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Chapitre I : De la formation des DMA à leur bioremédiation

5. Questions scientifiques et objectifs de la thèse

Les traitements biologiques passifs de DMA riches en As, Sb ou Tl, objets de cette thèse, reposent sur la réduction des sulfates et/ou l’oxydation du fer. La littérature indique que ces éléments peuvent être éliminés de la phase aqueuse par : 1) la formation de sulfures d’As, de Sb et de Tl suite à la sulfato-réduction microbienne en condition anaérobie ou 2) l’adsorption ou co-précipitation avec des (oxy)hydroxydes métalliques suite à la ferro-oxydation microbienne, en condition aérobie (As, Sb). Dans les deux cas, les microorganismes interviennent de manière indirecte, en catalysant la réduction du soufre ou l’oxydation du fer. Certains microorganismes peuvent aussi jouer un rôle direct en modifiant la spéciation du contaminant, en particulier son degré d’oxydation, ce qui dans certains cas, favorise son piégeage sur la phase solide.

Des procédés de traitement basés sur la sulfato-reduction biologique ont montré la possibilité de traiter des effluents miniers dont le principal polluant est l’As, le Sb ou le Tl. Leurs comportements biogéochimiques au sein de ces réacteurs restent cependant méconnus, particulièrement dans le cadre d’un traitement simultané de ces polluants à partir de DMA. En effet, des phénomènes de compétition entre les polluants, pour la précipitation avec le sulfure, pourraient moduler l’efficacité de ces dispositifs. Cette éventualité est d’autant plus probable pour l’arsenic et l’antimoine, deux métalloïdes proches dans la table périodique des éléments et présentant donc certaines propriétés communes. Par conséquent, trois questions scientifiques sont abordées au sein de cette thèse :

(1) Peut-on éliminer simultanément l’As, le Sb et le Tl au sein d’un bioréacteur traitant un DMA par sulfato-réduction ?

(2) L’antimoine affecte-t-il l’efficacité du procédé à traiter l’arsenic lorsque leurs concentrations sont équivalentes dans l’effluent à traiter ?

(3) Quelle est la dynamique du consortium bactérien sulfato-réducteur, issu du DMA réel, au cours du traitement biologique ?

Concernant l’antimoine, il a été montré que cet élément co-précipitait avec le fer au cours de l’oxydation biologique du fer dans les DMA ; des tentatives d’exploiter ce processus pour traiter les DMA contenant de l’antimoine ont été effectuées. Néanmoins, alors que l’oxydation biologique de l’antimoine pourrait, comme dans le cas de l’arsenic, jouer un rôle déterminant dans l’efficacité du traitement, ce processus a jusqu’ici été relativement peu étudié, et uniquement dans des conditions de pH voisin de la neutralité. Aussi les questions scientifiques abordées dans cette thèse sont :

(1) Peut-on obtenir un consortium microbien capable de se développer en condition acide typique d’un DMA et en présence de Sb(III), à partir d’une communauté microbienne allochtone à un environnement contaminé par de l’antimoine ?

(2) Ce consortium microbien est-il capable de tolérer d’importantes concentration initiale en Sb(III) ?

65 Concernant l’arsenic, des procédés de traitement des DMA basés sur l’adsorption et la co-précipitation de l’As avec des oxydes de fer biogéniques ont été testés en laboratoire, à différente échelles, du réacteur batch au pilote à flux continu, et sur le terrain. Toutefois, alors même que l’activité des microorganismes est à la base de ces traitements, la dynamique spatio-temporelle des communautés microbiennes au sein de ces systèmes et son contrôle par les variables physico-chimiques est rarement explorée. Dans cette thèse, seules les communautés bactériennes ont été étudiées car l’implication des genres bactériens tels que Thiomonas, Gallionella et Ferrovum dans l’oxydation biologique de l’arsenic et du fer est connue. Aussi, les questions scientifiques abordées dans cette thèse sont les suivantes :

(1) Comment s’organisent les communautés bactériennes au sein d’un pilote de traitement à partir des communautés autochtones présentes dans l’eau ?

(2) Quels sont les facteurs physico-chimiques de l’eau à traiter qui influencent la dynamique spatio-temporelle de ces communautés ?

(3) Peut-on relier la dynamique des communautés bactériennes et l’efficacité du traitement ?

Pour aborder ces différentes questions scientifiques, cette thèse s’intéresse au comportement des polluants et à leurs interactions avec les microorganismes en lien avec les conditions physico-chimiques. Différentes échelles expérimentales permettent l’acquisition de données en milieu contrôlé, semi-contrôlé ou représentatif des conditions environnementales in situ. Au total trois études ont été menées :

(1) Etude des capacités de résistance et d’oxydation de l’antimoine par des microorganismes dans des conditions équivalentes aux drainages miniers acides. Cette étude a été menée en laboratoire, dans des conditions contrôlées en mode batch et en condition aérobie. Les résultats de cette étude apporteront de nouvelles connaissances sur les transformations microbiennes de Sb en condition acide, plus particulièrement l’oxydation microbienne qui représente un intérêt particulier dans la bioremédiation de Sb.

(2) Elimination simultanée de l’arsenic, de l’antimoine et du thallium présents dans un drainage minier acide par sulfato-réduction au sein d’un bioréacteur en colonne de laboratoire. Les résultats de cette étude apporteront de nouvelles connaissances vis-à-vis du comportement géochimique de ces polluants au sein de ce type de réacteur. Une attention particulière sera accordée au comportement de l’As et du Sb dont les analogies structurales pourraient entrainer une compétition pour réagir avec le sulfure produit par les BSR. Le devenir du thallium dans ce système sera également considéré.

(3) Etude de la dynamique des communautés bactériennes au sein d’un pilote de terrain traitant un drainage minier acide riche en arsenic. L’objectif est de mieux comprendre l’évolution de la diversité et de la structure des communautés bactériennes dans un pilote de traitement, en lien avec la variation de la physico-chimie et la microbiologie des eaux d’alimentation et la composition du bioprécipité.

Ces expérimentations reposent sur une approche pluridisciplinaire, basée à la fois sur des techniques microbiologiques classiques, moléculaires et physico-chimiques. Le traitement et l’analyse des données acquises requiert l’utilisation d’outils bio-informatiques et statistiques

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afin d’être corrélés. Cette vision intégrative contribue à l’acquisition d’une compréhension globale des processus biogéochimiques complexes qui participent à la remédiation des métaux et métalloïdes au sein des drainages miniers acides. L’ensemble de ces études est exposé dans ce manuscrit sous forme de trois chapitres, organisés par ordre croissant d’échelle expérimentale (cultures en batch de laboratoire, culture en continu au laboratoire, biotraitement en continu sur site).

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