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Ayant exposé les fondements théoriques de notre étude, d'abord sur la traduction en général, puis sur la traduction littéraire, nous pensons que nous avons une base suffisante pour attaquer le cœur de notre travail : la traduction des œuvres dramatiques.

Ainsi, en focalisant toujours la traduction théâtrale du français en chinois, commençons-nous maintenant par cadrer les spécificités de la traduction théâtrale, ensuite il nous semble nécessaire de définir l'objet de cette traduction et bien sûr la méthode que nous pouvons employer pour réussir la traduction théâtrale. Nous ne ferons pas abstraction de la dimension culturelle de cette activité traduisante puisque, omniprésente au théâtre, elle conditionne fort le travail du traducteur, à tel point que ce dernier est facilement rangé par certains théoriciens au rang des adaptateurs. Enfin, pour répondre à la question que nous nous sommes posée plus tôt, à savoir si les principes de la Théorie interprétative s'appliquent, nous ne manquerons pas de nous référer, tout le long de notre étude, aux points de vue exprimés par certains praticiens de la traduction théâtrale.

1. Particularités de la traduction des œuvres dramatiques

Maurice Gravier résume très justement les particularités de la traduction des textes dramatiques :

Il s'agit en effet de faire passer (entre autres choses) un texte fait pour être dit (et non lu) d'une langue dans une autre langue. Il faut donc que le traducteur écrive une langue "orale" et non livresque, formule des répliques que le comédien puisse, sans difficulté, avec plaisir même articuler, faire résonner dans son "gueuloir" comme dirait Flaubert, et qui "passe la rampe".350

En effet, l'œuvre dramatique se distingue des autres œuvres littéraires par la spécificité de son langage que nous avons montrée en détail dans le chapitre consacré à ce sujet351. Reprenons ce qui nous concerne le plus directement dans nos démarches de traduction, et nous retenons surtout les paramètres suivants :

350 M. Gravier, La traduction des textes dramatiques, dans Etudes de linguistique appliquée, N°12, Paris, Didier

Erudition, 1973. P. 40.

134 1.1 Oralité et gestualité352

L'oralité signifie d'abord le naturel et la spontanéité de la langue orale353, du fait notamment que les répliques dans les œuvres dramatiques imitent le dialogue de la vie courante et donc y ressemblent plus ou moins. Si nous pouvons lire et relire un passage d'un roman, au théâtre le spectateur a besoin de tout capter immédiatement et en une seule fois. Les notes en bas de pages ne sont pas possibles. Les répliques doivent donc être d'une clarté suffisante (sauf effet spécial voulu par l'auteur), les références doivent être connues de tous, et les allusions facilement perceptibles pour le public.

L'oralité est aussi et surtout cette notion de souffle, de respiration ou de rythme, qui "porte le comédien et enthousiasme le public"354. A ce propos, Gravier cite une réponse de Jean Vilar à un spectateur qui lui demandait pourquoi il ne jouait plus jamais de pièces étrangères : "[...] Les bons textes dramatiques sont marqués par un rythme. Les traducteurs sont en général incapables de retrouver ce rythme et de le rendre sensible dans leurs traductions. J'aime être porté par la respiration d'un texte. Les textes des traducteurs ne respirent pas. C'est pourquoi je préfère maintenant ne plus jouer que des textes dont je possède la version originale. Donc des textes français."355

Une phrase de Antoine Vitez a aussi été citée par Bataillon dans le même sens356 :"De Molière, il ne nous reste qu'une trace : pneumatique." "Pneumatique" renvoie à son étymologie grecque pour désigner cette notion de souffle, de respiration qui est fondamentale pour tout texte dramatique. Il est clair que Vitez comme Vilar, ces hommes de théâtre comprennent le mieux combien est important pour la scène un texte qui a du rythme, qui "respire", et qui passe facilement par les poumons et la bouche du comédien.

