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La réalisation d’enquêtes quantitatives, portant sur les biens culturels et les usages d’Internet, pour le compte de l’HADOPI

Dans le document Les biens numériques (Page 102-105)

QUELLES FINALITÉS ?

25. La réalisation d’enquêtes quantitatives, portant sur les biens culturels et les usages d’Internet, pour le compte de l’HADOPI

permet de mesurer l’ampleur de la réception du dispositif de sensibilisation par ses destinataires69. Ces enquêtes s’intéressent tout particulièrement à la réception de la réponse graduée par les internautes. D’après le dernier rapport d’activité de l’HADOPI, la première recommandation a été adressée plus de trois millions de fois. Elle aurait ainsi touchée plus de 8,9 % des internautes. La seconde recommandation a, quant à elle, été adressée plus de 300 000 fois70. Le nombre d’internautes français avertis n’est pas insignifiant. Depuis octobre 2010, date de la mise en place de la réponse graduée, la consommation légale de biens culturels dématérialisés reste stable. La dernière enquête quantitative, publiée en juillet 2014, montre que 70 % des abonnés, ayant reçu une première recommandation, déclarent avoir diminué leur consommation illicite de biens culturels

68 - L’art. 28 de la loi DADVSI du 1er août 2006, codifié à l’article L. 336-2 du CPI, imposait aux FAI de diffuser « des messages de sensibilisation aux dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites pour la création artistique ». Cette obligation a été abrogée par la loi du 12 juin 2009, favorisant la diffusion et la création sur Internet.

69 - L’HADOPI et son Département Recherche, Etude et veille mènent une étude sur les pratiques et les perceptions des internautes français à l’égard des biens culturels. L’objectif est de dresser un état des lieux « du niveau de familiarité des internautes français face à la loi, et pour mieux comprendre leurs réactions et pratiques de consommation licite et illicite de biens » : Hadopi, Biens culturels et usages d’Internet : pratiques et perceptions des internautes français, janvier 2011, hadopi.fr.

70 - Depuis la mise en place de l’HADOPI en septembre 2010, 3 249 481 premières recommanda-tions et 333 723 deuxièmes recommandarecommanda-tions ont été adressées : Rapport d’activité de l’HADOPI, 2013-2014, préc., p. 11.

dématérialisés71. Après réception de la seconde recommandation, ils sont 88 % à déclarer avoir réduit leur consommation illégale72. Il ressort de ces études que les pratiques de consommations illicites déclarées par les internautes ont diminué depuis la mise en place de l’HADOPI. Pour autant, la consommation légale de biens culturels n’a pas augmenté et reste stable. Doit-on en déduire que les internautes privilégient d’autres modes de diffusion illégale d’œuvres protégées ? Il n’en est rien puisque cette dernière enquête révèle que parmi ces abonnés avertis, ils sont 73 % à déclarer ne pas avoir opté pour un autre mode de diffusion illégale d’œuvres protégées comme le streaming ou le téléchargement direct73. Ces chiffres sont d’ailleurs corroborés par une étude menée par l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA)74 entre 2011 et 201375. Cette étude révèle, d’abord, que le nombre de fichiers partagés à partir de logiciel de peer-to-peer a diminué de 75 %. En revanche, elle montre que la consultation de pages Internet dédiées au téléchargement direct reste stable tout comme le nombre de fichiers téléchargés76. Le nombre de vidéos consultées en streaming a largement diminué après la fermeture de la plateforme Megaupload avant de repartir à la hausse77. La consultation des sites dédiés au streaming a quant à elle augmenté de façon significative en comparaison aux autres sites dédiés au partage illégal des œuvres78. Il est nécessaire de relativiser l’ensemble de ces résultats. En effet, une enquête, cette fois-ci qualitative, menée par l’Université de Rennes 1 et réalisée en 2012 minimise quant à elle les effets positifs de la réponse graduée. Cette étude dénonce un paradoxe. Les internautes ont pleinement conscience de l’illicéité de leur pratique, mais ils ne se considèrent pas pour autant contrefacteurs dès lors que leur consommation est, selon eux, raisonnable et non-commerciale. Dès lors, le dispositif d’éducation au respect du droit d’auteur ne semble pas conduire à la correction des comportements attendus. Ainsi, le constat résultant

71 - HADOPI, Commission de protection des droits – Chiffres clés de la réponse graduée – Point presse, juillet 2014, hadopi.fr, p. 7.

72 - Ibid.

73 - Ibid.

74 - L’ALPA regroupe certains titulaires de droits de l’audiovisuel.

75 - Le téléchargement illégal représentait 49% des usages sur Internet en 2009, il ne représente plus que 29% à ce jour : ALPA, L’audience des sites Internet dédiés à la contrefaçon en France, 1er

juillet 2014, static.pcinpact.com/medias/alpapiratage.pdf, p. 8.

