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montreraient négligents ». Dans un tel cas, ils « seraient alors privés de vin pendant 40 jours » et « le vidame ou le cellérier qui détourneraient la moindre part de ce qu’ils devaient leur attribuer de droit seraient soumis à pénitence, enfermés dans un monastère pendant une demi-année, au pain et à l’eau285 ». Le calendrier liturgique de Trétice peut ainsi se présenter comme un calendrier agricole, qui règlerait aussi le moment des collectes en provenance de chaque monastère286. Ces récoltes peuvent être constituées des fruits des récoltes de printemps, d’été ou d’hiver. C’est ce qui expliquerait la nécessité ou l’entente pour certaines églises de venir une seconde fois dans la cité afin de livrer le reste de leur contribution à l’église cathédrale. À la même époque se met effectivement en place le rôle des églises paroissiales chargées de percevoir les contributions des chrétiens à leur église.

Sur la question de l’espace, les GEA sont représentatives de l’ecclésiologie carolingienne qui développe l’articulation du lieu et des cadres territoriaux de l’institution ecclésiale, avec la distribution des différentes fonctions au sein de la société qui suppose une répartition des lieux à plusieurs échelles : le diocèse, le monastère ou la cité287. La logique de l’espace ecclésial décrit dans les GEA consiste alors en un réseau ou un circuit de pôles articulés et hiérarchisés entre eux : les monastères ainsi que leurs dépendances, qui sont eux-mêmes soumis à l’église cathédrale. Le diocèse d’Auxerre est ainsi représenté à l’image d’un circuit de lieux saints qui est composé de la somme des églises incluses dans les différents règlements liturgiques de ses évêques.

III. – Sanctifier l’espace

À la suite de la consécration, l’église subit un changement de nature. En effet, elle acquiert un statut particulier en étant ainsi confiée à Dieu, qui est conçu par la théologie catholique comme présent simultanément à tous les instants et dans tous les lieux. Selon

285 « Si uero tardi occurrerint, aut negligentes apparuerint, XL dies a uino abstineant. Vicedominus autem aut

cellararius, si quod iure eis ministrare debent in aliquo subtraxerint, retrusi in monasterium per annum dimidium pane et aqua contenti, debitam penitentiam persoluant », GEA, Trétice, p. 122-123.

286 Delaplace, « L’articulation entre les sources archéologiques et les sources écrites », p. 39-40. 287 Iogna-Prat, La Maison Dieu., p. 311.

99 cette conception, le lieu ecclésial est pensé comme « hors espace288 », à l’image du royaume de Dieu qui n’appartient pas à ce monde (non est de hoc mundo)289. La notion de lieu sacré est aussi réservée, à partir du IVe siècle, à l’autel, lieu où se déroule la célébration eucharistique, et, par extension, à l’édifice ecclésial290. Selon cette distinction, les lieux sacrés se différencient des espaces saints et le lieu ayant fait l’objet d’une dédicace ne correspond pas nécessairement à l’espace saint, qui est protégé par une sanction291.

L’espace ecclésial se caractérise par le fait d’être soustrait aux échanges constants qui affectent la possession de la terre par les laïcs. Ce retrait du monde laïc équivaut à une sanctification. Dans le Digeste, une compilation du droit romain réalisée à l’époque de l’empereur Justinien (527-565), le terme sanctus renvoie de fait aux biens qui relèvent du droit divin et qualifie en particulier ce qui bénéficie d’une sanction, ce qui est « défendu et protégé de l’atteinte des hommes292 ». La mise hors d’atteinte d’une terre devient implicite dans le fait même de donner celle-ci à l’Église locale. En effet, au contraire des laïcs et de l’Église primitive, l’Église médiévale s’attache à accumuler et à transformer les terres ecclésiales stabilisées sous sa seule et unique domination. Elle prélève de ces terres des dons qu’elle consacre à l’édification d’églises, que les rites de dédicace contribuent notamment à distinguer du reste des constructions. Progressivement, la société se spiritualise et la cité de Dieu sur terre devient dans les GEA une réalité tangible.

