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CHAPITRE 3 : PHOTOOXYGENATIONS BIOMIMETIQUES DE DITERPENES . 130

4. Résultats et discussions

4.3. Réactions de Schenck-ène couplés aux réarrangements de Kornblum-DeLaMare et

4.3.1. Essais sur l’abiétate de méthyle 307

Dans tous les cas, notre procédure expérimentale a montré son bon fonctionnement, donnant les hydropéroxydes 312, 309, 313 et 314 avec des rendements moyens à excellents. Connaissant les conditions de formations de ces hydropéroxydes, les réarrangements de

198 Cette transformation a également été étudiée via une auto-oxydation par la lumière du soleil : A. Enoki, K. Kitao, Mokuzai Gakkaishi 1975, 21 (2), 101-106.

139 DeLaMare et de Hock ont été entrepris sur nos subtrats 95, 307, 312 et 312 au travers des hydroperoxydes 312, 309, 313 et 314. En s’inspirant des travaux de Lévesque et Seeberger sur l’artémisine 81,81 les réarrangements de Hock ont été réalisés en ajoutant trois équivalents d’acide trifluoroacétique à 0 °C sur les hydropéroxydes 312, 309, 313 et 314 formés. En parallèle, les réactions de Kornblum-DeLaMare ont été effectuées de manière monotope en présence d’un excès de pyridine et d’anhydride acétique avec la DMAP comme catalyseur, dans le but d’activer in situ le réarrangement de l’hydroperoxyde comme décrit par Kamigaito (Schéma 96).200

Schéma 96. Synthèse du de la cétone naturelle 315 par photooxygenation et Kornblum-DeLaMare

Malheureusement, les essais de réaction monotope avec l’abiétate de méthyle 307 ont montré uniquement la formation d’un mélange complexe de produits de dégradation non identifiables pour ces deux réarrangements. Cependant, la réalisation du réarrangement de Kornblum-DeLaMare en deux étapes successives à partir de 307 a permis de synthétiser la cétone 315 avec 73%. Cette cétone 315 est en réalité un produit naturel qui a d’abord été synthétisé en 1956 par oxydation de Jones avec le trioxyde de chrome (CrO3) et l’acide acétique sur l’abiétate de

140 méthyle 307,201 puis isolé en tant qu’artéfact d’isolement d’acides résiniques provenant de l’huile de pin,202 et enfin extrait de diverses sources de résines d’arbres.203 Aujourd’hui, pas moins de 130 publications et brevets ont rapportés les synthèses, les isolements ainsi que les activités biologiques de ce composé très précieux.204 Récemment, l’équipe d’Hergenrother a synthétisé cette cétone 315 à l’échelle du gramme à partir de l’acide abiétique 296 en 3 étapes avec un rendement global de 40%, en utilisant une oxydation allylique par SeO2 comme agent oxydant et une oxydation de Swern sur l’alcool 316 (présenté dans l’encadré du Schéma 96).88

Cette stratégie est intéressante d’un point de vue biomimétique, puisque l’on peut désormais discuter la voie de biosynthèse de cette cétone naturelle 315 à partir de l’acide abiétique 296. Dans les conditions atmosphériques, notamment en présence de lumière et d’oxygène, la formation de l’hydroperoxyde aromatique 313 est en effet envisageable. Enfin, les conditions basiques favorisent le clivage de la liaison O-O par réaction de Kornblum-DeLaMare sur le substrat 313, ce qui est également envisageable en milieu naturel, in vivo.

4.3.2. Essais sur les dérivés pimaranes 311 et 312

Encouragés par ces résultats, cette réaction monotope de Schenck-ène couplé à une réaction Kornblum-DeLaMare a été appliquée à nos autres substrats, à savoir le sandaracopimarate de méthyle 312 et l’isopimarate de méthyle 311 (Schéma 97). De manière satisfaisante, les conditions de Kamigaito sur 311 et 312 ont permis de fournir les cétones 317 et 318 avec 53 et 10% de rendements respectivement. Il se trouve que ces deux cétones 317 et 318 sont deux produits d’oxydation intéressants des dérivés pimaranes. Alors que 318 est un isomère nouveau d’un composé déjà synthétisé par plusieurs groupes de recherche dans le passé,205 la cétone 317 est un produit naturel isolé de Salvia fulgens et Salvia microphella.206 Cette cétone naturelle

