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LA QUESTION DU DARWINISME SOCIAL CHEZ CHARLES DARWIN ET HERBERT SPENCER

Dans le document Science et race (Page 26-92)

Jean-Michel YVARD Université d'Angers

Depuis quelques décennies surtout, on s'est souvent e orcé d'exempter Darwin de toute forme de responsabilité dans le déve-loppement de conceptions qui se sont réclamées par la suite de son évolutionnisme sélectif. Isolé dans sa tour d'ivoire et unique-ment préoccupé de mettre au jour les mécanismes évolutifs qui régissent l'évolution du vivant, celui-ci aurait échappé très lar-gement à toute forme de détermination idéologique extrinsèque.

Penseur de l'émergence évolutive des qualités morales, après avoir prudemment laissé de côté la question de l'application de ses théories aux sociétés humaines, Darwin aurait réussi à théori-ser une extraction progressive de l'homme de la sphère des néces-sités biologiques, le devenir de l'espèce humaine étant devenu de plus en plus indépendant, à ses yeux, de toute forme de logique sélective. À l'inverse, Herbert Spencer (1820-1903) a été à peu près

systématiquement présenté comme étant l'incarnation même de ce que l'on entend le plus couramment par « darwinisme social », dans sa version libérale et ultra individualiste, c'est-à-dire de l'idée selon laquelle le devenir des sociétés humaines les plus avancées devrait rester soumis à une lutte « hobbésienne » de tous contre tous1. On a même proposé, pour cette raison, de renom-mer ce type de conceptions « spencérisme social » a n de laver le plus possible le célèbre naturaliste de tout soupçon en la matière.

Pourtant il est aisé de trouver chez Spencer des développements qui pourraient le faire passer pour le penseur par excellence de l'extension de ce que l'écrivain George Eliot appelait les « sympa-thies humaines2». À l'inverse, on peut facilement mettre en

évi-1. Nous prendrons ici la notion de « darwinisme social » dans le sens qui lui est le plus couramment et le plus spontanément accordé (à savoir l'utilisation de la théorie de la sélection naturelle et de la lutte pour la vie dans le but de décrire l'évolution des sociétés humaines en termes de compétition et de con it), même si les dé nitions ont beaucoup varié et si l'expression a aussi été utilisée pour décrire toutes les implications « sociales » que l'on s'est e orcé historiquement de déduire du darwinisme, certaines étant opposées à ce que l'on entend cou-ramment par cette expression. Le darwinisme ainsi que les conceptions (plus lamarckiennes) de Spencer ont pu être revendiquées de manière totalement contradictoire a n de justi er tout à la fois l'individualisme et le socialisme, le militarisme et le paci sme, l'optimisme et le pessimisme, ou encore l'anar-chisme et la démocratie libérale... Sur les di érents sens de la notion de « darwi-nisme social » voir, par exemple, Linda Clark,Social darwinism in France, The University of Alabama Press,1984.

2. Les exemples pourraient très facilement être multipliés et ils ne constituent nullement une exception dans les écrits de Spencer. On pourra voir en parti-culier le chapitre intitulé « Altruism Versus Egoism » ou les pages322et sui-vantes desPrinciples of Ethics(Indianapolis : Liberty Fund,1978). Selon Spencer, l'égoïsme et l'altruisme avaient été amenés à se développer de manière complé-mentaire, ce qui ne veut pas dire que les chapitres consacrés à l'altruisme (qui repose très largement sur l'instinct de sympathie) en minoreraient l'importance, de tels comportements ayant au contraire été amenés à gagner en importance au fur et à mesure que l'on s'élève dans l'échelle du vivant. Toujours dans ce même

dence chez Darwin des passages dans lesquels la crainte d'une régression de l'humanité, consécutive à la multiplication incon-trôlée des « moins aptes », est envisagée avec les plus grandes craintes, ce en quoi il rejoint très largement les perspectives eugé-nistes développées par son cousin Galton (1822-1911) dans Hered-itary Genius(1869).

La question du rôle que Darwin continua (ou non) d'accorder à la sélection naturelle dans les sociétés humaines n'est pas nou-velle et le débat universitaire lui-même est loin d'avoir échappé à certaines préférences idéologiques qui ont pu varier avec le temps, ce qui n'a pas facilité non plus une approche objective et détachée de ces questions. Dans les années1970déjà, John C.

