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Les réflexions internationales ont permis de dégager plusieurs approches complémentaires de la gestion des crises de surendettement des Etats

L'approche générale, développée dans une proposition exposée par Anne Krueger, Directrice générale adjointe du FMI, dans un discours du 26 novembre 2001 (33) a concentré l'attention de la communauté internationale. Elle envisage la restructuration des dettes souveraines insoutenables sur un modèle inspiré des législations nationales en matière de faillite du secteur privé (par exemple, le chapitre 11 du Code de commerce des États-Unis). Prenant acte des limites de l'assistance financière du FMI dans le cas de dettes souveraines insoutenables, elle recommande d'accorder au Fonds le double pouvoir d'avaliser la décision par un État, de suspendre les paiements sur sa dette et d'imposer à l'ensemble des créanciers privés une suspension des recours juridictionnels, sous certaines conditions (notamment, insoutenabilité avérée de la dette publique, négociations de bonne foi entre l'État et ses créanciers). L'application de ce dispositif pourrait impliquer la création d'une instance internationale chargée notamment de régler les différends entre le débiteur et ses créanciers et entre créanciers. En conférant des pouvoirs quasi-juridictionnels à une instance internationale, cette approche vise à lever deux obstacles potentiels à une restructuration ordonnée des dettes souveraines : d'une part, les risques de contentieux susceptibles de faire achopper les négociations entre le débiteur et une majorité de créanciers (risques liés au comportement prédateur de fonds tel qu'Elliott Associates) ; d'autre part, la difficulté de coordonner l'ensemble de la masse des créanciers obligataires du fait de la multiplicité des types de titres émis ainsi que de la diversité d'origine des créanciers (obligataires, bancaires, etc.).

(32) – Refusant l'offre d'échange des titres (contre des obligations Brady) qu'il détenait et sur lesquels l'État péruvien avait fait défaut, le fonds « vautour » Elliott a préféré poursuivre le débiteur pour obtenir le remboursement intégral des titres. En 2000, la cour d'appel de Bruxelles a donné raison au créancier sur un point de son action juridictionnelle. Alors que toutes les voies de recours juridictionnels n'étaient pas épuisées, les autorités péruviennes décidèrent de ne pas faire appel de la décision et de passer un accord amiable avec le créancier.

(33) – Anne Krueger, International financial architecture for 2002 : A new approach to sovereign debt restructuring, discours prononcé lors du dîner annuel des membres du National economists' Club, Washington DC, 26 novembre 2001.

L'approche dite contractuelle, relancée par la proposition du FMI, donne la référence aux solutions de marché, décentralisées et volontaires. En pratique, il s'agit d'insérer dans les contrats d'endettement obligataire des clauses dites d'action collective. Celles-ci règleraient par avance les questions de coordination des créanciers porteurs des titres et organiseraient, le cas échéant, la suspension temporaire des paiements ainsi que celle des actions judiciaires. En cela, cette approche s'inspire pour partie des recommandations du rapport Rey du G10 sur la résolution des crises souveraines (1996) et des propositions formulées par les autorités canadiennes en 1998.

Ces deux dernières approches ont constitué les deux principaux axes de la discussion au plan international sur ce sujet.

L'approche dite informelle se présente comme un moyen terme entre les deux précédentes. En pratique, elle se confond largement avec la proposition développée dans un document conjoint de la Banque d'Angleterre et de la Banque du Canada (34), proposition qui recueille un large soutien des autorités européennes. Elle s'inspire en partie de la « London approach », qui est un ensemble de règles développées et appliquées sous l'égide de la Banque d'Angleterre, en matière de restructuration des dettes des entreprises industrielles ou commerciales au niveau national. D'une part, l'approche repose sur le strict respect des limites d'accès aux financements du FMI afin de corriger les comportements risqués tant des créanciers privés que des débiteurs souverains et d'inciter les parties prenantes à rééchelonner ou restructurer la dette souveraine pour faire face aux difficultés de paiement du débiteur. D'autre part, comme dans le cas de la « London approach », le processus de négociation entre le débiteur et ses créanciers, qui interviendrait après la suspension temporaire des paiements par le pays débiteur, serait rendu plus prévisible et ordonné grâce à l'application « d'orientations» («guidelines») pré-établies, faisant l'objet d'un consensus international.

Par ailleurs, les économistes américains Adam Lerrick et Allan H. Meltzer (35), ont suggéré, avec moins d'écho que les propositions précédentes, de traiter les dettes souveraines insoutenables en créant une nouvelle facilité du FMI. Celle-ci serait destinée à soutenir le marché secondaire de la dette souveraine en crise. Dans leur schéma, le pays souverain déclarerait la suspension de paiement sur l'ensemble de sa dette en devises afin d'engager les négociations de restructuration. Parallèlement, il bénéficierait de la nouvelle

(34) – Andy Haldane et Mark Kruger, Presumptions about official response to financial crises, Banque d’Angleterre / Banque du Canada, Novembre 2000 ; The resolution of international financial crises : private finance and public funds, Banque d’Angleterre / Banque du Canada, Novembre 2001.

(35) – Adam Lerrick et Allan Meltzer, Blueprint for an international lender of last resort, Carnegie Mellon, 22 Octobre 2001.

facilité du FMI, laquelle consisterait à offrir aux porteurs de la dette un cours plancher garanti pendant le processus de négociation à la fois suffisamment élevé pour éviter les phénomènes de panique et suffisamment bas pour que la charge de refinancement de la dette n'incombe pas uniquement aux autorités publiques. La restructuration de la dette suivrait ainsi un processus de négociation décentralisé et de marché, les risques de contagion liés au défaut de paiement d'un État étant par ailleurs contenus grâce à la garantie de cours.

Les différentes questions soulevées par les propositions passées en revue continuent de faire l'objet de débats intenses. Si aucune d'entre elles ne fait l'unanimité, elles convergent néanmoins sur un point, dont les participants de marché semblent avoir pris conscience, à savoir la volonté de la communauté internationale d'impliquer plus systématiquement le secteur privé dans la résolution des crises financières.