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Les personnages soumis au destin ou au hasard

3. Les références à l’astrologie judiciaire

3. 1. Le statut de l’astrologie aux XVIe et XVIIe siècles

Étymologiquement, le terme « astrologie » vient du grec άστρον « étoile » et λόγος, « parole », c’est-à-dire qu’il désigne le « discours sur les astres ». L’homme, ayant noté l’influence des astres (tout d’abord du soleil et de la lune) sur la nature – en particulier par rapport aux saisons –, en déduit qu’ils ont une influence sur la nature humaine. L’origine de l’astrologie est très ancienne puisque des prophéties faites à partir du mouvement des astres sont signalées chez les Chaldéens, les Égyptiens et les Mésopotamiens164.

Au Moyen Âge, l’astrologie connut un développement certain ; le christianisme ne l’interdit pas et se contenta de lui reprocher le fatalisme qu’elle sous-entendait. Pendant la première moitié du XVIe siècle, les concepts d’astrologie et d’astronomie165 sont encore interchangeables et se fondent sous le substantif unique d’astrologie ; la confusion dura jusqu’à la mort de Copernic en 1543166. L’adjectif « judiciaire » permet de définir s’il est question de ce que l’on nomme aujourd’hui « astrologie » (judiciaire), ou « astronomie »167. L’« astrología » est considérée, encore au XVIe siècle, comme un art séparé en deux branches. La première étudie le mouvement des astres, la seconde tente d’établir des prédictions à partir de l’influence que ces mêmes astres peuvent avoir sur la Nature168. En Espagne, l’astrologie était réputée être une véritable science puisque les universités de Salamanque et de Valence complétaient l’enseignement de l’astronomie par celui de

164 [En ligne] http://www.museeprotestant.org/Pages/preiview_notice.php?noticeid=948&Lget=FR consulté le 22/01/2011.

165 À l’époque de Cervantès, l’astrologie judiciaire est un mélange « de astronomía y geometría elemental, agregados algunos cortos fenómenos de física recreativa, la cual permitía la averiguación del porvenir ». Voir Arturo Berenguer Carisomo, Cervantes y la humanización de la caballería. Los trabajos de Persiles y Sigismunda, Buenos Aires, Universidad de Salvador, 1995, pp. 158-169. Pour sa part, Michael Nerlich a remarqué que tout le Persiles peut être lu à la lumière de l’astronomie et, plus particulièrement, de la composition de la Petite Ourse, de la Grande Ourse ou Chariot. L’étude de ces constellations, de leur position ainsi que des étoiles qui les accompagnent permettrait de donner tout son sens à la constante présence de sept personnages dans les épisodes. Cf. Michael Nerlich, Le Persiles décodé…, op. cit., pp. 362-389.

166 Juan F. Esteban Llorente, Tratado de Iconografía, Madrid, Istmo, 1998, p. 133.

167 Voir Miguel de Cervantes, Los trabajos de Persiles y Sigismunda, edición de Carlos Romero Muñoz, op. cit., note 2, p. 219.

168 Jean Calvin, Advertissement contre l’astrologie judicaire, édition d’Olivier Millet, Genève, Droz, 1985, pp. 12-13.

l’astrologie « qui avait toutes ses lettres de noblesse »169 comme le rappelle Pascal Gandoulphe.

Au XVIe siècle, l’astrologie se trouve donc dans une période de transition puisqu’elle est encore considérée par certains théologiens comme une science au même titre que la géométrie :

En efecto, astronomía y astrología todavía conservaban su extraña simbiosis. La primera se enseñaba en el legendario « quadrivium » medieval junto con la aritmética, la geometría y la música, paralelo al « trivium », correspondiente a las artes liberales de la elocuencia, gramática y la retórica-dialéctica. Dos de aquellas « ciencias » del quadrivio se fundían en la llamada astrología judiciaria, mezcla de astronomía y geometría y la música, paralelo al « trivium », correspondiente a las artes liberales de la elocuencia, gramática y la retórica-dialéctica170.

Mais, déjà au XVIe siècle, des doutes étaient émis « con respecto al valor profético de tal ciencia astrológica »171 :

Se admitía la ciencia astrológica en el uso que diríamos astronómico, o quizá mejor, meteorológico, pero se daba por herética precisamente la judiciaria, la que predecía hechos y situaciones humanas por venir172.

