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3 Réactivité des persulfures/polysulfures sur SufA-SSH vis-à-vis des agents alkylants

SufA chargée en fer SufA-Fe

I- 3 Réactivité des persulfures/polysulfures sur SufA-SSH vis-à-vis des agents alkylants

Les résultats obtenus jusqu’à présent tendent à montrer que les atomes de soufre fixés sur SufA ne sont pas réactifs vis-à-vis du fer(II) pour former un centre [Fe-S]. Nous avons donc cherché à mieux caractériser ces entités persulfures/polysulfures présentes sur SufA afin de comprendre l’absence de réaction.

Les groupements thiolates (R-S-) sont connus pour être de bons nucléophiles, capables de réagir avec des agents alkylants. Nous avons d’ailleurs constaté que les cystéines de SufA pouvaient réagir avec l’iodoacétamide (voir chapitre III). Nous avons voulu vérifier que cette

Nous avons tout d’abord travaillé avec la protéine CsdE, prise comme modèle d’étude. CsdE d’E.coli ne contient qu’un seul résidu cystéine dans sa séquence, sur lequel plusieurs (deux) atomes de soufre peuvent s’assembler sous forme de persulfure/polysulfure après réaction de transpersulfuration avec CsdA (Loiseau et al., 2005). Après avoir obtenu la forme soufrée de CsdE débarrassée de cystéine, celle-ci a été traitée avec 25 excès d’iodoacétamide pendant 3 heures dans l’obscurité. L’échantillon purifié sur colonne Micro Bio-spin a été analysé par spectrométrie de masse. Les spectres de masse enregistrés avant et après traitement à l’iodoacétamide ont été comparés (figure I-38 a et b).

Le spectre de CsdE chargée en soufre (figure I-38a) contient, en plus du pic correspondant à la forme apo de la protéine (MCsdE = 16875 Da), deux pics additionnels

indiquant la fixation de un et deux atomes de soufre (M = MCsdE + nx32 Da, n =1 ou 2),

comme décrit dans la littérature (Loiseau et al., 2005). Après incubation avec l’iodoacétamide (figure I-38b), ces pics disparaissent au profit de deux nouveaux pics correspondant à l’addition d’une entité acétamide sur chacune des formes soufrées de CsdE.

Figure I-38 : spectre de masse de CsdE (500 nM) après incubation avec 1 équivalent de CsdA et un fort excès de

L-cystéine et dessalage (a), puis traitée avec 25 excès molaires d’iodoacétamide et dessalage (b) (R = acétamide ; S = soufre). Seul l’état de charge z = 10 est représenté.

CSD AE 1 + iodo 500 nanoM 28.60 1180 1185 1190 1195 1200 1205 1210 1215 1220 1225 1230 1235 1240m/z 32 100 % CSD AE 2 500 nanoM 28.62 1180 1185 1190 1195 1200 1205 1210 1215 1220 1225 1230 1235 1240m/z 19 100 % % 35 1190 1200 1210 1220 1230 % 32 1190 1200 1210 1220 1230 m/z m/z

a

b

apo + 1S + 2S +1S/1R +2S/1R 100 100

Cette expérience montre bien que les persulfures/polysulfures de CsdE fixés sur une seule cystéine, et donc présents sous forme linéaire, sont nucléophiles et peuvent réagir avec des agents alkylants, selon la réaction suivante :

Le même type d’expérience a été répété avec les protéines SufA, sauvage et mutantes. Dans ce cas, les spectres obtenus sont complexes ; nous n’avons donc pas pu présenter un spectre reconstruit de la protéine. C’est pourquoi la figure I-39 correspond à un seul état de charge (z=11).

Figure I-39 : spectre de masse de SufA (500 nM) après transfert de soufre depuis le complexe SufSE et

traitement avec 25 excès molaires d’iodoacétamide à température ambiante puis dessalage (S= atome de soufre ; R = groupement acétamide). Seul l’état de charge z=11 est représenté.

