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1. L’immunopathogénèse de l’infection à Streptococcus suis et Streptococcus du

1.3. Aspects prophylactiques

1.3.1. Statut actuel de la recherche et du développement vaccinal 1.3.1.1. S. suis

Différentes pratiques prophylactiques peuvent être mises en œuvre dans la lutte contre S. suis [(1) + ANNEXE, ARTICLE IV]. Bien que la technique de sevrage précoce (avec médication) puisse donner des résultats satisfaisants contre certains pathogènes du porc comme Actinobacillus pleuropneumoniae ou H. parasuis, des études montrent qu’elle ne prévient pas l’apparition de l’infection à S. suis chez les porcelets (197), rendant nécessaires le développement de techniques prophylactiques alternatives (5).

Une de ces techniques est la vaccination dans le but d’induire une immunité humorale protectrice. Le rôle crucial de ce type d’immunité dans la défense de l’hôte infecté par S. suis a été prouvé à la fois in vitro et in vivo. Alors que S. suis type 2 est résistante à l’élimination in vitro par les phagocytes de l’hôte (médiée ou non par le complément), l’ajout d’Ac spécifiques provoque la phagocytose et/ou la destruction du pathogène ainsi opsonisé par les neutrophiles et les monocytes (112, 198-201). In vivo, le transfert passif de sérums hyperimmuns spécifiquement dirigés contre les Ag de S.

suis type 2 confère une protection aux souris et aux porcs face à un challenge

homologue (198, 200, 202-205), confirmant le rôle clé joué par les Ac dans l’immunité protectrice. De nombreuses approches ont été suivies dans la recherche d’un vaccin efficace contre S. suis (1). Cependant, les seuls vaccins utilisés sur le terrain sont pour la plupart à base de souches de S. suis tuées autogènes (c’est-à-dire isolées du troupeau) ou commerciales, encore appelées bactérines, et confèrent généralement une faible protection des porcelets (1, 199, 206). En effet, l’efficacité des bactérines à base de S. suis type 2 chez le porcelet est très rarement rapportée dans la littérature et s’applique seulement lorsque des adjuvants toxiques sont utilisés tels que le Spécol® (207, 208), une émulsion eau-dans-huile dont les effets secondaires se sont avérés être parfois aussi toxiques que l’adjuvant complet de Freund (CFA) (209). La vaccination avec une bactérine à base de S. suis type 9 ne protège pas non plus significativement les porcelets face à un challenge homologue, et l’absence de protection est corrélée à de faibles taux d’Ac opsonisants (210, 211). Outre la faible efficacité de protection des bactérines face à un challenge homologue, elles sont incapables d’induire une protection croisée face à un challenge avec une souche

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hétérologue du même sérotype ou contre un autre sérotype (199). La dégradation des Ag protecteurs lors de l’élaboration de la bactérine ou la production d’Ac dirigés contre des Ag qui ne sont pas associés à des facteurs de virulence pourrait expliquer la faible performance de ces préparations vaccinales (1).

Les stratégies de vaccination à base de bactérines chez le porc décrites ci-dessus reposent sur l’immunisation directe des porcelets, mais une autre technique indirecte consiste à immuniser la truie gestante et est basée sur le transfert passif de l’immunité maternelle de la mère aux porcelets. Toutefois, bien que l’immunisation avec une bactérine à base de S. suis type 2 puisse induire le développement d’une réponse humorale composée d’Ac opsonisants chez la truie, ce mode de vaccination ne confère pas de protection suffisante aux porcelets de la portée (212). La vaccination des truies avec une bactérine à base de S. suis type 14 ne permet pas non plus de réduire statistiquement la mortalité et la morbidité des porcelets de la portée (213). De plus, à cause du fort effet inhibiteur des Ac maternels sur l’immunisation active des porcelets allaités ou sevrés, les programmes de vaccination actuels où une bactérine à base de

S. suis type 2 est administrée à la fois à la truie et aux porcelets après leur naissance

doivent être révisés (212).

Des vaccins vivants atténués ont fait aussi l’objet de recherches. Ceci est basé sur le fait qu’une souche vivante virulente est capable d’induire une réponse Ac protectrice dans certains essais (202). Ainsi, plusieurs mutants non-virulents ou des souches vivantes naturellement non pathogéniques ont été testés dans des essais de protection expérimentaux chez la souris ou le porc. Outre les résultats décevants en terme de protection, l’introduction d’une souche bactérienne vivante dans un troupeau est une pratique potentiellement à risque en considérant le potentiel zoonotique de S.

suis (202, 208, 214-217).

