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Quid de la réorientation ?

Questions sur le ressenti des élèves

Après un trimestre en Lycée Professionnel : comment vous sentez-vous ? Je me sens plus à l’aise qu’au collège (entourez) : dans mon établissement / avec mes professeurs/ dans ma classe / dans les matières générales / parce que je prépare un diplôme concret / autre : ………

Je ne me sens pas plus à l’aise qu’au collège.

Plus à l'aise qu’au collège Pas plus à l'aise qu’au collège 2nde CAP Préparation

Le constat est sans appel : la plus grande partie des élèves se sent beaucoup plus à l’aise qu’au collège. Les raisons sont multiples, et les élèves n’ont pas toujours entouré la justification sur le questionnaire. Pour autant, on peut constater que les critères nécessaires au sentiment de sécurité des élèves sont tous cités à part égale.

Les élèves se sentent plus à l’aise qu’auparavant dans leur établissement, avec leurs professeurs, dans leurs classes ainsi que dans les disciplines d’enseignement général.

Quid de la réorientation ?

La dernière partie du questionnaire voulait rendre compte du travail de réorientation effectué lors du 1er trimestre, d’autant que désormais les élèves bénéficient « d’un

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Avez-vous envie de vous réorienter ? Oui Non Si oui, pour faire quoi ?

Si oui, savez-vous comment vous y prendre ? Oui Non Avez-vous fait les démarches nécessaires ? Oui Non

Seuls 7 élèves du secteur tertiaire et 4 élèves du secteur industriel font état d’un désir de réorientation. Quatre élèves de la section « GA » désirent basculer sur une filière

« commerce », « restauration », « ASSP » (accompagnement, soins et services à la personne) ou « accueil ». Deux élèves de la filière « systèmes numériques » désirent toujours aller en lycée général. Deux élèves du baccalauréat professionnel

« commerce » souhaitent faire de « l’art appliqué » (il n’existe pas de baccalauréat portant ce titre, on peut supposer que ces élèves-là n’ont pas effectué de recherches plus précises autour du désir évoqué). Aucun d’entre eux n’a effectué les démarches nécessaires à l’accomplissement de leur projet. Les élèves ayant déclaré dans le questionnaire ne pas être satisfaits de leur formation ne font état, pour la quasi-totalité, d’aucune envie de réorientation.

Plusieurs questions se posent alors : pourquoi des élèves exprimant à plusieurs reprises le fait de ne pas être dans la filière souhaitée ne font-ils au final aucune démarche pour être réorientés ? Est-ce parce qu’ils ne sont pas suffisamment accompagnés en ce sens ? En effet, ils ont souvent une idée floue de ce qui les intéresse et peinent à trouver de l’aide pour clarifier leurs envies et leurs projets. Est-ce parEst-ce qu’une fois qu’ils sont dans leur routine scolaire ils n’ont plus le temps de se préoccuper de cela ? Est-ce parce qu’ils n’ont plus confiance dans le système d’orientation et préfèrent valider un diplôme en remettant leurs envies professionnelles à plus tard ? Or, on sait que sur 190.000 bacheliers professionnels seuls 37.000 obtiendront un BTS156. Le diplôme du Baccalauréat risque d’être le seul qu’ils obtiennent. Leurs espérances risquent une nouvelle fois de trouver porte close.

Conclusion

Au vu des résultats de cette enquête, qui va globalement dans le sens de ce qu’éprouvent généralement les enseignants et équipes éducatives dans les classes, de nombreuses questions sont soulevées, non seulement sur la préparation aux choix durant le collège mais également sur le processus de sélection des élèves dans les différentes filières.

L’orientation à la fin du collège est-elle finalement le seul moment où les élèves peuvent décider de leur future formation ? Est-ce leur seule chance d’intégrer une formation désirée ? Le travail d’orientation effectué en 3ème est-il alors à la hauteur des enjeux de ces centaines de milliers de jeunes ?

