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Chapitre I : De la formation des DMA à leur bioremédiation

3. Processus microbiens qui contribuent à l’atténuation naturelle des polluants métalliques

3.2. Formation des (oxy)hydroxydes métalliques

Au final, les métabolites générés par la réduction dissimilatrice des sulfates (Equation 1) correspondent à des ions bicarbonates (HCO3-) et des sulfures (H2S/HS- fonction du pH) :

Equation 1: SO42- + 2CH2O ® H2S + 2HCO3

-Par la suite, le sulfure d’hydrogène, très réactif, précipite avec les métaux et métalloïdes présents sous forme de sulfures métalliques insolubles (Neculita et al., 2007). L’augmentation du pH suite à la libération de bicarbonate favorisera d’autant plus la précipitation des cations métalliques (notés M2+, équation 2) (Hallberg et Johnson, 2005) :

Equation 2: HS- + M2+® H++ MS

L’arsenic et l’antimoine sont des oxy-anions dont le comportement diffère de celui des cations métalliques. La précipitation de l’orpiment, sulfure d’arsenic, est favorisée en conditions acides et à de faibles concentrations en sulfure dissous (Eary 1992, équation 3) :

Equation 3: 2 H3AsO3 + 3 H2S = As2S3 (am) + 6 H2O

Le même phénomène a été mis en évidence pour l’antimoine, avec une solubilité fortement diminuée de la stibnite lorsque le pH diminue (Olsen et al., 2018, équation 4) :

Equation 4: 2Sb(OH)3aq + 3 HS- + 3 H+ = Sb2S3 + 6 H20

La précipitation du sulfure de thallium, par contre, semblerait être optimale à pH élevé, d’après Mueller (2001) :

Equation 5 : 2Tl+ + HS- ➔ Tl2S + H+

3.2. Formation des (oxy)hydroxydes métalliques

Les bactéries ferro-oxydantes (BFO) jouent un rôle majeur dans les environnements riches en fer. La première bactérie capable d’oxyder le fer ayant été isolée d’un DMA est Acidithiobacillus ferrooxidans. D’autres bactéries ont par la suite été recensées. Ces bactéries sont inclues dans de nombreux phyla bactériens, dont majoritairement les Proteobacteria (e.g. Acidithiobacillus, Ferrovum, Gallionella), les Nitrospirae (Leptospirillum), les Firmicutes

Figure 11 : Organisation de l’opéron dsr au sein de différentes bactéries sulfato-réductrices et chez Bilophila wadsworthia (D’après Zverlov et al., 2005 et Giloteaux, 2010)

31 (Sulfobacillus et Alicyclobacillus) et les Actinobacteria (Acidimicrobium, Ferrimicrobium et Ferrithrix) (Méndez-García et al., 2015 ; Chen et al., 2016). Les BFO sont à l’origine du processus de biolixiviation qui contribue à la formation des DMA (cf partie 1.1.3). Mais ces bactéries sont aussi responsables de processus d’atténuation naturelle au sein même du DMA en condition aérobie.

En effet, l’oxydation abiotique du fer ferreux [Fe(II)] en fer ferrique [Fe(III)] à pH acide étant très lente (Stumm et Morgan, 1981), les BFO peuvent catalyser cette réaction. A pH 4-5, le fer ferrique résultant de cette oxydation biologique précipite alors sous forme d’(oxy)hydroxydes et (oxy)hydroxysulfate de fer. De plus, les parois cellulaires des microorganismes et/ou la production d’exopolysaccharides (EPS) pourraient jouer le rôle de sites de nucléation (formation des premiers germes cristallins) et favoriser la précipitation des oxydes de fer. Ce phénomène reste cependant encore mal compris (Clarke et al., 1997 ; Kawano et Tomita, 2001 ; Benzerara et al., 2008). Ainsi, les BFO participent directement à la formation de bioprécipités ou biominéraux riches en fer. Ces biominéraux peuvent piéger des polluants métalliques et métalloïdes (tels que l’arsenic) par des processus de sorption et/ou de co-précipitation. De plus, les oxydes de fer peuvent oxyder certains polluants, comme l’arsenic et l’antimoine, modulant ainsi leur toxicité et leur mobilité (Belzile et al, 2001 ; Leuz et al., 2006b ; Asta et al., 2012).