Dans les GEA, l’acquisition de terres par les évêques d’Auxerre a ceci de particulier qu’elle est fortement valorisée dans un sens, notamment celui qui contribue à accroître l’espace occupé par l’Église d’Auxerre et les possessions de cette dernière. C’est le cas des échanges de terres réalisés par les évêques où il n’est jamais fait état de ce qui est cédé par ces derniers. Selon la même logique, les montants payés par les évêques pour les achats de

288 Sur la différence fondamentale entre espace laïc et espace ecclésial, voir Guerreau, « Quelques caractères

spécifiques de l’espace féodal européen », p. 95-96.

289 « Jesus respondit : regnum meum non est de hoc mundo. Si ex hoc mundo esset regnum meum ministri mei

utique decertarent ut non tradere Judaeis, nunc autem regnum meum non est hinc », Jean 18-36.

290 Guerreau, « Quelques caractères spécifiques de l’espace féodal européen », p. 98.

291 Michel Lauwers, « Le cimetière dans le Moyen Âge latin. Lieu sacré, saint et religieux », dans Annales.

Histoire, Sciences Sociales, 54,5 (1999), p. 1059.

292 Dig., I, 8, 8. Sur la distinction entre saint et sacré, Lauwers, « Le cimetière dans le Moyen Âge latin »,

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terres ne sont pas davantage précisés, comme pour « la petite terre appelée Necariola, que Didier avait achetée (pretio comparauit) à la moniale Empérie, ainsi que ses bâtiments, esclaves, terres, prés, forêts et toutes ses autres dépendances » et qu’il avait cédée « au monastère de femmes construit en l’honneur du seigneur Martin (in honore Martini domni), au-delà de l’Yonne293 ». L’emploi de verbes tels que mutare ou commutare pour désigner l’échange de terres ou de biens renvoie aussi, dans le vocabulaire chrétien, aux transformations de biens matériels effectuées par les clercs, jusqu’aux espèces eucharistiques, au pain qui change de nature pour devenir le corps du Christ294. L’espace ecclésial change de nature. Il apparaît comme un endroit distinct, spécifique et protégé.

Les terres données à l’Église locale sont considérées comme inaliénables. Le terme même de commutatio possède en effet une valeur définitive et désigne l’échange ou la transformation sur laquelle il est difficile, voire impossible de revenir295. Le testament de Didier l’évoque explicitement. Les terres de Brienne, près de Nitry, et d’Accolay sont données « en possession perpétuelle, à l’église susdite pour le remède de notre âme, pour l’église elle-même et pour les desservants de ce lieu296 ». Dans le même sens, l’espace des terres saintes ne dépend pas non plus de la mémoire des hommes. Germain donne ainsi : « beaucoup d’autres [domaines] qui, bien qu’inconnus de nous autres modernes, sont tous connus de Dieu297 ». L’espace ecclésial apparaît ainsi dans les GEA comme étroitement lié à l’écriture d’une histoire sainte des évêques pour le IXe siècle298.

Néanmoins, les terres qui appartiennent à l’Église d’Auxerre peuvent encore circuler, notamment si l’Église décide d’utiliser la donation en précaire. La précaire désigne

293 « Monasterio puellarum, quod in honore domni Martini ultra fluuium Ichaune est constructum, agellum

qui appellatur Necariola, quem de Emperia sanctimoniali femina dato pretio comparauit, cum edificiis, mancipiis, terris, pratis, siluis, ac ceteris appendiciis suis », GEA, Didier, p. 104-105.

294 Iogna-Prat, « Préparer l’au-delà, gérer l’ici-bas », p. 68 et Isabelle Rosé « Commutatio. Le vocabulaire de

l’échange chrétien au haut Moyen Âge », dans Jean-Pierre Devroey, Laurent Feller et Régine le Jan (dir.) Les

élites et la richesse au haut Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2010, p. 113.

295 Isabelle Rosé « Commutatio », p. 117.

296 « ad iam dictam basilicam pro anime nostre remedio decreuimus esse donatos, ad ipsam basilicam, uel

ibidem deseruientibus perpetualiter possidendos », GEA, Didier, p. 106-107.

297 « Multa denique et alia que nobis modernis incognita, Deo uero sunt omnia nota », GEA, Germain,

p. 36-37.