Le spectre de masse enregistré pour la forme SufA-SSH traitée avec un fort excès d’iodoacétamide comporte six pics. Le premier correspond à la forme apo de SufA (m/z=1306,6 ; z=11). Les deux suivants correspondent aux formes soufrées de SufA, contenant respectivement 1 (m/z=1309,7 ; z=11) et 2 (m/z=1312,8 ; z=11) atomes de soufre. Les trois derniers sont attribués respectivement aux formes contenant un atome de soufre et un groupement acétamide (m/z=1314,7 ; z=11), deux atomes de soufre et un groupement

Suf A SSH + iodo 15 ex 3h 27.39 1290 1295 1300 1305 1310 1315 1320 1325 1330 1335 1340m/z 0 100 % 300106LD_22 587 (10.951) TOF MS ES+ 102 % 100 0 m/z 1295 1305 1315 1325 1335 apo +1S +2S +1S/1R +2S/1R +3S/1R +3S ? CsdE-S-S- R’ I CsdE-S-S-R’ + I-

acétamide (m/z=1317,8 ; z=11) et 3 atomes de soufre et un groupement acétamide (m/z=1320,7 ; z=11). Il est important de remarquer :

(1) que la forme de SufA contenant 3 atomes de soufre n’est pas visible ; il est possible que le pic correspondant, en général de plus faible intensité que celui de la forme contenant 2 atomes de soufre, se trouve au niveau de l’épaulement du pic « 1S+1R » vers m/z = 1314, z=11.

(2) qu’aucun pic indiquant l’addition de plusieurs groupements acétamide sur SufA- SSH n’apparaît ; on observe uniquement l’addition d’un groupement acétamide (« +1R »). Je rappelle qu’avec apoSufA, nous avions 3 alkylations, indiquant que les 3 cystéines de l’apoprotéine réagissent avec l’iodoacétamide.

Lorsque l’expérience est reproduite avec le mutant SufAC50S, seules les formes

soufrées (correspondant à l’addition de 1, 2 ou 3 atomes de soufre) sont visibles après traitement avec l’iodoacétamide (figure I-40) ; en effet, aucun pic correspondant à l’addition de groupements acétamide n’est observé. L’expérience n’a pas été répétée avec les mutants SufAC114S et SufAC116S, puisque ces derniers ne fixent pas de soufre.

Figure I-40 : spectre de masse de SufAC50S (500 nM) après transfert de soufre depuis le complexe SufSE et traitement avec 25 excès molaires d’iodoacétamide à température ambiante puis dessalage. (S = atome de soufre). Seul l’état de charge z = 13 est représenté.

m/z

apo

+1S

+2S

Ces résultats indiquent :

(1) que l’unique alkylation observée dans le cas de la protéine sauvage se produit au niveau de la Cys50,

(2) que les atomes de soufre situés au niveau des cystéines Cys114 et Cys116 ne sont pas réactifs vis-à-vis de l’iodoacétamide. Ceci suggère que les persulfures/polysulfures au niveau des cystéines C-terminales ne sont pas nucléophiles.

L’échantillon SufA-SSH (protéine sauvage), après la réaction d’alkylation, a également été analysé par spectrométrie de masse MALDI-TOF après digestion par l’endoprotéinase LysC (figure I-41). Pour le peptide [47-65] contenant la Cys50 (spectre a), on observe deux pics, l’un correspondant à la forme apo (M= 1975,2 Da), l’autre à l’addition d’un atome de soufre et d’un groupement acétamide (M=2063,56 Da). L’analyse du peptide C-terminal [110-130] (spectre b) révèle clairement la présence de la forme apo (M=2365,5 Da) et d’une forme soufrée contenant un atome de soufre (M=2398,35 Da). Le pic indiquant la fixation de 2 atomes de soufre sur ce peptide (M=2430,35 Da) est beaucoup moins intense mais néanmoins visible et attribuable sans ambiguïté. Par ailleurs, on observe un pic de faible intensité ayant une masse M=2455,47 Da, qui pourrait correspondre à l’addition d’un atome de soufre et d’un groupement acétamide sur le peptide. Toutefois, cette forme est très minoritaire par rapport à la forme de SufA ayant fixé un atome de soufre et est donc négligeable. Les pics correspondant à l’alkylation des autres formes de ce peptide (formes apo + R ; 2S + R) ne sont pas détectés.

L’ensemble de ces expériences fournit des résultats cohérents. En effet, les analyses de spectrométrie de masse ESI-Q-TOF et MALDI-TOF montrent que le soufre fixé au niveau de la cystéine Cys50 est réactif vis-à-vis de l’iodoacétamide, tout comme le sont les atomes de soufre fixés sur CsdE, indiquant que le persulfure au niveau de la cystéine Cys50 de SufA est nucléophile. En revanche, les cystéines Cys114 et Cys116 ne sont pas, ou très peu, réactives à l’iodoacétamide, suggérant que les atomes de soufre localisés sur ces cystéines ne sont pas stockés sous forme d’entités nucléophiles.

Figure I-41 : spectres MALDI de SufA-SSH après traitement avec 25 excès molaires d’iodoacétamide et

digestion par l’endoprotéinase Lys-C. Seuls les spectres des peptides [47-65] (a) et [110-130] (b) sont représentés.