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Les règles d’interprétation émotionnelle

2. Modèle de Bower et Cohen (1982)

2.2. L’influence des émotions sur la mémoire et la pensée : données et

2.2.9. Les règles d’interprétation émotionnelle

Selon Bower et Cohen, la partie la plus importante du système d’évaluation est la connaissance de l’interprétation de l’émotion qu’ils formalisée sous forme de nombreuses règles E-I ou productions. Celles-ci spécifient pour une interprétation cognitive donnée, une évaluation émotionnelle appropriée. Chaque règle a un côté gauche (LHS pour left-hand side) qui représente une interprétation cognitive, et un côté droit (RHS pour right-hand side) qui spécifie une altération d’une ou plus d’émotions. De telles règles E-I peuvent avoir des conditions subtiles et des résultats. Puisque les règles E-I hautement spécifiques décrivent des événements particuliers (tel que un tyran frappant une victime) dans leur LHS, les auteurs pensent que comme certaines règles E-I sont généralisées, leur LHS viennent spécifier les buts et les motivations. Ils pensent qu’il existe une catégorie d’événements, appelés

« événements buts », qui comprend les buts d’achèvement, de blocage ou de frustration, d’abandon, de séparation, de conflit, etc. Ces événements buts sont présents dans le LHS des règles générales, et l’émotion en résulte quand ils sont exprimés sous forme d’instanciation.

Bower et Cohen croient que l’individu maintient un grand nombre de buts fondamentaux, tel que développer son bien-être, mais aussi des buts plus spécifiques qui sont activés lorsqu’il travaille sur un problème spécifique.

Les E-I peuvent être organisées hiérarchiquement selon le caractère général de leurs conditions déclenchantes, et leurs LHS. Elles peuvent aussi être organisées par la sophistication de l’interprétation cognitive exigée pour équilibrer leurs LHS. Par exemple, un bruit fort inattendu provoque un stimulus immédiat pour lequel même les nourrissons ont une production émotionnelle.

Par ailleurs, des remarques sociales (ambiguës) demandent un traitement subtil pour déterminer si on a été complimenté ou insulté.

Les LHS de règles E-I sont des descriptions partielles d’un certain état du monde, si bien que l’interprétation cognitive a besoin de produire cette information. La connaissance impliquée dans l’interprétation cognitive dresse la carte des stimuli externes pour une représentation interne du monde ; Les règles E-I dressent la carte de ces représentations internes pour les réactions émotionnelles. La connaissance utilisée dans l’interprétation cognitive nous dit ce qui arrive sur et dans le monde ; les règles E-I nous disent comment nous le ressentons. Il est intéressant de noter que contrairement aux interprétations émotionnelles, les interprétations cognitives peuvent être contestées ; une perception peut être déniée, mais pas un sentiment. L’interprétation émotionnelle est subjective. Bien que certaines règles communes, générales, existent, l’individu en sécurité se différencie dans une certaine mesure dans son stock de règles E-I.

La plupart des règles E-I sont apprises, et certaines sont idiosyncrasiques.

Cependant, selon Bower et Cohen, beaucoup de comportements primitifs et adaptatifs peuvent être façonnés par des règles E-I innées. Par exemple, presque tout le monde – des nourrissons aux adultes – sera troublé par des bruits très forts et inattendus ; il en est de même pour toutes expériences de frustration quand un but est mis en échec. Entre les règles E-I idiosyncrasiques et les règles d’usages, il y a donc une variété de règles qui sont culturellement apprises.

Bower et Cohen pensent que les règles E-I ne spécifieraient pas un état émotionnel complet dans leurs RHS, mais plutôt un ajustement au niveau courant d’une émotion spécifiée, tel l’accroissement de la peur ou la diminution de la joie. L’état émotionnel courant d’une personne est décrit comme le niveau

d’activation d’une série de N émotion tels que la peur, a colère, la joie, la tristesse, le dégoût, etc. Dans ce cas n’importe quel état peut être représenté par un vecteur 1xN valeurs d’intensité, variant sur une échelle de 0 à 1. Une règle E-I accroît ou diminue une ou plusieurs émotions par un opérateur linéaire associé.

Bower et Cohen expliquent qu’en admettant les valeurs N émotions à des niveaux différents le modèle peut négocier avec le phénomène des émotions ambivalentes et mixtes, conflictuelles. Le processeur central pouvant rendre compte du niveau d’activation de n’importe quelle émotion, et comportement passager sera sélectionné habituellement par l’émotion la plus forte. Si plusieurs émotions peuvent être satisfaites par un comportement, alors ce comportement sera favorisé par la somme de leurs forces. A noter que les émotions conflictuelles interagissent ; par exemple, la peur inhibe la joie, la peur inhibe la colère, etc. Ainsi, quand la situation cognitive change et une émotion est accrue, un processus d’ajustement dynamique des autres émotions peut être lancé pour faire face à cette perturbation.