Une autre stratégie d’immunisation est alors l’utilisation de vaccins sous- unitaires permettant de cibler précisément le système immunitaire de l’hôte vers une (des) molécule(s) du pathogène en particulier. Les recherches actuelles ciblent des protéines exprimées par la majorité des souches du sérotype 2, mais aussi par la plupart des sérotypes dans le but de créer un vaccin universel. L’immunisation avec différentes protéines exposées à la surface de la bactérie, incluant MRP («muraminidase-released protein ») en combinaison avec EF (« extracellular factor ») (207), la suilysine (218) ou un Ag de 38 kDa (219), confère une bonne protection aux porcelets face à un challenge homologue avec S. suis type 2. Plusieurs autres candidats intéressants exprimés par S. suis types 2 et 9, incluant des protéines

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membranaires associées à la paroi bactérienne et/ou sécrétées, ont été identifiés par immunoprotéomique grâce à l’utilisation de sérums immuns humain et/ou animal ou encore par analyse du « surfome », consistant à un traitement de la bactérie vivante par des protéases suivie d’une analyse par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS) des peptides générés (220-224). Alors que l’administration de certaines de ces molécules, le plus souvent en association avec des adjuvants toxiques comme le CFA, assure une protection des souris face une infection subséquente avec S. suis type 2 (156, 198, 201, 225-228), 1 (229) et/ou 7 (230), incluant Sao (« surface antigen one ») (201, 230), énolase (225, 230), HP0197 (« hypothetical protein 0197 » (198), PAPI (« pilus ancillary protein of island 2b ») (226), Sat (« surface antigen two ») (227), SSPepO (228) et abpb « amylase-binding protein B » (156), leur potentiel protecteur chez le porc dans une formulation vaccinale compatible avec les pratiques en médecine vétérinaire reste à être évalué. Finalement, tout comme pour les vaccins à base de bactérie entière, un même vaccin sous-unitaire n’a pas réussi pour l’instant à conférer une protection chez le porc contre différents sérotypes de S. suis (199).

Ainsi, malgré de nombreux essais d’immunisation avec différents types de préparations vaccinales, le développement d’un vaccin protecteur et/ou à large spectre contre S. suis représente encore un défi à l’heure actuelle.

1.3.1.2. GBS

La seule stratégie de prévention disponible actuellement contre GBS consiste en l’administration d’antibiotiques intrapartum chez les femmes enceintes où une colonisation rectovaginale est dépistée, incluant la pénicilline et l’ampicilline (231). Cette stratégie instaurée en 1996 s’est avérée très efficace et a permis de réduire l’incidence de la EOD de 70 % entre 1996 et 1998 aux USA (13). Toutefois, malgré le dépistage universel des femmes enceintes et le suivi strict des lignes directrices de ce programme prophylactique, on continue encore de dénombrer annuellement des cas d’EOD. De plus, l’antibioprophylaxie intrapartum n’a aucune influence sur la LOD ni sur la maladie chez la femme enceinte (13, 231). Finalement, l’utilisation d’antibiotiques à grande échelle a eu un impact négatif avec l’émergence de souches de GBS résistantes à divers antibiotiques comme l’érythromycine et la clindamycine qui sont fréquemment prescrits en cas d’allergie à la pénicilline (231). De plus, cette prophylaxie contre GBS a profondément altéré le profil des micro-organismes à l’origine des maladies EOD, avec certes une baisse considérable des cas dus à GBS,

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mais une forte augmentation d’infections causées par les bactéries Gram-négatives comme E. coli et H. influenzae (231). Ainsi, tout comme pour S. suis, une autre alternative dans la lutte contre GBS est nécessaire.

