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 Perception audiovisuelle de la parole lors de la surdité , Ÿ6.4.3, p.138 pour une description des conséquences de la surdité sur la perception de la parole audiovisuelle.

9.2 Récupération perceptive : facteurs techniques et chirurgicaux

9.2.1 Nombre d'électrodes et stratégie de codage

De nombreuses études portant sur les diérences entre les performances de compréhension de la parole après implantation cochléaire ont porté sur les paramètres liés au traitement du signal et au positionnement cochléaire des implants. Ces études ont permis de mettre en évidence un lien entre ces paramètres et certains aspects de la perception de la parole chez les patients implantés cochléaires (Blamey et al.,1996a;Valimaa,2002).

Plusieurs études ont ainsi montré que les patients implantés ont besoin d'un nombre plus grand d'électrodes stimulatrices pour la perception des voyelles (7 canaux) que pour la percep- tion des consonnes ou des phrases (4 canaux) (Skinner et al.,1995;Fishman et al.,1997;Kiefer et al., 2000). Inversement, une augmentation de la fréquence de stimulation électrique produit une plus grande amélioration de la compréhension pour les consonnes que pour les voyelles (Fu et Shannon, 2000; Kiefer et al., 2000; Loizou et al.,2000; Kiefer et al.,2001). L'ampleur de la dynamique acoustique des diérents canaux fréquentiels est nettement associée avec la qualité de la compréhension de la parole dans le bruit (Fu et Shannon, 1999a; Zeng et Galvin,1999). Des études ont également montré une association entre les performances dans la compréhension audi- tive de la parole et la conguration, l'étendue fréquentielle globale et la répartition fréquentielle des électrodes (Fu et Shannon,1999b;Friesen et al.,1999), leur localisation et leur espacement dans la cochlée (Fu et Shannon, 1999c), ainsi que les réglages de l'amplication du signal par contrôle automatique du gain (Stobich et al.,1999).

De nettes diérences ont également été démontrées en fonction des stratégies de traitement du signal utilisées par le processeur de l'implant, aussi bien au niveau de la perception phonétique et de la compréhension du langage qu'au niveau de la perception de la hauteur des sons (Tyler et al.,1997;Valimaa,2002;Skinner et al.,2002;David et al.,2003;Beynon et al.,2003;Loizou et al.,2003;Beynon et Snik,2004;Zeng,2004;Manrique et al.,2005;Vandali et al.,2005;Zwolan et al.,2005).

9.2.2 Rôle de l'enveloppe temporelle et de la structure ne

Le signal délivré en sortie d'un ltre auditif (voir  Filtres auditifs et masquage psychoa- coustique , Ÿ 1.2.3, p. 27) peut être considéré comme le résultat d'un ltrage passe-bande du son original. Ce signal contient deux types d'information : d'une part les uctuations temporelles globales de l'énergie acoustique, correspondant à l'enveloppe temporelle du signal, et d'autre part les oscillations rapides se produisant à une fréquence proche de celle du ltre auditif, ces dernières correspondant à la structure temporelle ne du signal (Rosen, 1992). Le signal acoustique issu d'un ltre auditif peut donc être vu comme une onde porteuse oscillant rapidement (la struc- ture ne) modulée par une onde aux uctuations relativement lentes (l'enveloppe temporelle). Les études du système auditif tendent à indiquer que l'enveloppe temporelle est codée par des uctuations dans le taux de décharge des neurones, tandis que la structure ne serait codée par une synchronisation des décharges par rapport à une phase spécique de l'onde porteuse (phase locking) (Rose et al.,1967;Joris et Yin,1992).

L'étude détaillée des rôles joués par l'enveloppe temporelle et la structure temporelle ne a pu être réalisée par une subdivision des sons en diérentes bandes fréquentielles contigües, suivie

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Fig. 9.1  Compréhension de la parole auditive chez les patients implantés cochléaires en fonction des stratégies de traitement du son. L'échelle des ordonnées représente le pourcentage de phrases reconnues dans le silence. L'échelle des abscisses indique le constructeur, le type de processeur et l'année de publication de l'étude. Le texte au-dessus des histogrammes indique le type de stratégie de codage utilisée ; les stratégies spectrales et hybrides sont gurées en noir tandis que les stratégies temporelles sont gurées en blanc. Adapté d'aprèsZeng(2004).

par un traitement spécique permettant de ne conserver que les indices associées à l'une ou l'autre. Ainsi la préservation des indices d'enveloppe temporelle peut être assurée par extraction de l'enveloppe du signal de bande, puis par utilisation de cette enveloppe pour moduler un bruit blanc de bande ou une son pur correspondant à la fréquence centrale de la bande d'origine. C'est le principe de base utilisé à l'origine par le vocoder (Dudley,1939a,b), puis par les simulations acoustiques d'implant cochléaire (Shannon et al., 1995). Les opérations de traitement du signal employées dans ces simulations sont décrites de façon détaillée dans  Simulation acoustique de l'implant cochléaire, sect.10.2.2, p.218. Les données expérimentales démontrent qu'un nombre de bandes spectrales modéré (entre 4 et 16) pour lesquelles seules les informations d'enveloppe temporelle sont préservées peut aboutir à des niveaux élevés de reconnaissance auditive de la parole chez les sujets normo-entendants (Shannon et al.,1995;Loizou et al.,1999) aussi bien que chez les personnes décientes auditives (Turner et al.,1995;Souza et Boike,2006).