En résumé, disons que l’apprentissage est une fonction essentielle, sinon la seule qui soit vraiment indispensable à l’adaptation à l’environnement.

Contrairement à la psychologie behaviouriste, parfois qualifiée de psychologie de la réaction à l’environnement, la psychologie cognitive agit dans l’environnement en formant des représentations et en transformant ces représentations en d’autres représentations.

C’est dans ce sens que le mot cognition se réfère à la pensée, à toutes les opérations mentales dans des domaines divers parmi lesquels on trouve l’analyse du phénomène émotionnel.

Le modèle de Bower s’inscrit dans cette démarche puisqu’il décrit les processus cognitifs impliqués dans l’activation automatique de représentations mentales à connotations affective. Selon Bower, l’état émotionnel d’un individu sert de filtre sélectif qui favorise l’apprentissage. Les traces mnésiques seraient organisées dans un réseau sémantique dans lequel il existerait en mémoire des nœuds émotions qui réunissent d’autres aspects de l’émotion qui sont connectés à elle par des liaisons associatives.

Les connexions nouvelles sont établies avec les concepts sémantiques et les schémas utilisés pour décrire les évènements. L’apprentissage consiste donc à établir les liaisons associatives et à augmenter leur force. Le modèle peut actualiser la structure d’un événement antérieur en le réinterprétant et en le réévaluant ; il rend ainsi possible, la détermination des causes de l’éveil émotionnel.

Bower évoque également un système de transfert d’apprentissage avec un pattern de reconnaissance cognitive à travers les sources de connaissance émotionnelle.

Le modèle de Tryon complète celui de Bower en abordant le traitement des émotions complexes (primaires, secondaires et tertiaires).

Ce chapitre de l’apprentissage du point de vue cognitiviste montre bien le lien entre cognition, émotion et comportement.

Les thérapies comportementales (du courant behaviouriste) a longtemps négligé une part importante de la dimension de l’esprit humain, à savoir l’importance du lien entre cognition et émotion et l’impact de cette dernière sur le comportement. Depuis Ellis et Beck, plusieurs chercheurs ont participé à l’avènement d’une psychologie cognitive « chaude » intégrant les processus émotionnels.

Chapitre II

Fondement des thérapies cognitivo-émotionnelles

La psychologie traditionnelle distingue les comportements, le cognitif et l’affect. La pratique clinique, d’abord comportementale est devenue ensuite Cognitivo-Comportementale. Jusqu’à Ellis et Beck, les émotions sont mal intégrées dans cette association. A la suite de ces deux auteurs, la recherche cognitive expérimentale fait des émotions un objet d’étude. C’est l’avènement d’une psychologie cognitive « chaude » intégrant les processus émotionnels (Anderson, 1972 ; Mandler, 1975 ; Bower, 1981, 1982).

Nous tentons de montrer dans ce travail l’existence d’une thérapie à la fois comportemento-cognitive et cognitivo-émotionnelle malgré la désignation initiale de thérapie cognitivo-émotionnelle.

I. Emotions : Les principales théories

L’accroissement récent du nombre de publications sur l’étude de l’interaction entre cognition et émotion montre que la composante émotionnelle, pour de plus en plus de chercheurs, devient indispensable à la compréhension des comportements. Cependant, la littérature fait souvent un usage peu rigoureux des termes « affect », « émotion » et « humeur ». Corson (2002) tente de délimiter les diverses acceptations de ces trois termes. Pour lui, le terme affect doit être envisagé comme un terme générique qui englobe à la fois les émotions et les humeurs. Un consensus semble s’être établi sur le fait que les émotions sont initiées par un objet, une situation ou acteur particulier et fréquemment dirigées vers un référent. Elles présentent de ce fait toutes les caractéristiques d’une réaction et sont donc généralement brèves et intenses. Les humeurs, au contraire, sont beaucoup moins spécifiques et plus générales. Il s’agit d’états affectifs plus envahissants, plus subtils, durables et beaucoup moins intenses comparés au choc que peut provoquer une émotion (Corson, 2002).

Cette moindre intensité fait que les humeurs ne provoquent pas, à l’inverse des émotions, de cassures ou d’interruption dans les comportements (Hänze & Hesse, 1993 ; Ellis & Moore, 1999). Enfin, les émotions impliquent également la prise en compte d’informations élaborées et conscientes concernant les antécédents et les conséquences des actions, alors que les humeurs correspondent à des états affectifs moins accessibles à la conscience (Forgas, 1999). Toutefois, le fait que les émotions, quelles qu’elles soient, drainent un état d’humeur latent qualitativement proche qui perdure au-delà de l’effet

émotionnel lui-même rend difficile une distinction aussi tranchée (Corson, 2002).