Juan Francisco Esteban Lorente remarque qu’aux XVIe et XVIIe siècles les attaques et les défenses de l’astrologie et des astrologues alternaient173. Le débat sur l’astrologie à la Renaissance est issu de la confusion entre les deux termes, mais il est aussi fonction d’intérêts scientifiques, religieux et philosophiques174. L’évolution de son traitement est révélatrice d’une situation de transition dans la pensée d’alors. Les Pères de l’Église, en particulier saint Augustin, s’opposèrent au paganisme astrologique. Pourtant, le Moyen Âge accepta ces mêmes pratiques. En réalité, l’Église ne s’opposait pas à l’astrologie mais au fatalisme qui risquait d’en dériver. L’époque baroque adopta une attitude paradoxale, certainement favorisée par la confusion entre l’astronomie et l’astrologie, comme le signale Benito Pelegrín :

169 Pascal Gandoulphe, « L’Inquisition espagnole et les vieux-chrétiens », in Raphaël Carrasco (dir.), L’Inquisition espagnole et la construction de la monarchie confessionnelle (1478-1561), Paris, Ellipses, 2002, p. 72.

170 Arturo Berenguer Carisomo, op. cit., pp. 168-169.

171 Ibid., p. 169.

172 Ibid., pp. 169-170.

173 Juan Francisco Esteban Lorente, « La astrología en el arte del Renacimiento y barroco español », Cuadernos de Arte e Iconografía, Tomo VI-11, 1993, p. 299.

L’homme, replacé dans le monde naturel dont les astres font partie, est donc soumis à ses lois étudiées par les mathématiques. Les astres l’arrachent ainsi à l’ordre de la providence pour le rendre à celui de la nature, son seul destin175.

Pour sa part, saint Thomas d’Aquin (1226-1274) intègra l’astrologie à la pensée chrétienne en la justifiant grâce aux deux natures de l’homme. L’une est corporelle et peut être soumise à l’influence des planètes, l’autre est spirituelle, en relation avec Dieu, mais surtout, elle est libre de toute influence astrale176. Dans sa

Somme Théologique, il s’oppose au déterminisme astral qui conduirait à la négation

du libre arbitre, ce qui reviendrait à dire que les hommes ne font aucun acte vertueux, et ne sont coupables d’aucune mauvaise action. Cependant, il n’y aura jamais de véritable condamnation sans compromis de l’astrologie. Santiago Sebastián remarque que l’astrologie, durant l’époque baroque, fut « un motor de la creación artística »177, plus particulièrement dans l’œuvre de Calderón de la Barca et celle de Lope de Vega, et qu’elle eut une influence notable sur la littérature emblématique du XVIIe siècle. La présence de l’astrologie étant trop voyante, l’Église lança des condamnations « contra las prácticas mágicas y adivinatorias »178.

Au XVIe siècle, avec la redécouverte des cultures antiques, l’astrologie est vue davantage comme une autre source de savoirs179. En outre, la circulation d’almanachs et d’horoscopes est favorisée par le développement de l’imprimerie180. Cependant, en 1548, Calvin lui consacra un ouvrage, intitulé Avertissement contre

l’astrologie qu’on appelle judiciaire et autres curiosités qui règnent aujourd’hui au monde (publié en 1549), dans lequel il rappelle que les hypothèses ou prédictions

faites n’ont aucun fondement scientifique.

L’astrologie fut condamnée par la bulle papale de 1558, Contra exercentes

artem astrologiae judiciariae et alia quaecumque divinationum genera, librosque

legentes vel tenentes ; puis à nouveau en 1586 par une bulle de Sixte V181 qui prend

toujours en compte la différence entre l’astrologie savante et chrétienne, et

175 Benito Pelegrín, D’un temps d’incertitude, op. cit., p. 38.

176 Santiago Sebastián, Emblemática e Historia del Arte, op. cit., p. 187.

177 Ibid., p. 193.

178 Ibid., p. 193.

179 Jean Calvin, op. cit., pp. 10-11.

180 [En ligne] disponible sur http://www.museeprotestant.org/Pages/preiview_notice.php?noticeid =948&Lget=FR, consulté le 22/01/2011.

181 Dans son édition de El peregrino en su patria, Juan Bautista Avalle-Arce remarque que Lope, dans la liste des « hombres famosos », fait figurer le nom de son beau-frère « Luis de Rosicler famoso astrólogo » (p. 378, note 591). Celui-ci fut poursuivi en 1605 par l’Inquisition espagnole à cause de son intérêt pour l’astrologie.

l’astrologie divinatrice fataliste : l’astromancie182. Stephen Harrison rappelle que l’Église au Moyen Âge s’est opposée au déterminisme astrologique mais non pas à l’astrologie en tant que telle et que l’astrologie judiciaire fut condamnée de manière presque unanime à la Renaissance183.

