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Les difficultés rencontrées sur les maquettes d’études ont été également rencontrées sur la structure réelle et des câbles ont dû être ajoutés pour forcer la déformation des diagonales de certaines mailles dans les creux et près des extrémités. Aucune autre complication ne sera notée jusqu’à ce que la structure atteigne ses fondations sur lesquelles elle est simplement vissée. Des cales en bois, issues des chutes de la construction de la grille, sont ensuite logées entre tous les nœuds de la grille pour augmenter la résistance en cisaillement des nappes superposées. Enfin, le contreventement et la couverture sont installés.

Fig. 1.20 – La structure du gridshell de Downland en cours de montage.

Globalement, ce processus de construction s’est avéré très performant puisque, sur les 10 000 joints réalisés, seulement 145 sont cassés lors du montage. Il démontre donc la faisabilité tech- nique de telles structures mais aussi sa viabilité économique. En effet, l’article de R. Harris [49] compare les coûts de construction au mètre carré du gridshell de Downland avec ceux d’autres bâtiments ayant un programme voisin construit par le bureau d’étude Buro Happold ces der- nières années. Avec 1097 £/m2, il se situe dans la moyenne des prix observés puisque le bâtiment

le moins cher est revenu à 780 £/m2 et le plus cher à 1520 £/m2. Le gridshell de Downland fut

donc logiquement suivi d’un certain nombre d’autres réalisations.

1.5 Les autres réalisations principales

1.5.1 Le pavillon du Japon de l’exposition « Hannovre 2000 »

Le thème de l’exposition universelle de Hannovre était l’environnement et le Japon désirait en profiter pour proposer une structure dont les matériaux puissent être entièrement recyclés après démontage. La conception de ce bâtiment a été confiée à l’architecte japonais Shigeru Ban8, associé pour l’occasion à Frei Otto et aux ingénieurs de Buro Happold. Celui-ci conçoit un tunnel ondulant de papier supporté par des tubes de carton assemblés entre eux par de simples sangles (cf. figure 1.21). Bien que l’architecture de papier ait été autorisée récemment par le ministère de la construction au Japon, aucun bâtiment de cette taille (70 m de long, 15 m de haut et 35 m de portée maximale) n’avait encore été construit et les autorités allemandes ont imposé l’addition d’arches de renfort en bois et ce malgré les calculs démontrant la stabilité de la structure.

D’abord assemblée à plat sur un échafaudage spécial conçu par l’entreprise qui réalisera deux ans plus tard l’échafaudage du musée de Downland, la structure a été amenée jusqu’à sa forme finale en trois semaines. Aucun béton n’a été utilisé pour les fondations, simplement constituées de caisses de bois remplies de sâble. Quant à la couverture, un papier imprégné spécialement importé du Japon a été préféré au PVC que seulement quelques entreprises sont en mesure de recycler. Il semble donc que la plupart des méthodes employées pour la construction du gridshell de Downland, dont la forme à trois bosses ressemble étrangement à celle-ci, aient été développées pour le pavillon du Japon même si ce dernier, en dehors de son extraordinaire souci écologique, bénéficie d’une notoriété moins grande.

Fig. 1.21 – Intérieur du pavillon du Japon de Shigeru Ban.

1.5.2 Le Savill Building du grand parc de Windsor

Depuis juin 2006, le plus grand gridshell du Royaume Uni se trouve au cœur du domaine royal du grand parc de Windsor et forme la nouvelle entrée des jardins Savill [8]. À la différence des trois bâtiments ci-dessus, ce gridshell ne forme que le toit de la structure (cf. figure 1.22) et ne descend pas jusqu’au sol ce qui permet d’ouvrir de larges vues sur la campagne environnante. La conception de la toiture est l’œuvre de l’architecte Glenn Howells en collaboration avec les ingénieurs de Buro Happold, ceux-là mêmes qui avaient travaillé sur le gridshell de Downland. Ici encore, les différents composants de la grille ont été assemblés à plat sur un échafaudage comportant 200 points de hauteurs ajustables afin d’atteindre la forme finale à trois dômes.

