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La réalisation de soi dans la sphère productive : marginalisation et désaveu personnel

responsabilisation au centre des problématiques suicidaires contemporaines

1.3 L’accomplissement personnel impossible : les bénéfices de l’approche comparée des conduites

1.3.1 La réalisation de soi dans la sphère productive : marginalisation et désaveu personnel

Dans l’étude du suicide, nous avons noté l’importance du morcellement économique et

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s’accompagnait d’une norme dominante faisant de l’autonomie individuelle un idéal de l’action, face auquel les acteurs sont inégalement dotés. Nous avons également suggéré un phénomène d’implication personnel responsabilisant. Il s’agirait maintenant de confronter ces éléments aux données disponibles concernant les tentatives de suicide.

Dans un premier temps, nous essaierons de montrer qu’un processus de marginalisation économique et sociale affecte bel et bien la propension aux tentatives de suicide masculines et féminines, comme dans le cas du suicide masculin. Dans un second temps, nous présenterons des études plus récentes mobilisant des indicateurs qualitatifs, afin de mieux apprécier l’importance de l’investissement personnel dans le travail et ses effets sur les conduites suicidaires. Ces dernières études permettront de montrer plus clairement l’importance de la réalisation de soi et de l’investissement personnel dans le travail aujourd’hui, nuançant et précisant nos propositions antérieures.

La marginalisation économique et sociale dans les tentatives de suicide

Certaines études étrangères concernant les tentatives de suicide suggèrent bien que certaines transformations économiques favorisent les conduites suicidaires chez les populations les moins bien dotées économiquement. En Irlande, Kelleher et ses collaborateurs ont réalisé une étude à Cork city, portant sur la relation entre tentatives de suicide et exclusion sociale et économique (Kelleher et al., 1996). Le marché de l’emploi dans cette ville de 133.271 habitants en 1988, était traditionnellement Ford and Dunlop Plants ainsi que l’industrie de construction navale. Cette manne d’emplois industriels s’est effondrée au cours des années 1970 et 1980 tandis que le début des années 1990 a vu émerger des emplois dans l’industrie chimique, pharmaceutique et dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’objectif de l’étude était de comparer les taux selon des aires résidentielles prédéfinies, entre l’année 1982 et l’année 1988.

Comme souvent dans la littérature internationale, les auteurs recensent à Cork une majorité d’intoxications médicamenteuses volontaires, ainsi qu’une majorité de tentatives de suicide féminines. Au sein de trois services d’urgences de trois hôpitaux, les auteurs ont recueilli le nombre de tentatives de suicide en considérant l’adresse, l’âge et le sexe des patients23. Les taux ont été calculés par rapport à la population des aires résidentielles de la ville.

23 Les tentatives enregistrées étaient exclusivement des intoxications médicamenteuses : les autres modes

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Les auteurs ont calculé, pour chaque aire de la ville, un coefficient de corrélation entre le taux d’intoxication médicamenteuse et l’indice « d’exclusion sociale et économique » (social

deprivation) – ce dernier estimé par des scores bas en matière d’emploi, de revenu disponible,

d’éducation, etc.

Parmi les régions les plus significativement touchées par une transformation des intoxications médicamenteuses, deux régions A et B avaient un taux très faible de tentatives de suicide en 1982, qui a explosé en 1988. La région A a vu sa composition se transformer par un afflux de familles jeunes, tandis que, dans la région B, les maisons individuelles occupées par des propriétaires (owner-occupied housing) ont progressivement été remplacées par des hébergements collectifs à bas prix destinés aux jeunes. La région C avait, quant à elle, un taux très élevé de tentatives de suicide en 1982 et un taux faible en 1988. Durant la période considérée, les hébergements à bas prix ont été remplacés par des propriétés privées (privately

owned houses) et des appartements de standing supérieur. Hormis les zones A, B et C, qui

représentent les cas extrêmes, les autres régions décrivent des tendances également nettes : la misère sociale et économique d’une région tend à renforcer le nombre d’intoxications médicamenteuses volontaires, tout comme le rajeunissement de ces régions. La corrélation

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Tableau 3: Relation entre le taux d'intoxication médicamenteuse volontaire et l'indice "d'exclusion sociale"

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Les travaux de Platt et Kreitman permettent d’affiner la relation entre difficultés économiques et conduites suicidaires (Platt & Kreitman, 1985, 1990). Une première étude concerne les tentatives de suicide masculines (intoxications médicamenteuses) enregistrées par le système de soin à Édimbourg entre 1968 et 1982 (Platt & Kreitman, 1985). Les auteurs montrent que les variations du taux de chômage et du taux de tentatives de suicide sont similaires, et ce, de façon d’autant plus remarquable que la progression des deux courbes n’est pas linéaire. Les mêmes inflexions s’observent aux mêmes périodes (figure 10), à l’exception de la fin de la période qui présente un croisement des courbes. D’un point de vue écologique, Platt et Kreitman mettent à jour des corrélations entre le taux de chômage et le taux de tentatives de suicide masculin entre 1970 et 1972 et entre 1980 et 1982. Ces associations se maintiennent lorsqu’on les calcule sur des aires résidentielles différentes, si l’on contrôle des facteurs de santé physique, de santé mentale ou de handicap.