Un premier ensemble de travaux s’est concentré sur le développement de vaccins sous-unitaires composés de protéines exprimées à la surface de GBS (232). Plusieurs d’entre elles, hautement conservées entre les sérotypes et les souches de GBS, sont capables d’induire une forte réponse IgG protectrice face à un challenge avec divers sérotypes de GBS chez la souris. Parmi ces protéines, Sip (« surface immunogenic protein ») administrée aux souris les protège face à l’infection par GBS types Ia, Ib, II, III, V et VI, faisant de cette molécule un candidat de choix pour un vaccin universel (233). Aussi, l’immunisation avec LrrG (« leucine-rich repeat group B protein») ou ScpB (« streptococcal C5a peptidase of GBS ») permet aux souris de lutter efficacement contre une infection subséquente avec une souche de GBS type III et VI, respectivement (234, 235). L’expression de ces deux molécules par la plupart, si ce n’est par tous les sérotypes de GBS, font de ces protéines des candidats intéressants pour un vaccin à couverture mondiale (232). Toutefois, aucune preuve expérimentale de la capacité de LrrG ou ScpB à induire une protection face à de multiples sérotypes de GBS n’est pour l’instant disponible. Finalement, d’autres protéines, incluant Rib (« resistance to proteases, immunity, group B protein ») d’une part, et ACP (« alpha C protein ») et BCP (« beta C protein ») d’autre part, confèrent une protection face à un challenge contre GBS type III et Ia, respectivement (232). Toutefois, ces protéines ne sont exprimées que par certains sérotypes, voire même seulement par certaines souches à l’intérieur d’un sérotype donné, et induisent très peu/pas de protection croisée. A cet égard, les prototypes vaccinaux composés d’une association de ces protéines entre elles (Rib + ACP) (236) ou bien avec la CPS de GBS III ([ACP + CPS] ou [BCP + CPS]) (237, 238) assurent une bonne couverture vaccinale contre les sérotypes Ia, Ib, II et III de GBS chez la souris. Finalement, l’utilisation de nouvelles méthodologies telles que la « vaccinologie inversée », consistant à cribler le génome des bactéries à la recherche d’Ag de surface susceptibles de déclencher une bonne réponse Ac, a conduit à l’identification de trois protéines pili. Celles-ci, administrées en association avec Sip, confèrent une protection contre les sérotypes Ia, Ib, II, III, V et VIII de GBS dans un modèle d’infection chez la souris, qui est corrélée avec la présence d’Ac opsonisants (239).

En parallèle de l’élaboration de prototypes vaccinaux protéiques, une deuxième série de travaux s’est concentrée sur le développement de vaccins à base de CPS, et

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cette molécule représente la seule cible des essais cliniques humains réalisés jusqu’à maintenant (voir section suivante).

1.3.2. La CPS comme cible antigénique prometteuse de l’immunité humorale protectrice

Plusieurs études in vitro et in vivo chez l’homme et/ou l’animal pointent la CPS comme étant une cible vaccinale extrêmement intéressante dans la lutte contre S. suis et GBS. La CPS constitue en effet la couche la plus externe de la bactérie et donc la cible des Ac opsonisants protecteurs.

Le rationnel du développement vaccinal à base de CPS dans la lutte contre GBS chez l’homme réside dans l’observation d’une corrélation entre la présence d’IgG « naturels » dirigés contre la CPS de GBS type III ou Ia chez la femme enceinte, présentant un fort pouvoir opsonisant in vitro, et un plus faible risque d’accoucher d’un bébé développant la EOD (240-242). Toutefois, le problème réside dans le fait que la majorité des femmes ne possède pas de taux d’Ac anti-CPS « naturels » suffisamment élevés. Dans les années 1980, les essais cliniques de vaccination avec la CPS purifiée chez l’homme (CPS types Ia, II ou III) et la femme enceinte (CPS type III) démontrent une immunogénicité modeste de ces molécules (13). Pour les femmes enceintes qui répondent à l’immunisation, des Ac anti-CPS sont détectés à des doses substantielles dans le sang de cordon et possèdent une activité bactéricide in vitro (243). En écho avec le développement de vaccins conjugués à base de CPS dans la lutte contre H.

influenzae et S. pneumoniae, des essais vaccinaux sont conduits chez l’homme à partir

du milieu des années 90 avec des conjugués monovalents composés de la toxoϊde tétanique (TT) couplée à la CPS de GBS sérotype III dans un premier temps, puis ensuite aux sérotypes Ia, Ib, II, V (13). Tous ces essais sont concluants, les vaccins sont bien tolérés et une seule injection en absence d’adjuvant est globalement suffisante pour une détection d’Ac jusqu’à au moins 2 ans après immunisation (13). Les sujets vaccinés développent une réponse Ac anti-CPS significative (le critère de significativité correspondant à une augmentation d’au moins 4 fois des titres d’IgG par rapport aux titres pré-immuns à 8 semaines post-immunisation), avec un pourcentage de réponse variant de 80% à 100% (13). La réponse est largement dominée par les IgG à bon pouvoir bactéricide in vitro et protecteur in vivo lorsqu’administrés passivement chez l’animal avant le challenge bactérien (13). Dans les années 2000, un essai vaccinal avec la CPS GBS III-TT chez la femme enceinte conclut également à une bonne réponse IgG anti-CPS avec un excellent transfert transplacentaire de ces