Pour certaines BFO, comme Leptothrix discophora, l’oxydation du fer est un mécanisme de résistance dans les environnements riches en cet élément (Corstjens et al. 1992). D’autres ont intégré cette réaction dans leur métabolisme énergétique, bien que l’énergie générée par cette oxydation soit faible (Johnson et Hallberg 2008). L’oxydation biologique du fer peut s’effectuer en condition aérobie et anaérobie. En condition aérobie, les bactéries acidophiles utilisent le fer comme donneur d’électron pour réduire l’oxygène au cours de leur respiration et régénérer du NAD+ en NADH. Cette voie métabolique est plus intéressante à pH acide (Johnson et Hallberg 2008). Les conditions acides et l’utilisation du Fe(II) posent cependant deux problèmes majeurs : le maintien de l’homéostasie et l’oxydation abiotique intracellulaire du Fe(II). Pour maintenir un pH cytoplasmique neutre, les bactéries acidophiles maintiennent un potentiel électrique membranaire inversé (ΔΨ positif) afin d’empêcher l’entrée de protons dans la cellule (Baker-Austin et Dopson, 2007). Le Fe(II) est oxydé en Fe(III) à l’extérieur de la cellule, près de la membrane, car une oxydation intracellulaire pourrait endommager les cellules (radicaux libres, acidification et obstruction par les oxydes de fer) (Bird et al., 2011).

L’oxydation biologique du Fe(II) a été particulièrement bien étudiée et décrite d’un point de vue moléculaire chez Acidithiobacillus ferroxidans (Ingledew, 1982 ; Quatrini et al., 2009 ; Bird et al., 2011 ; Bonnefoy et Holmes, 2012 ; Hedrich et al., 2011a). Acidithiobacillus ferroxidans est un chimiolithotrophe autotrophe. La fixation du CO2 nécessite de l’énergie (ATP) et du pouvoir réducteur (NADH). Les électrons issus de l’oxydation du Fe(II) permettent la production d’ATP (voie descendante) et/ou la régénération des coenzymes réduits (NAD+) (voie ascendante) (Fig. 12). Le mécanisme de régulation des électrons entre ces deux voies est à ce jour encore non élucidé (Ferguson et Ingledew, 2008).

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Le cytochrome Cyc2, localisé dans la membrane externe, catalyse l’oxydation extracellulaire du Fe(II). Le transport des électrons issus de cette oxydation est ensuite assuré par la rusticyanine, une protéine à cuivre de type I du périplasme. La rusticyanine est liée à deux cytochromes dihémiques c4, Cyc1 et CycA1 respectivement impliqués dans la voie descendante et la voie ascendante. C’est pourquoi il a été supposé que la régulation entre ces deux voies se fasse au niveau de la rusticyanine.

Le flux descendant des électrons va s’effectuer du cytochrome Cyc1 jusqu’à la cytochrome oxydase terminale de type aa3, où est réduit le O2 en H2O. Les protons intracellulaires sont ainsi à la fois consommés par la réduction de l’O2 et expulsés par l’oxydase terminale vers le périplasme, ce quicontribue au maintien de l’homéostasie. Le gradient de protons entre le périplasme (pH ~2) et le cytoplasme (pH ~6,5) permet également la synthèse d’ATP via l’ATP synthase. L’opéron rus contient les gènes codant le cytochrome cyc2 (cyc2), la rusticyanine (rus) et les protéines impliquées uniquement dans le voie descendante (respectivement cyc1 et coxBACD pour le cytochrome Cyc1 et le complexe aa3).

Les électrons de la voie ascendante sont transférés au cytochrome CycA1, puis à un complexe cytochromique bc1 (complexe III, coenzyme Q – cytochrome c réductase), au pool de quinone puis à la NADH déshydrogénase (complexe I). Le complexe bc1 est codé par l’opéron petI. L’énergie nécessaire au transport ascendant des électrons jusqu’au NAD+ est fournie par la force proton-motrice générée entre le périplasme et le cytoplasme.

L’oxydation du fer a été étudiée chez d’autres bactéries acidophiles (At. ferrivorans, Thiobacillus prosperus, Leptospirillum ferrooxidans, L. rubarum et L. ferrodiazotrophum). Ces organismes utilisent des protéines différentes au cours de cette oxydation. Cependant le mécanisme est présumé être similaire (au moins chez les bactéries à gram négative) : les électrons issus de l’oxydation du Fe(II) sont transférés d’un cytochrome c inclus dans la Figure 12 : Oxydation du Fe(II) chez Acidithiobacillus ferroxidans. Les électrons issus de cette oxydation sont transportés jusqu’à O2 ou le NAD+. Le flux des électrons et des protons sont respectivement indiqués par des flèches en pointillés ou pleines. Tous les cytochromes c sont représentés en vert clair, la rusticyanine en violet, l’oxydase terminale aa3 en rouge, l’ATP synthase en jaune, le complexe bc1 en bleu foncé et le complexe NADH1 en vert foncé. (Modifié à partir de Bird et al., 2011).

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