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Figure 9 : Taux de chômage des hommes et tentatives de suicide à Edimbourg, 1968-1982

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En réalité, cette relation entre chômage et tentatives de suicide résulterait d’un facteur commun, à savoir le degré de pauvreté des populations et leur position dans l’organisation économique. En effet, l’association entre tentative de suicide masculine et chômage est

beaucoup moins marquée, voire disparait, après contrôle du niveau de pauvreté des populations ou du statut professionnel. On trouverait ici une confirmation supplémentaire du poids exercé

par l’exclusion économique et sociale sur la suicidalité masculine. Il s’agirait d’un effet de marginalisation sociale et économique caractérisée par un manque de ressources et une moindre capacité à participer à l’organisation sociale au travers de rôles légitimes et valorisés. Le chômage ne participe que partiellement à cette marginalisation.

À ce propos, les auteurs avancent l’idée que le chômage entraine un risque plus important de conduites suicidaires au sein des classes sociales élevées, pour qui la recherche d’emploi est pourtant une condition moins répandue. Il est possible ici que le chômage, rare dans les classes supérieures, traduise une difficulté plus importante à maintenir des formes d’attachements et de participation sociale. Au contraire, l’importance du réseau des collègues et du réseau familial pourrait amortir certains effets désintégrateurs du chômage dans les classes populaires, où l’insécurité professionnelle est pourtant bien plus importante. Si cette proposition

n’est pas dénuée de sens, il convient de la manier avec précaution. Comme nous l’avons vu

précédemment, l’importance des réseaux d’interconnaissance et du soutien familial s’est réduite chez les membres de la classe ouvrière, tandis qu’elle demeure aujourd’hui importante dans les catégories socioprofessionnelles élevées. Dans les années 1990, Paugam et Zoyem montraient déjà que le soutien financier fourni par la famille est moins bien assuré pour les ouvriers, qualifié et non qualifié, les inactifs et les agriculteurs (Paugam & Zoyem, 1998). De même, chez les personnes d’origine sociale modeste (père agriculteur, ouvrier, employé, inactif), le soutien reçu est moins important. Le niveau de diplôme bas et l’isolement (femmes et hommes sans enfants et sans conjoints) entrainent également un faible soutien, au moins en matière pécuniaire.

Mais revenons plus précisément sur l’effet du chômage. Nous avons précédemment relevé l’incertitude quant à l’effet du chômage sur le suicide : notamment, on ne trouverait de relations significatives que chez les hommes entre 25 et 49 ans en France, et cette relation est inexistante dans certains pays. Dans une étude ultérieure, Platt et Kreitman ont été en mesure de mieux comprendre cette association à propos des taux de tentatives de suicide (Platt &

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Kreitman, 1990). À partir de données individuelles, les auteurs ont mis au jour une association positive entre taux de chômage et tentatives de suicide sur la période allant de 1968 à 1977.

Cette association s’observe chez les hommes et chez les femmes. Elle concerne, en fait, les taux

de tentatives de suicide des personnes en emploi, et non les taux des personnes au chômage,

pour qui les comportements suicidaires tendent à se réduire lorsque le chômage augmente. Ce

résultat n’est contre-intuitif qu’en apparence. En effet, il s’agirait là d’une situation d’incertitude globale affectant la capacité à se projeter dans l’avenir, pour les individus en emploi placés dans un contexte où la dégradation du marché ne cesse de s’intensifier : la

dégradation du marché de l’emploi affecterait davantage les personnes pour qui le coût de sortie

est le plus élevé – soit les personnes encore en emploi –, tandis que, pour les chômeurs, l’arrivée de nouveaux entrants « diluerait » le risque. Cette proposition reste cependant sujette à caution. En effet, lorsqu’on considère ces relations sur une période plus longue, les corrélations sont contradictoires24.

L’étude de Platt et Kreitman montre cependant très clairement que c’est l’effet de marginalisation sociale et économique qui entraine le plus de risque suicidaire. En effet, le

taux de tentatives de suicide des personnes au chômage a systématiquement été, de beaucoup, supérieur à celui des personnes en emploi. En particulier, les personnes au chômage depuis 52 semaines présentent un risque de tentative de suicide 3 à 5 fois supérieur à celui des chômeurs depuis moins d’un mois, et 12 à 18 fois supérieur à celui des personnes en emploi. Ces données,

disponibles sur la période 1980-1982, montrent ainsi que la durée du chômage tend à accroitre le risque de tentatives de suicide de manière importante. Toutefois, elles ne sont

malheureusement disponibles que pour les hommes : chez les femmes, les données concernant la durée du chômage n’étant pas disponibles.

