• Aucun résultat trouvé

Récompenser la douceur envers les animaux : évolutions des conditions d'éligibilité, des catégories de récompensés et des prix distribués à la SPA de Paris

Partie II Les formes de l'action publique : la saisie de la question animale par le ministre de l'Instruction publique

Chapitre 3. Signaler les bonnes actions : pratiques et usages du système des récompenses par la Société Protectrice des Animaux en association avec le ministre de l'Instruction publique

1) Récompenser la douceur envers les animaux : évolutions des conditions d'éligibilité, des catégories de récompensés et des prix distribués à la SPA de Paris

Depuis l'année 1862, la SPA de Paris décerne chaque année, à l'occasion de sa séance annuelle, des récompenses aux instituteurs ayant ajouté à leur programme scolaire l'enseignement des idées protectrices et ayant montré le plus de zèle dans l'organisation et le fonctionnement des SSPA, considérées comme le complément d'un bon enseignement pratique de l'agriculture247. En

effet, l'association protectrice estime qu' « on prévient plus de mauvaises actions par la persuasion, par l'espoir des récompenses, qu'on ne parvient à en punir par la loi et par la répression »248. Ainsi,

M. Coeudray, instituteur à Fougeray (Ille-et-Vilaine), est récompensé d'une médaille de vermeil dans la catégorie des « faits exceptionnels »249 pour s'être :

« appliqué d'une manière toute spéciale à propager les sentiments de compassion et de bienveillance envers les animaux, sans y être incité. Il a fondé une classe où il enseigne les devoirs de l'homme envers les créatures inférieures. Enfin, nous écrit M. le Maire de Fougeray, M. Coeurdray s'efforce de répandre, dans la population de ce canton, toutes les connaissances propres à en améliorer les besoins matériels et moraux. »250

247A l'exception de l'année 1871 marquée par un climat politique très troublé (défaite française de la guerre franco- prussienne de 1870, siège et Commune de Paris). De la même façon que lors des deux années qui ont suivi la révolution de 1848, l'activité de la SPA, affectée par les événements, se voit considérablement ralentie. 248Vte. DE VALMER, Discours prononcé à la séance de la Société de Londres, Paris, J.-B. Gros, 1852, p. 2. 249La catégorie « Récompenses aux Instituteurs » n'est instituée qu'à partir de l'année 1866. Voir : Bibliothèque

nationale de France : MICROFILM M-8525, BSPA, année 1866, p. 448.

Pour ce qui concerne les enfants les plus méritants, ceux-ci ont été récompensés à partir de l'année 1872 grâce à la création du prix Grosselin251, point de départ pour la récompense à décerner

aux élèves grâce au legs de M. Auguste Grosselin, inventeur de la phonomimie (ou méthode d'enseignement par la voix et par le geste), collaborateur du Dictionnaire de Ferdinand Buisson et membre historique de la Société de Paris, offrant un livret de caisse d'épargne de 25 francs à l'élève d'une école communale de France qui se sera distingué par sa bienveillance à l'égard des animaux252. Le premier enfant à avoir reçu cette récompense est Henry Caron, alors âgé de 12 ans,

élève de l'école publique de Saint-Nicolas-sur-l'Aa (Pas-de-Calais) qui s'est toujours fait remarquer pour sa bonté envers les animaux en surveillant et en protégeant les nids et les couvées. En outre, il « a ramené plusieurs domestiques brutaux à des sentiments de douceur envers des animaux qu'ils soignent ou qu'ils conduisent. Ses exemples et ses conseils exercent la plus heureuse influence sur ses condisciples qui à leur tour se montrent bons, justes et compatissants envers les animaux »253.

Pour les maîtres, ces récompenses consistent en mentions honorables, médailles de bronze, rappels de médaille de bonze, médailles d'argent, rappels de médaille d'argent, médailles de vermeil, rappels de médaille de vermeil, médailles d'or et diplômes d'honneur ; pour les écoliers non concernés par le prix Grosselin, en médailles de bronze et mentions honorables.

