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Nous avons abordé jusqu’ici la problématique du lieu du résultat des atteintes à l’honneur commises en ligne à la lumière du droit international privé et du droit pénal international de manière imperméable. Il est maintenant temps de procéder à l’analyse et à la comparaison des solutions trouvées dans les deux cas.

a. Un point de départ identique

Que ce soit dans le cadre de l’art. 5 al. 3 CL, de l’art. 129 al. 1 LDIP ou encore de l’art. 8 al. 1 CP, les intérêts protégés par le droit sont érigés en éléments déterminants afin d’établir la compétence des tribunaux suisses. En effet, les premières définitions qui se sont développées dans les deux domaines ont eu tendance à sauvegarder l’honneur des victimes en localisant le résultat là où ce dernier a été atteint. Pour la CJUE, il s’agissait du lieu « où le fait générateur

177 FERNANDEZ, N 638 ; l’utilité de l’art. 54 CAAS en cas de compétence territoriale n’est donc pas complètement réduite à néant par les réserves émises par les États contractants (FERNANDEZ, N 635).

178 DYENS, N 139 ; comme le souligne l’auteur, rien n’empêche un État de prévoir unilatéralement l’application du principe ne bis in idem dans ses relations internationales.

179 L’art. 3 al. 2 CP permet néanmoins une certaine prise en compte d’un jugement étranger puisqu’il permet au juge d’« impute[r] la peine subie sur la peine à prononcer ». Il s’agit du principe d’imputation (cf. VILLARD, Ne bis in idem, p. 331 s.).

180 CASSANI, Die Anwendbarkeit, p. 249 ; CR CP I-HARARI/LINIGER GROS, CP 8 N 28.

181 Cf. infra, V/a pour notre raisonnement quant à la nécessité d’une interprétation autonome de la notion de résultat afin de favoriser l’internationalisation du droit pénal international.

[…] a produit ses effets dommageables à l’égard de la victime »182. Pour la jurisprudence suisse concernant les art. 129 al. 1 LDIP et 8 al. 1 CP, il s’agissait, respectivement, « der Ort, wo das geschützte Rechtsgut verletzt wurde »183 et du lieu « der Schaden […] um dessentwillen die Handlung unter Strafe gestellt ist »184. La similitude des définitions est d’autant plus frappante entre ces deux dernières puisqu’elles émanent toutes deux d’une même instance judiciaire, le Tribunal fédéral. Concernant le lieu du résultat des atteintes à l’honneur par voie de presse, la définition du TF dans l’ATF 102 IV 35 et celle de la CJUE dans l’arrêt Shevill sont identiques : le lieu « wo das Presseerzeugnis gelesen oder sonst zur Kenntnis genommen wird »185, ainsi que « [les] lieux où la publication est diffusée, lorsque la victime y est connue »186. Dans les deux cas, le lieu du résultat correspond au lieu de diffusion. Pour le droit international privé européen, c’est toujours cette définition qui est utilisée, puisque l’arrêt eDate n’a pas modifié les fors prévus dans la jurisprudence Shevill.

Les différents raisonnements sont plutôt pragmatiques que théoriques dans la mesure où le lieu du résultat est déterminé de manière concrète par rapport aux infractions et atteintes en jeu.

Cette façon de procéder semble favoriser une conception autonome du résultat. C’est justement cette approche que prône la CJUE dans l’interprétation des règlements européens qui doit se faire de manière autonome en tenant compte de leur système et de leurs objectifs187. Tant le RBI bis que la CL sont des textes à vocation internationale qui règlent la compétence en matière civile et commerciale. Si chaque État interprétait toutes les notions figurant dans ces textes selon ses propres convictions, le but même d’harmonisation et d’unification serait voué à l’échec.

Ce raisonnement devrait selon nous également valoir en droit pénal international suisse.

L’interprétation des lois suisses se fait selon diverses méthodes, en tenant notamment compte

« du but de la règle, de son esprit, […], singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique) »188. Le TF se base sur une pluralité de méthodes d’interprétation et ne se contente du texte de la loi que « s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste »189. Ce n’est évidemment pas le cas de la notion de résultat de l’art. 8 al. 1 CP.