La géométrie de référence du toit s’appuie sur des formes simples : longs de 90 m et de largeur quasiment constante (environ 25 m), les bords extérieurs du toit suivent l’arc de l’axe central du bâtiment ; la section transversale est formée d’une série de paraboles dont la hauteur varie de 4,5 m à 9,5 m dans le sens longitunal selon une sinusoïde. Ingénieurs et architectes ajustent ensuite cette forme de façon à ce qu’elle puisse effectivement résulter de la déformation d’une grille plane. Tous restent toujours très discrets sur les méthodes de recherche de forme mises en œuvre pour y parvenir.

D’un point de vue technologique, la grille est faite d’un mélèze local et suit une maille carrée d’un mètre de côté avec des sections de 80 x 50 mm. Pour gagner en inertie, elle est dédoublée et on utilise une technique de connection identique à celle développée pour le gridshell de

1.5 Les autres réalisations principales 29

Fig. 1.22 – Intérieur du Savill building. Fig. 1.23 – Ancrages de la couverture.

Downland. Les éléments longitudinaux de 36 m de long sont triés et assemblés de sorte qu’ils ne présentent aucun nœud, les chutes de bois étant réutilisées pour écarter les deux couches de la grille et pour retransmettre les efforts tranchants dans la coque. La structure est rigidifiée non pas par des câbles d’acier mais par des lattes de bouleau de 12 mm d’épaisseur. Sur ces lattes viennent s’ajouter un pare-vapeur, une couche d’isolation et une couverture traditionnelle en tuile de chène de 100 x 20 mm. Enfin, le périmètre de la toiture est supporté par des tubes métalliques de 400 mm de diamètre qui reposent eux-mêmes sur une série de quadripodes en acier. Afin de mieux répartir les efforts entre la grille et les tubes, la liaison entre les deux est assurée par des plaques de contre-plaqué à haute résistance de 300 x 39 mm qui viennent s’intercaler dans la grille sur un ou deux mètres (cf. figure 1.23). Ainsi, même si la forme du gridshell n’est pas le produit de l’inversion d’un filet et que, par conséquent, les efforts n’y transitent pas de façon idéale, avec ses 17 kg/m2et la cohérence de ses choix technologiques, ce

projet démontre que les gridshells en bois ont atteint une certaine maturité.

1.5.3 Le gridshell artisanal de Pishwanton

Le gridshell de Pishwanton de 2002 est à rapprocher des premières réalisations de Frei Otto par sa taille (80 m2), à ceci près qu’il s’agit d’un vrai bâtiment et pas d’une simple structure de démonstration. Conçu par l’architecte Christopher Day et l’ingénieur David Tasker, ce bâti- ment quasi-rustique transforme une structure de haute technologie en un élément de la culture constructive traditionnelle et, avec un coût de 90 000 euros (à comparer aux 7,5 millions d’euros du Savill Building et aux 3 millions d’euros du gridshell de Downland), la met financièrement à la portée de tous9.

Comme pour le Savill Building, le gridshell ne constitue que la couverture du bâtiment, les murs extérieurs en forme d’hexagone sont réalisés à partir de pierres locales maçonnées (voir la maquette d’étude de la figure 1.24). La portée de la coque est de dix mètres. Elle est constituée d’une grille carrée en mélèze de deux fois vingt lattes de douze mètres de long et d’une section de 35 x 25 mm reliées entre elles par un simple système de boulons. Elle a été mise en forme en deux heures par une douzaine de volontaires sans autre moyen de levage que des étais et des

cordes pour rabattre les angles. Le contreventement de la grille est assuré par plusieurs couches de planches de bois directement vissées dans la grille. Ces couches, trois en partie courante, quatre dans les angles qui sont plus sollicités, sont disposées perpendiculairement les unes aux autres pour augmenter la rigidité. La couverture est composée d’une épaisseur de liège pour l’isolation, d’une membrane plastique pour l’étanchéité et d’une couche de bouse de cheval et de vache aujourd’hui entièrement recouverte d’herbes folles (cf. figure 1.25).