Ces observations indiquent que les informations d'enveloppe temporelle sont susantes pour assurer une compréhension convenable de la parole dans des conditions non bruitées. Tou- tefois l'ajout d'un bruit d'arrière-plan à des stimuli de parole ne conservant que les informations d'enveloppe (vocoder) provoque une forte dégradation des performances auditives chez les su- jets normo-entendants (Nelson et al.,2003;Qin et Oxenham,2003;Stone et Moore,2003;Zeng et al., 2005; Fullgrabe et al., 2006). On peut faire des observations identiques dans le cas des sujets implantés cochléaires, pour lesquels la compréhension de la parole se dégrade très rapide- ment avec le rapport signal/bruit (Fu et al.,1998;Friesen et al.,2001;Munson et Nelson,2005). Cela suggère la grande importance du rôle joué par les indices de structure temporelle ne dans la compréhension de la parole en condition bruitée.

La préservation des indices de structure temporelle ne peut être réalisée en extrayant l'enveloppe du signal de bande grâce à une transfomée de Hilbert puis en divisant le signal de bande par son enveloppe temporelle (Smith et al.,2002), ce qui aboutit à un signal dont l'enve-

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loppe temporelle est constante et dont la structure ne est identique à celle du signal de bande original. Cette procédure nécessite l'utilisation d'un nombre de bandes spectrales susantes (16 ou plus) pour limiter la présence d'indices d'enveloppe résiduels (Lorenzi et al.,2006), la corré- lation entre indices d'enveloppe et indices de structure ne étant en eet d'autant plus marquée que le nombre de bandes spectrales est faible (Zeng et al.,2004). L'utilisation de signaux dont seule la structure temporelle ne est préservée a ainsi permis de démontrer que les patients dé- cients auditifs, à l'inverse des sujets normo-entendants, ne sont pas capables d'utiliser les indices de structure ne pour comprendre la parole (Lorenzi et al., 2006). Il est très probable que les patients implantés cochléaires se trouvent dans une situation identique, le traitement du signal acoustique eectué par l'implant ne préservant que les informations d'enveloppe temporelle, au détriment des informations de structure ne. Cela pourrait expliquer la rapide diminution des performances des patients implantés lors de la compréhension de parole en condition bruitée.

9.2.3 Inuence de la profondeur d'implantation

Plusieurs études psychophysiques réalisées chez le patient implanté cochléaire et par si- mulation de l'implant chez le sujet sain ont démontré que des distorsions spectrales telles qu'un décalage vers les basses ou les hautes fréquences (Dorman et al., 1997; Fu et Shannon, 1999d), une déformation spectrale non-linéaire (Shannon et al.,1998) ou une compression ou une expan- sion de la carte fréquentielle (Baskent et Shannon, 2003,2004) induisent une dégradation de la compréhension de la parole. Par conséquent, cet ensemble d'études suggère qu'une correspon- dance optimale entre les fréquences de stimulation des électrodes de l'implant et la tonotopie cochléaire devrait être respectée pour optimiser les performances comportementales des patients implantés. Bien que certaines études aient démontré que la compréhension de la parole en cas de distorsion spectrale est susceptible de s'améliorer de façon signicative avec l'apprentissage (Rosen et al., 1999; Dorman et Ketten, 2003; Fu et al., 2005), on peut s'attendre à ce qu'une bonne correspondance lieu/fréquence obtenue dès le début permette un bénéce comportemental optimal pour les patients implantés.

Dans une situation idéale, l'implant cochléaire devrait être inséré dans la rampe tympanique de façon à ce que chaque électrode entre en contact avec la position de la cochlée codant pour la fréquence centrale représentée par cette électrode. En pratique, il est dicile de contrôler précisément cette correspondance entre tonotopie cochléaire et représentation fréquentielle par les électrodes de l'implant. En eet la tonotopie cochléaire varie légèrement d'une personne à l'autre (voir  Fonctionnement de la cochlée , Ÿ 1.1.2, p. 22) ; par ailleurs, en fonction de la géométrie des conduits cochléaires et de la façon dont l'implant est inséré dans la rampe tympanique, il n'est pas possible de maîtriser complètement le positionnement des électrodes le long de la cochlée.