L’émotion est aussi habituellement considérée comme un sentiment ou une réaction induite par certains événements ou certaines pensées. Une émotion peut être plaisante ou désagréable. Un individu peut également avoir un mélange d’émotions plaisante et désagréable. Les gens ont plaisir à ressentir des émotions plaisantes, alors qu’ils essayent souvent d’éviter de ressentir les émotions désagréables. Cependant, ils ont souvent du mal à identifier leurs propres émotions. Bien que la plupart des personnes croient savoir ce qu’est une émotion, il n’existe pas encore de consensus chez les psychologues sur une définition qui s’applique à la fois aux êtres humains et aux animaux.

Les individus communiquent la plupart de leurs émotions au moyen de mots, expressions faciales, et gestes. Les gens apprennent des manières de montrer certaines de leurs émotions aux membres de leur société, bien que l’hérédité puisse déterminer certains comportements émotifs.

Plusieurs auteurs ont tenté de conceptualiser l’émotion pour caractériser les composantes, les déterminants, les effets sur le comportement ou encore sa fonction. On peut distinguer plusieurs courants de recherche qui s’inscrivent dans des domaines divers que nous tentons d’exposer de manière non exhaustive.

1. Schachter (1962)

Avec lui, commence les théories modernes sur l’émotion. Il propose une théorie à deux facteurs. Selon cette théorie, les deux facteurs qui déterminent différentes émotions sont les changements physiques du corps et l’attribution du sujet à ces changements. Cette théorie postule que les émotions résultent des interprétations des situations par le sujet après qu’il ait été physiologiquement stimulé.

Avec Singer, Schachter (1962) montre dans son étude classique que l’interaction des facteurs cognitifs et des états physiologiques détermine l’expérience émotionnelle. Selon les deux auteurs, deux principes fondamentaux permettent de justifier un modèle cognitif des émotions :

• Le contexte dans lequel les activations internes se produisent détermine si les gens interprètent ou non ces états d’activation comme étant des émotions. S’il existe d’autres possibilités d’explication de ces états, ils ne seront pas interprétés comme des émotions.

• L’émotion exacte ressentie par les gens qui perçoivent en eux un état émotif, dépendra du contexte dans lequel eux-mêmes se trouvent. En d’autres mots, la nature de l’émotion éprouvée peut être changée en modifiant les circonstances extérieures.

Une expérience est organisée sur ces principes avec essentiellement deux groupes de sujets qui ont reçu l’injection d’un activateur physiologique. Les deux groupes, informé et non informé ont des états d’activation interne identiques et sont placés dans un environnement identique.

Les résultats obtenus montrent que les sujets informés attribuent correctement les sensations internes à l’injection de l’activateur, alors que pour les sujets non informés ces sensations n’ont pas de sens, si ce n’est en fonction des conditions de l’expérience (environnement euphorique ou colérique).

Selon les auteurs, en l’absence d’explication, les sujets interprètent leurs émotions en fonction du contexte.

2. Leventhal (1980) et Bower (1981) : problématique des schémas.

« Le système schématique se développe très vite après la mise en action des premières connexions entre le système perceptif et le système de réponses corporelles. En effet, des récurrences entre des données perceptives et des patterns de réponses corporelles apparaissent. Par exemple, l’odeur du parfum de la mère peut être associé avec un pattern de détente et de bien-être physique chez le nouveau-né. Ces associations récurrentes sont enregistrées par l’individu et constituent une première forme de représentation émotionnelle ou schéma » (Philippot et al, 2002).

On peut donc dire que les schémas constituent à l’origine l’enregistrement des occurrences dans les liens entre indices perceptifs et réponses corporelles des expériences émotionnelles vécues par l’individu. Par la suite, s’établissent les liens avec le système propositionnel : l’activation conjointe et récurrente d’une information au niveau propositionnel et d’un schéma est intégré au schéma. Ce système de représentations obéit à une logique de contingence temporelle, c’est-à-dire que deux éléments sont connectés si seulement ils sont activés simultanément. Les expériences émotionnelles permettent à chaque individu de développer ses propres schémas. Ces schémas sont constitués sur la base d’expériences personnelles et concrètes, mais leur contenu peut être général, parce qu’ils sont souvent l’abstraction des récurrences communes à de nombreuses expériences semblables. Ils représentent un ensemble de connaissances implicites, non directement accessibles à la conscience. Ils sont activés de manière automatique et traitent rapidement l’information avec très

peu de ressources attentionnelles. Ce qui fait dire à Wheeler et ses collaborateurs (1997) que les processus activant les schémas sont anoétiques (sans conscience).

Le modèle général des processus émotionnels ou modèle cognitif des émotions, élaboré par Philippot (2002), suggère l’existence d’une sorte de

« double mémoire » servant de fondement à une théorie nommée la « théorie bi-mnésique ».

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