations où les marchés du centre et de la périphérie sont plus ou moins indépendants ;

Cette analyse pourrait laisser penser que la diffusion est concentrique au sein d’un territoire homogène. Mignot (1999) considère plutôt cette diffusion sélective autour des axes de transport rapide. P. Veltz (1996) développe l’idée que les activités se structurent en réseaux sur les territoires. Ces réseaux peuvent être mondiaux, mais ils peuvent avoir des tailles plus modestes. Selon lui, il est apparu une prédominance de relation horizontale (pôle-pôle) par rapport aux traditionnelles relations verticales (pôle-hinterland). Il définit donc les relations comme maillées et non plus pyramidales. La spécialisation des pôles ne permet plus de considérer les pôles intra- urbains selon le modèle de Christaller20. Certains pôles peuvent appartenir à un réseau sans nécessairement avoir un rang inférieur au pôle plus important le plus proche. Cette nouvelle organisation, qui peut également être observée au niveau intra-urbain, développe des pôles autour des réseaux de transport.

Pour étudier le polycentrisme, il paraît important de connaître la fonction des pôles. Malheureusement, peu d’études réalisées sur le polycentrisme font la distinction entre pôles d’emploi et pôles secondaires (Aguilera & Mignot, 2003). Pour ces auteurs, les pôles d’emploi concentrent des activités « nobles » mais n’attirent pas nécessairement les ménages pour y résider. Ils représentent de véritables spécialisations métropolitaines. Ces centres modifient la géographie des activités de la ville, mais ne transforment pas réellement la relation de pouvoir entre le centre et sa périphérie (Mignot, 1999). Dans les pôles secondaires, on retrouve ces mêmes activités « nobles » mais les actifs travaillant dans ces pôles et dans des activités « banales » sont attirés par ces nouveaux centres. Ces pôles restent secondaires par rapport au centre historique, mais ils le concurrencent toutefois beaucoup plus que les pôles d’emploi. Mignot (1999) propose d’appeler ces pôles devenus polyfonctionnels des « noyaux périphériques d’agglomération ».

Aguilera & Mignot (2002) définissent également deux types de pôles en fonction de la distance au centre : les pôles de banlieue, de grande taille, relativement proches du centre formant avec lui un centre élargi et des pôles périphériques plus petits situés plus loin du centre sur les grands axes de transport. Le centre élargi s’avère être relativement mixte entre population et emploi. Il favorise les distances plus faibles de déplacement. Au sein de ce pôle élargi, les pôles de banlieues ont pris, en France ces dernières décennies, de plus en plus de poids. Par ailleurs, Aguilera & Mignot (2002) constatent une diminution des flux intra-pôles et une augmentation des flux inter-pôles. Les pôles de banlieues attirent des actifs de l’ensemble de l’aire urbaine et entraînent plus de flux quotidiens que de relocalisations des ménages. En revanche, les pôles

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Christaller avait développé en 1933 un modèle qui décrit l’organisation hiérarchisée d’un réseau de villes selon le niveau des services qu’elles offrent, et leur disposition spatiale régulière aux sommets de triangles équilatéraux ou au centre d’hexagones.

périphériques ne permettent pas toujours la réduction des distances domicile-travail. Des travaux sur l’attractivité des pôles secondaires sont encore nécessaires pour bien percevoir les potentiels de réduction de la mobilité offerts par le polycentrisme.