101 l’entente conclue entre un supérieur et un inférieur, à la demande expresse de ce dernier, pour la concession ou le bénéfice d’une terre et des hommes qui y sont attachés299. Le contrat est d’une durée limitée et se termine en général à la mort du demandeur. La personne qui désire s’agréger à l’Église abandonne ainsi, par un acte de donation, une partie de ses biens à l’Église locale et elle demande aussitôt à les reprendre en bénéfice, augmentés de quelques biens supplémentaires. Elle paie également un cens recognitif, censé rappeler les obligations du demandeur, et l’ensemble des biens donnés et reçus entre ou rentre sous la domination de l’Église à la fin du contrat. La notice d’Angelelme rappelle en ce sens que « comme certains biens, donnés en bénéfice (beneficium), ne pouvaient être repris immédiatement, on [l’assemblée réunie par l’empereur Louis le Pieux] décida que, au décès de leurs possesseurs, les chanoines les récupéreraient sans délai à leur usage300 ». Auparavant, Charles Martel renverse cet ordre pour obtenir, par la force, des terres pour ses soldats301. La notice d’Aidulf signale à cet effet que « de son temps, des biens d’Église (res

ecclesiasticæ), qui avaient été soustraits au pouvoir épiscopal (episcoporum potestate) par

le prince Charles, passèrent sous domination séculière (dominatum secularium)302 ». Les terres obtenues par Charles perdent alors leur sanctification qui interdisait la mainmise d’un laïc sur ces dernières. La notice d’Aidulf évoque explicitement cet abaissement des terres de l’Église dans l’usage du terme humiliatio pour évoquer cette dégradation : « le fervent pontife souffrit presque à en mourir de cette humiliation (humiliationem) de son Église, à tel point que, atteint de paralysie, il fut privé de toutes ses capacités physiques303 ». La possession de la terre par l’Église d’Auxerre est ainsi présentée comme indissociable du corps social des évêques. La personne de l’évêque est conçue comme une image de l’Église et les terres comme des membres constitutifs de l’Église. Leur perte équivaut à la perte d’un membre de la personne de l’évêque, d’où la mention sur la paralysie affectant Aidulf. Les

299 Michel Parisse, « Précaire », dans Claude Gauvard, Alain de Libera et Michel Zink (dir.), Dictionnaire du

Moyen Âge, Paris, PUF, 2002, p. 1136.

300 « Et quia quedam beneficiata erant que protinus auferri non poterant, decretum est ut illis decedentibus

continuo canonici in suos reflecterent usus », GEA, Angelelme, p. 144-147.

301 Parisse, « Précaire », p. 1136.

302 « Eius tempore res ecclesiasticæ, ab episcoporum potestate per eundem principem abstracte, in

dominatum secularium cesserunt », GEA, Aidulf, p. 136-137.

303 « Eius tempore res ecclesiasticæ, ab episcoporum potestate per eundem principem abstracte, in

dominatum secularium cesserunt. […] Quam ecclesiæ humiliationem idem religiosus pontifex pene exitialiter doluit, adeo ut paralisis morbo correptus, uniuersis sui corporis offitiis priuaretur », GEA, Aidulf,

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perceptions sur la précaire continuent d’évoluer au cours du IXe siècle. Considérée comme normale au VIIIe siècle, la précaire est moins bien perçue au moment de la rédaction des GEA. L’Église veut alors mettre fin à ces pratiques dans le but de contrôler totalement ses terres. La notice de Maurin mentionne à cet effet que Charlemagne a consenti à émettre : « un précepte d’autorité royale, selon lequel l’évêque rentrerait en possession de tous les biens de l’Église (res æcclesiasticas) à la mort de chacun de leurs détenteurs. C’est ainsi qu’avec l’aide de Dieu l’affaire tourna si bien qu’en moins de deux ans il ne restait presqu’aucun détenteur abusif (contra licitum) de possessions ecclésiastiques (predia

æcclesiastica)304 ». Le passage fait allusion aux terres saisies par Charles Martel et données en récompense à ses soldats. Il renvoie à un autre document, en l’occurrence le précepte d’autorité royale émis par Charlemagne, pour appuyer ses revendications dans la défense des biens d’Église (res ecclesiasticæ), ce qui constitue un des objectifs essentiels des gesta

episcoporum305. La perception négative des clercs sur la précaire est pour sa part soulignée dans l’usage de l’expression contra licitum, qui peut se traduire par « contraire à ce qui est permis ».