Pourtant, nous l’avons vu, le TF n’a pas suivi cette approche. Il a reviré de jurisprudence pour faire dépendre le rattachement territorial de considérations purement théoriques, nationales, et

182 CJCE Shevill, pt. 28.

183 ATF 113 II 476, consid. 3a, JdT 1999 I 147.

184 ATF 91 IV 228, consid. 2, JdT 1966 IV 36.

185 ATF 102 IV 32, consid. 2c, JdT 1977 IV 2.

186 CJCE Shevill, pt. 29.

187 CJCE Zuid-Chemie, pt. 17 (rappelé également dans CJUE eDate, pt. 38) ; cf. également ATF 131 III 227, consid. 3.1.

188 Arrêt du Tribunal fédéral 6B_845/2010 du 25 janvier 2011, consid. 1.2.

189 Arrêt du Tribunal fédéral 1C_383/2008 du 21 janvier 2009, consid. 2.2.

controversées : la classification typologique des infractions190. Sans revirement formel jusqu’à présent, les juges ont néanmoins tenté de revenir à une acception plus large du résultat dans divers arrêts récents. C’est à juste titre que le TF, soutenu par un courant de la doctrine auquel nous nous rattachons, veut revenir à une définition autonome du résultat. Contrairement au droit international privé, le droit pénal international manque d’harmonisation au niveau international.

Nous sommes d’avis qu’une interprétation autonome consacrée formellement par le TF constituerait un premier pas non négligeable vers d’éventuels futurs traités internationaux régissant les (conflits de) compétences pénales, ou faciliterait, à tout le moins, une telle démarche dans le futur. En effet, le Strafanwendungsrecht, bien qu’il soit matériellement du droit national, a une vocation internationale. Le but, l’esprit, de ces dispositions est de régler des situations présentant des éléments d’extranéité, de mieux réprimer les crimes transnationaux. Elles doivent alors se lire, se comprendre, s’interpréter en dehors d’un cadre exclusivement suisse.

Définir le résultat de manière abstraite est une chose ; adapter cette définition à des infractions commises sur Internet en est une autre. Comment localiser un résultat lorsqu’il se produit partout dans le monde instantanément ? Cette question a été au centre des développements jurisprudentiels et doctrinaux tant en droit international privé qu’en droit pénal international.

b. Le refus (partiel) de l’accessibilité

D’un point de départ identique, nous retrouvons également, au long de cette évolution, une tension identique entre deux principes : l’accessibilité et l’exigence de liens supplémentaires (ou targeting). Les enjeux peuvent également être qualifiés de similaires dans les deux disciplines. Si l’on estime que la simple accessibilité de propos diffamatoires permet de fonder la compétence suisse (civile ou pénale), un risque de compétence systématique et universelle nait. En revanche, si l’on exige des liens supplémentaires avec la Suisse pour retenir sa compétence, la prévisibilité est garantie et l’étendue de la compétence réduite dans une plus ou moins large mesure, suivant la nature des liens supplémentaires exigés.

Tant la LDIP que le droit pénal international rejettent le principe de l’accessibilité. Les liens supplémentaires exigés varient cependant entre les deux disciplines. Pour rappel, la doctrine va jusqu’à assimiler le domicile/la résidence habituelle de la victime au lieu du résultat concernant l’art. 129 al. 1 LDIP191. Pour l’art. 8 al. 1 CP, le TF exige la prévisibilité et la prévision pour l’auteur que ses propos diffamatoires soient lus en Suisse192. Dans un cas comme dans l’autre, il ne suffit pas qu’un contenu qui porte potentiellement atteinte à l’honneur de la victime soit accessible en Suisse.

190 DELALOYE se demande, à juste titre selon nous, si la distinction entre délit formel et matériel « ne constitue […] pas un frein à la poursuite pénale de la cybercriminalité » (p. 5).

191 Cf. supra, III/b/ii.

192 Cf. supra, IV/c.

Dans cet élan de refus du critère d’accessibilité, la solution retenue par la CJUE à propos de l’art. 5 al. 3 CL dans son arrêt eDate fait tache. En effet, aucune mention du targeting n’est faite dans l’analyse de la Cour, alors que plusieurs États membres avaient recours à cette pratique avant cet arrêt193. Ce silence est étrange à plus forte raison car la CJUE a adopté l’approche du targeting test concernant les contrats de consommation194 et ce en 2010, soit un an avant eDate. Ce domaine est certes éloigné de notre problématique, mais il prouve néanmoins que la CJUE était consciente de cette pratique lorsqu’elle a rendu son jugement.