Greene faisait remarquer que les points de vue de Darwin en la matière étaient « depuis longtemps l'objet des controverses les plus vives1», certains commentateurs, tel l'anthropologue Mar-vin Harris2 ayant assimilé presque totalement, dès les années

ouvrage, Spencer consacre de longs chapitres au développement des vertus tra-ditionnelles de la « générosité » et de « l'humanité », dont il retrace le nécessaire progrès (« Generosity »,411sq ; « Humanity »,433sq).

1. « The question of Darwin's views on social evolution has long been a con-troversial one. » John C. Greene, « Darwin as a Social Evolutionist, »Journal of the History of Biology10(1977) :1-27, D. Reidel Publishing Company, Dordrecht, Holland. Republié dans :Science, Ideology and World View, Essays in the History of Evolutionary Ideas(Berkeley, University of California Press,1981) :95. Pour un résumé plus complet (et plus récent) des positions contradictoires qui ont été prises concernant l'importance du darwinisme social (comparativement à des positions lamarckiennes, notamment) on pourra lire Mike Hawkins,Social Dar-winism in European and American Thought,1860-1945, Nature as Model and Nature as Threat(Cambridge : Cambridge University Press, 1997) :7-10. Sur Darwin lui même et les interprétations auxquelles il a donné lieu, les pages14-16de cet ouvrage donnent une bonne vue d'ensemble, dans un contexte anglo-saxon uniquement.

2. Marvin Harris,The Rise of Anthropological Theory : A History of Theories of Culture, (New York : Thomas Y. Crowell Company,1968). Voir le chapitre cinq,

1950, les positions du célèbre naturaliste à celles de Spencer, alors que l'anthropologue australien Derek Freeman1s'e orçait de son côté, en réaction directe aux conceptions du premier, de montrer que Darwin aurait été d'emblée un « interactionniste » ne voyant dans l'évolution de l'homme que le produit de plus en plus exclu-sif d'adaptations comportementales apprises, qui seraient deve-nues in niment plus importantes à ses yeux que toute forme de détermination génétique ou d'apologie de la « lutte » (quel que soit le niveau auquel celle-ci était censée s'exercer). Souvent, les auteurs les plus favorables à Darwin se sont e orcés de dresser le portrait d'un naturaliste humaniste qui aurait réussi à échapper à toute forme de détermination idéologique, quel qu'ait pu être le rôle que jouèrent les conceptions socio-politiques de Malthus dans l'élaboration première du mécanisme de la sélection natu-relle. Darwin est alors à peu près systématiquement traité comme un « proche », et on évoque volontiers certains facteurs circons-tanciels relevant de sa biographie personnelle, qu'il s'agisse du caractère plutôt avenant et agréable du personnage (comparative-ment à Spencer, en particulier) ou de l'attitude des membres de sa famille, qui surent apparemment faire preuve à son égard de compassion et de générosité, dans un milieu où les questions de morale étaient passionnément discutées2. De même, on prend

fré-en particulier les pages120à123.

1. Derek Freeman, « The Evolutionary Theories of Charles Darwin and Her-bert Spencer, »Current Anthropology,15(1974) :221.

2. Robert J. Richards, Darwin and the Emergence of Evolutionary Theories of Mind and Behavior(Chicago : The University of Chicago Press,1987) :110. Spen-cer, en revanche, a une personnalité indéniablement moins attirante. Célibataire

« endurci », porté à l'introversion et à l'hypocondrie (encore que Darwin, et bien d'autres à l'époque, n'aient pas échappé à cette dernière tendance...), Spen-cer eut, e ectivement, une vie relativement monotone entièrement consacrée à l'écriture de son projet de « philosophie synthétique ».

quemment acte des critiques exprimées par Darwin concernant l'attitude des colons portugais ou espagnols envers les popula-tions noires ou indigènes d'Amérique du Sud1, une telle éduca-tion étant censée n'avoir pu que l'amener à rejeter toute forme de « réductionnisme biologique » ou d'apologie d'un quelconque mode de lutte généralisée. La pensée du « pauvre Darwin2», qui est alors l'objet des plus pressantes attentions hagiographiques, se trouve de ce fait décrite comme ayant été outrageusement déformée par tous ceux qui n'allaient pourtant pas hésiter, par la suite, à s'en réclamer a n de donner une justi cation à leurs préférences idéologiques...

