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PARTIE 2 CADRE THÉORIQUE

5.3 Quelques points de vue théoriques

Le Dictionnaire de DFLES45 (2003 :190-191) décrit deux modes de différenciation

possibles : soit « différencier dans le temps les démarches d’apprentissage », soit « différencier d’emblée les activités dans la classe en fonction du profil de chacun (différenciation simultanée)». Dans le premier cas, on varie les outils et les supports, ou bien on organise des modes de travail distincts (travail individuel, en binôme, en groupe) ou encore, on propose différents modes de traitement de l’information. Dans le second cas, on forme des groupes selon le profil des apprenants, en fonction de leurs besoins ; on organise des activités pour chaque groupe de besoin ou on propose une même tâche à tous mais avec des réalisations partielles en fonction des besoins de chaque groupe.

Mais dans tous les cas, la pédagogie différenciée ne consiste ni dans la recherche de réponses appropriées aux cas de chacun (enseignement individualisé, apprentissage en autonomie), ni dans la constitution de classes de niveaux.

On constitue, à l’intérieur du groupe-classe, des groupes de besoin, dont la nature, la taille et les objectifs pourront varier tout au long de la session d’apprentissage.

[…] C’est une démarche pédagogique qui prend place à l’intérieur de choix méthodologiques plus généraux, et qui permet d’apporter une réponse à l’hétérogénéité des élèves.

Cependant, cette pédagogie différenciée ne doit pas gommer la dynamique de groupe-classe, d’autant que c’est ici la langue qui le fédère et justifie son existence. On peut s’appuyer sur cet élément fondateur pour consolider l’ensemble du groupe-classe à travers les séquences et les projets menés en L3.

5.3.1 Une adaptation permanente

Contrairement aux idées reçues, la pédagogie différenciée n’est pas une évidence ou une attitude naturelle.D’après Puren (2001 : 64-66), il ne peut y avoir de « modèle » de classe différenciée puisque, par nature, il s’agit d’une adaptation aux caractéristiques du groupe en présence (d’où l’importance de la continuité dans le suivi des groupes sur un cycle comme c’est souvent le cas à l’EEB2).L’auteur met en valeur un élément essentiel à ses yeux chez les enseignants, source de réussite dans la mise en place de la différenciation en classe : la capacité de « s’adapter à l’imprévu parce qu’ils ont intégré l’imprévisibilité dans leurs programmes et leurs pratiques ».

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Puren (2001 : 1) fait une distinction entre « variation » et « différenciation » d’après les observations menées pour le programme européen LINGUA-A.

La « variation » : il y a dans ce cas « diversification de tâches d’apprentissage successives dans un ou plusieurs domaines possibles, mais tous les élèves, individuellement, en groupes, ou collectivement, réalisent chacune d’elles en même temps ou du moins dans le même ordre.

La « différenciation » proprement dite : les élèves, individuellement ou en groupes, réalisent à un moment donné des tâches différentes.

Quant à Philippe Meirieu, il utilise les termes de « différenciation successive » et de « différenciation simultanée46 ». Si Puren a choisi de marquer cette distinction, c’est parce que dans la pratique, ce qu’il appelle « différenciation » entraîne un changement fondamental dans les pratiques de classe en se centrant davantage sur l’élève et donc en sélectionnant les « critères de différenciation ». Mais bien entendu, variation et différenciation ont toutes deux leur place car une fois de plus, il ne s’agit pas d’ignorer ou de négliger la dynamique de groupe mais de proposer des chemins différents d’acquisition du socle commun. Socle commun que l’élaboration du référentiel a essayé de définir.