352 Voir l'intervention de J.-M. Déprats, Sixième assises de la traduction littéraire (1989), Arles, Actes sud,

1990. Les caractéristiques du langage dramatique sont analysées dans la première partie de notre thèse.

353 Ceci est plus évident pour les œuvres contemporaines que pour les œuvres anciennes. Voir le chapitre sur le

langage dramatique dans la première partie de la présente thèse.

354

M. Gravier, 1973, p.44. Ici, chez Gravier comme chez Déprats et chez Vilar, les termes de "rythme", "souffle", "respiration" ou encore "musicalité" sont employés dans le même sens sans recours à leur définition exacte, ce qui prouve la relative non-technicité de leur utilisation dans les textes dramatiques. La notion du rythme dans le langage dramatique est déjà élucidée dans le chapitre 2 sur le langage dramatique, de la première partie de notre thèse.

355

Gravier, 1973, p. 44.

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D'après Jean-Michel Déprats357, "une traduction de théâtre est une traduction qui appelle le dire, la projection vocale", et le traducteur doit "faire en sorte que la texture des mots soit soutenue par la voix, par une certaine tension de la voix". En fait, il faut que "l'impulsion rythmique guide le traducteur", et qu'elle "constitue le chant de chaque traduction, sans lequel la traduction n'est qu'une suite de mots morts, exacts peut-être, mais sans nécessité".

Ying Ruocheng358, ayant été poussé à retraduire "Measure for Measure" de Shakespeare pour le Théâtre d'art du Peuple de Beijing, n'hésite pas à critiquer le manque d'oralité de traductions des textes dramatiques : "Les comédiens expérimentés savent très bien qu'il est extrêmement difficile de trouver des traductions jouables de pièces étrangères. Nous avons souvent affaire à des textes érudits, lourds, avec des syntaxes compliquées et longues ainsi que d'innombrables notes, d'autant plus qu'il s'agit de chefs-d'œuvre de grands maîtres. [...] Mais on sait que les grands dramaturges étrangers offrent à leur comédien et leur public des textes concis, rythmés, agréables à prononcer et faciles à comprendre. En tant que traducteur, nous devons surtout faire attention à cette oralité et cette concision du langage théâtral".

357 J.-M. Déprats, intervention dans les Sixième assises de la traduction littéraire (1989), op.cit., p.76 ; voir

aussi "Traduire Shakespeare pour le théâtre", dans Théâtre / Public, N° 44, 1982.

358 Ying Ruocheng 英若诚 (1929-2003), metteur en scène, comédien et traducteur de théâtre. Il a traduit

plusieurs pièces de langue anglaise telles que " Measure for Measure " (请君入瓮) de Shakespeare, " Death of a Salesman " (推销员之死) d'Arthur Miller, " Major Barbara " (芭芭拉少校) de Bernard Shaw, " Amadeus " (上帝的宠儿) de Peter Shaffer, pour le Théâtre d'Art du Peuple de Beijing (北京人民艺术剧院 ), et a également traduit certaines pièces chinoise en anglais. Son propos est tiré d'une interview qu'il a accordé au journal du site internet " www.qianlong.com 千龙网" du 30 septembre 2000:"有经验的演员都

会告诉你,演翻译过来的戏,要找到真正的‘口语化’的本子多么困难。戏剧语言要求铿锵有力,切忌 拖泥带水。[…] 而我们的很多译者,在处理译文时,考虑的不是舞台的直接效果,而是如何把文中 的旁征博引、联想、内涵一点不漏地介绍过来,而且我们要翻译的原作名气越大,译文就越具有这 种特点。[...] 观众想听到‘脆’的语言巧妙而对仗工整的、有来有去的对白和反驳,这在一些语言大师 的作品中可以说俯拾皆是,作为译者,我们有责任将之介绍给观众,因此口语化和简练就成了戏剧 翻译中必须首先考虑的原则。"

