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Différentes questions parmi celles présentées plus haut ont été retenues dans le cadre de la thèse. Ces questions concernent des échelles spatio-temporelles, stades (intallation vs. post-installation) et niveaux d’observation (espèce vs. assemblage) différents (Tableau 2). L’objectif était d’offrir une vision « multi-facette » d’un certain nombre de processus qui structurent les assemblages de juvéniles au cours de la croissance, plutôt qu’une vision exhaustive des processus intervenant à un stade de vie donné, à une échelle donnée et à un niveau d’observation donné.

La première question était d’ordre méthodologique et visait à répondre au besoin de décrire le microhabitat corallien intervenant dans les questions abordées dans le chapitre 2.

Question abordée dans le chapitre 1 : Peut-on décrire précisément, exactement et efficacement les caractéristiques du microhabitat corallien disponible pour les juvéniles grâce à une méthode photographique 2D ?

Des études récentes (p. ex. Todd et al., 2001b ; Cocito et al., 2003 ; Abdo et al., 2006) ont montré qu’il était possible d’évaluer certaines caractéristiques morphométriques des organismes benthiques à partir de l’analyse d’images sous-marines. Cependant, aucune étude n’a testé si l’analyse d’images permettait de déterminer le volume interstitiel des colonies coralliennes. Or cette variable pourrait être significativement corrélée à la distribution spatiale et/ou à la croissance des juvéniles de certaines espèces (Schmitt & Holbrook, 2007 ; Lecchini et al., 2007b).

Le chapitre 1 de la thèse présente le développement et le test d’une méthode photographique 2D permettant d’estimer le volume total, le volume interstitiel des colonies coralliennes et le ratio entre ces deux variables, définissant un indice de refuge pour les poissons.

Ces trois variables ont été estimées à partir d’images sous-marines de colonies coralliennes tabulaires d’Acropora couplées à des mesures in situ. La méthode a été évaluée en fonction de trois critères incluant l’exactitude, la précision et l’efficacité.

Les objectifs spécifiques de ce chapitre étaient de : 1) déterminer par des essais en laboratoire le nombre d’images nécessaires pour obtenir efficacement des mesures précises et exactes des certaines caractéristiques des colonies coralliennes et 2) tester cette méthode in situ dans le cadre d’études entre des juvéniles et leur microhabitat.

La méthode développée et testée dans ce chapitre a permis de décrire le microhabitat corallien des juvéniles de Pomacentrus moluccensis (Pomacentridae) afin d’explorer les schémas spatiaux d’abondance, de croissance larvaire et juvénile de cette espèce à l’échelle de colonies coralliennes.

Questions abordée dans le chapitre 2 : 1) existe-t-il une relation entre la croissance larvaire et la sélection du microhabitat à l’installation ? 2) existe-t-il une relation entre les caractéristiques du microhabitat, la croissance des juvéniles et/ou leurs abondances ?

La relation entre la croissance larvaire et le microhabitat sélectionné à l’installation a déjà été suggérée par Shapiro (1987) mais n’avait jamais été testée. Par ailleurs, la relation entre les caractéristiques du microhabitat et la croissance juvénile a rarement été étudiée (voir pour exception Jones, 1988). Enfin, bien que l’intensité de la mortalité juvénile densité-dépendante varie dans l’espace (Shima & Osenberg, 2003), aucune étude n’a évalué le rôle que jouent les caractéristiques du microhabitat. Ces questions ont été considérées à une échelle spatiale plus large, en fonction du type de récif (récif frangeant ou intermédiaire) ; ou de la couverture benthique, p. ex. corail vivant, décris coralliens, sable (Holbrook et al., 2000). Cependant, au moins pour de nombreuses espèces sédentaires, les caractéristiques du microhabitat telles que la rugosité et le nombre d’anfractuosités des colonies coralliennes orientent probablement les schémas spatiaux d’abondance et/ou de croissance à l’installation (Webster, 2004 ; Lecchini et al., 2007b).

