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1. L’immunopathogénèse de l’infection à Streptococcus suis et Streptococcus du

1.1.3.3.3. Les autres récepteurs

Le système du complément représente l’une des premières de lignes de défense de l’immunité innée et comprend plus de 30 protéines sériques, qui consistent en des précurseurs inactifs, des molécules effectrices et des molécules régulatrices (54-56). Il existe trois voies d’activation du complément, la voie classique initiée principalement par la fixation des Ig à la surface du pathogène, la voie alterne activée par contact direct des molécules du complément à la surface du pathogène, et enfin la voie des lectines, initiée par la fixation d’une lectine soluble aux résidus de mannose des micro-organismes. L’activation du complément conduit à une cascade de réactions enzymatiques qui résulte en la formation de produits peptidiques impliqués dans la lyse cellulaire et, suite à la reconnaissance par les récepteurs du complément (CR) tels que CR1, CR2/CD21 et CR3 exprimés par les leucocytes, à l’opsonisation et à l’activation des fonctions effectrices des cellules du système immunitaire inné et adaptatif (54-56).

Parmi les CR, CR3 est une intégrine transmembranaire hétérodimérique composée des molécules CD11b et CD18, qui possède deux site de reconnaissance : un site qui lie la molécule du complément iC3b (un des produits de dégradation de la molécule du complément C3) fixée à la surface du pathogène, et un site lectine spécifique pour certains sucres exprimés par les pathogènes tels que les β-glucanes et le GlcNAc (57, 58). La CPS de GBS serait susceptible d’être reconnue par ce site, ce qui sera plus développé dans la section 1.2.4.2. (58).

Les NLR sont des protéines cytosoliques composées en général d’un domaine C-terminal riche en LRR impliqué dans la détection des PAMP, d’un domaine central (NACHT) impliqué dans l’oligomérisation du récepteur, et d’un domaine N-terminal CARD (« caspase-activation and recruitment domain ») ou PYD (« pyrin domain »)

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impliqué dans la fonction effectrice (38, 59). Une trentaine de NLR ont été identifiés chez les mammifères et peuvent se diviser globalement en deux groupes. Le premier groupe comporte les récepteurs NOD et leur activation induit le déclenchement de voies de signalisation impliquant la voie des MAPK et de NF-κB résultant, entre autres, en la production de cytokines pro-inflammatoires et des IFN de type I. Le second groupe comporte les récepteurs NLRP (« NLR protein »), incluant NLRP3, et régit l’assemblage d’un complexe multiprotéique, l’inflammasome, régulant plus spécifiquement la production d’IL-1β et d’IL-18 (38, 59).

A côté de la reconnaissance bien établie du PG et/ou de ses produits de dégradation par les NLR, cette famille de récepteurs est aussi capable de reconnaitre certains sucres exprimés par les pathogènes. Par exemple, chez la souris, l’interaction

in vitro du curdlane, un β-glucane de champignon, avec NLRP3 induit la sécrétion d’IL-

1β par les macrophages et les DC ainsi que l’activation des LB spléniques, incluant l’augmentation de l’expression de CD69 et la production d’Ig (60). Toutefois, la capacité de la CPS à interagir avec les NLR reste inconnue.

1.1.3.4. La CPS : un facteur de virulence clé

Les CPS sont impliquées dans la prévention de la dessiccation bactérienne, dans l’adhérence et, pour ce qui va nous intéresser plus particulièrement dans le cadre de cette thèse, dans l’évasion immunitaire (26). Dans les modèles d’infection in vivo chez l’animal, la virulence atténuée des souches mutantes non encapsulées de S.

pneumoniae, N. meningitidis, Haemophilus influenzae, E. coli et S. aureus, pour ne

citer que ces bactéries, démontre que l’expression de la CPS permet à la bactérie de résister aux défenses immunitaires de l’hôte (26, 61-63).