En France, c'est Patrick Tort qui a mené avec le plus d'énergie le combat en faveur d'une réinterprétation radicale des conceptions de Darwin. Il a cherché à les dissocier le plus possible de toute forme de darwinisme social ou de « dérive sociobiologique », par le biais de l'élaboration du concept d'« e et réversif de l'évolu-tion », selon lequel le célèbre naturaliste aurait admis sans la moindre crainte, et même avec espoir, que l'évolution des sociétés humaines échappait dorénavant presque totalement à toute déter-mination biologique, soumise qu'elle était de manière de plus

1. Voir C. Darwin,A Naturalist's Voyage Round the World(London : Murray, 1902). Voir l'ensemble du chapitre IV, et tout particulièrement les pages19et24.

2. Hilary Rose, Stephen Rose (ed.), Alas, Poor Darwin : Arguments Against Evolutionary Psychology(London : Jonathan Cape, 2000). Le « misérabilisme » est fréquent chez les penseurs marqués « à gauche », c'est-à-dire chez tous ceux qui se sont en général attachés avec le plus de virulence, depuis les années1970 environ, à « réhabiliter » Darwin dans la perspective d'une lutte contre la socio-biologie. Le titre d'un des ouvrages de Patrick Tort (Misère de la sociobiologie, Paris : PUF,1985) est tout à fait caractéristique de ce penchant, qui constitue en fait une véritable tradition chez les marxistes, l'ouvrage « fondateur » en la matière ayant bien évidemment été leMisère de la philosophie(1847) de Karl Marx lui même.

en plus exclusive, à des changements purement culturels ayant amené l'homme à s'opposer à la sélection naturelle. Comme il l'écrit lui même en une de ces formulations condensées dont il a le secret : « La sélection naturelle a sélectionné les instincts sociaux, qui à leur tour ont développé les comportements d'assistance aux faibles et favorisé la mise en œuvre de dispositions éthiques, institutionnelles et légales anti-sélectives et anti-éliminatoires1. ».

Depuis quelque temps, toutefois, la redécouverte encore timide, mais néanmoins bien amorcée, de la tradition d'éthique dite évo-lutionniste (ou « évolutionnaire », si l'on tient absolument à copier le terme anglais), c'est-à-dire de l'origine évolutive des conduites morales, conjointement à la parution d'une nouvelle traduction de The Descent of Man dans laquelle la confrontation directe, et en un même volume, du texte de Darwin et des conceptions de Patrick Tort (qui a dirigé et préfacé cette publication) ont toute-fois contribué à susciter un certain nombre d'interrogations dans notre pays. Dès2001, Jean-François Dortier, rédacteur en chef de la revue Sciences Humaines, polémiquait sur « l'introuvable e et

1. La Pensée Hiérarchique et l'Évolution(Paris : Aubier,1983) :42. C'est dans cet ouvrage (p.165-197) que la notion d'e et réversif a été dé nie pour la pre-mière fois dans le chapitre cinq, qui lui est entièrement consacré. On pourra aussi en trouver une dé nition relativement succincte dans leDictionnaire du darwinisme et de l'évolution, (Paris : PUF,1996, I) :1334-35. Sa centralité ne fait aucun doute aux yeux de son auteur, qui y est revenu à de nombreuses reprises dans la perspective d'un projet ouvertement révisionniste attaché à mettre en évidence les contresens et les interprétations biaisées dont la pensée de Darwin a e ectivement souvent été l'objet. Le ton utilisé pour évoquer l'émergence de

« la grande vérité de l'e et réversif » (Misère de la sociobiologie(Paris : PUF,1985) : 125) a fréquemment des relents prophétiques, voire eschatologiques, l'accent étant mis, pour qui veut bien l'entendre, sur le caractère démysti cateur et inau-gural d'une entreprise volontiers décrite comme étant venue consacrer l'avène-ment du Sens et le Grand Soir de l'interprétation en n démysti ée des idées de Darwin.

réversif de l'évolution1». De même, Cédric Grimoult (spécialiste de la réception du darwinisme en France) traitait Patrick Tort d'« idéologue » et il n'hésita pas à se montrer extrêmement cri-tique vis-à-vis d'un concept qui entrerait selon lui « en contradic-tion avec les posicontradic-tions scienti ques les plus incontestables2».