Cependant, comme l’indique REYMOND, il faut relativiser cette distanciation étant donné que

« [la Cour a] reconnu les problèmes posés par l’ubiquité d’Internet et elle a tenté d’y apporter une réponse »195, même si cette dernière n’était pas forcément celle attendue.

À cela nous ajouterons que bien que la CJUE se positionne en faveur de l’accessibilité, il ne s’agit pas d’une accessibilité universelle. En effet, la CL ne lie que les États qui en sont contractants. Dans cette mesure, le nombre d’États concernés est restreint dès le début et on pourrait parler d’une sorte d’accessibilité partielle, ou d’accessibilité avec une portée géographique limitée. Nous estimons que c’est une des raisons principales pour lesquelles la Cour a pu retenir une telle solution. Il n’est pas envisageable que le TF choisisse l’accessibilité pour la LDIP ou l’art. 8 al. 1 CP, car ces législations s’appliquent à un nombre (beaucoup) trop grand d’États qui n’ont pas forcément de liens quelconques avec la Suisse. Les États parties à la CL ont des liens entre eux, que ce soit à travers l’UE, les relations bilatérales avec cette dernière, ou l’AELE. Par exemple, comme nous l’avons mentionné, la reconnaissance des décisions est en principe garantie, ce qui présente un autre argument permettant (d’essayer) de justifier le choix de l’accessibilité par la CJUE ainsi que le maintien de la fracturation du dommage.

c. Le domicile/résidence habituelle de la victime comme lieu du résultat

Le point de rattachement typique en droit international privé est le domicile du défendeur (art.

2 CL, art. 2 et 129 al. 1 LDIP)196. En cas d’atteinte à l’honneur en ligne, nous avons pu observer que le critère de rattachement reste le domicile (et la résidence habituelle197), mais cette fois-ci du demandeur, soit de la victime de l’atteinte. Pour la CJUE, le nouveau for pour l’intégralité du dommage au centre des intérêts de la victime correspond en général à sa résidence habituelle198, lieu également retenu par la doctrine suisse concernant l’art. 129 al. 1 LDIP, à côté du domicile.

193 C’était par exemple le cas de la pratique des tribunaux français, cf. REYMOND, N 544 ss.

194 CJUE, arrêt Peter Pammer c. Reederei Karl Schlüter GmbH & Co. KG et Hotel Alpenhof GesmbH c. Olivier Heller du 7 décembre 2010, affs. C-585/08 et C-144/09, Rec. 2010, p. I-12527.

195 REYMOND, N 844.

196 LUDWICZAK, Domicile, p. 10.

197 Ces deux notions coïncident en principe (LUDWICZAK, Domicile, p. 13).

198 Cf. supra, III/b/i.

Notons que cette harmonisation n’est cependant présente qu’en théorie. En effet, bien que la CJUE interprète les notions des règlements de manière autonome, pour les notions de domicile et de résidence habituelle, un renvoi est fait au droit international privé du for199. En Suisse, ces notions seront définies de la même façon puisque ce sera la LDIP qui s’appliquera200. C’est entre les différents États contractants que les différences s’exprimeront.

Ce changement de focalisation du défendeur au demandeur n’efface pas le choix à disposition de ce dernier : il peut agir soit à son propre domicile, soit à celui du défendeur. Cette solution était préconisée par deux auteures qui estimaient qu’elle « [a] l’avantage de donner compétence à un tribunal le plus souvent proche des données du procès et d’assurer la concentration des compétences, deux objectifs poursuivis par les textes européens »201. Le lieu du résultat se confondrait donc avec le lieu du domicile de la victime dans la mesure où il s’agit du « centre névralgique de la réputation du demandeur »202, du « lieu de réalisation de ce préjudice immatériel qu’engendre l’atteinte à la vie privée »203.