Pourtant, dans le Tesoro de la Lengua de Covarrubias, l’astrologie est bien definie comme « ciencia que trata del movimiento de los astros y los efectos que dellos proceden, cerca de las cosas inferiores y sus impresiones, que por otro nombre dizen astronomía »184. Cependant, à l’entrée « ADIVINAR », le chanoine de Cuenca critique avec ferveur les « adivinos » :

Dezir lo que está por venir sin certidumbre ni fundamento, con temeridad y gran cargo de conciencia; y a los que professan esta mala arte llaman adivinos; y si lo hazen consultando el demonio son castigados con graves penas185.

Ainsi, encore au début du XVIIe siècle, dans les différents états de la société les croyances en l’astrologie divinatrice restent vivaces186.

3. 2. La science de l’astrologie dans le roman néo-grec

L’astrologie apparaissait déjà dans les Ethiopiques d’Héliodore sous la forme d’oracles et de prophéties187. Dans le roman néo-grec, l’influence des astres est très présente, mais les romanciers démontrent que le libre arbitre des personnages peut vaincre l’influence des étoiles. Cependant, les prises de positions des différents auteurs varient. Ainsi, dans le Persiles, l’homme a effectivement la capacité de prévoir des phénomènes naturels et d’anticiper des faits à venir en observant les étoiles. Il est question alors d’une véritable science188 nommé « astrologie judiciaire ». L’homme, pour deviner le futur, est capable de tirer profit de son expérience et de sa connaissance de l’être humain, comme le fait le devin chez

182 Jean Calvin, op. cit., p. 41 et la note 131 de la même page.

183 Stephen Harrison, La composición de «Los trabajos de Persiles y Sigismunda», Madrid, Pliegos, 1993, p. 122.

184 Sebastián de Covarrubias, Tesoro de la Lengua, op. cit., vol. 1, p. 238a.

185 Ibid., p. 43a.

186 Arturo Berenguer Carisomo, op. cit., p. 170.

187 Javier González Rovira, La novela bizantina de la Edad de Oro, op. cit., p. 149. Pour Carlos Romero Muñoz, les figures du mage ou du devin « constituyen un motivo casi constante del género épico », in Miguel de Cervantes, Los trabajos de Persiles y Sigismunda, op. cit., p. 219, note 3.

Gracián189, et d’agir en connaissance de cause en se préparant aux évènements à venir. Chez Francisco de Quintana, les choses sont plus complexes et parfois même contradictoires190. En effet, bien que le narrateur critique et rejette explicitement la possibilité de prévoir des faits à venir, l’influence des astres ainsi que la destinée font souvent leur apparition. Dans le Peregrino, l’influence des étoiles sur le destin de l’homme est même assimilée à une intervention divine191. Javier González Rovira signale que l’influence des étoiles semble acceptée dans les romans dits byzantins sans que pour autant soit renié un libre arbitre « capaz de vencer la inclinación de las estrellas »192. Pour lui, si les étoiles sont continuellement invoquées dans ces ouvrages c’est dans un but de « uso retórico del motivo »193.

Dans El peregrino en su patria, le soldat Raimundo relate au protagoniste les amours de Florinda. Dans son récit, il narre comment une providentielle constellation d’étoiles incite la jeune femme à choisir un prétendant plutôt que l’autre : « una divina simpatía de estrellas forzó a Florinda amase a Doricleo y desfavoreciese a Filandro » (p. 78).

Dans le Persiles agit une force supérieure – Fortune ou Providence – qui influence le destin des personnages. Certains d’entre eux, qualifiés d’« astrologues » par le narrateur, s’efforcent de découvrir ce que l’avenir leur réserve en étudiant les astres pour prévoir les épreuves à venir et pouvoir y faire face. Les deux principaux astrologues qui apparaissent sont Mauricio et Soldino, ils incarnent la sagesse194. Au cours de sa première apparition sur l’île de Golandia (Livre I, chapitre 12), Mauricio déclare en voyant Transila : « Si mi ciencia no me engaña y la fortuna no me desfavorece, próspera habrá sido la mía con este hallazgo » (p. 211). Cette déclaration étrange et elliptique remplit les autres personnages de « admiración » (p. 211). Cette science dont parle Mauricio est l’astrologie judiciaire qui lui permet de retrouver sa fille :