Un mécanisme de résistance majeur médié par la CPS consiste à empêcher la bactérie d’être internalisée et détruite par les cellules immunitaires de l’hôte, et plusieurs phénomènes peuvent en être à l’origine (26). Tout d’abord, il a été suggéré que la présence de la CPS inhibe les interactions physiques entre la bactérie et les phagocytes (26). La charge négative à la surface bactérienne conférée par la CPS est susceptible de créer une force de répulsion vis-à-vis de la charge négative du glycocalyx des phagocytes. La nature hydrophilique de la CPS pourrait aussi réduire la tension de surface à l’interface entre le pathogène et ces cellules. Aussi, la CPS protège la bactérie de l’opsonisation par les molécules de la voie alterne du complément (26). Cette voie, qui constitue une des premières lignes de défense de l’immunité innée de l’hôte en absence d’Ac spécifique, est initiée par le dépôt de C3b à la surface bactérienne suivi d’un processus d’activation impliquant, entre autres, le

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facteur B. La reconnaissance de C3b ainsi fixé par les CR exprimés à la surface des neutrophiles et des macrophages conduit à la phagocytose et à la destruction du microbe (26). In vitro, il a été démontré que l’encombrement stérique causé par la CPS masque la reconnaissance par les CR des molécules du complément qui sont fixées aux composants sous-capsulaires de la bactérie (55, 64). Les CPS de diverses bactéries comme par exemple N. meningitidis groupes B et C, S. pneumoniae types 2 et 4 et E. coli type K1, interfèrent aussi avec l’activation du complément en empêchant le dépôt de C3b et/ou du facteur B à la surface bactérienne (26, 55, 61, 65-68). Il est à noter que la CPS peut également bloquer l’activation de la voie classique du complément en interférant avec la fixation de la protéine sérique CRP (« C-reactive protein ») et des Ac naturels à la surface bactérienne, comme cela a été vu chez S.

pneumoniae (61).

En plus de former une barrière physique contre l’opsonisation et/ou l’internalisation par les phagocytes, la CPS serait aussi susceptible d’immunomoduler activement les fonctions leucocytaires de l’hôte en interférant avec les voies de signalisation des PRR exprimés par ces cellules, et l’acide sialique pourrait y jouer un rôle clé. Ce point sera abordé plus en détails par la suite.

1.1.3.5. Les CPS de S. suis et GBS

La synthèse de la CPS de S. suis et GBS requiert de multiples enzymes codées par un cluster de gènes qui présente une homologie avec ceux impliqués dans la synthèse de la CPS d’autres bactéries Gram-positives encapsulées (69-71). Si on prend le modèle général de la synthèse de la CPS chez S. pneumoniae qui a été particulièrement étudiée (72), l’étape initiale consiste en la liaison d’un premier monosaccharide sur l’undécaprényl-phosphate au niveau de la surface interne de la membrane cytoplasmique bactérienne par une transférase initiale. Il s’en suit un ajout séquentiel d’autres monosaccharides par des glycosyltransférases spécifiques, ce qui résulte en la formation d’une unité répétitive saccharidique transportée à travers la membrane cytoplasmique par une flippase. Au niveau de la surface membranaire externe, une polymérase lie les unités répétitives entre elles puis la CPS mature est enfin transloquée et attachée au PG à la surface bactérienne.

Bien que les fonctions de beaucoup de gènes demeurent inconnues, les analyses réalisées sur les 35 sérotypes de S. suis (73) et les 10 sérotypes de GBS (74, 75) dressent une organisation schématique du locus cps en trois grandes parties

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(voir Figure 4). A l’extrémité 5’, les gènes cpsABCD seraient impliqués dans la régulation, la taille de la chaine polysaccharidique et l’attachement de la CPS à la paroi bactérienne alors que les gènes de la région centrale du locus, coderaient pour les glycosyltransférases, la flippase et la polymérase. Finalement, les gènes neuBCDA à l’extrémité 3’, présents dans le locus de tous les sérotypes de GBS mais seulement pour les sérotypes 1, 1/2, 2, 6, 13, 14, 16 et 27 de S. suis, seraient engagés dans la synthèse de l’acide sialique sous forme Neu5Ac (73-75). Dans le cas de S. suis types 2 et 14, l’α2-6 sialyltransférase codée par les gènes cps2N et cps14N, respectivement, ajoute Neu5Ac au Gal de la CPS. Dans le cas de GBS types III et V, l’α2-3 sialyltransférase codée par les gènes cpsIIIK et cpsVK, respectivement, ajoute Neu5Ac au Gal adjacent. L’existence des nombreux sérotypes de S. suis et GBS semble être liée, du moins en partie, à la grande variation dans les gènes de la région centrale du locus cps codant pour les glycosyltransférases. L’accumulation de transfert de gènes intra-espèce et/ou de mutations à petite échelle pourraient expliquer la diversité antigénique des CPS de ces deux bactéries. La conservation des gènes

cpsABCD et neuBCDA témoigne toutefois d’un avantage de survie conféré par leur

produit qui contrebalance l’émergence des différents sérotypes induite notamment par la pression de sélection exercée par l’hôte infecté. Il est important de souligner que S.