Outre la protection implicite dans le fait de donner une terre à l’Église locale et de la soustraire aux échanges entre laïcs, la sanctification est parfois accompagnée de protections explicites sous la forme d’immunités et de privilèges. Aussi, depuis le triomphe du christianisme au cours du IVe siècle, le droit civil s’emploie à fixer les limites des atteintes du pouvoir impérial sur le lieu saint. D’où la naissance du statut immune des églises reconnu officiellement par les constitutions impériales de 419 et de 431, qui prescrivent d’étendre la sanctitas au-delà du seul autel306. Le sort des esclaves ou des fugitifs en fuite est ainsi réglé dans la reconnaissance officielle du droit au refuge dans une église ou dans son périmètre307. Le statut immune du lieu saint, retiré du monde et inviolable, est bien

304 « Annuit benignitas principis, et ut decendentibus singulis qui tunc res æcclesiasticas obtinebant paulatim

cuncta reciperet precepto regie auctoritatis edixit. Sicque annuente Deo, res prospere cessit, ut fere intra biennium nullus pene eorum restiterit, quibus predia æcclesiastica contra licitum deseruiebant », GEA,

Maurin, p. 138-139.

305 Sot, Gesta episcoporum, gesta abbatum, p. 49-50.

306 Lauwers, « Le cimetière dans le Moyen Âge latin », p. 1056.

307 Ibid. C’est aussi la thèse d’Anne Ducloux dans Ad ecclesiam confugere. Naissance du droit d’asile dans

103 affirmé dans la notice d’Aunaire qui mentionne les deux conciles de Mâcon I (583) et de Mâcon II (585). Les auteurs des GEA retiennent de ce dernier concile les canons 10 et 8 et insistent sur l’importance de ceux-ci en mentionnant que les choses essentielles au bien et aux intérêts de la sainte Église de Dieu ont été réparties dans ces deux canons308. Le canon 10 stipule que le clergé, depuis l’évêque jusqu’au sous-diacre, ne peut être arraché à son église et qu’une éventuelle plainte à l’encontre d’un clerc doit être soumise à la seule justice épiscopale. Le second canon affirme la même chose, mais dans le cas d’un fugitif réfugié dans l’église. Le rappel de ces deux canons du second concile de Mâcon permet d’insister sur le rôle de protecteur ou d’accueil de l’évêque ainsi que sur la notion d’inviolabilité du lieu ecclésial et de son clergé défini en des termes qui le sanctifie et le distingue du reste. Cette dichotomie spatiale, entre espace clérical et laïc, repose effectivement sur la stabilité des terres concédées à l’église, qui ne peuvent plus par la suite changer de main, au contraire des terres laïques qui sont échangées en permanence. Elle se fonde aussi sur l’ancrage terrestre permanent de l’église, en tant qu’institution et monument, à une époque où les établissements laïcs sont constamment déplacés ou réorganisés.

L’espace ecclésial d’Auxerre est aussi marqué par les constructions d’églises que l’inclusion des reliques en leur sein contribue à distinguer du reste des monuments de la ville. Le récit de la notice de Germain, qui décrit le retour des reliques de Saint-Albans, depuis l’Angleterre jusqu’à Auxerre, permet d’insister sur le rôle des corps saints dans la fondation d’une église : « il [Germain] édifia encore une église au martyr saint Albans, dans les murs de la ville, qu’il dédicaça (dedicauit) en son honneur (in honore eiusdem) et où il installa solennellement ses reliques (reliquiasque), qu’il avait rapportées de Bretagne309 ». Le rite de la dédicace évoqué dans cet extrait marque l’entrée en fonction d’une église dédiée en l’honneur d’un saint particulier (dedicare, inaugurer, commencer). Cela se traduit dans un lien indissociable entre lieu, évêques et saints dans la constitution d’une topographie chrétienne à Auxerre. Le verbe dedicare, dont le sens commun est « tirer

308 « ubi etiam honesta queque atque utillima sancte Dei ecclesie pertractantes, maxima uero in X et VIII

capitulis diuiserunt », GEA, Aunaire, p. 68-69.