Le chapitre 2 avait pour objectif de déterminer le degré de covariation entre les caractéristiques du microhabitat, les abondances des juvéniles, leurs performances de croissance pré- et post-installation et l’intensité de la mortalité densité-dépendante.

En baie des Citrons (Nouméa), 15 colonies coralliennes ont été décrites grâce à la méthode développée et testée dans le chapitre 1. Un suivi visuel des abondances de Pomacentrus

moluccensis (Pomacentridae) sur ces colonies coralliennes a été réalisé tous les deux jours

pendant 28 jours. A la fin de cette période, tous les juvéniles présents ont été capturés. L’étude de leurs otolithes a permis de déterminer leur âge et leur croissance depuis l’éclosion jusqu’à la capture.

Les schémas spatiaux de croissance larvaire et juvénile ont également été étudiés à l’échelle de deux îlots et au niveau de trois espèces.

Questions abordées dans le chapitre 3 : 1) quelle est la relation entre croissance larvaire et croissance juvénile pour trois espèces dans un habitat côtier et un habitat intermédiaire ? 2) la mortalité juvénile croissance-sélective a-t-elle une influence sur les variations observées ?

Des études récentes ont montré que des différences de croissance larvaire ou juvénile pouvaient être observées entre des sites séparés d’une distance <10 km (p. ex. McCormick, 1994 ; Denit & Sponaugle, 2004). Ces différences peuvent entraîner des différences de durée de vie pélagique et/ou de croissance juvénile. Cependant, ces études n’ont souvent considéré qu’une seule espèce. Des études supplémentaires sont donc nécessaires pour déterminer si des larves d’espèces différentes exposées à des conditions environnementales similaires montrent des différences similaires de croissance larvaire, de taille et d’âge à l’installation, et/ou de croissance juvénile.

Par ailleurs, un problème majeur qui se pose lorsque l’on compare des trajectoires de croissance de juvéniles rétrocalculées est que l’information est basée sur les survivants. Or certaines études récentes ont montré que la mortalité juvénile pouvait dépendre de la croissance des individus en éliminant préférentiellement ceux à faible croissance (Shima & Findlay, 2002). Malgré une prise de conscience de l’effet potentiel de la mortalité sélective sur les trajectoires de croissance rétrocalculées, cet effet reste rarement testé lors de la comparaison de la croissance juvénile entre différents sites ou différentes périodes.

Dans ce contexte, les objectifs spécifiques du chapitre 3 étaient de 1) évaluer et comparer la croissance larvaire et juvénile de trois espèces dans un habitat côtier (îlot Canard) et un habitat intermédiaire (îlot Larégnère) et 2) proposer une procédure d’analyse permettant de tester l’effet de la mortalité sélective sur les différences observées pour les trajectoires de croissance.

Des juvéniles de Chromis viridis (Pomacentridae), Lethrinus genivittatus (Lethrinidae) et

Siganus fuscescens (Siganidae) ont été capturés autour des îlots Canard et Larégnère entre

Décembre 2005 et Mars 2006. L’analyse de leurs otolithes a permis de rétrocalculer les trajectoires de croissance et de déterminer l’âge à la capture, ainsi que la taille et l’âge à l’installation. Des Modèles Linéaires Généralisés à mesures répétées ont ensuite été utilisés pour identifier les facteurs responsables des différences observées au niveau des trajectoires de croissance.

Les schémas d’installation des juvéniles sur des récifs artificiels disposés dans des algueraies, herbiers et récifs coralliens ont ensuite été étudiés selon deux durées d’immersion des récifs.

Question abordée dans le chapitre 4 : Comment varie la structure des assemblages de juvéniles collectés à l’aide de récifs artificiels placés dans différents habitats, après une courte ou une longue durée d’immersion?