Le domicile en tant que critère de rattachement est absent du droit pénal international suisse204. Dans un arrêt que nous avons étudié, la Cour de justice genevoise précise que « le domicile en Suisse de la personne visée par les propos litigieux (laquelle ne saurait être assimilée au tiers visé par les art. 173 et 174 CP)205 ne saurait fonder à lui seul la compétence des autorités suisses »206. Elle ne semble pas exclure de manière catégorique qu’une compétence fondée sur le domicile du lésé soit opportune ; il faudrait juste, en sus, exiger d’autres éléments. Ces réflexions nous amènent à repenser l’aptitude et l’efficience de la compétence territoriale pour réprimer la diffamation commise en ligne. MAILLART a bien su nommer sa thèse, il s’agit réellement d’une « épreuve » que la cybercriminalité fait subir à la territorialité.

C’est à cet égard qu’il nous parait intéressant de mentionner brièvement la solution retenue par le droit pénal français. La compétence territoriale française est consacrée aux art. 3 al. 1 CC-Fr. et 113-2 CP-CC-Fr. Un nouvel article a été introduit en 2016, ce dernier prévoyant que « [t]out crime ou tout délit réalisé au moyen d'un réseau de communication électronique, lorsqu'il est tenté ou commis au préjudice d'une personne physique résidant sur le territoire de la République

199 LUDWICZAK, Domicile, p. 10.

200 Art. 20 al. 1 let. a et b LDIP.

201 GAUDEMET-TALLON/ANCEL, N 232.

202 REYMOND, N 660.

203 GAUDEMET-TALLON/ANCEL, N 232.

204 LUDWICZAK, Domicile, p. 3.

205 Rappelons que le « résultat » de la diffamation (art. 173 CP) est la prise de connaissance des propos diffamatoires par des tiers.

206 GE, SJ 2005 I 461, consid. 3.8 in fine.

[…] est réputé207 commis sur le territoire de la République » (art. 113-2-1 CP-Fr.)208. L’introduction de cette nouvelle disposition a fait naitre des controverses au sein de la doctrine, notamment car elle ignore la pratique jurisprudentielle qui faisait foi en France jusqu’alors et que, à juste titre selon nous, certains auteurs questionnent la nature territoriale de cette compétence et sa délimitation avec la compétence personnelle passive209.

Pour revenir au droit pénal suisse, la prévisibilité et la prévision sont la base du raisonnement doctrinal et jurisprudentiel en matière du lieu de survenance du résultat en cas de diffamation commise par Internet. La résidence de la personne visée par la diffamation en Suisse remplit ces deux exigences. Bien que la diffamation soit consommée dès lors que des tiers – et non pas le lésé – prennent connaissance des propos litigieux, le lieu de domicile ou de résidence habituelle du lésé semble être assez, si ce n’est plus, prévisible que la simple connaissance et volonté de l’auteur que les propos soient consultés en Suisse.

Cependant, nous estimons que cela ne devrait pas nous amener à retenir la compétence territoriale suisse dès que le domicile du lésé se trouve en Suisse. En effet, il ne faudrait pas, à l’instar du législateur français, dénaturer la compétence territoriale de son noyau : le territoire.

Elle permet de rattacher un comportement donné sur le territoire suisse. Or, même si c’est en principe là où la victime réside qu’elle a un honneur à atteindre et que l’atteinte peut se matérialiser, ce n’est pas forcément le cas. Il est par exemple possible que le lésé soit domicilié en Suisse sans pour autant que le résultat de la diffamation se soit matérialisé en Suisse et, inversement, que le résultat se fasse ressentir en Suisse sans que le lésé n’y soit domicilié. Le rattachement actuel retenu par la jurisprudence suisse permet d’appréhender ces deux scénarios de la manière suivante : dans le premier, faute de résultat survenu en Suisse, la compétence territoriale est a priori niée210 ; dans le deuxième, le résultat se produit en Suisse et la compétence est donnée.