suis et GBS sont les seules bactéries Gram-positives à exprimer de l’acide sialique

dans leurs CPS.

Figure 4. Organisation des gènes du locus cps de S. suis types 2 et 14 et GBS types III et V. D’après (69, 71, 73, 74).

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Alors que les structures des CPS de tous les sérotypes de GBS ont été déterminées (75), seules les structures des CPS de S. suis types 2 et 14 ont été caractérisées à l’heure actuelle [(76) + ANNEXE, ARTICLE VI] (voir Figure 5). Dans le cadre de cette thèse, nous nous sommes concentrés sur les CPS des sérotypes 2 et 14 de S. suis et des sérotypes III et V de GBS puisque, comme expliqué précédemment, ils correspondent aux sérotypes les plus fréquemment isolés et les plus virulents.

Si on compare ces quatre CPS anioniques, plusieurs similarités ressortent, en adéquation avec l’homologie des locus cps de ces bactéries. Elles sont notamment formées d’unités répétitives de Glc, de Gal, de GlcNAc et d’acide sialique (sous forme Neu5Ac). Toutefois, chaque CPS est composée d’un arrangement unique de ces sucres à des ratios différents, et la CPS de S. suis type 2 contient du rhamnose en plus des quatre sucres cités. De plus, comme indiqué ci-dessus, l’acide sialique, qui est situé à l’extrémité terminale de la chaine latérale de chaque unité répétitive, forme une liaison en (α2-6) chez S. suis et en (α2-3) chez GBS avec le Gal adjacent. Comme nous allons le voir par la suite, cette variation à priori minime, peut hypothétiquement résulter en une interaction bien différente des deux bactéries avec le système immunitaire de l’hôte. Il est à noter que les CPS de S. suis types 2 et/ou 14 partagent plusieurs similarités dans leurs compositions et leurs structures avec les CPS d’autres sérotypes de GBS, incluant les types Ia, Ib, II, III, IV et VIII [(76) + ANNEXE, ARTICLE

VI]. Aussi, la séquence des sucres de la chaine principale de la CPS de S. suis type 2

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Figure 5. Structures des CPS de S. suis types 2 et 14 et GBS types III et V.

Neu5Ac : acide N-acétylneuraminique; Gal : galactose; Glc : glucose; GlcNAc : N- acétylglucosamine; Rha : rhamnose. D’après [(76-78) et ANNEXE, ARTICLE VI].

α-D-Neup5Ac-(2→6)-β-D-Galp-(1→4)-β-D-G cpNAcl

[4)-β-D-G lp-(1→4)-β-a L-Rhap-(1→4)-β-D-Glcp-(1→] n α-D-Galp 1 ↓ 3 1 ↓ 3 S. suis type 2

α-D-Neup5Ac-(2→6)-β-D-Galp-(1→4)-β-D-G cpNAcl

[6)-β-D-G lp-(1→3)-β-a D-Galp-(1→4)-β-D-Glcp-(1→]n 1 ↓ 3 S. suis type 14 α-D-Neup5Ac-(2→3)-β-D-G lpa [6)-β-D-G cpNAc-(1→3)-β-l D-Galp-(1→4)-β-D-Glcp-(1→]n 1 ↓ 4 GBS type III

α-D-Neup5Ac-(2→3)-β-D-Galp-(1→4)-β-D-G cpNAcl

[4)-α-D-G cp-(1→4)-β-l D-Galp-(1→4)-β-D-Glcp-(1→] n β-D-Glcp 1 ↓ 3 1 ↓ 6 GBS type V GBS type III S. suis type 14 S. suis type 2 GBS type V

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