317 a tout d’abord été obtenue par voie synthétique207 avant d’être isolée dans la nature,206

comme ce fut le cas pour la cétone aromatique 315 précédente. Egalement, il a été montré que cette cétone 317 peut-être synthétisée par biotransformation bactérienne de plusieurs espèces

201 T. F. Sanderson, US 2750369 19560612 1956.

202 D. F. Zinkel, Tappi 1975, 58 (2), 118-121.

203 Voir par exemple : a) V. A. Khan, V. I. Bol’shakova, E. N. Shmidt, Z. V. Dubovenko, V. A. Pentegova, Khimiya Prirodnykh Soedinenii 1983, 1, 110 ; (b) J. S. Mills, R. White, J. Laurence, Chem. Geology 1984, 47 (1-2), 15-39.

204 Pour une revue sur la bioactivité des abiétanes aromatiques : M. A. Gonzalez, Nat. Prod. Rep. 2015, 32 (5), 684-704.

205 (a) J. W. ApSimon, S. F. Hall, Can. J. Chem 1978, 56 (16), 2156-2162; (b) B. Papillaud, F. Tiffon, M. Tarran, B. Arreguy-San Miguel, B. Delmond, Tetrahedron 1985, 41 (10), 1845-1857; (c) M. John, S. Rudolph, E. Haslinger, Lieb. Annal. Chem. 1991, 9, 885-92; (d) A. F. Luzzio, Organic Reactions (Hoboken, NJ, United States)

1998, 53.

206 B. Esquivel, J. Cardenas, L. Rodriguez-Hahn, T. P. Ramamoorthy, J. Nat. Prod. 1987, 50, 738-740.

207 N. V. Avdyukova, E. N. Shmidt, V. A. Pentegova, Izvestiya Sibirskogo Otdeleniya Akademii Nauk SSSR, Seriya Khimicheskikh Nauk 1975, 5, 85-91

141 de Rhodococcus à partir de l’acide isopimarique 116.208 De ce fait, notre stratégie de synthèse de la cétone naturelle 317 renforce l’hypothèse de sa biosynthèse au travers une oxygénation photochimique en milieu basique de l’acide isopimarique 116.

Schéma 97. Transformations des ester 311 et 312 via les réactions Schenk-ène-Kornblum-DeLaMare ou Hock, et mécanismes réactionnels de réaction de Hock vers 319 et 320 (encadré)

En parallèle, le réarrangement de Hock a été testé en ajoutant du TFA à 0 °C après transformation complète des esters 311 et 312 en hydropéroxydes 313 et 314. Cette fois, les résultats ont été très satisfaisants car deux nouveaux aldéhydes 319 et 320 (en mélange 8:2 avec

319 provenant de l’auto-isomérisation de l’ester 312) ont pu être synthétisés avec 35 et 16% de

rendements respectifs (le mécanisme de formation de ces aldéhydes par réarrangement de Hock est détaillé dans l’encadré du Schéma 97). Comme mis en évidence précédemment, beaucoup de diterpènes oxygénés naturels isolés jusqu’ici ont été synthétisés dans un premier temps via une auto-oxydation ou une biotransformation des acides résiniques correspondants, avant d’être découverts dans la nature. Ainsi, bien que les aldéhydes 319 et 320 n’aient jamais été isolés

208 (a) V. V. Grishko, A. V. Vorob’ev, I. B. Ivshina, E. N. Shmidt, L. Pokrovskii, M. S. Kuyukina, G. A. Tolstikov, Khimiya v Interesakh Ustoichivogo Ravitiya 2000, 8 (5), 693-698; (b) A. V. Vorob’ev, V. Aleksei, V. V. Grishko, I. B. Ivshina, E. N. Schmidt, L. M. Pokorvskii, M. S. Kuyukina, G. A. Tolstikov, Mendeleev Communications

142 auparavant de source naturelle, ils pourraient être des produits naturels. De ce fait, la photo-oxygénation des acides résiniques naturels couplée aux réarrangements de Kornblum-DeLaMare et de Hock pourrait être une stratégie biomimétique valable non seulement pour accéder à nos entités synthétisées, mais aussi à d’autres diterpènes naturels anticipés.