Cet effet d’exclusion du marché de l’emploi, mais également des conditions de vie et des pratiques socialement valorisées, touche pourtant bien les femmes. Une étude québécoise plus récente, réalisée par Burrows et ses collègues, s’est intéressée à l’effet des inégalités sur les tentatives de suicide et les suicides (Burrows, Auger, Roy, & Alix, 2010). L’étude a été réalisée dans la Province du Québec. La base MED-ECHO, répertoriant les données relatives aux admissions hospitalières au sein de la province, a permis d’extraire le nombre de tentatives

24 La corrélation n’est que temporaire, puisque sur la période ultérieure (1978-1987), elle, s’inverse. La relation

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de suicide prises en charge, tandis que les données relatives aux suicides ont été extraites des statistiques sur les causes de décès produites par le Ministère de la Santé québécois. Les données relatives à l’emploi, l’éducation et le revenu ont fait l’objet d’un calcul d’indice (social

deprivation) par aires résidentielles. Le décile des aires résidentielles les plus défavorisées et le

décile des moins défavorisées, ont été mis en rapport avec les taux de suicide et de tentatives de suicide relatifs à la population de chaque aire. Dans les tentatives de suicide, comme dans les suicides, les aires les plus défavorisées présentent des taux supérieurs par rapport aux aires les plus favorisées. Quelle que soit l’aire considérée, les femmes présentent des taux plus élevés de tentatives de suicide que les hommes. Chez les femmes, les différences varient au cours de la période, mais restent supérieures à celles des hommes de façon générale. Selon cette étude,

donc, l’exclusion économique et sociale semble bel et bien affecter la suicidalité des femmes, puisque les tentatives de suicide sont plus nombreuses chez les femmes résidant dans les aires où l’indice d’exclusion est élevé.

*

Nous proposons, ici, de considérer qu’un certain démenti de la qualité personnelle des individus exclus de la participation économique et sociale tend à favoriser les conduites suicidaires, comme dans le cas du suicide. Le chômage, pour sa part, ne ferait que participer de ce désaveu. Cette marginalisation opère à travers deux médiums. D’une part, un effet lié à l’impossible accès aux statuts et aux conditions de vie désirés – ceux-ci permettant justement de démontrer sa qualité d’acteur, d’escompter une certaine reconnaissance mais également de subvenir à ses besoins matériels. D’autre part, un effet de projection pour les personnes qui craignent de ne plus pouvoir conserver leur statut. L’étude des facteurs économiques suggère ainsi que ceux-ci affectent les tentatives de suicide de la même manière que le suicide. La mobilisation d’indicateurs qualitatifs, issus de la psychologie du travail, permet d’aller plus loin en la matière, en montrant plus clairement le rôle joué dans ce domaine par les contraintes qui pèsent sur l’accomplissement personnel dans le travail.

L’autonomie au cœur des problématiques suicidaires

On peut approcher la question de l’autonomie et de l’investissement personnel dans le travail, à partir d’indicateurs mobilisés en sociologie et psychologie du travail et des organisations. Ces indicateurs permettent une observation plus fine des désajustements entre

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attentes individuelles et exigences de l’organisation du travail, et permettent de mieux saisir les risques de conduites suicidaires.

Premièrement, l’enquête Santé et Itinéraire Professionnel (SIP) menée par la DREES et la DARES en 2010 s’est intéressée aux pensées suicidaires selon l’emploi (Observatoire National du Suicide, 2014). Ce travail constitue un apport intéressant en la matière, dans la mesure où il permet de saisir qualitativement et statistiquement le rapport entre conduites suicidaires et emploi. Comme pour l’étude du risque suicidaire grave, il existe des différences de populations entre tentatives de suicide et pensées suicidaires. En effet, si les tentatives de suicide sont majoritairement féminines, comme les pensées suicidaires, les populations présentant des pensées suicidaires sont généralement moins jeunes. La classe d’âge des 45-54 ans représente le pic le plus important chez les hommes comme chez les femmes et les classes d’âge plus jeunes sont moins touchées (Observatoire National du Suicide, 2016). Les éléments que cette enquête met en avant se limitent donc à un phénomène suicidaire bien spécifique, mais il est particulièrement intéressant de les noter ici.