Plusieurs études ont utilisé des unités standardisées de susbtrats naturels ou artificiels pour comprendre la structure spatio-temporelle des assemblages de juvéniles (p. ex. Sweatman & St John, 1990 ; Schmitt & Holbrook, 1996 ; Valles et al., 2006 ; Irving et al., 2007). Ces études ont montré que la composition des assemblages de juvéniles pouvait être influencée par plusieurs facteurs dont la complexité structurale de l’unité de susbtrat, les organismes qui étaient déjà présents sur cette unité, ou son environnement en termes de densités de prédateurs par exemple. Ces études ont également montré que la composition des assemblages de juvéniles pouvait varier en fonction de la fréquence d’échantillonnage. Cependant, aucune étude n’a comparé la structure des assemblages de juvéniles collectés à partir de substrats artificiels disposés dans des habitats différents.

Les objectifs du chapitre 4 étaient les suivants : 1) comparer la composition d’assemblages capturés après une courte ou longue durée d’immersion des récifs artificiels dans chaque habitat, 2) identifier d’éventuels changements d’association espèce-habitat selon la durée d’immersion des récifs et 3) évaluer le pourcentage de variations du nombre d’espèces et d’individus qui peut être expliqué par les caractéristiques de l’habitat pour chaque durée d’immersion.

Des récifs artificiels ont été disposés dans les algueraies, les herbiers et les récifs coralliens autour des îlots Canard et Larégnère. Ces récifs artificiels ont été relevés durant quatre périodes d’échantillonnage, après une courte (48 h) ou une longue (> 2 semaines) durée d’immersion pour chaque période.

A deux échelles spatiales (10-100 m et 0.1-10 km) et au fil des saisons, l’analyse de données de comptages de juvéniles dans différents habitats du lagon sud-ouest de Nouvelle-Calédonie a permis d’explorer les schémas saisonniers et ontogéniques de l’utilisation de l’habitat par les juvéniles.

Question abordée dans le chapitre 5 : Quelle est la diversité de schémas d’utilisation de l’habitat au sein des assemblages de juvéniles, au cours de leur croissance et au fil des saisons ?

Plusieurs études ont inféré les schémas d’utilisation de l’habitat entre le stade juvénile et le stade adulte des poissons récifaux à partir de la comparaison des distributions spatiales des individus de classes de tailles successives (Gillanders et al., 2003 ; Adams & Ebersole, 2004 ; Lecchini & Galzin, 2005). Ces études ont mis en évidence quatre schémas majeurs d’utilisation de l’habitat entre le stade juvénile et le stade adulte : 1) une augmentation du nombre d’habitats utilisés, 2) une diminution du nombre d’habitats utilisés, 3) un changement radical des habitats utilisés et 4) aucun changement des habitats utilisés. Cependant, ces schémas ont toujours été évalués à fine échelle spatiale et l’existence potentielle de changements d’utilisation de l’habitat à plus large échelle, p. ex. le long du gradient côte-large, n’a jamais été étudiée. Par ailleurs, d’éventuels changements d’utilisation de l’habitat au cours de la croissance juvénile n’ont encore jamais été considérés.

Compte-tenu de ces éléments, les objectifs du chapitre 5 étaient de 1) caractériser les assemblages de juvéniles associés à chaque habitat (à deux échelles spatiales) et leurs variations saisonnières, 2) mettre en évidence les changements d’habitat entre classes de taille successives et/ou d’une saison à l’autre pour les espèces dominantes et 3) évaluer l’importance relative de chaque schéma d’utilisation de l’habitat au sein des assemblages.

Les assemblages de juvéniles associés à différents habitats (échelles 10-100 m et 0.1-10 km) ont pu être caractérisés, à chaque saison, à partir de données de comptages réalisés dans le lagon sud-ouest entre 1986 et 2001. A l’échelle 10-100 m, les habitats considérés étaient les fonds meubles avec des macroalgues et des phanérogames et les fonds durs avec du corail vivant. A l’échelle 0.1-10 km, les habitats considérés les habitats côtiers, intermédiaires ou proches du récif barrière (0.1-10 km). Les schémas de distribution des juvéniles ont été comparés dans chaque habitat et à chaque saison grâce à des analyses de co-inertie.

Aux mêmes échelles spatio-temporelles, un modèle a été développé et évalué afin de prédire de manière spatialisée le nombre d’espèces et d’individus juvéniles en fonction des caractéristiques de l’environnement.