Jusqu'à quel point les conceptions de Darwin peuvent-elles être distinguées de celles de Spencer ou de Galton ? Dans quelle mesure les tenants de formes plus ou moins marquées de « darwi-nisme social », d'eugédarwi-nisme ou d'une raciologie aux prétentions scienti ques peuvent-ils se réclamer de lui ? Le développement de telles conceptions trouva-t-il d'abord sa source dans la crainte d'un Autre intérieur à la société britannique ou dans celle de races humaines qui lui étaient extérieures ? Telles sont les ques-tions auxquelles on voudrait s'intéresser ici a n de ressaisir la genèse de conceptions dont l'impact allait être tellement impor-tant au siècle suivant, en particulier.

1 Di cultés et ambiguïtés du texte deThe Descent of ManUn texte longtemps ignoré ?

On ne s'intéressera pas ici à la pertinence contemporaine des interrogations concernant le rôle de la sélection dans nos sociétés, celle-ci étant plus que jamais redevenue l'objet de débats entre scienti ques. Même si la question est relativement théorique, il ne va pas de soi, en e et, qu'elle ait perdu toute fonction, même de nos jours3, et on s'e orcera simplement de mieux cerner les

posi-1. Sciences Humaines(No119, août-septembre2001) :28.

2. Histoire de l'évolutionnisme contemporain en France,1945-1995(Genève : Droz.

Grimoult, C. (2000) :34.

3. Comme l'écrit André Langaney, si l'homme « parvient à des adaptations écologiques diverses, sans le déploiement de variations anatomiques et

phy-tions que Darwin et de Spencer en adoptant une perspective his-torique. Selon Patrick Tort, les divergences d'interprétation aux-quelles a donné lieu la lecture deThe Descent of Manseraient dues au fait que le texte n'aurait tout simplement pas été lu pendant plus de cent années (cent douze exactement, écrivait-il, en19851).

Or, s'il est vrai que l'on a eu tendance à se réclamer de Darwin

siologiques qu'elles imposent chez les autres espèces [...], il serait complète-ment faux d'en déduire, comme certains l'ont parfois fait, que les humains ont échappé à la sélection naturelle. Il est vrai, bien sûr, que la mortalité infan-tile et les di érences de fécondité des parents, qui en sont des modes d'action essentiels, sont très réduites dans les populations modernes. Mais la mortalité intra-utérine reste très importante, l'infécondité continue d'empêcher certains individus de procréer et, d'autre part, la sélection a conquis d'autres domaines en même temps que les modalités de l'évolution se déplaçaient au niveau du groupe et sur le plan culturel. » (La Philosophie... biologique(Paris, Belin,1999)) En fait, on n'a aucune raison de penser que l'homme pourrait échapper, comme par un coup de baguette magique, à toute forme de logique sélective sous pré-texte que son évolution est devenue de plus en plus culturelle, même s'il est vrai que dans nos sociétés industrielles, les progrès de la médecine et de l'hy-giène n'ont pu qu'en limiter beaucoup l'action et si ses e ets ne sauraient être importants qu'à long terme. De même, on a pu mettre en évidence, y compris dans l'histoire (relativement) récente de l'homme, certains changements cultu-rels qui ont apparemment entraîné, en retour, des adaptations biologiques en permettant à tel ou tel gène de se répandre relativement rapidement dans cer-taines populations. Sur toutes ces questions du lien entre évolution naturelle et culturelle, on pourra lire aussi l'intéressant ouvrage collectif publié par J.-P.

Changeux:Gènes et Culture : Enveloppe génétique et variabilité culturelle(Paris : Odile Jacob,2003) ainsi que le très récent (et premier) numéro des « Grands dos-siers » de la revueSciences Humainessur « L'origine des cultures » de décembre 2005, janvier-février2006.

1. « Un ouvrage majeur de Darwin est resté vierge de toute lecture instruite pendant plus d'un siècle : La descendance de l'homme, de 1871. [...] Ce texte nous apprend qu'à côté, par exemple, d'une anthropologie freudienne et d'une anthropologie marxiste qui sont l'objet d'une reconnaissance de fait dans le champ des études et des programmes anthropologiques, il existe une anthro-pologie darwinienne— à distinguer naturellement de l'anthropologie évolution-niste — qui est demeurée — dois-je dire : paradoxalement ? — sans descen-dance. (Misère de la Sociobiologie(Paris : PUF,1985) :119-120).

indépendamment de toute lecture attentive de ses écrits, ce qui autorise à parler d'une instrumentalisation souvent idéologique-ment motivée de ses idées, une étude un tant soit peu attentive des débats qui eurent lieu à l'époque n'autorise nullement à s'en tenir à une telle thèse.