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Ac (244). Du fait de l’absence de protection croisée entre les sérotypes, la recherche s’est aussi concentrée sur le développement de vaccins multivalents. Le seul prototype de vaccin conjugué divalent administré jusqu’à présent chez l’homme en essais cliniques est composé des CPS de GBS types II et III. Le vaccin induit le développement d’Ac dirigés à la fois contre les CPS types II et III à des taux et avec une activité bactéricide in vitro similaires à chaque conjugué monovalent injecté séparément (245). Un autre essai vaccinal avec un conjugué trivalent comportant les CPS de GBS types Ia, Ib et III est actuellement en cours chez la femme enceinte (246).

Malgré ces résultats plutôt concluants, une exception pourrait concerner le vaccin conjugué à base de CPS de GBS type V. En effet, par des mécanismes mal compris, la réponse Ac anti-CPS face à ce vaccin est dominée par les IgM et non les IgG. Cet isotype d’Ig possède un moins grand potentiel protecteur et ne passe pas la barrière placentaire, un inconvénient majeur dans la lutte contre les infections néonatales à GBS (247). Ce profil isotypique pourrait être problématique aussi chez les personnes âgées qui ont tendance à développer une réponse IgG anti-CPS face à ce conjugué plus faible que l’adulte de moins de 50 ans (13, 248). Il est indispensable de s’assurer d’avoir un vaccin efficace contre GBS type V étant donné que, comme expliqué ci-dessus, il s’agit du sérotype le plus souvent isolé chez les personnes de plus de 65 ans et c’est cette catégorie qui est maintenant la plus touchée par l’infection à GBS dans les pays occidentaux.

Dans le cas de S. suis, quelques études démontrent un fort potentiel protecteur des Ac anti-CPS dans la lutte contre S. suis. In vitro, l’ajout d’Ac dirigés contre la CPS de S. suis type 2 augmente la capacité bactéricide des cellules porcines sanguines, incluant les monocytes et les neutrophiles, envers la bactérie (199, 200, 249). In vivo, le transfert passif d’Ac monoclonaux spécifiquement dirigés contre la CPS de S. suis type 2 permet aux souris de résister à un challenge homologue (200). De plus, la comparaison de l’efficacité protectrice de deux bactérines à base de S. suis type 2, l’une encapsulée et l’autre composée de son mutant isogénique non encapsulé, suggère que la présence d’Ac anti-CPS est nécessaire pour conférer une protection optimale (208). Finalement, une étude descriptive datant des années 1990 a montré que les porcelets infectés par une souche vivante de S. suis type 2 développent une réponse IgG anti-CPS sérique relativement faible (250). Cependant, la CPS de S. suis n’a jamais fait l’objet d’études plus poussées en qualité d’Ag vaccinal.

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 Ainsi, en plus d’être un facteur de virulence majeur pour S. suis et GBS, la CPS est une cible vaccinale de choix, non seulement parce que les Ac anti-CPS ont un fort potentiel protecteur, mais aussi parce qu’une préparation à base de CPS de différents sérotypes pourrait être la clé d’un vaccin universel. Paradoxalement, la recherche immunologique sur S. suis et GBS, deux bactéries pour lesquelles aucun vaccin commercial n’est actuellement disponible, s’est très peu, voire pas du tout, concentrée sur les mécanismes du développement de la réponse humorale anti-CPS. La compréhension de l’orchestration cellulaire et moléculaire de cette réponse est indispensable pour le développement de vaccins à base de CPS efficaces contre l’infection à S.

suis, un champ de recherche inexistant, ainsi que pour l’amélioration du design

vaccinal de ceux mis au point en essais cliniques dans la lutte GBS.

 Dans la seconde partie de cette revue de la littérature, nous allons décrire les connaissances que nous avons présentement sur les mécanismes du développement de la réponse Ac anti-CPS.

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2. Les mécanismes du développement de la réponse humorale dirigée

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