Il a laissé inachevées deux autres traductions de Shakespeare : Hamlet et Coriolan. Malheureusement il n'a pas laissé d'écrit sur ses pratiques de traduction théâtrale. Il est à remarquer que dans ses traductions, il modifie souvent le titre de pièce et en choisit un qui lui semble plus parlant pour le public chinois. Par exemple, pour " Amadeus " dont le héro est Mozart, il renomme la pièce " 上帝的宠儿 "(littéralement : le fils favori de Dieu). Dans un autre cas, il opte pour un titre plus opaque et abandonne celui de l'original qui est plus parlant. Pour " Measure for Measure ", il utilise une expression figée à quatre caractères (请君入瓮, littéralement : entrez dans la jarre s'il vous plaît). L'origine de l'expression est une anecdote historique, et la signification métaphorique connue est : traiter quelqu'un de la manière dont lui-même traite les autres. L'utilisation comme titre de cette expression qui n'est pas très courante crée un effet de suspens, alors que le titre original est plus clair.

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Si le théâtre de Genet exalte l'artifice et l'équivoque, son langage n'est pas naturel, il est pourtant un exemple d'oralité, car ce langage poétique est rythmé et presque musical, agréable à prononcer et beau à entendre. Shen Lin359 ne dit donc pas le contraire de ce qu'exprime Ying : il lit à haute voix sa traduction au metteur en scène, et celui-ci fait immédiatement des remarques dès que quelque chose lui paraît difficile à prononcer ou pénible à comprendre ; des mots et des phrases sont à modifier constamment au cours des répétitions.

Michel Bataillon360 parle de la "sanction immédiate et physique" par le comédien de la traduction théâtrale, car celle-ci est "prise en charge par un être vivant, qui va se trouver parfois planté là dans un cul-de-sac" quand le langage spécifique au théâtre est "détérioré, atteint ou corrompu".

En effet, si jamais les comédiens arrivent tant bien que mal à jouer un texte sans rythme, c'est le spectateur, à son tour, qui se plaindra de la lourdeur des répliques ou de la difficulté de compréhension. Gravier nous raconte la mésaventure de pièces d'Ibsen. Les drames du grand auteur scandinave était mal reçus à cause de la traduction faite par Prozor : "le texte ibsénien, devenu lourd et difficile à décortiquer – il ne respire plus du tout – est joué de façon gauche et arbitraire par des comédiens désemparés"361. Il est vrai que les mots doivent résonner sur scène et donner de la sensation au public, ainsi devient possible la perception du sens par celui-ci ; puisque "l'oreille est plus captée par le mouvement rapide de la parole que par les significations qui parviennent seulement à travers les rythmes"362. Il est certain qu'un texte fait pour être lu ne subit pas de telle exigence.

Un texte dramatique rythmé est aussi un texte qui met le corps en mouvement. Il ne s'agit pas de dicter des gestes précis363, mais d'indiquer le gestus364 – les attitudes précises physiques et mentales qu'adopte l'homme qui parle envers d'autres hommes. "Les mots

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Shen Lin(沈林), traducteur du Balcon et chercheur universitaire en théâtre. Son opinion sur la traduction a été confiée dans des correspondances échangées avec nous, voir Annexe 2.

360 Voir l'intervention de M. Bataillon dans les Sixième assises de la traduction littéraire (1989), op.cit., p.70. 361 Voir M. Gravier, 1973, p.45.

362

M. Bataillon, Sixième assises de la traduction littéraire (1989), op.cit., p.77.

363 Les didascalies sont bien sûr des indications précises des gestes, mais nous parlons ici du texte (c'est-à-dire

les répliques), d'ailleurs de nombreux auteurs n'utilisent que très peu de didascalie et laissent au metteur en scène et aux comédiens la liberté de créer les mouvements. Voir le chapitre sur le langage dramatique dans la première partie de notre thèse.

