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2.3 CONCEPT DE GOUVERNANCE DES FIRMES DANS UN CONTEXTE

2.3.2 GOUVERNANCE ET PERFORMANCE FINANCIÈRE DES FIRMES

2.3.2.2 RÉFORMES COMPTABLES ET GOUVERNANCE DES FIRMES

Suite à plusieurs scandales financiers au début du 21e siècle, un bon nombre de pays décident d’adopter des réformes, la plupart de temps sous forme de lois, visant à améliorer la qualité de la gouvernance et de l’information financière et comptable relâchée par les entreprises publiques. La plus célèbre d’entre elles est sans contredit la loi américaine Sarbanes-Oxley Act of 2002 (SOX), mise en application en réponse aux scandales d’Enron, de Tyco et de Global Crossing, entre autres, et qui fut à plusieurs reprises calquée et appliquée dans d’autres marchés à travers le monde50. Alors que ces lois sont créées afin de réformer le style de gouvernance et de donner un portrait plus juste des entreprises à leurs parties prenantes, certains chercheurs s’interrogent sur les effets possibles qu’une augmentation obligatoire de l’information relâchée peut avoir sur différentes mesures de risque de ces compagnies publiques.

Akhigbe et al. (2008) tentent de découvrir s’il existe une différence dans le risque des entreprises en comparant les périodes avant et après le passage de la loi SOX, soit en comparant des périodes équidistantes de 50, 100, 200 et 300 jours autour de sa date de mise en application51. Les auteurs démontrent qu’à la fois le risque total (défini comme la variance des rendements journaliers) et le risque idiosyncratique (défini comme la variance des résidus du modèle de marché) augmentent de manière significative suite au passage de la loi. Akhigbe et al. (2008) posent l’hypothèse que puisque la loi prescrit une meilleure qualité d’information relâchée dans les marchés, les entreprises sont maintenant contraintes de publier davantage d’information négative qu’avant. Alors que les auteurs remarquent que le passage de la loi SOX concorde avec une augmentation marquée de la qualité de l’information émise et de l’indépendance des conseils d’administration, et donc avec une meilleure gouvernance en général, elle n’a cependant pas contribué à réduire de manière significative la volatilité des rendements.

Une étude similaire de Major & Marques (2009) s’intéresse aux firmes ayant adopté les International Financial Reporting Standards (IFRS) au Portgual lors de leur mise en application en 2005 en testant deux hypothèses; la première étant que l’adoption des principes comptables IFRS mène à une meilleure gouvernance52, et la seconde étant qu’une meilleure gouvernance mène à une meilleure performance financière, calculée selon le ROA :

𝑅𝑂𝐴𝑖,𝑡 = 𝛽0+ 𝛽1𝑌_2004 + 𝛽2𝑌_2005 + 𝛽3𝑃𝑅𝐼𝑉𝑖,𝑡+ 𝛽4𝐺𝑅𝑂𝑊𝑇𝐻𝑖,𝑡+ 𝛽5𝐸𝑄𝑈𝐼𝑇𝑌𝑖,𝑡 + 𝛽6𝐶𝐴𝑃_𝑆𝑇𝑖,𝑡+ 𝛽7𝐶𝐺𝐼𝑖,𝑡+ 𝛽8𝐵𝐼𝐺_4𝑖,𝑡 + 𝛽9𝐿𝐼𝑆𝑇𝐸𝐷𝑖,𝑡+ 𝛽10𝐼𝐹𝑅𝑆𝑖,𝑡 + ∑ 𝛽9+𝑗 17 𝑗=1 𝑆𝐸𝐶𝑇𝑂𝑅𝑖,𝑡+ 𝜀𝑖,𝑡

50 Khanna et al. (2006) font une étude détaillée de la convergence légale de la gouvernance dans les pays

industrialisés.

51 Le Sarbanes-Oxley Act of 2002 fut entérinée le 30 juillet 2002.

52 La qualité de la gouvernance, dans cette étude précise, est déterminée par une cote attribuée par le Portuguese Securities Market Commission.