Question abordée dans le chapitre 6 : Peut-on établir des cartes prédictives du nombre d’espèces et d’individus juvéniles ?

Les modèles spatialement explicites de distribution d’espèces permettent de prédire le nombre d’espèces ou d’individus à des périodes ou dans des habitats où il serait coûteux d’acquérir ces données sur le terrain. Ce type de modèle permet également d’identifier les échelles spatiales et les variables environnementales qui influencent la distribution des espèces et des individus. Les modèles spatialement explicites de richesse spécifique et d’abondances d’espèces se sont récemment développés en milieu terrestre (Guisan & Zimmermann, 2000 ; Guisan & Thuiller, 2005) mais restent extrêmement rares pour les poissons récifaux (voir pour exceptions Kuffner et al., 2007 ; Pittman et al., 2007). Ces modèles n’ont encore jamais été développés pour les juvéniles malgré les nombreux avantages qu’ils représenteraient.

Dans le contexte d’une première étude pour les juvéniles de poissons récifaux, les objectifs du chapitre 6 étaient de 1) évaluer le pourcentage de variations du nombre d’espèces et d’individus juvéniles qui peut être prédit par une combinaison de variables environnementales enregistrés à différentes échelles spatio-temporelles et 2) cartographier les prédictions du modèle à partir d’une carte des habitats récifaux, établie grâce aux outils de télédétection.

Des comptages visuels des juvéniles ont été réalisés entre mars 2005 et mars 2006 autour des îlots Larégnère et Canard. L’habitat a été décrit à deux échelles spatiales. Des variables environnementales d’ordre temporel, telles que la température moyenne mensuelle de l’eau, la vitesse et la direction moyennes mensuelles du vent ont également été enregistrées. Des Modèles Linéaires Généralisés ont été utilisés pour prédire le nombre d’espèces et le nombre d’individus juvéniles en fonction d’une combinaison de variables environnementales à différentes échelles spatio-temporelles. Les prédictions des modèles ont ensuite été spatialisées à partir d’une carte des habitats récifaux.

Tableau 2 Hypothèse, stade de vie considéré, niveau d’observation, échelles spatiales et temporelles, et principales méthodes utilisées dans chaque chapitre.

Chapitre Hypothèse Stade de vie Niveau Echelle

spatiale

Echelle

temporelle Principales méthodes 1 Une méthode photographique 2D permet d’estimer

précisément et efficacement les caractéristiques du microhabitat corallien disponible pour les juvéniles

Pré-installation1 Installation1 Post-installation Espèce (n=1) 0.1-1 m 1 mois Photographie sous-marine Analyse d’image Mesures en laboratoire 2 Il existe des relations significatives entre la croissance

larvaire, la sélection d’un habitat à l’installation, la croissance juvénile et/ou les abondances post-installation

Pré-installation 1 Installation1 Post-installation

Espèce

(n=1) 0.1-1 m 1 mois

Suivi temporel abondances Rétrocalcul croissance

par otolithométrie 3 La mortalité croissance-sélective est responsable des

variations spatiales des croissances larvaires observées pour trois espèces

Pré-installation 1 Installation1 Post-installation Espèce (n=3) 0.1-10 km 1 mois Rétrocalcul croissance par otolithométrie

4 Des récifs artificiels similaires abritent des assemblages de juvéniles similaires, quels que soient l’habitat et la durée d’immersion Installation Post-installation Assemblage 10-100 m 48 h à plusieurs semaines

Captures à l’aide de récifs artificiels

5 Une majorité de juvéniles utilisent des habitats différents

au cours de leur croissance et des saisons Post-installation Assemblage

10-100 m

0.1-10 km 1 an

Comptages visuels Analyse de co-inertie

6 Les relations entre les juvéniles et leur environnement permettent de construire des modèles spatialisés du nombre d’espèces et d’individus juvéniles

Post-installation Assemblage 10-100 m

0.1-10 km 1 an

Comptages visuels Modèle Linéaire Généralisé

Télédétection

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