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PARTIE I : THEORIE

III) Connaissances récentes sur l’imitation

4) Quelques items psychomoteurs impliqués dans l’imitation

par l’enfant de son corps et de son individualité. De plus, l’imitation immédiate permet un échange infra-verbal, postural et émotionnel. Bien que l’imitation permette d’aborder de nombreux items psychomoteurs, ses liens avec la représentation corporelle et le dialogue tonico-émotionnel me semblent prégnants, j’ai donc choisi de définir spécifiquement ces items. Leurs définitions permettront, en outre, une meilleure compréhension des cas cliniques.

a) La représentation du corps

La représentation du corps s’élabore à partir d’expériences sensori-motrices. Elle nécessite une connaissance des différents membres du corps en relation entre eux et dans l’espace. De plus, elle prend en compte la perception subjective que chacun a de son corps en relation ainsi que les enjeux narcissiques liés aux expériences relationnelles vécues tout au long de la vie ou aux comparaisons face à des critères physiques sociétaux. Elle est donc personnelle et relativement inconsciente. Plusieurs concepts en précisent ses composants.

La représentation du corps s’élabore sur un triptyque indissociable :

- Le schéma corporel qui selon Ajuriaguerra s’édifie sur la base des impressions tactiles, kinesthésiques, labyrinthiques, visuelles. Le schéma corporel réalise, dans une construction active constamment remaniée des données actuelles et du passé, la synthèse dynamique qui fournit à nos actes comme à nos perceptions le cadre spatial de référence où ils prennent leur signification.

- L’image du corps, étant pour Schilder la synthèse d’un modèle postural du corps, d’une structure libidinale et d’une image sociale. Jaques Lacan attribue aussi à l’image du corps, en tant que représentation spéculaire, le rôle le plus important dans la genèse de la personnalité (le stade du miroir). Il s’agit de l’image en tant que miroir permettant une identification qui est un support à l’unification.

- L’aspect phénoménologique du corps propose le corps comme être au monde, le corps est entièrement orienté dans une situation qui polarise toutes les actions (Reinalter Ponsin, 2015, p. 228).

À partir des théories des différents auteurs, des découvertes de la neurophysiologie et de ses observations psychomotrices, E. W. Pireyre propose la théorie de l’image composite du

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corps. Il cherche à relier le psychisme et la sensibilité somato-viscérale en décomposant l’image du corps en plusieurs éléments.

Ces éléments sont :

- la continuité d’existence (l’image de base de Dolto) ; - l’identité (l’image fonctionnelle) ;

- l’identité sexuée (l’image érogène) ; - la peau ;

- la sensibilité somato-viscérale ; - le tonus ;

- l’intérieur du corps ;

- les capacités communicationnelles du corps ;

- les angoisses corporelles archaïques (Pireyre, 2015a, p. 245).

b) Le dialogue tonico-émotionnel

Le tonus est défini par M. Jover comme :

un état de légère tension musculaire au repos, résultant d’une stimulation continue réflexe de leur nerf moteur. Cette contraction isométrique (la tension augmente mais pas la longueur du muscle) est permanente et involontaire. Elle fixe les articulations dans une position déterminée et n’est génératrice, ni de mouvement, ni de déplacement. Le tonus maintient les stations, les postures et les attitudes. Il est la toile de fond des activités motrices et posturales (Jover, 2000, p. 17).

Le tonus est donc une contraction perpétuelle réflexe de la musculature qui permet un ajustement postural et la préparation du mouvement.

À cette régulation neurophysiologique, H. Wallon ajoute que le tonus est lié aux affects et en est le support : « les émotions sont une formation d’origine posturale et elles ont pour étoffe le tonus musculaire » (Wallon, 1954, p. 174). Grâce à la maturation neurologique mais aussi grâce aux soins qu’il reçoit, l’enfant va peu à peu parvenir à trouver un équilibre tonique : « les deux pôles extrêmes trop dur ou trop mou mettent mal à l’aise. C’est dans un juste milieu tonique, entre hypo et hypertension, que l’humain trouve son équilibre sensoriel et affectif et une certaine sérénité » (Robert-Ouvray et Servant Laval, 2015, p. 177). Le tonus varie en fonction des émotions, de l’environnement, des besoins physiques et affectifs ou au contraire de l’état de bien-être de la personne. Observer l’état tonique d’une personne donne des informations sur ses émotions. Cette intrication entre tonus et émotion est essentielle dans le mode de communication du bébé. Lorsque le petit ressent des sensations

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désagréables son tonus augmente, il s’agite jusqu’aux pleurs et à l’arc-boutement, le parent vient répondre à ses besoins. Au contraire lorsqu’il est apaisé, il se détend par un relâchement tonique et son parent se détend aussi. J. de Ajuriaguerra nomme ces deux pôles « hypertonie d’appel » et « hypotonie de satisfaction ». Il développe la notion de « dialogue tonique » à partir des travaux de Wallon :

la préoccupation constante de Wallon a été de bien montrer l’importance de la fusion affective primitive dans tous les développements ultérieurs du sujet, fusion qui s’exprime au travers des phénomènes moteurs dans un dialogue qui est le prélude au dialogue verbal ultérieur et que nous avons appelé le dialogue tonique. Ce dialogue tonique qui jette le sujet dans la communication affective ne peut avoir comme instrument à sa mesure qu’un instrument total : le Corps (Ajuriaguerra (de), 1962, p. 171).

J. de Ajuriaguerra expose le dialogue tonique comme le « processus d’assimilation et surtout d’accommodation, entre le corps de la mère et le corps de l’enfant » (1985, p. 272). Dans l’interaction parent-enfant et particulièrement dans le portage, le niveau tonique de l’un se transmet à l’autre, qui y répond par une régulation de son propre état tonique de façon principalement inconsciente.

La notion de dialogue tonique devient donc pour les psychomotriciens celle de dialogue tonico-émotionnel comme un mode de relation infra-verbal qui permet de ressentir en soi les affects de l’autre et de lui transmettre en même temps notre propre état tonique et émotionnel. Une régulation se crée entre les deux partenaires, chacun communiquant un peu de son état et s’adaptant à celui de l’autre. Le dialogue tonico-émotionnel participe ainsi à la construction psychoaffective et relationnelle du sujet.

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