Les dossiers de candidature aux récompenses doivent être parvenus aux commissions spéciales avant le premier février. Parmi ces dossiers, quelques uns sont écartés pour « défaut de justifications suffisantes » (certificat du maire de la commune, attestation de l'inspecteur primaire ou du délégué cantonal, etc.), d'autres renvoyés à des sections davantage en accord avec la thématique de leur candidature comme celles des ouvrages littéraires et scientifiques (lorsque le candidat se présente plutôt comme auteur que comme instituteur) ou des mérites divers254. Passé ce

délai de rigueur, les candidatures sont systématiquement ajournées à l'année suivante. Les postulants déjà récompensés doivent indiquer avec la date les prix qu'ils ont reçus antérieurement car faute de ce soin, ils pourraient recevoir une récompense inférieure ou égale à la précédente255.

251Bibliothèque nationale de France : MICROFILM M-8525, BSPA, année 1872, p. 256.

252L.-A. BOURGUIN, Auguste Grosselin. Notice biographique, Paris, Alphonse Picard, 1870. 253Bibliothèque nationale de France : MICROFILM M-8525, BSPA, année 1872, p. 256. 254Bibliothèque nationale de France : MICROFILM M-8525, BSPA, année 1872, p. 257.

255Prosper-Jean LABEYRIE, Instructions sur l'organisation et le fonctionnement d'une société protectrice des

A la suite de la circulaire ministérielle du 10 mars 1894, envoyée aux inspecteurs d'académie sur la demande de la SPA, celle-ci a donné une « extension plus grande aux récompenses qu'elle décerne aux membres du corps de l'enseignement primaire »256. En effet, les

récompenses qui suivent prennent un caractère spécial en ce qu'elles sont données, avec l'appui des rapports des inspecteurs d'académie et des inspecteurs primaires, sur la proposition du ministre lui- même257. Le président de la SPA, M. Uhrich, a ainsi fait connaître au ministre dans un courrier en

date du 27 avril 1896, toutes les « formalités qu'il est désirable de voir remplir dans présentation des candidatures et les renseignements qu'il est utile de fournir à cet effet »258 car fournir une liste

seulement nominative d'instituteurs à récompenser ne permet pas de comparer les candidats de plusieurs académies. De plus, la SPA a conçu une fiche spéciale à remplir pour chaque instituteur, relatant ses titres et ses travaux, pour la bonne complétude des dossiers individuels tenus par la société car celle-ci a pour règle de laisser un intervalle de trois ans entre deux récompenses successives accordées à un lauréat, estimant que la « continuité dans les efforts et le mérite, en même temps qu'elle justifie la récompense, en établit la valeur morale ».

En ce qui concerne les écoliers, la société mère promet d'augmenter le nombre de récompenses qui leur sont attribuées à condition que celui des SSPA croît également. Cependant, dans l'intérêt même de l’œuvre poursuivie, il n'est pas question d'être débordée par un trop grand nombre de candidats dans les années à venir, ce qui la contraindrait à faire une sélection trop étroite qui serait sans doute mal reçue par les jeunes postulants car trop décourageante259. Il est avant tout nécessaire

d'entretenir l'émulation et de reconnaître le zèle de ces enfants sans pour autant se montrer trop sévère avec eux : pour cela, la présentation de deux élèves par école, avec fiches individuelles établies par l'instituteur, apparaît suffisante à la société pour assurer ce résultat.

256Bibliothèque nationale de France : MICROFILM M-8525, BSPA, année 1895, p. 227. 257Bibliothèque nationale de France : MICROFILM M-8525, BSPA, année 1895, p. 227. 258Bibliothèque nationale de France : MICROFILM M-8525, BSPA, année 1896, p. 162.

259Prosper-Jean LABEYRIE, Instructions sur l'organisation et le fonctionnement d'une société protectrice des

2) L'impact des circulaires et des lettres de l'exécutif sur ce système : entre émulation et

Outline

Documents relatifs