364

Voir B. Brecht, 1963, Volume 2, p 95. La notion de gestus chez Brecht est plus vaste surtout quand il s'agit de gestus social ; mais nous nous limitons ici à sa définition de "langue gestuelle".

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miment", dit aussi Bernard Faivre D'Arcier365. Déprats écrit en se basant sur sa pratique de la traduction de pièces shakespeariennes : "le geste de l'acteur est présent dans la couche verbale sous la forme d'infimes sollicitations musculaires, d'esquisses corporelles", et "le texte dialogué programme, décrit ou suggère des gestes"366. Le traducteur doit donc rendre dans sa traduction "cette inscription virtuelle du geste"367 de l'œuvre originale.

Sur ce point, Patrice Pavis développe "une théorie du verbo-corps"368. Il appelle "verbo-corps" l'alliance du texte prononcé et des gestes accompagnant son énonciation, le lien spécifique qu'entretient le texte avec le geste369. Il met surtout l'accent sur le fait que le "verbo-corps" est un réglage du rythme (à la fois gestuel et vocal) et du texte, qui est spécifique à une langue et à une culture. Il faudrait donc "non pas calquer pour le transférer dans la langue-cible, mais adapter en maintenant le rapport du verbo-corps"370. Il affirme qu'au théâtre le mot et le geste forment un tout solidaire, et que quand on traduit un texte, c'est pour rendre le jeu possible, c'est pour reformer cet ensemble mot/geste. De plus, la notion du "verbo-corps" ne reste pas au niveau de la réplique, mais s'élargit à l'ensemble de la représentation. C'est-à-dire que la traduction du texte théâtral doit se coordonner avec la future mise en scène.

Ces notions d'oralité et de gestualité371 résument en partie la théâtralité du texte dramatique372, et constituent le vrai enjeu de la traduction. Préserver la théâtralité de l'original, c'est la tâche primordiale du traducteur.

1.2 L'Individualisation du langage

Le gestus, indiquant les attitudes physiques et mentales du personnage, implique bien

365 Message adressé aux Sixièmes assises de la traduction littéraire (1989), op.cit. 366

J-M. Déprats, "Traduire Shakespeare pour le théâtre", dans Palimpsestes, n°1, p.57.

367 J-M. Déprats, intervention dans Sixièmes assises de la traduction littéraire (1989), op.cit., p.79. 368 Voir P. Pavis, Le théâtre au croisement des cultures, Paris, éd. José Corti, 1990, p.151.

369 Le mot "geste" désigne les mouvements visibles produits par le corps humain qui incluent les jeux de

physionomie, les attitudes, les déplacements et les contacts. Voir le chapitre 2 sur le langage dramatique dans la première partie de notre thèse.

370 Pavis, 1990, p. 153.

371 Tout de même, d'après Pavis, certains esthétiques du théâtre d'aujourd'hui ne reconnaissent plus ces critères

traditionnels du langage dramatique et considèrent que tout texte est parlable. 1990, p. 142.

372 Tous les dramaturges ne conçoivent pas la théâtralité exactement de la même façon, ce qui n'empêche que

quelques notions de base restent partagées. Voir le chapitre 1 sur la théâtralité dans la première partie de notre thèse.

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entendu une individualisation du langage de chacun des personnages. Dans un texte dramatique, l'auteur ne parle presque jamais373 et ce sont ses divers personnages, de caractères différents, de positions différentes, et appartenant à différentes couches sociales, qui communiquent entre eux et parlent au spectateur ; chacun a sa façon de s'exprimer et son vocabulaire plus ou moins constant374. Ying Ruocheng, face au journaliste qui lui demande pourquoi il est amené à retraduire des textes de Shakespeare375, explique qu'il accorde la même importance à l'individualisation qu'à l'oralité du langage dramatique, et que contrairement à des traductions élégantes mais imprononçables, son travail traduisant est consacré à faire parler les personnages d'une manière authentique et individualisée.