L’orientation en fin de collège demande très tôt (14 ans) aux élèves de choisir « une voie ». Les élèves allant en lycée général ont pour leur part trois années supplémentaires pour se spécialiser et effectuer un choix, qu’ils peuvent encore différer de deux ans pour ceux choisissant les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). Les élèves de lycée professionnel ne sont-ils pas trop jeunes pour déterminer leur avenir surtout lorsqu’on constate que leurs vœux ne sont pas respectés et qu’ils sont formés dans des filières ne correspondant pas à leurs envies ? Des passerelles plus développées entre les différentes filières, voire entre le lycée professionnel et le lycée général et technologique, ne pourraient-elles pas pallier les accidents d’orientation ? Cela permettrait en effet de donner une chance à des élèves

« en échec » au collège, et qui subissent leur orientation, et leur laisserait une chance de progresser pour intégrer la filière désirée. Cela permettrait également de donner plus de temps à de jeunes gens souvent insuffisamment matures pour décider de leur

156Voir :

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/02/23022018Article636549684523768247.aspx

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et égalitaire pour décider de l’avenir scolaire et professionnel de 665 800 jeunes157 ? On constate que des élèves veulent aller en « systèmes numériques » ou d’autres filières porteuses d’emplois mais sont mis de force en « gestion-administration », filière non porteuse158 et non désirée. L’offre des filières et la répartition du nombre de places qu’elles proposent sont-elles en adéquation avec la demande ?

Le lycée professionnel semble, pour autant, être pour la plupart des élèves un cocon rassurant, dans lequel ils se sentent de mieux en mieux, quitte à ne plus exprimer la volonté d’en partir. Ce qui corrobore les résultats plus haut concernant l’efficacité des personnels enseignants et encadrants de ces lycéens à (re)donner confiance à des élèves, à les mettre au travail malgré tout et à leur montrer une porte vers la réussite en dépit du fait que ces élèves cumulent majoritairement plusieurs difficultés159. Malgré tout, 80.000 jeunes sortent du lycée professionnel sans diplôme, près de 153.000 bacheliers sans études supérieures et près de la moitié des bacheliers professionnels se retrouvent sans emploi160.

Il semble donc que la construction en amont soit d’une importance capitale pour leur réussite. En ce sens, la 3ème prépa-pro qui permet un véritable suivi et un travail d’orientation plus approfondi propose une solution encourageante.

Audrey Garcia Professeure de lettres-histoire-géographie, formatrice Lycée La Tournelle, La Garenne-Colombes Académie de Versailles

157 Voir : http://www.education.gouv.fr/cid195/les-chiffres-cles-du-systeme-educatif.html#Les_%C3%A9l%C3%A8ves

158 « Le Cnesco avait attiré l'attention sur les 4 séries tertiaires à gros effectifs qui ont à la fois de forts taux de chômage et des élèves particulièrement défavorisés et avec du retard scolaire. Trois ans après le baccalauréat professionnel, 31 % des élèves de secrétariat bureautique (bac GA) sont au chômage, 30 % des services à la personne, 27 % en comptabilité gestion et 25 % en commerce. » Voir :

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/01/23012018Article636522869567247269.aspx

159 « Sans surprise, l’enseignement professionnel reste très nettement la principale orientation des catégories sociales les moins favorisées», relèvent les chercheurs du CNESCO. Un tiers des élèves de l’enseignement professionnel sont boursiers, soit le double des élèves de l’enseignement général. À niveau scolaire identique, les enfants d’ouvriers ont une probabilité beaucoup plus forte d’intégrer l’enseignement professionnel que les enfants de cadres ou d’enseignants. «La forte influence des diplômes des parents sur la filière de formation suivie persiste toutes choses égales par ailleurs : par exemple, en 2000 comme en 2012, avoir un père diplômé du supérieur diminue d’environ 64 % les chances d’entrée en seconde professionnelle.» Voir : http://www.liberation.fr/france/2016/06/08/bac-pro-toujours-plus-d-eleves-mais-tres-peu-de-debouches_1458045

160 « La France fait partie des pays de l’OCDE qui insèrent le moins bien les jeunes issus de l’enseignement professionnel. Si l’on regarde les chiffres dans les grandes masses, le constat est sévère : sept mois après l’obtention de leur diplôme, 57 % des CAP et 46 % des bacheliers pro se retrouvent sur le carreau, sans emploi. » http://www.liberation.fr/france/2016/06/08/bac-pro-toujours-plus-d-eleves-mais-tres-peu-de-debouches_1458045

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