An d'en savoir plus, les recherches dans le domaine s'orientent dans deux directions dis- tinctes : certaines études se donnent pour objectif de vérier a posteriori la bonne correspondance entre les fréquences représentées par les électrodes de l'implant et la tonotopie cochléaire, tandis que d'autres visent à évaluer les conséquences du décalage spectral induit par un mauvais posi- tionnement, soit chez le patient implanté, soit au travers de simulations acoustiques chez le sujet normo-entendant.

Correspondance entre les électrodes et la tonotopie cochléaire

L'établissement d'une carte de correspondance entre fréquence de stimulation et position dans la cochlée n'est pas trivial. Les cartes lieu/fréquence classiques (Greenwood,1990) reposent sur l'hypothèse d'une stimulation au niveau des cellules ciliées. Or ces cellules sont la plupart du

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temps absentes ou dégradées en cas d'atteinte de l'oreille interne, leur dégradation s'accompa- gnant d'une dégénération rapide des bres du nerf radial (Otte et al.,1978;Hinojosa et Marion,

1983;Leake et Hradek,1988;Nadol et al.,1989;Nadol,1990;McFadden et al.,2004). Les cibles nerveuses résiduelles sont donc principalement constituées de dendrites et de corps cellulaires dans le ganglion spiral (voir g.1.3, p. 21), dont la dégénération se produit beaucoup plus len- tement que dans le nerf radial (Fayad et al., 1991; Nadol, 1997; Khan et al., 2005). Toutefois ces cibles nerveuses ne sont pas caractérisées par la même relation lieu/fréquence que les cel- lules ciliées (Kawano et al., 1996; Sridhar et al., 2006), d'autant plus que pour un même angle d'insertion dans la cochlée, la relation entre les longueurs de l'organe de Corti et du ganglion spiral n'est pas tout à fait linéaire (Stakhovskaya et al.,2007). Par conséquent l'utilisation de la carte tonotopique de Greenwood n'est pas parfaitement adaptée aux cas des patients implantés cochléaires.

La réalisation de cartes de correspondance entre fréquence et lieu de stimulation dans le cas des patients implantés cochléaires nécessite l'examen de patients ayant subi une implantation cochléaire unilatérale et bénéciant d'une audition résiduelle sur un large domaine fréquentiel dans l'oreille non implantée. Comme les personnes bénéciant d'une telle audition résiduelle ne sont généralement pas retenues comme candidats à l'implantation cochléaire, de tels cas de gure restent relativement rares. Le première étude dans ce sens a été réalisée par Eddington et al. (1978) chez un patient sourd unilatéral, et les relations entre fréquence et position de stimulation se sont trouvées en accord avec les prévisions données par la carte tonotopique de Greenwood ; toutefois les études ultérieures n'ont pas abouti aux mêmes résultats.

Il existe deux façons de repérer la position sur la cochlée, soit par mesure de l'angle d'in- sertion dans la rampe tympanique, soit par mesure de la distance parcourue à partir de la fenêtre ronde. Quelle que soit la métrique retenue, l'ensemble des études modernes visant à établir la correpondance entre fréquence de stimulation et position dans la cochlée s'accordent pour indi- quer, pour une même position cochléaire, un décalage vers les basses fréquences en comparaison avec la carte tonotopique de Greenwood. Ces résultats ont été répétés dans des cas variés avec des patients dont l'oreille non implantée était atteinte d'une surdité sévère (Blamey et al.,1996b;

James et al.,2001) ou moyenne (Boex et al.,2006;Dorman et al.,2007), ce dernier cas permettant d'établir des correspondances assez précises entre l'oreille implantée et l'oreille non implantée. Inuence d'un décalage spectral chez le patient implanté

De façon générale, une représentation fréquentielle inadaptée en raison d'un mauvais posi- tionnement de l'implant cochléaire est susceptible de provoquer des dicultés pour s'adapter à la simulation électrique, ainsi qu'une saturation des performances à un bas niveau (Dorman et al.,

2007). L'introduction d'un décalage spectral articiel chez les patients implantés cochléaires est rendue possible par une modication de la programmation du processeur externe, autorisant ainsi des manipulations aussi variées que des décalages, des compressions ou des expansions spectrales. Les études menées dans ce sens s'accordent pour indiquer une plus grande inuence d'un décalage spectral sur la perception des indices spectraux que sur la perception des indices temporels, et tendent à montrer de meilleures performances comportementales lorsque le porte-électrode est inséré de façon plus apicale (vers les basses fréquences) (Skinner et al., 1995; Fu et Shannon,

1999b,d).

On dispose de peu de données expérimentales concernant les capacités d'adaptation des patients implantés à un décalage spectral, puisque de telles études demandent aux patients d'utiliser pendant une période prolongée des processeurs fournissant une représentation spectrale déformée de la parole. Toutefois les rares études eectuées dans le domaine démontrent l'existence