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Chapitre 2 : Synthèse d’un lipide hémifluoré et étude de cristallisation 2D de

B. Stratégie de synthèse basée sur des précurseurs aromatiques polyhalogénés

1. Réaction de substitution nucléophile aromatique

La réaction de SNAr se déroule selon un mécanisme comportant deux étapes, qui ressemble beaucoup à celui d’une SEAr où l’on forme un ion arénium intermédiaire. Un nucléophile attaque le noyau aromatique en créant une liaison avec le centre portant un groupe partant et il se forme un intermédiaire chargé négativement se délocalisant sur le cycle par résonance qui est appelé complexe de Meisenheimer lorsqu’on tient compte de la répartition globale de la charge sur le cycle (Schéma 3-32).

X Nu X Nu Nu - X rapide X + Nu lent X Nu X Nu Complexe Meisenheimer

Schéma 3-32 : Mécanisme de la substitution nucléophile aromatique.

La vitesse de la réaction déterminée par l’étape d’addition va dépendre du solvant, de la nature du nucléofuge X -, du nucléophile Nu - et surtout de la présence de groupements électroattracteurs en position ortho ou para du nucléofuge sur le cycle.

Ainsi, selon la force de l’effet inductif –I du nucléofuge, la densité électronique plus ou moins importante du centre carboné portant le nucléofuge va donc gouverner la facilité du nucléophile à s’additionner. On retrouve donc des pouvoirs nucléofuges inversés des halogénures en série aromatique (F > Cl > Br > I) pour une SNAr.

Le raisonnement est identique lorsque le noyau aromatique porte des groupements électroattracteurs qui abaissent également la densité électronique du cycle, et ont pour effet de favoriser l’attaque nucléophile en stabilisant le complexe de Meisenheimer intermédiaire.

Les anions thiolates qui ont été beaucoup étudiés, se sont montrés particulièrement efficaces pour réaliser les persubstitutions de composés aromatiques polyhalogénés (C6F6,

C6Br6, C6Cl6) avec des solvants hautement polaires dans des conditions douces89. Bien que les thiolates soient des groupements électrodonneurs, la réaction de polysubstitution par ces derniers est possible grâce à l’augmentation du nombre de substituants thioalkyles sur le cycle qui ont un effet stabilisant de la charge négative en α des atomes de soufre et donc de l’état de transition.

La nature du solvant est primordiale pour mener complètement à bien ce type de réaction. Ainsi, les solvants moins polaires tels que la pyridine, ou les solvants protiques tel que l’éthanol, conduisent souvent à la substitution partielle des composés aromatiques perhalogénés par des thiolates d’alkyle en donnant des rendements médiocres qui de plus nécessitent l’utilisation de températures élevées90.

D’un autre côté, l’utilisation des solvants polaires aprotiques comme le DMF91, le DMSO92, la N-méthyl-2-pyrrolidinone (NMP)93, le HMPT94 ou encore le 1,3-diméthyl-2-imidazolidinone (DMI)95 comme substitut du HMPA96 toxique, permet la substitution des halogénures d’aryles aussi bien activés que désactivés par les anions thiolates dans des conditions douces de température (20°C).

Dans ce contexte, plusieurs cavitands ont été conçus sur la base de structures dérivées de noyaux benzéniques persulfurés mixtes issus de la persubstitution sélective des halogénures de l’intermédiaire clé 1,3,5-tribromo-2,4,6-trifluorobenzène97. Le déplacement chemiosélectif des atomes de Br par rapport à F a été exploité grâce à des arylthiocuprates à 140°C dans le DMF. L’intermédiaire formé est ensuite mis en réaction avec des anions thiolates appropriés pour conduire aux dérivés benzéniques persulfurés mixtes.

Nous avons donc préparé le 1,3,5-tribromo-2,4,6-trifluorobenzène 26 avec un rendement de 94% en réalisant la bromation du 1,3,5-trifluorobenzène avec un excès de Br2 et en présence d’une quantité catalytique d’aluminium pour générer in situ l’acide de Lewis AlBr3 (Schéma 3-33).

89 F. Maiolo, L. Testaferri, M. Tiecco, M. Tingoli, J. Org. Chem., 1981, 46, 3070-3073 ; D.D. MacNicol, P.R. Mallinson, A. Murphy and G.J. Sym, Tet. Lett., 1982, 23, 4131-4134 ; R.D. Chambers, M.J. Seabury, D.L.H. Williams and N. Hughes, J. Chem. Soc., Perkin Trans., 1988, 1, 255-257 ; G.G. Yakobson and V.M. Vlasov,

Synthesis, 1976, 652-672 ; L.S. Kobrina, Fluorine Chem. Rev., 1974, 7, 1-114..

90 S.D. Pastor and E.T. Hessell, J. Org. Chem., 1985, 50, 4812-4815 ; M. Kulka, J. Org. Chem., 1959, 24, 235-237 ; M.E. Peach and A.M. Smith, J. Fluorine Chem., 1974, 4, 399-408.

91

L. Testaferri, M. Tiecco, M. Tingoli, D. Chianelli and M. Montanucci, Synthesis, 1983, 751-755. 92 J.S. Bradshaw, J.A. South, and R.H. Hales, J. Org. Chem., 1972, 37, 2381-2383.

93 A.J. Caruso, A.M. Colley and G.I. Bryant, J. Org. Chem., 1991, 56, 862-865. 94

M. Testaferri, M. Tingoli and M. Tiecco, J. Org. Chem., 1980, 45, 4376-4380.

95 D.D. MacNicol, P.R. Mallinson, A. Murphy and G.J. Sym, Tet. Lett., 1982, 23, 4131-4134. 96 H. Suzuki, H. Abe and A. Osuka, Chem. Lett., 1980, 1363.

