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Le cyclone tropical intense DINA

2.1. Un cyclone mémorable à La Réunion

2.1.1. Récit d’un phénomène marquant

Figure 2.1 : Trajectoire et chronologie des différentes intensités de DINA (Source Météo-France)

Les prémices de la future perturbation DINA apparaissent dès le 15 janvier sur le centre de l’Océan Indien, dans le secteur est de l’archipel des Chagos sous la forme d’un début d’ondulation au sein de la ZCIT (Caroff et Quetelard 2002). Pris dans un flux de mousson associé à une forte activité nuageuse et convective, et grâce à des conditions favorables comme un cisaillement vertical faible et la présence d’un flux d’est à nord-est diffluent en haute troposphère, DINA se structure en perturbation tropicale (1004 hPa) le 16 janvier 2002 sur le Centre de l’Océan Indien, dans le secteur est de l’île de Diego Garcia (Fig. 2.1). Après une cyclogenèse explosive, DINA devient cyclone tropical (33 m/s en vents maximaux moyennés sur 10 minutes avec 47 m/s en rafale) seulement 48 heures plus tard (un développement normal demandant en moyenne 5 jours pour arriver à ce stade), en milieu de journée du 18. Après s’être déplacé très rapidement durant cette phase initiale de creusement (temporairement à plus de 40 km/h), DINA ralentit ensuite sensiblement, tout en gardant un déplacement en direction du sud-ouest, en bordure nord-ouest d’une cellule

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anticyclonique de moyenne et haute troposphère, le dirigeant alors droit en direction de l’île Rodrigues. Dans le même temps son intensité se stabilise en cours de journée du 19.

Mais, la nuit suivante, le système s’intensifie à nouveau et se creuse alors fortement, jusqu’à atteindre son maximum d’intensité au matin de 20 janvier : phénomène compact et extrêmement concentré (300 km de diamètre couplé à un œil large d’une vingtaine de kilomètres), comme il est souvent de mise dans le bassin, DINA est alors un cyclone tropical intense de niveau supérieur, avec des vents maximaux moyennés sur 10 minutes approchant les 58 m/s avec des rafales à 83 m/s.

Un début d’affaiblissement se manifeste la nuit suivante, mais l’intensité se stabilise rapidement le 21, et DINA demeure classé cyclone tropical intense, conservant ensuite peu ou prou une intensité stationnaire jusqu’à son passage au plus près de la Réunion. En fin de nuit du 19 au 20, DINA amorce un changement de trajectoire, redressant progressivement en direction de l’ouest sud-ouest. Parallèlement, la vitesse de déplacement, qui avait diminué jusqu’à 10 km/h, remonte au-dessus des 15 km/h. A la faveur de ce changement de cap, l’île Rodrigues « échappe » à un impact direct du centre du cyclone, alors au maximum de son intensité. Seulement effleuré par la masse active du phénomène, le centre passant à 150 km au nord en fin d’après midi du 20, la possession mauricienne ne subit qu’un impact limité du météore, plus particulièrement au niveau des précipitations. Toutefois l’île est endeuillée par la disparition de 5 pêcheurs ayant été confrontés aux conditions de mer démontées générées par DINA.

Pour les autres îles de l’archipel des Mascareignes, la modification de trajectoire est une nouvelle nettement moins bonne. En effet, la menace de DINA devient tangible pour Maurice et La Réunion, cette dernière étant placée en vigilance cyclonique à compter de 13 h locales (0900 UTC) le dimanche 20 janvier. Dès ce moment, les prévisions mentionnent une menace potentielle importante et un premier communiqué de Météo-France précise les choses : « Un passage au plus

près de La Réunion est envisagé à une échéance d’environ 48 heures, soit mardi 22. Ce passage pourrait intervenir à une distance encore à préciser, mais qui pourrait être suffisamment proche pour que l’influence du météore soit ressentie très sensiblement ». Une petite bonne nouvelle

intervient cependant au niveau de l’intensité du phénomène cyclonique. En effet suite à un cycle de l’œil (remplacement du mur initial par un mur en périphérie) amorcé en fin de nuit du 20 et qui perdure jusqu’au début de nuit du 21, le météore s’affaiblit un peu. A la fin du cycle, l’œil se retrouve élargi (75 km) par rapport à la situation antérieure, et de forme elliptique.