Nous avons déjà vu, dans le chapitre sur le langage dramatique, comment les auteurs adaptent la parole de leurs personnages à chaque situation différente. Par conséquent, pour le traducteur, il n'y a pas qu'un style de l'auteur à montrer, mais également de multiples modes d'expression à rendre perceptibles dans la traduction. En effet, traduire une pièce de théâtre, c'est rendre les caractères étrangers vivants sur la scène de la culture d'accueil, il est donc important de préserver l'individualisation du langage de chaque personnage.

Cela constitue ainsi une autre particularité de la traduction des œuvres théâtrales, car même si les romanciers font un peu le même exercice quand parfois ils présentent des dialogues, la majeure partie de leur texte a un style relativement homogène.

1.3 Le rapport avec le public

Si dans sa réflexion sur la traduction littéraire, la voix d'Antoine Berman s'élève pour répondre "non" à la question foncière de savoir si la traduction est faite pour les lecteurs qui ne comprennent pas l'original, s'agissant de la traduction théâtrale, nous pensons qu'il ne donnerait pas la même réponse. Car l'art théâtral, l'art du spectacle, se caractérise par le fait qu'il est présenté devant un groupe de spectateurs. La présence du public est fondamentale à l'existence du théâtre. Xiong Foxi, théoricien dramatique chinois, écrit sur l'importance du

373 Les didascalies sont énoncées par l'auteur, le reste du texte dramatique a pour sujet de l'énonciation les

personnages. Ici nous souhaitons souligner l'importance de l'individualisation du langage des personnages, sans vouloir nier la marque personnelle de l'auteur qui existe dans tout texte dramatique.

374 Le même personnage peut changer de langage en fonction de la situation.

375 Son propos est tiré d'une interview par Xu Can (徐灿) publié au journal " Nanfang Zhoumo (南方周末) " du

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public : "Puisque le théâtre est l'art qui s'adresse au spectateur, il n'y a pas de théâtre sans spectateur. Que votre texte soit merveilleux ou misérable, sa valeur est nulle s'il ne répond pas au goût et à la capacité de réception du spectateur"376. En quelque sorte, le spectateur exerce la fonction de contrôle final d'une création théâtrale, il constitue donc un des acteurs dans cette création.

Une traduction pour la scène ne peut se réaliser sans tenir compte du public de la culture d'accueil. Comme nous l'avons dit plus haut, l'oralité du langage est une condition indispensable à l'appréciation par le spectateur. Or ce problème langagier n'est pas isolé, il est en fait intimement lié au problème culturel. Voyons tout de suite ce que représente la dimension culturelle pour la traduction théâtrale.

1.4 Dimension culturelle

Selon Lévi-Strauss, la culture, caractère inhérent à toute collectivité humaine, est, au sens large, pour chaque société, l'ensemble des connaissances et des comportements qui la caractérise (techniques, économiques, rituels, religieux, artistiques, sociaux, etc.)377.

La culture est un objet de traduction, car la mission de celle-ci est de faire connaître la culture étrangère. Elle est en même temps l'outil de travail du traducteur, puisque la traduction ne se réalise pas sans la maîtrise de la culture, aussi bien de l'original que de celle de la traduction. Cependant les aspects culturels ne posent pas les mêmes problèmes de traduction quand il s'agit de textes destinés à la lecture ou à la scène. Au théâtre, la culture "intervient dans tous les recoins du texte et de la représentation"378. En effet, tandis que la culture étrangère présentée dans un livre est à imaginer comme il peut par le lecteur, le théâtre offre un moyen concret de visualiser des éléments abstraits d'une culture. Le grand metteur en scène Peter Brook le dit très justement : "Here lies the responsability of the theatre : what a book cannot convey, what no philosopher can try to explain, can be brought into our

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Xiong Foxi (熊佛西) : 因为戏剧是以观众为对象的艺术,无观众即无戏剧,无论你的剧本艺术是何等的

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