En revanche, si le domicile du lésé était uniquement pertinent, la solution serait inverse, ce qui reviendrait à nier à la Suisse une partie de son pouvoir exclusif de répression. En effet, même sans que le lésé soit domicilié en Suisse, l’atteinte peut s’y matérialiser et la Suisse devrait être compétente pour poursuivre l’auteur sur cette seule base si tel est son choix de politique criminelle. Or, nous l’avons vu, le résultat de l’infraction de diffamation est la prise de connaissance des propos diffamatoires par des tiers, puisque c’est ainsi que le bien juridique protégé, l’honneur, est atteint. Dès lors que le droit pénal suisse érige cette circonstance en élément déterminant de localisation de l’infraction, la compétence territoriale suisse ne peut pas

207 Il s’agit d’une « fiction de territorialité » car il est par exemple possible de retenir la compétence territoriale française pour « des infractions subies à l’étranger par un résident français […] alors même qu’elles ne se seraient pas matérialisées sur le lieu de sa résidence » (REBUT, p. 37).

208 Voir la recommandation n°30 du Rapport sur la cybercriminalité, p. 211. Le législateur français est allé plus loin en remplaçant la proposition d’exigence de nationalité par celle de résidence.

209 PARIZOT/PERRIER, p. 378 ss.

210 Pour nier avec certitude la compétence territoriale, il faudrait encore analyser le lieu de l’acte.

se baser sur le domicile de la personne lésée. C’est ainsi que nous estimons que le raisonnement de la Cour de justice genevoise est juste211. Il convient de rappeler que notre analyse se rapporte uniquement à la compétence territoriale ; nous n’excluons pas l’opportunité d’une compétence au lieu du domicile de la personne lésée mais qui relèverait alors d’une éventuelle compétence personnelle passive.

d. Perspectives d’harmonisation

Afin de garantir la sécurité juridique, une même notion devrait être interprétée uniformément, du moins en théorie. En pratique cependant, même si une même notion est à l’origine interprétée de manière identique, force est de constater que les interprétations diffèrent au fil du temps212. Chacune des disciplines évolue dans un contexte (politico-)juridique propre et doit répondre à différentes attentes et limitations. Bien qu’une harmonisation soit souhaitable, elle n’est selon nous pas possible (ou viable) par le biais d’une même interprétation de la notion de résultat applicable aux deux domaines. Même si un tel compromis était trouvé, les interprétations varieraient forcément puisque les enjeux ne sont pas exactement les mêmes dans les deux cas.

En droit international privé, la CJUE devrait revoir le principe de mosaïque qu’elle a réaffirmé dans son arrêt eDate mais surtout remplacer le critère de l’accessibilité par celui du targeting, permettant ainsi de mieux circonscrire la compétence des États. De cette manière, l’interprétation de l’art. 5 al. 3 CL se rapprochera de celle de l’art. 129 al. 1 LDIP, mais également des autres pratiques nationales antérieures à eDate.

Concernant le droit pénal international, un arrêt de principe du TF permettrait d’ancrer solidement la pratique jurisprudentielle actuelle. Il faudrait d’une part formellement s’affranchir de la conception technique du résultat et, d’autre part, légitimer les critères de restriction de la compétence territoriale lorsque la diffamation est commise en ligne. D’une manière plus générale, le droit pénal international nécessite une internationalisation. Le principe même des compétences est prévu dans le droit international, ce dernier devrait également pouvoir les réguler et les répartir213. Le droit international n’est au final que l’expression de la volonté de plusieurs États ; ils consentent aux conventions qu’ils signent et ratifient. Nous avons vu que les mécanismes de règlement de conflits de compétences a posteriori sont très lacunaires, surtout lorsqu’il s’agit de la compétence territoriale. C’est dans cet esprit que la Commission des communautés européennes, en cherchant à pallier ce problème, avait proposé l’introduction d’un « mécanisme pour le choix de l’État membre compétent »214. Parmi les éléments de mise en œuvre de ce mécanisme, on retrouve par exemple un ordre de priorité des

211 Remarquons que si des tiers prennent connaissance des propos diffamatoires au lieu (suisse) du domicile de la personne lésée, ce dernier coïncidera avec le lieu du résultat et permettra de fonder – mais non par lui-même – la compétence territoriale suisse.

212 Comme ça a été le cas du droit international privé (LDIP) et du droit pénal international, cf. supra, V/a.

213 FERNANDEZ, N 598.

214 Livre vert, p. 1 ss.

poursuites par l’État membre principal et un principe de reconnaissance mutuelle des décisions

poursuites par l’État membre principal et un principe de reconnaissance mutuelle des décisions

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