97 T.D.P. Stack, J.A. Weigel and R.H. Holm, Inorg. Chem., 1990, 29, 3745-3760 ; T.D. P. Stack and R.H. Holm,

F F F F F F Br Br Br Br2, Al cat. 50°C 26 94%

Schéma 3-33 : Schéma de synthèse de la bromation du 1,3,5-trifluorobenzène.

En parallèle, nous avons préparé le thiocuprate C8H17SCu au reflux dans EtOH à partir de l’octane thiol et de 0,5 éq de dioxyde de cuivre en suspension (Schéma 3-34).

C8H17SH

EtOH, ∆

Cu2O

95%

C8H17SCu

Schéma 3-34 : Schéma de synthèse de la formation du thiocuprate C8H17SCu.

Après 5 jours de reflux, on observe la disparition de l’octane thiol dans le milieu réactionnel et récupère le thiocuprate C8H17SCu directement par filtration sans traitement avec un rendement de 95%.

Cependant, le composé 26 en présence de 4,5 éq de C8H17SCu à 140°C dans le DMF n’a donné aucune réaction même après un chauffage prolongé sur une période de 5 jours. On récupère majoritairement le disulfure RSSR en fin d’expérience.

Quelles que soient les conditions utilisées, les essais en présence de thiocuprates n’ont pas conduit au composé désiré. Il semble donc que la réactivité des alkylthiocuprates ne soit pas aussi forte que celle décrite avec des arylthiocuprates utilisés dans la préparation des cavitands. Il est aussi probable que la liaison S-Cu soit assez importante pour ainsi limiter la nucléophilie de l’atome de soufre.

Cette hypothèse a également pu être vérifié puisqu’il nous a été impossible de substituer efficacement tous les atomes de chlore du 1,3,5-trichlorobenzène commercial par les thiocuprates C8H17SCu que ce soit en chauffant le milieu réactionnel à 160°C pendant 24 h ou bien en activant la réaction par les micro-ondes.

Ces échecs nous ont conduit à mener la réaction de SNAr à partir de thiolates de sodium afin d’avoir une charge nette et une nucléophilie plus importante de l’atome de soufre. Les thiolates sont préparés assez aisément en utilisant une base appropriée suffisamment forte pour déplacer l’équilibre acido-basique et déprotoner le thiol. Les thiols (pKa = 10-11) sont

plus acides que les alcools (15-17) et leur déprotonation par les alcoolates est donc théoriquement aisée (Schéma 3-35 et Tableau 3-16).

Cl Cl Cl Solvant Conditions S 7 S S 7 7 Base C8H17SH 27

Schéma 3-35 : Schéma de synthèse de la réaction de SNAr du 1,3,5-trichlorobenzène par des thiolates d’octyle.

Essai C8H17SH Base Solvant Conditions Résultat

1 4,5 éq MeONa, 4,5 éq DMF Reflux, 40 h Disulfure RSSR + Produit monosubstitué 3 3,5 éq MeONa, 3,5 éq DMF Micro-ondes, 130°C, 20 min Echec 2 4,5 éq tBuOK, 4,5 éq DMF 150°C, 24 h 37%

4 12 éq NaH 60%, 12 éq DMI TA, 24 h puis

50°C, 16 h 97%

Tableau 3-16 : Essais de SNAr du 1,3,5-trichlorobenzène par des thiolates d’octyle.

Dans un premier temps, nous avons utilisé du MeONa pour générer le thiolate d’octyle mais sa réaction avec le 1,3,5-trichlorobenzène au reflux du DMF pendant 40 h a produit du disulfure et le dérivé de monosubstitution. L’activation de la réaction aux micro-ondes n’a apporté aucune amélioration. Nous obtenons un mélange complexe de dégradation ne comportant aucune trace du produit attendu 27.

Nous avons tout de même réussi à obtenir le produit attendu avec un rendement médiocre de 37% avec le tBuOK comme base en chauffant à 150°C dans le DMF pendant 24 h. Ce rendement a pu être fortement amélioré (97%) en utilisant un large excès de NaH et d’octane thiol (12 éq) et en menant l’expérience dans un solvant très polaire, le DMI avec un chauffage modéré à 50°C. Concernant le spectre RMN 1H du composé 27 dans le CDCl3, on peut noter que les protons ArSCH2 se situent à 2,9 ppm tandis que pour l’analogue triéther 12, les protons ArOCH2 sont plus déblindés à 3,9 ppm. On observe les protons aromatiques CHAr

Par curiosité, nous avons essayé de faire réagir plusieurs électrophiles sur l’analogue thioéther 27 pour réaliser des réactions de SEAr dans des conditions similaires à celles effectuées sur le 1,3,5-trioctyloxybenzène 12. La réactivité du dérivé thioéther 27 est bien plus faible que celle de son homologue éther 12 puisque nous n’observons aucune conversion du produit de départ quelles que soient les conditions de SEAr testées (Tableau 3-17).

Essai Electrophile Solvant Acide de Lewis Conditions Résultat

1 Acrylate de méthyle Acrylate de

méthyle BF3.Et2O, 17 éq TA, 18 h -

2 Acrylate de méthyle, 6 éq CS2 AlCl3, 7 éq TA, 16 h -

3 BrCH2CO2Et, 3 éq CS2 AlCl3, 6 éq TA, 20 h -

4 Bromure d’allyle, 3 éq CS2 AlCl3, 4 éq 0°C puis

TA, 14 h -

Tableau 3-17 : Essais de SEAr de différents électrophiles sur le dérivé thioéther 27.

2. Couplage de Sonogashira sur des dérivés aromatiques polyhalogénés