Les données de l’enquête SIP suggèrent d’abord un certain effet d’exclusion du marché du travail : 63% des personnes présentant des pensées suicidaires sont en emploi, alors que plus de 80% des personnes non suicidaires le sont. Parmi les personnes présentant des pensées suicidaires, près d’un tiers sont dans un emploi à temps partiel, alors que moins d’un quart des personnes non suicidaires le sont. La précarité semble ainsi davantage associée aux pensées suicidaires. L’exposition aux risques psychosociaux au travail touche davantage les personnes suicidaires. Également, la hiérarchie socioprofessionnelle décrite dans le suicide se retrouve dans la mesure des pensées suicidaires : 39% des personnes non suicidaires sont cadres ou de profession intermédiaire, tandis que seulement 30% des personnes suicidaires le sont ; de même, 51% des personnes non suicidaires sont ouvriers ou employés, alors que 63% des personnes suicidaires font partie de ces catégories socio-professionnelles.

Mais l’élément qui nous semble ici le plus intéressant concerne l’importance de l’investissement personnel dans le travail. Une première tendance relevée indique une importance démesurée de l’emploi actuellement occupé ou de la recherche d’emploi : les personnes suicidaires déclarent plus souvent que leur emploi, ou leur recherche d’emploi est « plus important que tout le reste », soit 18% de ces personnes contre 5% des non-suicidaires. Une seconde tendance décrit l’extrême inverse, à savoir la moindre valeur accordée à cette

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dimension : les personnes suicidaires déclarent plus souvent que l’emploi ou sa recherche n’ont que peu d’importance, soit 12% de ces personnes contre 4% des non-suicidaires.

Ces indications soulèvent la question du surinvestissement dans le travail et des formes de renoncement. Nous suggérons ici que ces deux extrêmes sont la traduction d’un désajustement entre des aspirations professionnelles et sociales et leur possibilité concrète de réalisation. L’impossible accession à l’emploi ou l’importance des difficultés dans l’emploi peut entrainer 1) une attitude de surinvestissement dans cette dimension : le travail constituant tout pour l’individu sans que celui-ci ne parvienne à satisfaire ses attentes. À l’inverse, la recherche d’emploi ou les difficultés de l’activité actuellement occupée pourraient entrainer 2) une résignation subie et vécue dans l’indifférence : le travail ne suscite plus d’attente en la matière, étant considéré comme hors du champ des possibilités d’accomplissement de la personne. Or, ici, il apparait que ce rapport au travail renvoie bien à la valeur que chacun est en droit de s’attribuer.

Ces propositions mériteraient d’être interrogées dans les cas de tentatives de suicide ou du suicide, soit lorsque la tension liée à l’activité a été menée jusqu’à son point de rupture, et d’être étayées à l’aide d’indicateurs plus précis. C’est justement le cas de l’enquête statistique qualitative menée par François et ses collaborateurs. Celle-ci analyse les problématiques relatives aux situations de travail auprès de 87 personnes en emploi, prises en charge au sein d’une unité spécialisée du CHU d’Angers pour tentative de suicide (François et al., 2011, 2012).

L’enquête permet de questionner plus directement l’importance de la réalisation de soi et de la satisfaction au travail. Elle repose sur la passation d’un questionnaire de Karasek, soit d’un outil psychométrique composé de 26 questions ayant trait à trois dimensions constitutives de l’environnement psychosocial au travail : 1) la demande « psychologique » – c’est-à-dire la rapidité, l’intensité et l’imprévisibilité des tâches demandées – ; 2) la latitude décisionnelle – il s’agit de la marge de manœuvre dont dispose le salarié dans son activité, la mobilisation des compétences et leur développement – ; et 3) le soutien social sur le lieu de travail – soit le soutien professionnel et émotionnel fourni par les collaborateurs et les supérieurs hiérarchiques (Guignon, NiedHammer, & Sandret, 2008). L’aspiration à l’autonomie et au développement de soi dans le travail, qui s’exprime par un jugement subjectif de l’individu vis-à-vis de sa latitude décisionnelle (considérer l’autonomie disponible dans son travail, avoir la possibilité de développer ses compétences propres), participe pleinement de cet indicateur.

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En calculant la médiane des scores obtenus sur chaque dimension, l’outil permet la mise à jour de quatre types de situations de travail : 1) la situation active est caractérisée par une forte demande psychologique et une forte latitude ; 2) la situation passive est caractérisée par une faible demande psychologique et une faible latitude ; 3) la situation détendue est caractérisée par une demande psychologique faible et une autonomie importante ; et 4) la

situation tendue est caractérisée par une demande psychologique forte et une latitude faible.

L’enquête montre que le stress au travail est, de manière générale, 2 fois plus élevé qu’en population générale. La pression à la rentabilité, l’ambiguïté des rôles (injonctions contradictoires), l’instabilité des tâches à réaliser, les menaces et humiliations, les conflits, les horaires importants et l’absence de reconnaissance symbolique et financière caractérisent les réponses des suicidants. Les situations tendues – soit une forte tension entre une demande