76 - La consultation de pages Internet dédiées au téléchargement direct représentait 35% des sites de partage illégaux en 2009 et de 33% en 2013. Les internautes ayant téléchargé au moins une fois dans le mois étaient 3,68 millions en janvier 2011 et 3,47 millions en décembre 2013.

77 - Plus de 71 millions de vidéos étaient consultées avant la fermeture de Megaupload, en dé-cembre 2011. Elles ne représentaient plus que 14 millions en dédé-cembre 2013.

78 - La consultation de sites dédiés au streaming représentait 16% des sites de partage illégaux en 2009, elle était de 38% en 2013.

du recours au droit souple est le même que pour le droit dur. Ce sont moins les méthodes de mise en œuvre de la norme qui sont critiquées que la norme elle-même. Le droit d’auteur, inadapté à la réalité sociale, n’est plus tenu pour légitime par ses destinataires. Il ressort de ces études que la réponse graduée, qui bénéficie pourtant d’une validité formelle, souffre d’un déficit de validité axiologique puisque la conception du droit d’auteur n’est plus partagée par l’ensemble des acteurs du droit d’auteur sur Internet79. En conséquence, ce droit ne bénéficie plus de sa validité empirique puisque les internautes ne se conforment plus à ses normes.

26. Ce dispositif, en l’état, n’est pas satisfaisant. Il nous faut remarquer que son instrument principal présente plusieurs faiblesses. En premier lieu, la réponse graduée se limite aux abonnés dont l’accès à Internet a été utilisé pour télécharger des œuvres à partir de logiciels de peer-to-peer80. Pourtant, les dispositions législatives relatives à la réponse graduée ne visent aucune technique de contrefaçon en particulier. Néanmoins, il est, techniquement, difficile d’identifier l’accès à Internet utilisé pour le streaming ou encore pour le téléchargement direct. Cela ne pourrait se faire qu’en demandant les logs81 aux sites et serveurs incriminés ou par le traçage des internautes82. Cette subordination de la répression à la facilité technique de sa mise en œuvre conduit à délégitimer la règle. Deux conséquences en découlent. D’une part, les internautes partagent un sentiment d’inaptitude de l’autorité à mettre en œuvre les règles sur lesquelles elle doit veiller. D’autre part, ils partagent également le sentiment d’impunité des internautes en mesure de contourner les mécanismes d’identification utilisés par l’HADOPI. En second lieu, les abonnés sont peu nombreux à faire l’objet de poursuites pénales. À ce jour, on dénombre seulement 16 jugements rendus dont une relaxe et 8 rappels à la loi83. Le volet répressif de la réponse graduée n’est donc pas effectif et l’infraction de négligence caractérisée ne remplit pas sa fonction préventive84. Les internautes ne craignent pas d’être poursuivis et n’ont donc aucune raison de cesser leurs pratiques contrefaisantes.

79 - La validité est une notion polysémique. Pour une définition, v. F. Ost, M. Van De Kerchove,

De la pyramide au réseau ? : pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002, p. 324-351.

80 - F. Macrez, J. Gossa, Surveillance et sécurisation ce que l’HADOPI rate, préc.

81 - Les logs désignent les fichiers contenant les historiques des évènements d’un processus parti-culier comme un site Internet. V. en ce sens, H. Bitan, Droit des créations immatérielles, Logiciels, Bases de données, Autres œuvres sur le web 2.0, op. cit., p. 123, n°196.

82 - En ce sens, HADOPI, Synthèse sur le streaming et le téléchargement direct quel encadre-ment ?, janvier 2012, lab Propriété Intellectuelle et Internet, labs.hadopi.fr.

83 - M. Rees, HADOPI, 16 jugements connus, 8 rappels à la loi, 18 juillet 2014, nextimpact.com. 84 - N. Blanc, Les sanctions en droit de la propriété intellectuelle, in Les sanctions en droit contem-porain, (dir.) C. Chainais, D. Fenouillet, op. cit. p. 299-326.

27. Sur un autre plan, il s’avère également que l’avenir incertain de l’HADOPI nuit à l’efficacité du dispositif. En effet, une partie importante du dispositif de sensibilisation repose sur l’HADOPI. Or, depuis sa mise en place, les gouvernements successifs envisagent sans cesse, soit de la réformer, soit de la supprimer85. À tel point que ces atermoiements constants sont compris, au mieux, comme un témoignage de l’illégitimité de l’HADOPI au sein même des pouvoirs publics. Au pire, ils conduisent les internautes à douter de l’existence même du dispositif. D’après, un sondage réalisé par le CSA, un tiers des français ne connaissent pas cette autorité administrative indépendante. De surcroit, 20 % des français considèrent que l’HADOPI a fusionné avec le CSA, 9 % estiment qu’elle n’existe plus86. L’ensemble de ces faiblesses nuit directement à l’efficacité de la sensibilisation des internautes au respect du droit d’auteur. Le dispositif de sensibilisation des internautes au respect du droit d’auteur doit dès lors être réformé.

§ 2 : des améliorations envisageables

28. L’étude du dispositif de sensibilisation des internautes

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