–Ya sabes, hermosa Transila, querida hija, cómo mis estudios y ejercicios, entre otros muchos gustosos y loables, me llevaron tras sí los de la astrología judiciaria, como aquellos que, cuando aciertan, cumplen el natural deseo que todos los hombres tienen [de saber] no

189 Javier González Rovira, La novela bizantina de la Edad de Oro, op. cit., p. 370.

190 Ibid., p. 290.

191 Ibid., p. 222.

192 Ibid., p. 149.

193 Ibid., p. 149.

194 Luis Miguel Vicente García, « El engarce de la astrología en el pensamiento medieval y humanista: el hilo cortado », Revista Española de Filosofía Medieval, n° 18, 2011, p. 204.

sólo lo pasado y presente, sino lo por venir. Viéndote, pues, perdida, noté el punto, observé los astros, miré el aspecto de los planetas, señalé los sitios y casas necesarias para que respondiese mi trabajo a mi deseo (Livre I, chapitre 13, p. 219).

Cette science implique un effort et du travail puisque Mauricio parle d’études et d’exercices. Cela sous-entend qu’elle requiert un apprentissage (« estudios ») et nécessite un entraînement (« ejercicios »). En effet, Mauricio a pratiqué une minutieuse observation du ciel pour découvrir l’endroit précis où se trouvait Transila.

Soldino, le second astrologue, qui fait son apparition plus tard dans le récit (Livre III, chapitre 18), prenant bien soin de faire la différence entre devin – ce qu’il n’est pas – et astrologue judiciaire, se présente ainsi : « No soy mago ni adivino, sino judiciario, cuya ciencia, si bien se sabe, casi enseña a adivinar » (p. 599). Alors que les pélerins assistent aux noces de Ruperta, Soldino annonce qu’un feu est sur le point de se déclarer dans l’auberge. Ses prédictions vont se révéler exactes : à peine a-t-il fini sa phrase qu’un convive vient les prévenir qu’il faut quitter les lieux.

Les deux astrologues font des prédictions qui fonctionnent comme des prolepses à l’intérieur de la narration. Ils sont capables d’annoncer des évènements imminents : un incendie (III, 18), une mutinerie (I, 19), ou la fuite de Bartolomé avec les bagages (III, 18).

Il y aura d’autres pseudo-astrologues, comme Clodio qui imagine la suite du périple de ses compagnons (III, 5) ; Periandro qui, grâce à son « astrología », dit avoir une idée de la suite de l’histoire d’Ortel Banedre (III, 7) ; Constanza qui devine que la femme qu’elle vient de rencontrer est Luisa l’épouse du polonais (III, 16). Le grand père d’un morisque qui leur sauve la vie avait même prédit l’expulsion des musulmans d’Espagne : « –¡Ay, cuándo llegará el tiempo que tiene profetizado un abuelo mío, famoso en la astrología, donde se verá España de todas partes entera y maciza en la religión cristiana » (p. 547). Maurice Molho voit dans cette « prophétie véridique et légitime »195 un contrepoint à la « fausse prophétie du devin barbare »196 ; il instaure d’ailleurs un parallèle en faisant des « infidèles de Valence […] la réplique méridionale des Barbares du Septentrion »197.

195 Maurice Molho, « Préface », in Miguel de Cervantès, Les travaux de Persille et Sigismonde, op. cit., p. 34.

196 Ibid., p. 34.

Mauricio et Soldino ne sont pas seulement des astrologues, ils sont également des sages198 car leur rôle est de rationaliser ce qui peut s’apparenter à de la magie ou à du merveilleux. Soldino, serait même l’incarnation du « sage stoïcien qui se veut l’égal de Dieu [et qui] trouve sa science en lui-même »199. L’emblème de Juan de Horozco (Planche XIV, fig. 1) conseille de suivre la même attitude en incitant l’homme à s’éloigner de la Cour pour se recueillir dans la solitude :

Cuán apacible y descansada vida

la del que en la soledad ha hecho asiento y dejando del mundo el cumplimiento de Dios se acuerda y lo demás olvida.200

Lorsque Rutilio dit avoir tué une sorcière qui s’était transformée en louve et qu’Arnaldo se rallie à l’idée de l’existence des loups-garous, Mauricio intervient et démystifie de telles croyances201 :

–Lo que se ha de entender desto de convertirse en lobos es que hay una enfermedad, a quien llaman los médicos manía lupina, que es de calidad que, al que la padece, le parece que se ha convertido en lobo, y aúlla como lobo, y se junta con otros heridos del mismo mal, y andan en manadas por los campos y por los montes, ladrando ya como perros o ya aullando como lobos […] antes que les dé tan pestífera enfermedad, lo sienten y dicen a los que están junto a ellos que se aparten y huyan dellos, o que los aten o encierren, porque, si no se guardan, los hacen pedazos a bocados y los desmenuzan, si pueden, con las uñas, dando terribles y espantosos ladridos (I, 18, p. 244-245).