49 où :

𝑅𝑂𝐴𝑖,𝑡 est le rendement de l’actif opérationnel de la firme i pour l’année t; 𝛽0 est la constante;

𝑌_2004 est une variable dichotomique prenant une valeur de 1 lorsque le rapport annuel est de 2004 et une valeur de 0 autrement;

𝑌_2005 est une variable dichotomique prenant une valeur de 1 lorsque le rapport annuel est de 2005 et une valeur de 0 autrement;

𝑃𝑅𝐼𝑉𝑖,𝑡 est une variable dichotomique prenant une valeur de 1 lorsque la firme i est privée pour l’année t et une valeur de 0 autrement;

𝐺𝑅𝑂𝑊𝑇𝐻𝑖,𝑡 est la différence entre les ventes annuelles de l’exercice passé de la firme i pour l’année t;

𝐸𝑄𝑈𝐼𝑇𝑌𝑖,𝑡 est le logarithme de la valeur au marché de la firme i pour l’année t;

𝐶𝐴𝑃_𝑆𝑇𝑖,𝑡 est le ratio de la dette totale sur les actifs totaux de la firme i pour l’année t;

𝐶𝐺𝐼𝑖,𝑡 est la cote de gouvernance, telle qu’attribuée par le Portuguese Securities Market Commission, de la firme i pour l’année t;

𝐵𝐼𝐺_4𝑖,𝑡 est une variable dichotomique prenant une valeur de 1 lorsque la firme i est auditée par l’un des quatre grands auditeurs pour l’année t et une valeur de 0 autrement;

𝐿𝐼𝑆𝑇𝐸𝐷𝑖,𝑡 est une variable dichotomique prenant une valeur de 1 lorsque la firme i est listée sur un échange pour l’année t et une valeur de 0 autrement;

𝐼𝐹𝑅𝑆𝑖,𝑡 est une variable dichotomique prenant une valeur de 1 lorsque la firme i respecte les principes de l’IFRS pour l’année t et une valeur de 0 autrement;

𝑆𝐸𝐶𝑇𝑂𝑅𝑖,𝑡 est une variable dichotomique prenant une valeur de 1 lorsque la firme i fait partie de l’industrie j pour l’année t et une valeur de 0 autrement; et

𝜀𝑖,𝑡 est le terme d’erreur non corrélé.

Alors que la première hypothèse n’est pas vérifiée, suggérant ainsi que l’adoption des normes IFRS n’est pas nécessairement associée à une meilleure gouvernance, Major & Marques (2009) obtiennent, comme c’est le cas dans d’autres marchés à travers le monde, qu’une meilleure gouvernance est associée avec une meilleure performance financière. Les résultats sont présentés dans le Tableau 12.

50

Tableau 12 – Rendement de l’actif opérationnel selon l’adoption des normes IFRS

Le tableau de Major & Marques (2009) décrit les coefficients des différentes variables issus des régressions du rendement de l’actif opérationnel (ROA) des firmes pour les années 2004 et 2005. Les variables explicatives Y_2004, Y_2005, GROWTH, EQUITY,

CAP_ST, CGI, BIG_4 et IFRS servent à capturer respectivement les effets d’année, de croissance, de taille, d’endettement, de

gouvernance, d’auditeur et d’adoption des normes IFRS. Les variables PRIV, LISTED et SECTOR ont été omises puisqu’elles ne varient pas dans le temps. Les niveaux de significativité à 5 % et à 1 % sont indiqués par * et ** respectivement.

Variable Coefficient Constante 0,16 Y_2004 0,028** Y_2005 0,026* GROWTH 0,006 EQUITY -0,002 CAP_ST -0,216** CGI 0,001* BIG_4 -0,017 IFRS 0,006

Source : Traduction libre de Major, E., & Marques, A. (2009). IFRS Introduction, Corporate Governance and Firm Performance : Evidence from Portugal Journal of Applied Management Accounting Research, 7(2), p. 65.

Major & Marques (2009) concluent donc en affirmant que l’adoption des normes IFRS n’est pas une condition nécessaire à une meilleure gouvernance en soi, mais que la gouvernance est positivement corrélée avec la performance financière, comme il fut démontré dans de nombreuses études auparavant.

Les relations qui pourraient exister entre les réformes comptables et la performance sont, au mieux, nébuleuses. Daske et al. (2008) expliquent que, dans 26 pays où des réformes IFRS ont eu lieu, les entreprises qui adoptent de manière volontaire plutôt qu’obligatoire ces principes comptables voient leur coût du capital diminuer, mais ce, exclusivement dans les marchés où il existe des incitatifs légaux pour les firmes à être plus transparentes. Ils argumentent donc qu’une meilleure transparence, pour avoir un effet bénéfique sur le risque d’une firme donnée, se doit d’être volontaire et non le fruit d’une quelconque législation rendant obligatoire la divulgation d’information chez toutes les entreprises dans le marché. En partie, ceci vient donc corroborer les conclusions d’Akhigbe et al. (2008) sur le risque idiosyncratique.

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