5.3.2 Les différences, un problème ?

Comme le souligne Puren, l’hétérogénéité est souvent perçue en France comme un problème. Il propose de changer de point de vue en adoptant celui de différences emplies de richesses à exploiter. L’hétérogénéité des groupes de L3 est une donnée incontournable et l’enseignant, tel un balancier d’horloge, doit sans cesse trouver l’équilibre entre le contournement des contraintes et l’utilisation des richesses des différents apprenants. L’arrière-plan culturel joue un rôle essentiel, ne serait-ce que par le parcours scolaire suivi par les enseignants eux-mêmes ainsi que leur formation initiale puis leurs expériences professionnelles. On réalise combien les enseignants sont conditionnés par un mode de fonctionnement scolaire acquis et canalisé par les institutions. Selon le pays où l’enseignant s’est formé, l’idée de « pédagogie différenciée » pourra lui paraître une utopie, une réalité ponctuelle ou une évidence. On retrouve également ces diverses approches pour le domaine de l’évaluation. Le fait que diverses nationalités se côtoient à l’EEB2 servirait de véritable tremplin pour la mutualisation de pratiques dans le domaine ; pour cela, il semble véritablement indispensable de prévoir des périodes d’échanges et de formation pour les enseignants. C’est tout le système, voire le curriculum qui se trouve

46 In C. Puren (2001d.) Pédagogie différenciée en classe de langue. Les Cahiers pédagogiques n°399, déc.

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questionné. Mais cela révèle aussi que l’on se place ici du côté de l’enseignant. Or, l’un des objectifs majeurs du CECRL est la centration sur l’apprenant afin qu’il gagne en autonomie.

5.3.3 Développer l’autoévaluation et l’autonomie de l’apprenant

C’est dans cet esprit que Joseph Stordeur partage sa réflexion sur la différenciation dans un écrit intitulé « Notre représentation prioritaire de la différence oriente nos pratiques » paru à la fin de l’ouvrage La rage de faire apprendre de L. Guillaume et J.F. Manil (2006 : 187-195). Développer et encourager l’autoévaluation et l’autonomie de l’élève dans ses apprentissages, telle est la proposition de Stordeur face à l’hétérogénéité des groupes. Il pointe 3 tendances majeures dans le traitement de l’hétérogénéité des groupes. Évoquant les différences, voici ce qu’il en dit 47 :

Soit on les gomme, c’est-à-dire que l’on agit comme si elles n’existaient pas. L’individu et ses

différences ne sont pas premiers. On s’occupe de la matière à transmettre et chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il est. De toute façon, ces différences sont considérées comme peu modifiables par l’école. […]

Soit on les valorise, c’est-à-dire que les différences sont mises en avant comme des caractéristiques singulières à chaque individu. […] C’est une manière de développer l’individualisme. Chacun met ses différences en avant pour se positionner face aux autres. […] cette attitude est bien plus dangereuse que la précédente, parce qu’elle permet encore moins à un enfant de sortir des premières caractéristiques développées par le hasard des rencontres de sa vie.

Soit on les utilise (droit) pour les changer (devoir). Les différences sont considérées comme des faits à un moment donné, résultats de rencontres aléatoires entres les bases génétiques et les sollicitations environnementales. […] Dans cette vision, on croit à l’éducabilité de tous. […]

Dans sa troisième proposition, il recommande la formation de groupes de besoin dans un temps limité afin de « se donner les meilleures conditions pour fournir aux apprenants les situations, les contraintes et les ressources les plus pertinentes pour leur permettre de s’approprier la nouvelle compétence. » Cela permet aux apprenants de cibler l’objectif d’apprentissage, de progresser à leur rythme, de ne pas craindre l’erreur. L’enseignant, quant à lui, doit faire preuve d’une bonne connaissance de chaque élève et réaliser des « grilles d’observation de compétences en construction ». Il valorise les échanges au sein des groupes de besoin mais également lors du regroupement des apprenants à travers la résolution de tâches complexes. Les différentes approches de résolution s’expriment à travers des conflits socio-cognitifs, ce qu’il appelle la « différentiation de fonctionnement », permettant à chacun d’avancer dans la maîtrise de la compétence travaillée. Stordeur constate que le travail en cycle est propice à ce genre de démarche et qu’à cet effet, il est nécessaire de maîtriser les différents aspects des

47 J. Stordeur in La rage de faire apprendre, de la remédiation à la différenciation de L. Guillaume et J.F.

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compétences du programme établi et de développer le travail en équipe pédagogique. Ainsi, à la fin du cycle, on pourra « contrôler chez tous l’acquisition d’une performance minimum identique, indépendamment du rythme d’acquisition. »

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