Mauricio s’oppose à tout ce qui va à l’encontre de « la raison naturelle »202. Il ne se contente pas de rationaliser203 ou de montrer la fausseté de certaines

198 Maurice Molho, « Préface », in Miguel de Cervantès, Les travaux de Persille et Sigismonde, op. cit., pp. 29-33.

199 Christian Bouzy, « Quête emblématique de la félicité et de la sagesse… », op. cit., p. 111.

200 Juan de Horozco, Emblemas Morales, op. cit., libro III, emblema 20, f° 141 r°. Christian Bouz y remarque que ce mépris de la cour « se hace actitud neoestoica decididamente cristiana, ya que lleva a la contemplación mística y por consiguiente a Dios » ; cf. « Neoestoicismo y senequismo en los Emblemas Morales de Juan de Horozco », op. cit., p. 75. À propos de Soldino, la même idée avait été avancée par Maurice Molho, « Préface », in Miguel de Cervantès, Les travaux de Persille et Sigismonde, op. cit., p. 33 : « La sagesse sera pour lui dans la contemplation ».

201 Comme le souligne Christine Marguet, Le roman d’aventures et d’amour en Espagne, op. cit., p. 53, la métamorphose est la seule chose qui attire véritablement l’attention des personnages et provoque des remises en question de la véracité des faits relatés par Rutilio. Mauricio donne d’ailleurs une explication rationnelle à ce phénomène. Mais, comme le note Christine Marguet, « nul ne s’interroge sur le tapis volant qui est d’ailleurs un phénomène magique courant dans le folklore espagnol ». Pourtant, il avait déjà été dénoncé comme une superstition en 1510 par Fray Martín de Andosilla dans son Tractatus de Superstitionibus. Jesús Fernando Cáseda Teresa, « El Renacimiento en la Calahorra: Brujas e Inquisición en la primera mitad del siglo XVI », Kalakorikos, n° 3, 1998, p. 52, explique que le religieux admet « la realidad de sus maleficios, daños en hombres y campos, ligazones », mais qu’il fait preuve de rationalisme en qualifiant de « falsos los famosos vuelos de brujas ».

croyances, il met en avant sa confession religieuse : « Soy cristiano católico, y no de aquellos que andan mendigando la fee verdadera entre opiniones » (I, 12, p. 213). Il pratique pourtant « une science en contradiction avec les positions de l’Église »204

puisqu’elle s’oppose au libre arbitre.

Soldino précise que la grotte dans laquelle il vit et qui mène à une vallée n’a rien de magique :

–Señores, esto no es encantamento y esta cueva por donde aquí no sirve sino de atajo para llegar desde allá arriba a este valle que veis, que una legua de aquí tiene más fácil, más llana y más apacible entrada (III, 18, p. 601).

Mauricio, pour sa part, se sent constamment obligé de légitimer l’astrologie judiciaire en tant que science véritable, sans doute parce qu’elle était condamnée à l’époque de Cervantès.

Dans son Iconologie, Cesare Ripa souligne de même que l’astrologie est une science. La représentation allégorique de l’astrologie, entourée de ses attributs parmi lesquels apparaît le compas, outil des géomètres; est décrite ainsi (Planche XIV, fig. 2) :

Cette figure de l’Astrologie est tirée de la description que plusieurs excellents Poètes en ont faite. Elle a un habillement bleu, des ailes au dos, un Compas en la main droite, & en la gauche un Globe céleste.

Elle est vêtue de bleu, pour nous apprendre qu’elle a pour objet la contemplation des Cieux, & des Etoiles, qui leur servent d’ornement ; aussi en est-elle couronnée.

On la peint avec un Globe & un Compas à la main, parce qu’elle s’étudie à mesurer les Cieux, & à considérer leurs mouvements, & leur juste symétrie. Le même nous est signifié par les ailes, à cause que cette Science a cela propre, d’élever l’esprit aux connaissances les plus louables & les plus hautes.

Quelques-uns encore lui donnent un Sceptre, afin de faire voir par là, que les Astres ont un