309 « Fecit et basilicam sancti Albani martyris infra muros ipsius urbis quam in honore eiusdem martyris

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ou retirer de l’usage profane310 », exprime cette dichotomie essentielle au récit des GEA entre ce qui relève du céleste et ce qui relève du terrestre. Le sens de dedicare concerne également la personne du chrétien qui devient notamment saint quand il se « donne » ou se « dédie » dans le martyre ou le sacrifice de soi311, à l’image de saint Alban dont la présence du corps dans l’église contribue à sanctifier le lieu. Étienne, le premier martyr du christianisme et le saint auquel est dédiée la cathédrale d’Auxerre, est aussi qualifié de « primus dedicator du martyre céleste » parce qu’il ouvre la voie à la pratique du sacrifice de soi et qu’il inaugure une nouvelle tradition, à la manière de la dédicace qui inaugure une nouvelle église. La présence du corps saint sous l’autel fait l’efficacité du lieu sacré. Les reliques permettent un point de contact permanent avec l’au-delà, avec l’esprit du saint qui est au ciel, mais les restes de son corps qui demeurent sur terre.

IV. – Conclusion

La présence et l’importance du modèle romain se perçoivent dans les représentations spatiales du diocèse d’Auxerre qui remontent jusqu’aux origines chrétiennes pour présenter le rôle essentiel assumé par le pape de même que la transmission des pouvoirs des évêques depuis les apôtres. Le rapprochement entre Rome et Auxerre s’articule aussi aux notions de

caritas et d’unitas qui caractérisent les structures de l’Ecclesia. Dans le même sens,

l’exemple de la translation du corps de Germain depuis Ravenne jusqu’à Auxerre suscite une unité particulièrement forte en plus de créer un lien tout aussi solide entre les deux pôles ecclésiaux, ce que les échanges épistolaires entre les deux Églises viennent confirmer.

La mise en place d’une topographie chrétienne à Auxerre se concentre autour des lieux des sépultures des saints évêques de l’endroit, en particulier autour des deux pôles situés à l’extérieur des murs de la cité, sur des collines au sud-ouest et au nord. Avec un réseau d’églises situées en périphéries, ils contribuent dès le IVe siècle à la défense de la ville grâce à une analogie qui assimile les saints à des gardiens ou des protecteurs. À la même

310 Iogna-Prat, La Maison Dieu, p. 262. 311 Ibid., p. 263.

105 époque, la ville d’Auxerre se déplace sur un site en hauteur et s’entoure de murs. L’espace extérieur, placé sous l’influence des évêques d’Auxerre, est aussi organisé dans deux règlements liturgiques qui ont pour traits communs de présenter un circuit et de créer une succession de liens et de déplacements vers un pôle essentiel, le siège épiscopal de la cathédrale Saint-Étienne, qui soumet sous sa domination à la fois l’espace périphérique et les hommes qui l’habitent. Une telle conception de l’espace rend notamment explicite le concept de dominium pour qualifier le pouvoir de l’évêque qui s’exerce sur la terre et sur les hommes.

La croissance continue de cette domination de l’Église sur l’espace conduit à considérer le phénomène de la spiritualisation des terres grâce aux dons destinés à l’Église locale, lequel est lui-même lié à la mise par écrit d’une histoire sainte des évêques dans les GEA. Chaque terre donnée à l’Église acquiert un statut particulier et devient sanctifiée du fait de la stabilité particulière qui la caractérise alors qu’elle est retirée des réseaux d’échanges qui affectent habituellement les terres au haut Moyen Âge. En outre, la construction d’églises, qui sont distinguées et sacralisées par des murs et la présence des reliques, crée autant de pôles d’intérêts pour la communauté et le clergé, ces derniers étant représentés en déplacement ou en cheminement perpétuel. Au fil des transformations de l’espace ecclésial, la topographie chrétienne d’Auxerre devient donc le reflet spatial de la croyance chrétienne selon laquelle l’Ecclesia est une communauté unique embrassant tous les saints, les vivants et les morts qui, réunie en un même lieu, chemine ensemble vers la fin de son histoire.

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Conclusion

Les GEA réorganisent le passé de la communauté chrétienne d’Auxerre pour lier le développement de celle-ci aux qualités du corps épiscopal. Pour ce faire, le texte introduit

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