2.3 Méthodes expérimentales d’exploration émotionnelle
2.3.5 Réactivité émotionnelle
Electromyogramme (EMG)
L’électromyogramme (EMG) permet de détecter l’activité observable et non observable des
muscles de la face. Cette technique permet notamment de mesurer les micro expressions
fa-ciales involontaires obtenues en réaction à des stimuli émotionnels. Deux muscles faciaux ont
particulièrement été étudiés : le muscle zygomatique principal dont l’action est de porter les
extrémités de la bouche en haut et en arrière et le muscle corrugateur du sourcil dont l’action
est de rapprocher les sourcils (cf. Figure 2.2 pour les positions des électrodes). Le premier est
impliqué dans le sourire, le deuxième dans la plupart des émotions faciales négatives.
FIGURE2.2 – Position des électrodes d’EMG pour l’enregistrement des expressions faciales.
Plusieurs études rapportent une moins grande activité des muscles zygomatiques lors de
l’induction d’émotions positives [78,47,136] chez les patients schizophrènes comparés à des
sujets témoins. Au contraire, l’activité des muscles corrugateurs est supérieure à celle des
té-moins lors de l’induction d’émotions négatives [78,117]. Les émotions sont en général induites
par le visionnage de films ayant un contenu émotionnel joyeux ou triste. Explorons à présent
les manifestations émotionnelles liées à l’activation du système nerveux autonome.
Conductance cutanée
Les réponses émotionnelles liées à l’activation du système nerveux autonome incluent
l’aug-mentation du rythme cardiaque, de la transpiration, de la fréquence respiratoire, une
diminu-tion de l’activité des glandes salivaires et une augmentadiminu-tion de l’émission urinaire. La
transpi-ration qui est sous la dépendance du système nerveux orthosympathique modifie la
conduc-tance cutanée : elle est sensible à une large gamme de stimuli et varie avec leur niveau d’éveil
généralisé émotionnel.
Il existerait dans la schizophrénie des anomalies généralisées de l’activité électrodermale
qui ne seraient pas spécifiques aux stimuli émotionnels. La conductivité cutanée se mesure
dans ce cas après la présentation de stimuli non spécifiques (des sons purs par exemple). Les
anomalies de la conductance cutanée des patients schizophrènes peuvent être de l’ordre de
l’hyper-réactivité ou de l’hypo-réactivité [26] (cf. Figure 2.3).
Conductance
cutanée
(µS)
Temps (s)
Hyper réactivité électrodermaleRéactivité électrodermale normale Hyporéactivité electro
dermale
Les flèches signalent la présentation des sons
FIGURE2.3 – Trois tracés électrodermaux hypothétiques au repos puis après présentation de
sons anodins.
Plusieurs études rapportent que l’hyper-réactivité électrodermale prédit une évolution
symp-tomatologique péjorative à court et moyen terme, notamment en ce qui concerne les symptômes
de désorganisation [16].
Mais quelle est la réaction électrodermale à la présentation de stimuli émotionnels pour
des patients schizophrènes ? Une première étude explore les niveaux de conductance cutanée
évoquée par la présentation d’images émotionnelles chez 28 patients schizophrènes et 30
té-moins [39]. Les patients montrent une réactivité de la conductance cutanée équivalente à celle
des témoins, tant pour la présentation d’images positives que pour la présentation d’images
négatives. Une deuxième étude vient confirmer la similarité de la réactivité émotionnelle de
la conductance cutanée entre patients schizophrènes et sujets non malades [38]. La réactivité
émotionnelle de la conductance cutanée semble donc préservée dans la schizophrénie ; elle
se-rait même plus importante chez les patients schizophrènes présentant un émoussement affectif
que chez ceux qui en sont exempts [135].
Une seule étude a montré chez des patients schizophrènes une réactivité non émotionnelle de la
conductance cutanée diminuée lors de la présentation d’images non aversives [128]. Il n’existe
en revanche aucune différence entre témoins et patients à la présentation d’images aversives
(cf. Figure 2.4).
Magnitude de
l’augmentation
de la conductance
cutanée en µhoms
Ligne de base Images non aversives Images aversives
* Difference de groupe significative, p = 0.05.
SchizophrènesContrôles
FIGURE 2.4 – Mesures de la conductance cutanée de base et après la présentation d’images
émotionnelles et non émotionnelles chez des patients schizophrènes et des sujets contrôles.
Système cardiovasculaire
Les deux principales mesures d’intérêt de la réactivité cardiaque sont le rythme cardiaque
et le volume du pouls digital. Les résultats sont hétérogènes en ce qui concerne la réactivité
émotionnelle cardiovasculaire chez les patients schizophrènes. Une première étude ne retrouve
pas de différences pour ces deux mesures entre les patients schizophrènes et les sujets témoins
[111].
Une autre a montré que le profil de réactivité cardiaque à la présentation d’images
émotion-nelles diffère entre patients schizophrènes et témoins [39]. Pour les images de valence positives,
le rythme cardiaque des sujets témoins suit une réponse biphasique avec diminution initiale
suivie d’une légère augmentation (cf. Figure 2.5). Cette diminution qui survient dans les trois
premières secondes suivant la présentation du stimulus pourrait traduire une focalisation de
l’attention vers les stimuli émotionnels. Au contraire, le rythme cardiaque des patients
s’accé-lère graduellement pour ensuite diminuer : l’absence de décélération initiale pourrait traduire
un déficit d’orientation de l’attention vers les stimuli émotionnels.
SUJETS CONTROLES PATIENTS SCHIZOPHRENES
Fréquence cardiaque moyenne (bpm)
Temps (s) Temps (s)