Même siThe Descent of Manne semble pas, e ectivement, avoir été beaucoup lu durant la majeure partie duxxesiècle et si le texte a souvent été abordé en dehors de tout contexte lorsqu'on a com-mencé à le « redécouvrir », il n'en reste pas moins vrai que lorsque Darwin se décida à s'exprimer sur la question d'une possible application de la théorie de la sélection naturelle à l'homme, onze années après la publication de On the Origin of Species, il répon-dit à la demande de nombreux lecteurs potentiels qui attendaient de connaître ses opinions sur la question de l'application de la sélection naturelle à l'homme, l'ouvrage ayant donné lieu immé-diatement à un grand nombre de débats et de critiques. D'autres intellectuels, en e et, s'étaient déjà exprimés sur ce problème, et les positions de Darwin ne furent nullement ignorées à l'époque, même si la production très importante d'un Spencer, en particu-lier, contribua sans doute à relativiser quelque peu l'impact des écrits de Darwin dans le domaine.

2 De l'importance des sentiments moraux Darwin

Dans un premier temps, l'assimilation des idées de Darwin à l'apologie d'une perpétuelle « lutte » destinée à régir les relations interindividuelles, y compris à un niveau élevé d'organisation sociale, était à bien des égards inéluctable, d'autant que le célèbre naturaliste n'aborda la question de l'application de la sélection

aux sociétés humaines que tardivement. En réalité, il faut être bien conscient qu'envisager le développement d'un altruisme bio-logique, sur lequel étaient venues se gre er, selon Darwin, des conduites à proprement parler morales, n'impliquait pas néces-sairement de rompre avec une logique sélective, à tout le moins avec un processus d'adaptation purement automatique de type génétique, même si un tel mécanisme avait apparemment été mis au service de comportements qui semblent lui être opposés de la manière la plus radicale qui soit1. Or, parce que des conduites d'entraide de type altruiste existent bien à l'état naturel et que l'évolution a de toute évidence travaillé à leur apparition (et donc, à terme, à l'amélioration morale de l'humanité), il était tentant de penser, en vertu d'une logique de la pure et simple continuité, qu'il fallait absolument qu'un processus identique continue à exercer le rôle qui avait été le sien jusqu'alors a n de garantir une amélioration de l'homme dans tous les domaines. Ceci concer-nait particulièrement le domaine éthique et débouchait

potentiel-1. Si paradoxal que cela puisse paraître, d'un point de vue strictement darwi-nien, seule l'action continue de la sélection naturelle était susceptible de rendre compte du développement des instincts sociaux, même si le mécanisme exact qui avait permis un tel phénomène était pour le moins mystérieux, de l'aveu à peine voilé de Darwin lui-même. (Voir The Descent of Man, V, 3 (Les réfé-rences àThe Descent of Man(DM) seront faites par la suite dans l'édition qui peut être consultée en ligne à l'adresse suivante :www.infidels.org/library/

historical/charles_darwin/descent_of_man.html). Darwin fut tenté d'envi-sager une « sélection de groupe », mais cela ne résolvait pas le problème des modalités exactes du développement et du maintien de conduites de ce typeà l'intérieurdu groupe. Quant à ce que l'on appelle aujourd'hui « altruisme réci-proque », à savoir l'idée selon laquelle les individus les plus enclins à aider autrui parce qu'ils sont capables d'anticiper leur aide en retour acquièrent un avantage sélectif, on le trouve seulement bien chez Darwin aussi, mais pour expliquer des conduites impliquant déjà un niveau relativement élevé d'intelli-gence.

lement sur des perspectives eugénistes visant à accélérer un tel mécanisme et à lui redonner la place centrale qu'il semblait avoir perdue. C'est ce qui explique qu'en matière de politique sociale,

lement sur des perspectives eugénistes visant à accélérer un tel mécanisme et à lui redonner la place centrale qu'il semblait avoir perdue. C'est ce qui explique qu'en matière de politique sociale,

Dans le document Science et race (Page 26-92)

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