Fig. 1.24 – Maquette d’étude du gridshell. Fig. 1.25 – Couverture végétale de Pishwanton. La recherche de forme n’a vraisemblablement pas dépassé le stade de la maquette d’étude, ni même fait l’objet de mesures précises de géométrie. L’analyse structurelle résulte de « calculs de coin de table » à base de changements d’échelle et de théorie des coques élémentaire. Une analyse numérique complète de la mise en forme de la structure et de son comportement sous charges n’a pas pu être effectuée en raison des incertitudes importantes sur la qualité des matériaux et de son prix prohibitif. Le dimensionnement de la structure n’est donc qu’un dimensionnement en contrainte. Pour vérifier le bon comportement statique du bâtiment réel, un test de chargement, équivalent au cas de neige le plus défavorable, a eu lieu à l’aide de 700 sacs de sable de 20 kg chacun, répartis sur l’ensemble de la structure : un déplacement maximum de 25 mm a été mesuré, ce qui est tout à fait admissible. Compte tenu de l’épaisseur de bois rajoutée sur le gridshell en lui-même, on peut se demander si la grille n’a pas seulement servi de cintre et si tous les efforts ne transitent pas dans la coque formée par les différentes couches de bois. Quoiqu’il en soit ce projet démontre la remarquable simplicité constructive des gridshells qui peuvent s’affranchir sur des bâtiments modestes de l’expérience et du savoir-faire très protégé de quelques grands bureaux d’études. Les applications de taille réduite dans lesquelles des espaces libres de poteaux sont nécessaires, sont nombreuses : salles de réception, salles de classe ou de sport. . . et le gridshell de Pishwanton pourrait contribuer largement à donner confiance dans l’efficacité et l’élégance des formes courbes de ce type de structure.

1.5.4 Tour d’observation du zoo d’Helsinki

La tour d’observation du zoo d’Helsinki du finlandais Ville Hara (cf. figure 1.26) est le projet qui a gagné la compétition d’architecture ouverte aux étudiants de l’université technologique de la ville en 200010. Cet ouvrage d’une dizaine de mètres comporte deux étages supportés par 72

1.5 Les autres réalisations principales 31

éléments de bois lamellé-collé de 12 m de long et d’une section de 60 x 60 mm. Ces derniers, pré-cintrés en usine selon sept gabarits différents, ont été montés un par un, directement en place de sorte que seule une légère flexion était nécessaire pour atteindre la forme finale. L’étape de mise en forme et de levage de la structure avant rigidification n’a donc pas lieu d’être ici. De plus, les différents éléments sont connectés entre eux par des plaques de clous et par des rivets, le degré de liberté en rotation de la grille n’existe donc pas. Ceci garantit une certaine stabilité à la forme mais induit des moments d’encastrement dans les éléments de la grille. Les paliers des étages jouent quant à eux le rôle de diaphragmes et sont reliés entre eux par les escaliers. Ainsi, bien que ce bâtiment semble proche des gridshells présentés plus haut, les choix constructifs qui ont été faits ici entrainent un fonctionnement structurel très différent des précédents.

Fig. 1.26 – Tour d’observation du zoo d’Helsinki.

La recherche de forme repose sur l’étude de maquettes à l’échelle photographiées numé- riquement. L’image obtenue sert de guide pour le dessin en trois dimensions de la structure selon lequel les différents éléments en lamellé-collé seront usinés. Du fait du précintrage de ces éléments, les précontraintes de flexion liées à la mise en forme de la structure ne sont pas très importantes et elles sont négligées pour l’analyse structurelle. Celle-ci peut donc être effec- tuée directement à partir de la géométrie finale de la structure fournie par les architectes, avec un logiciel de calcul aux éléments finis standard et suivant le canevas général de l’eurocode11.

Des tests expérimentaux statiques et dynamiques sur l’ouvrage réel ont confirmé la validité des hypothèses prises en compte dans la modélisation.

1.5.5 Le gridshell modulaire de Flimwell

Certains sites internet12, 13 ajoutent le gridshell modulaire du centre du bois de Flimwell dans le Sussex à la liste des gridshells réalisés. Ce bâtiment présente certes une toiture posée sur une grille mais celle-ci n’a qu’une simple courbure, elle-même posée sur des arches en bois. Cette grille ne porte que sur trois ou quatre mètres dans le sens où elle n’a pas de courbure ; il n’y a donc pas d’effet coque ce qui est incompatible avec la définition même des gridshells.

11http ://www.lusas.com/case/civil/wooden_tower.html 12http ://en.wikipedia.org/wiki/Gridshell