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L’alerte orange est déclenchée 24 heures plus tard par la préfecture, le lundi 21 à 13 h locales (0900 UTC). Entre temps, DINA, après son passage au plus près de Rodrigues, se dirige vers l’ouest sud-ouest. Cette trajectoire plus régulière, à la fois en direction et en vitesse, amène finalement le centre de DINA au plus près de l’île Maurice, à un peu moins de 65 km au large du Cap Malheureux, en deuxième partie de nuit du 21 au 22 vers 03h30 locales (2330 UTC). L’ « île sœur » subit les conséquences du passage du météore, avec fortes pluies (350 mm en moyenne sur la totalité de l’épisode ; maximum de 745 mm relevé dans l’ouest de l’île) et vents violents (rafales maximales de 206 km/h au nord de la capitale Port Louis et de 228 km/h à la pointe sud-ouest de l’île), mais évitait les conditions extrêmes associées à la partie centrale du système. Malheureusement, là encore, l’île est endeuillée de 4 victimes en relation direct avec le passage du cyclone.

Après s’être redressée vers l’ouest durant quelques heures, la trajectoire change à nouveau de cap au matin du 22 janvier. Un début d’incurvation s’opère alors avec une trajectoire devenant potentiellement très dangereuse. Il aurait pu en effet en résulter un impact direct sur La Réunion. Fort heureusement, le cap se stabilise au 240° lors de la phase d’approche finale vers l’île Bourbon, où l’alerte rouge est entrée en vigueur à 8h locales (0400 UTC) le mardi 22 janvier, alors que les conditions commencent à se dégrader sensiblement, le sud-est de l’île étant le premier concerné.

Les choses vont bien sûr empirer au fil des heures. Le plus dur, encore à venir, est annoncé pour la soirée et le début de nuit, avec un passage au plus près prévu vers 22 h locales (1800 UTC). Celui-ci intervient finalement plus tôt, non pas en raison d’une accélération du déplacement, mais à la suite d’un écart de trajectoire lors de l’approche terminale des côtes réunionnaises. Comme lors du passage au plus près de Maurice, la trajectoire se redresse durant quelques heures vers l’ouest, cette déviation salutaire faisant passer le centre du cyclone vers 18h locales (1400 UTC) à 65 km de la route du littoral (façade nord-ouest de l’île), soit à 15 km plus au large que prévu, c'est-à-dire des conditions de vents maximum (mur de l’œil) à 27 km de la route du littoral. Sans cette déviation, des rafales, dont on peut estimer qu’elles auraient été supérieures de 50 km/h voire davantage à celles effectivement observées, se seraient produites en cas de passage direct du mur de l’œil sur la côte nord-ouest et les dégâts auraient alors été beaucoup plus importants. DINA passe à une distance de La Réunion légèrement supérieure à celle de Maurice. Mais la différence d’orographie entre les deux îles, le relief de La Réunion étant beaucoup plus accentué, explique le renforcement

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des rafales de vent et surtout des précipitations, amenant des conditions cycloniques extrêmes encore plus dégradées que celles subies par Maurice quelques heures plus tôt.

DINA contourne l’île très lentement par le nord-ouest, le centre du cyclone étant situé à moins de 100 km des côtes pendant 10 h et à moins de 150 km pendant 19 h, ce qui maintient des vents d’intensité cyclonique pendant une bonne partie de la nuit du 22 au 23 sur les secteurs exposés de l’île. Quelques heures plus tard, DINA retrouve son cap initial vers le sud-ouest. Après avoir entamé un cap sud sud-ouest au matin du 23, le système incurve ensuite franchement vers le sud le 24 janvier, en commençant de s’affaiblir. Sur l’île de la Réunion, l’alerte rouge est levée le mercredi 23 janvier à 12 h locales (0800 UTC) avec un retour en situation de vigilance cyclonique (ou post cyclonique), celle-ci prenant fin le 24 à 8 h locales (0400 UTC). Plongeant désormais vers les latitudes sud à une vitesse de 20 km/h, inexorablement attiré par un affaissement du champ de pression dû au décalage vers le sud-est de la cellule anticyclonique subtropicale de basse et moyenne troposphère qui gouverne le flux directeur de la perturbation, DINA entame quelques heures plus tard sa phase de transition vers le domaine extratropical. Parallèlement, le cisaillement de vent devenant de plus en plus défavorable à mesure de la descente vers les hautes latitudes, la déstructuration nuageuse et convective aboutit à une dissipation de l’œil et à un comblement lent de la dépression, finalement absorbée par un talweg polaire dans la journée du 29.

Ainsi, bien que non exceptionnel, le cyclone DINA restera inscrit dans les mémoires des Réunionnais, au même titre que les cyclones mémorables de ces dernières décennies (HYACINYHE, FIRINGA) et son impact sur l'île le classe parmi les épisodes cycloniques majeurs ayant frappé la Réunion.